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Commissioner’s Decision #1280

Décision du Commissaire #1280

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPIC : O

SUJECT : O

 

 

 

 

 

 

Application No : 2,286,794

Demande n° : 2,286,794

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

                             SOMMAIRE DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

 

 

                                      D.C.1280 Demande no 2,286,794

 

Caractère évident

 

          L’examinateur a rejeté la demande, estimant que l’invention revendiquée était évidente à la date de la revendication en raison de l’antériorité invoquée qui comprenait un brevet canadien, un brevet américain et une demande de brevet français. La Commission a souscrit à la décision et le commissaire a rejeté la demande.  Le demandeur a interjeté appel à la Cour fédérale, soulevant devant elle de nouveaux éléments de preuve et arguments.  La Cour a ordonné le renvoi de l’affaire au commissaire pour qu’il examine de nouveau la question du caractère évident à la lumière des nouveaux éléments de preuve soumis en appel, des nouvelles observations écrites du demandeur et du dossier dont il avait déjà été saisi.  Par suite de ce nouvel examen, la Commission a conclu de nouveau que le demandeur revendiquait une invention qui était évidente.  Le commissaire aux brevets a donc encore une fois rejeté la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

La demande de brevet numéro 2,286,794 a été rejetée par le commissaire en vertu de l’article 40 de la Loi sur les brevets (voir (2006) D.C. no 1264 (C.A.B. et commissaire aux brevets), Demande de brevet Blair n° 2,286,794, 48 C.P.R. (4th) 90). Le demandeur a interjeté appel à la Cour fédérale en application de l’article 41 de la Loi sur les brevets.  À la lumière des nouveaux éléments de preuve et arguments soumis par le demandeur, la Cour fédérale a ordonné que la demande soit renvoyée au commissaire afin qu’il examine de nouveau la question du caractère évident à la lumière des nouveaux éléments de preuve soumis en appel, des nouvelles observations écrites du demandeur et du dossier dont il avait déjà été saisi. La Commission d’appel des brevets et le commissaire aux brevets ont réexaminé la question.  Voici leurs conclusions :

 

 

         

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur

 

LANG MICHENER LLP   

Place Brookfield

181, rue Bay, bureau 2500

TORONTO (Ontario)

 M5J 2T7


A. Introduction

         


[1]      La présente décision fait suite   une ordonnance de la Cour fédérale (Scott Blair c. Procureur général du Canada et al., dossier no T-1176-06, 10 juillet 2007) portant annulation de la décision du commissaire en date du 13 janvier 2006 quant   la question du caract re évident, et réexamen par le commissaire de ladite question   la lumi re des nouveaux éléments de preuve soumis en appel, des nouvelles observations écrites du demandeur et du dossier dont il avait déj  été saisi.


                            

B. Contexte

         

[2]      L’invention porte sur l’incorporation d’un syst me de présentation vidéo dans une voiture de métro. La voiture de métro comprend plusieurs terminaux vidéo installés pr s du plafond, qui peuvent servir   la présentation de messages télévisés d’intér t public, ainsi qu’un syst me de divertissement et de publicité. Le syst me présente aux usagers du métro des séquences télévisuelles de divertissement et de publicité, d’une durée adaptée   un parcours typique relativement court. La figure 2 illustre l’invention divulguée.

                                               

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[3]      La revendication indépendante 1 est ainsi rédigée :

 

[traduction] 1.  Voiture de métro pour transport en commun comprenant des murs opposés longitudinaux, un plafond reliant ces murs, un système de présentation vidéo formé de plusieurs moniteurs vidéo dotés chacun d’un écran vidéo, et une source de signaux vidéo raccordée pour fonctionner avec lesdits moniteurs. Les moniteurs sont disposés sur toute la longueur t de part et d’autre de la voiture et chacun d’eux est installé à la jonction entre la paroi latérale et le plafond, de sorte que l’écran se trouve à peu près au niveau de la structure de surface du mur adjacent de la voiture, orienté en oblique vers les sièges de la voiture, pour que les passagers à bord de la voiture de métro puissent facilement voir chaque écran vidéo.

 

 



 

-2-

C. Chronologie des événements

                                     


[4]      La demande de brevet numéro 2,286,794 a été déposée le 6 mai 1998 et s’intitule « SYSTÈME DE TÉLÉVISION POUR MÉTRO » (« SUBWAY TV MEDIA SYSTEM »).  Scott Blair est à la fois le demandeur et l’inventeur.  L’examinateur saisi de la demande a rendu sa décision finale le 21 octobre 2002, rejetant les revendications 1 à 16 en raison du brevet américain 5,606,154 octroyé à Doigan et al. et des connaissances courantes relatives à la technique, illustrées par le brevet français 2,652,701 accordé à Comerzan-Sorin et par le brevet canadien 1,316,253 détenu par Tagawa et al. Dans sa décision finale, l’examinateur affirme notamment ce qui suit :

 

[traduction] Des voitures de métro utilisées pour le transport en commun ont été divulguées par Doigan et al., sous l’appellation de « système léger sur rail de transport horizontal de passagers ». Les trois antériorités décrivent une source de signaux vidéo raccordée au moniteur. Tout comme les écrans vidéo couramment utilisés dans les bars, il est évident que les moniteurs sont installés à l’intersection du mur et du plafond et qu’ils sont orientés en direction du public.

 

Les revendications subordonnées n’ajoutent aucun objet brevetable, et les revendications 1 à 16 ne satisfont donc pas au paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets, car l’objet que définissent ces revendications aurait été évident à la date de la revendication, eu égard à Doigan et al. ainsi qu’aux connaissances courantes relatives aux moniteurs multiples à bord des voitures de transport de passagers, révélées par Comerzan-Sorin ou Tagawa et al.

 

[5]      Dans sa réponse du 17 avril 2003, le demandeur a annulé les revendications 1 à 16 et les a remplacées par les revendications 1 à 11, les revendications 1 à 6 ayant trait à la combinaison de la voiture de métro et du système de présentation vidéo, et les revendications 7 à 11 ayant trait au système de présentation vidéo, plus particulièrement à la diffusion de séquences télévisées aux passagers d’une voiture de métro. Dans sa réponse, le demandeur a notamment précisé ce qui suit :

 

[traduction] L’accent porte particulièrement sur une caractéristique de la revendication 1, qui précise que l’écran du moniteur se trouve [traduction] « à peu près au niveau de la structure de surface du mur adjacent de la voiture», caractéristique qui ne se retrouve dans aucune des antériorités invoquées et qui est inventive, non évidente et spécialement adaptée à l’utilisation des systèmes vidéo dans une voiture de métro, où l’espace est limité et où les écrans doivent être installés non seulement là où tous les passagers peuvent facilement le voir (caractéristique également incluse dans les revendications), mais aussi de façon à ne pas bloquer les fenêtres, les portes et les sorties tout en s’intégrant à l’ensemble du décor intérieur de la voiture.

Une autre caractéristique inventive est incorporée à la revendication 5 (elle-même subordonnée à la revendication 1 et contenant donc toutes les caractéristiques de la revendication 1), nommément une unité transparente rigide recouvrant l’écran de chaque moniteur et dont la forme coïncide avec celle du mur interne de la voiture de métro. Aucune caractéristique semblable ne se retrouve dans l’une ou l’autre des antériorités invoquées. Son importance est examinée dans la communication de la demande, page 7, lignes 17 à 30. Cette caractéristique permet de donner à l’écran du moniteur une forme concave qui s’intègre de façon continue aux murs des voitures de métro, comme le précise par ailleurs la revendication 6. Respectueusement, le demandeur ne partage pas l’avis de l’examinateur, selon lequel l’antériorité Doigan et al., brevet américain 5,606,154, constitue une divulgation relative à des voitures de métro. L’expression mise de l’avant par l’examinateur, « système léger sur rail de transport horizontal de passagers » ne s’applique pas aux voitures de métro. Les systèmes légers sur rail de transport horizontal de passagers servent au transport de surface. Si Doigan et al. avait voulu que les voitures de métro soient visées par ses installations, il l’aurait clairement indiqué. Doigan prévoit installer son système dans des navettes à déplacement par câbles, à moteur à induction linéaire, ou autre dans l’extrait pertinent, colonne 2, lignes 55 et 66, et s’il avait voulu appliquer son invention aux voitures de métro, il l’aurait sûrement précisé dans ce passage, en les mentionnant expressément. Les systèmes légers sur rail de transport horizontal de passagers circulent en surface, sur des rails élevés. Ce n’est absolument pas le cas des voitures de métro.

.......

Ainsi, non seulement l’antériorité invoquée ne renferme-t-elle aucun élément démontrant que l’incorporation d’un système de télévision dans des voitures de métro a déjà été envisagée, mais en plus les revendications se limitent clairement aux caractéristiques spéciales qui remédient les problèmes de structure et d’installation que posent les systèmes destinés aux voitures de métro. L’inventeur a eu l’idée novatrice d’installer ces systèmes à des métros, tout en résolvant les problèmes techniques et esthétiques liés à cette installation, le tout d’une manière non évidente.

                   .......

Toujours sur la question de l’évidence, nous rappelons respectueusement à l’examinateur l’opinion d’expert, présentée sous la forme d’affidavits et de déclarations dans le cadre de la poursuite internationale, et versée au dossier. Selon cette opinion, l’invention divulguée dans la présente demande n’est pas évidente.

         

[6]      Durant la téléconférence, le demandeur a indiqué que les revendications 7 à 11, déposées le 17 avril 2003 en réponse à la décision finale, ne devaient pas être prises en compte.

 

[7]      Après un examen de l’accusation et des points soulevés à l’audience, la Commission a conclu que les revendications étaient évidentes et a recommandé que le commissaire appuie le rejet de la demande.  Dans cette décision, la Commission a statué comme suit sur la question de l’évidence :

                  

Au cours de la téléconférence, le demandeur a souligné deux aspects qui, selon lui, devaient être pris en compte dans l’évaluation de la nature inventive des revendications.

 

1) Était-il évident d’incorporer aux voitures de métro des systèmes de télévision pour le divertissement et la publicité?

2) La façon particulière dont cela a été fait était-elle évidente?

 

 

...

 

D’après l’information présentée dans Doigan et al., il est évident qu’on envisageait clairement d’incorporer des systèmes de télévision pour le divertissement et la publicité, sous la forme d’annonces ou d’autres messages vidéo, dans un environnement de type wagon sur rails. Le demandeur a fait valoir que les « systèmes légers sur rail de transport horizontal de passagers » ne visent pas les voitures de métro et qu’ils désignent plutôt des systèmes de transport de surface circulant sur rails élevés. Or, la Commission ne saurait accepter cette interprétation. Les systèmes de métro sont effectivement des systèmes légers sur rail, et il arrive souvent que les rames roulent en surface et sous terre pour parcourir le trajet qui leur est assigné. Par conséquent, à la première question, il faut répondre qu’il est évident d’incorporer aux voitures de métro des systèmes de télévision pour le divertissement et la publicité.

 

Quant à la seconde question, à savoir si la façon particulière dont l’incorporation s’est effectuée était évidente, la Commission se penchera d’abord sur l’antériorité Doigan et al. L’antériorité Doigan et al. laisse l’installation particulière du système de présentation vidéo à la compétence de la personne versée dans l’art. Cette personne doit, à ce qu’il semble, déterminer la nature exacte du système, l’endroit où il doit être installé dans la « navette » et la façon dont il doit être installé. Certaines lignes directrices sont fournies, par exemple à la col. 1, lignes 53 à 55 :

 

[traduction] Selon la présente invention, un message est sélectionné ... et est présenté pour qu’il soit visible par les passagers (dans la voiture ou à un point d’arrêt).

 

Il semble donc que la personne versée dans l’art doive effectuer toute adaptation mineure nécessaire au bon fonctionnement du système de présentation vidéo à un certain égard (système de montage, mise en place, câblage, etc.). Apparemment, cela s’appliquerait à tout système de présentation qu’un technicien doit installer à un endroit particulier. Il n’apparaît pas que le technicien doive faire preuve d’un esprit inventif pour déterminer le meilleur lieu de montage des éléments (haut-parleurs, moniteurs, etc.) ou pour établir la façon appropriée d’acheminer les câbles. Ces décisions font appel aux connaissances courantes et au bon jugement des techniciens.

 

Dans le cas de l’antériorité Comerzan-Sorin, le document contient une divulgation relative à un réseau vidéo câblé international, commandé par ordinateur et comprenant plusieurs moniteurs de télévision qui doivent être installés à bord d’avions, de trains, de voitures, de bateaux, etc. Les moniteurs doivent présenter de l’information en circuit fermé sur chaque endroit, ainsi que des émissions de divertissement sous la forme de films, de commerciaux, de bulletins météorologiques, etc. Les émissions doivent être reçues de satellites ou provenir de vidéocassettes ou de vidéodisques préenregistrés. Les moniteurs de télévision peuvent, par exemple, être munis d’un tube cathodique ou d’un afficheur à cristaux liquides. Cette invention a pour objet de doter chaque passager d’un moniteur à commande individuelle et d’installer un moniteur central à grand écran permettant une présentation générale. Pour ce qui est des moniteurs individuels, diverses positions de montage sont spécifiées autour des passagers, soit sur l’appui-bras, sur un support fixé au plancher ou à l’arrière des sièges. Encore une fois, cette antériorité laisse le montage particulier du moniteur et l’installation du système à la compétence d’une personne versée dans l’art, car l’utilisation de tels systèmes vidéo répartis semble aller de soi. Le système devrait être adapté à chaque moyen de transport (trains, avions, voitures, bateaux, etc.).

 

Quant à l’antériorité Tagawa et al., le document renferme une divulgation relative à un appareil d’émission d’un certain nombre de signaux vidéo et audio en parallèle vers chacun des terminaux éloignés pouvant se trouver à l’emplacement ou à proximité d’un siège de passager à bord d’un véhicule de passagers comme un aéronef, un train, un autobus, etc. Cette antériorité s’apparente à l’antériorité Comerzan-Sorin, car elle porte sur l’installation, à chaque position de passager, d’un appareil de télévision recevant ses signaux vidéo et audio en provenance d’un point central. Dans ce cas, l’invention s’applique plus particulièrement aux déplacements sur de grandes distances et, à bord d’un avion, les terminaux s’installent de préférence à l’arrière d’un certain nombre de sièges de passager. Un terminal peut comprendre un tube cathodique plat, un afficheur à cristaux liquides (LCD) ou l’équivalent, et l’utilisateur peut sélectionner l’information qu’il veut obtenir. Cette antériorité s’attache particulièrement au système de transmission et aux éléments qui entrent en jeu dans la sélection des émissions par l’utilisateur. À nouveau, certaines lignes directrices sont fournies au sujet des positions de montage particulières, mais il revient généralement à la personne versée dans l’art d’en déterminer la nature exacte.

 

D’après les antériorités susmentionnées, il apparaît clair que les auteurs ne jugent pas important pour leurs concepts inventifs de préciser le système de montage exact de leurs terminaux de présentation. Il revient à la personne versée dans l’art de le déterminer. L’antériorité Doigan et al. ne renferme aucune déclaration particulière sur le montage et indique simplement que l’appareil est positionné [traduction] « pour qu’il soit visible par les passagers ». Les antériorités Comerzan-Sorin et Tagawa et al. s’attachent plus, l’une et l’autre, aux longues durées de déplacement que Doigan et al. et traitent particulièrement des situations où les passagers occupent tous une place prédéterminée et peuvent donc disposer d’un écran individuel ainsi que d’une certaine capacité de commande de la présentation, même si ces antériorités font effectivement mention de plusieurs modes de transport pouvant exiger une plus large adaptation. Dans ces deux antériorités, tout comme dans Doigan et al., il revient toutefois à la personne versée dans l’art de déterminer la nature exacte du montage des moniteurs ainsi que l’emplacement des moyens de production et de transmission des signaux.

 

La Commission doit maintenant examiner les revendications 1 à 6 pour déterminer si l’arrangement de montage précis revendiqué par le demandeur comporte une étape inventive eu égard à l’état de la technique exposé et aux connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art. En ce qui a trait à la revendication 1, outre les caractéristiques connues de la voiture de métro, il est revendiqué que les moniteurs sont installés :

                             [traduction]

à la jonction entre la paroi latérale et le plafond, leur écran se trouvant à peu près au niveau de la structure de surface du mur adjacent de la voiture, orienté en oblique vers les sièges de la voiture, pour que les passagers à bord de la voiture de métro puissent facilement voir chaque écran vidéo.

 

Tel que susmentionné, il a été proposé dans Doigan et al. d’installer les systèmes de présentation vidéo à bord de navettes, par exemple dans des systèmes légers sur rail. Pour obtenir une réalisation de cet ordre, la personne versée dans l’art devrait nécessairement déterminer l’emplacement de montage approprié. Pour ce qui est de la première caractéristique, soit « à la jonction entre la paroi latérale et le plafond », comme en témoignera quiconque a déjà voyagé à bord d’un métro ou d’un autobus urbain, l’endroit habituel d’affichage des annonces se situe, en fait, à la jonction entre la paroi latérale et le plafond, ce qu’a aussi attesté le demandeur à la p. 10, lignes 19 à 21 de la demande en question. Il s’agit donc de l’emplacement logique, peut-être en fait le seul emplacement disponible, où la personne versée dans l’art pourrait installer l’écran vidéo. La deuxième caractéristique, « leur écran se trouvant à peu près au niveau de la structure de surface du mur adjacent de la voiture », semble destinée à des fins esthétiques. En ce qui a trait à la dernière caractéristique, c’est-à-dire que l’écran est « orienté en oblique vers les sièges de la voiture, pour que les passagers à bord de la voiture de métro puissent facilement voir chaque écran vidéo », cette idée découle de l’installation des écrans à la jonction du mur et du plafond et du principe de Doigan et al. qui consiste à installer les écrans [traduction] « pour qu’ils soient visibles par les passagers ». Par conséquent, la Commission conclut que la combinaison des caractéristiques de la revendication 1 ne constitue pas une invention et que la personne versée dans l’art ne devrait surmonter aucune difficulté importante pour mettre en pratique l’idée d’installer des écrans vidéo dans des voitures de métro. Elle n’aurait qu’à faire appel à ses connaissances courantes et à se laisser guider par les lignes directrices générales découlant de l’état de la technique.

 

Quant à elles, les revendications 2 et 3 indiquent simplement les éléments particuliers du système de présentation vidéo qui, selon la divulgation du demandeur, sont d’usage courant. Les antériorités invoquées en donnent également une illustration.

 

Dans la revendication 4, [traduction] « un système de câblage autonome » semblerait, eu égard à l’antériorité, s’appliquer à n’importe quel système de présentation vidéo du même genre.

 

Dans les revendications 5 et 6, il est mentionné qu’une unité transparente rigide recouvre les écrans et que sa forme coïncide avec celle du mur interne de la voiture de métro, la revendication 6 précisant que cette forme est effectivement concave. En premier lieu, une unité transparente rigide recouvrant un écran ne semble rien de plus qu’un dispositif de protection. La Commission est d’avis que l’installation d’un dispositif de protection sur un écran vidéo dans un métro, un autobus ou un véhicule semblable représente simplement une mesure de prudence que la personne versée dans l’art serait forcée d’envisager, compte tenu des risques évidents de dommages que pourraient occasionner les usagers du système de métro. On peut difficilement imaginer qu’un élément matériel aussi fragile puisse être installé dans un tel environnement sans une certaine forme de protection.

 

Il est également à souligner que le demandeur a déposé, à l’appui de ses arguments, plusieurs affidavits provenant d’experts dans le domaine du transport en commun. Ces déclarations ne sont pas convaincantes et semblent uniquement indiquer que ces experts ne connaissent pas de système semblable à celui des revendications en question. L’examinateur ne s’est toutefois pas penché sur l’aspect de la nouveauté. Dans la situation actuelle, il s’agit plutôt de déterminer si l’invention revendiquée aurait été évidente pour la personne versée dans l’art, compte tenu de ses connaissances générales courantes et de l’état de la technique.

 

En raison de ce qui précède, la Commission est d’avis qu’il était évident, à la date de la revendication, d’incorporer aux voitures de métro des systèmes de télévision pour le divertissement et la publicité et que la façon précise de le faire aurait été évidente pour la personne versée dans l’art qui n’aurait pas fait preuve d’imagination.

 

[8]      Le commissaire a souscrit à l’avis de la Commission et refusé la demande en application de l’article 40 de la Loi sur les brevets.

 

[9]      Le demandeur a interjeté appel à la Cour fédérale en application de l’article 41 de la Loi sur les brevets, soulevant devant elle de nouveaux éléments de preuve et arguments. La Cour a ensuite rendu son ordonnance portant renvoi de la demande au commissaire.  En voici un extrait :

 

1. La décision du commissaire aux brevets, rendue le 13 janvier 2006, est annulée quant à la question de l’évidence.

 

2. L’affaire est par la présente renvoyée au commissaire aux brevets pour qu’il réexamine la question de l’évidence à la lumière des nouveaux éléments de preuve soumis dans le cadre du présent appel, des nouvelles observations écrites que l’appelant pourrait vouloir formuler et du dossier dont le commissaire a déjà été saisi.

 

[10]    Le 16 août 2007, le demandeur a présenté par écrit au commissaire ses arguments juridiques (ci-après les « arguments » ou « arguments du demandeur »), y compris les nouveaux éléments de preuve et arguments présentés à la Cour.

 

[11]    Le demandeur a demandé que le commissaire procède à un nouvel examen en tenant compte des arguments, sans autre audience devant la Commission.

                                     

D. Les arguments présentés par le demandeur au commissaire

 

[12]    Dans ses arguments, le demandeur traite des antériorités susmentionnées, des facteurs secondaires, des avantages par rapport aux antériorités, de la preuve d’expert et de l’importance du brevet américain correspondant détenu par le demandeur.

 

1. Les antériorités

                            

[13]    S’agissant de l’antériorité Doigan, le demandeur dit ce qui suit, à la page 4 et ss. :

 

9. Doigan ne vise pas un système de présentation vidéo à bord d’un métro, ni son emplacement à bord d’une voiture de métro. Un examen des figures de Doigan ne révèle que les diagrammes de fonctionnement reliés à la sélection et au visionnement de publicités d’une durée appropriée. Doigan ne révèle rien sur l’emplacement, les caractéristiques et la méthode de configuration des écrans vidéo en général, et certainement pas en ce qui concerne leur emplacement à bord des voitures de métro servant au transport en commun.

 

...

 

...il faut noter que Doigan définissait les navettes [traduction] « comme celles qui servent au transport de personnes aux aéroports et aux universités ». Les métros ne servent pas « au transport de personnes aux aéroports et aux universités »; ils comportent des arrêts fixes et ne peuvent répondre à des demandes de service. Doigan ne fait aucune divulgation à propos des métros.

 

                  

[14]    Quant à l’antériorité Comerzan-Sorin, il dit ceci, à la page 5 et ss. :

 

13. Comerzan-Sorin n’envisage que les sièges normalisés à bord des avions, des trains interurbains et des autobus, c.-à-d. des rangées de sièges parallèles et homogènes. Elle n’inclut pas les métros, où la disposition des sièges diffère grandement et où les passagers sont souvent debout. Elle prévoit les emplacements précis pour l’installation des moniteurs vidéo divulgués, tel qu’indiqué ci-dessus. Aucun de ces emplacements ne consiste en [traduction] « la jonction entre la paroi latérale et le plafond » d’une voiture de métro. En fait, Comerzan-Sorin ne prévoit pas l’installation des moniteurs vidéo à un tel endroit.

                                                         

...

 

...Comerzan-Sorin prévoit les emplacements précis des écrans vidéo, tel que susmentionnés, et ne prévoit pas les installer [traduction] « d’un bout à l’autre du train ». De plus, un train n’est pas un métro et les obstacles liés à l’installation d’un système d’affichage vidéo à bord d’un métro, compte tenu de la disposition aléatoire des sièges, du nombre élevé de passagers, du fait que les passagers sont debout et des courtes distances parcourues, sont complètement différents de ceux qui existent à bord des avions et des trains, où les sièges sont placés de manière ordonnée, où les passagers sont peu nombreux et les distances parcourues, plus longues.

 

[15]    Enfin, à propos de l’antériorité Tagawa, voici ce qu’il dit à la page 6 :

 

 

Cette antériorité [Tagawa] ne prévoit pas d’installer des écrans à la jonction entre la paroi latérale et le plafond. De fait, elle ne prévoit pas du tout les installer à cet endroit, mais plutôt sur le dossier arrière des sièges.

 

2. Facteurs secondaires      

 

[16]    Le demandeur a dressé une liste de facteurs secondaires qui, estime­-t-il,  laissent croire à une ingéniosité inventive, notamment :

         

a) le dispositif a connu un succès commercial;

b) l’ancienneté de l’antériorité invoquée;

c) le dispositif a depuis été largement utilisé de préférence à d’autres dispositifs;

d) des experts dans le domaine n’ont jamais pensé au dispositif;

e) les idées reçues à l’époque pertinente s’éloignaient de la solution préconisée par le brevet;

                   f) la première divulgation du dispositif a provoqué l’étonnement.

 

3. Avantages par rapport aux antériorités

 

[17]    À la page 17 de la demande, le demandeur expose les trois avantages « énoncés dans la demande », à savoir que le dispositif :

 

1. Offre aux passagers une plus grande sécurité en cas d’accident;

2. est visible par le plus grand nombre de passagers;

3. résiste au vandalisme.

 

Le demandeur affirme que la somme de ces avantages indique que l’objet revendiqué n’était pas évident.

 

4. Preuve d’expert

 

[18]    Le demandeur a soumis de nouveaux éléments de preuve, notamment des affidavits d’experts, lesquels s’ajoutent aux lettres et aux affidavits déjà versés au dossier.  Les deux nouveaux affidavits sont souscrits par M. Wilkins et Mme Gibson.

 

[19]    La demande précise que M. Wilkins est un spécialiste des transports en commun, puisqu’il est journaliste pigiste depuis plus de 30 ans et qu’il a été rédacteur en chef et collaborateur à la rédaction de plusieurs journaux spécialisés. Le demandeur résume comme suit l’affidavit de M. Wilkins, à la page 3 de la demande :

 

[traduction] [...] il (M Wilkins) ne connaissait aucun système d’affichage vidéo installé à bord d’un métro, encore moins à la jonction du mur et du plafond des voitures de métro.

[...]

 

[...] pour un expert du domaine tel que lui, le fait d’installer un système de présentation vidéo à bord d’un métro à la jonction du mur et du plafond des voitures de métro n’aurait pas été évident, mais il sait qu’en 2006, neuf ans après la date de revendication de la demande ‘794, certaines commissions de transport tentaient de mettre un tel système en place.

 

[20]    Même si elle a examiné l’affidavit de Mme Gibson, la Commission signale que celui-ci semble ne pas avoir été reçu par une personne légalement autorisée à faire prêter serment.  Il semble avoir été fait devant M. Blair (c.-à-d., l’inventeur) et rien n’indique qu’il est autorisé à faire prêter serment.

 

[21]    Le demandeur affirme que Mme Gibson est spécialiste de la publicité dans le métro, ayant été directrice du marketing et des relations d’entreprise à la Urban Outdoor Trans Ad de 1991 à 1999, et responsable de toute la publicité paraissant dans le métro de Toronto.  À la page 4, le demandeur résume l’affidavit de Mme Gibson comme suit :

 

[traduction] 10. Avant 1998, Mme Gibson avait été contactée par plusieurs parties qui avaient envisagé la possibilité d’incorporer un quelconque système de présentation vidéo ou une unité semblable dans le métro de Toronto. Aucune de ces parties n’a suggéré de placer les moniteurs vidéo à la jonction entre le mur et le plafond des voitures.

 

11. En fait, selon Mme Gibson, il ne semble pas évident que l’installation des moniteurs vidéo à la jonction entre la paroi et le plafond des voitures permettrait de surmonter certains des obstacles liés à l’installation du système de présentation vidéo dans le métro. En outre, elle a fait remarquer que des systèmes de présentation vidéo avaient récemment été installés dans le métro de Berlin et qu’ils n’étaient pas situés à la jonction entre la paroi et le plafond des voitures, mais qu’ils avaient plutôt été installés en paire au centre du plafond. Ainsi, en 2006, il ne semblait pas évident pour les personnes versées dans l’art que les systèmes de présentation vidéo devraient être installés à la jonction entre la paroi latérale et le plafond des voitures.

 

À la page 13, évoquant le système installé dans le métro de Berlin Subway mentionné par Mme Gibson, le demandeur a dit ceci :

 

[traduction] 39. En l’espèce, où il est manifeste que le système de présentation vidéo divulgué et revendiqué par le demandeur peut être installé de plusieurs façons dans le métro et, en fait, les experts dans le domaine ont installé un tel système dans un endroit complètement différent, notamment dans le métro de Berlin, nous soutenons que la seule conclusion possible est que le système de présentation vidéo dans le métro du demandeur n’est pas évident.

 

[22]    Aux pages 7 et 8, le demandeur a résumé les trois lettres d’experts déjà soumises au commissaire, soit les lettres de MM. Gillespie, Wilkins et Berry.

 

5. Brevet américain correspondant détenu par le demandeur

 

[23]    À compter de la page 8 de sa demande, le demandeur indique qu’il est détenteur du brevet américain no 6 700 602 dont les revendications sont « pratiquement identiques » à celles actuellement au dossier, et que l’examinateur américain a examiné les antériorités invoquées aux présentes.

 

[24]    Le demandeur a ensuite affirmé que la brevetabilité des présentes revendications est étayée par le fait que la demande du brevet américain correspondant a été accueillie. Il a aussi reconnu que les décisions rendues aux États-Unis n’ont aucune force exécutoire au Canada, mais qu’elles sont convaincantes compte tenu des similitudes que présentent les lois respectives (voir pages 17 et 18 des observations).

 

6. Conclusion

 

[25]    À la page 18 de ses observations, le demandeur formule les conclusions suivantes :

 

[Traduction] 53. Nous soutenons respectueusement qu’après avoir appliqué le critère relatif au caractère évident approprié et examiné attentivement tous les facteurs pertinents, y compris que :

 

a) les experts dans le domaine n’ont jamais pensé au système et, selon eux, celui-ci ne leur aurait pas semblé évident à la date pertinente;

 

b) ces personnes versées dans l’art ont aujourd’hui mis en place un système selon lequel l’emplacement des moniteurs n’est pas celui mentionné et revendiqué dans la demande de brevet '794;

 

c) les antériorités invoquées ne divulguent ni ne suggèrent le système de présentation vidéo pour le métro divulgué et revendiqué dans la demande de brevet '794;

 

d) Comerzan-Sorin a été publié presque 6 ans avant la date pertinente, et Tagawa, presque 4 ans avant la date pertinente;

 

e) les antériorités Comerzan-Sorin et Tagawa et les idées reçues à la date pertinente ne tendaient pas vers l’invention divulguée et revendiquée dans la demande '794;

 

Le commissaire doit, au vu du dossier dont il dispose, conclure inévitablement que les revendications de la demande '794 ne sont pas évidentes eu égard à Doigan, Comerzan-Sorin ou Tagawa, ou à une combinaison de ces antériorités, et eu égard aux connaissances courantes dans le domaine, plus particulièrement la nouvelle preuve présentée au commissaire. De plus, cette conclusion de non-évidence trouve également appui dans le fait que le brevet a été octroyé aux États-Unis pour des revendications qui sont, à tous égards importants, identiques aux revendications de la demande '794.

 


 

E. Questions en litige

 

[26]     Conformément à l’ordonnance de la Cour, la Commission doit maintenant examiner de nouveau la question à savoir si les revendications au dossier sont évidentes aux termes de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

[27]    Pour les motifs qui suivent, la Commission estime que les présentes revendications auraient été évidentes à la date de la revendication.

 

F. Caractère évident : la norme juridique

 

[28]    La disposition législative relative au caractère évident est l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. Il se lit comme suit :

 

Objet non évident

                  

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

 

a) qui a été faite, plus d'un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l'information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu'elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu'elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

1993, ch. 15, art. 33.

 

[29]    Le passage le plus souvent cité à propos du caractère évident est tiré de la décision du juge Hugessen dans Beloit Canada Ltée/Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.), p. 294 :

 

La pierre de touche classique de l'évidence de l'invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d'esprit inventif ou d'imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d'intuition; un triomphe de l'hémisphère gauche sur le droit. Il s'agit de se demander si, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l'invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C'est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

 

 

Plus récemment, la Cour d’appel fédérale a examiné l’état du droit relativement au caractère évident dans Janssen-Ortho Inc. c. Novopharm Ltd., 2007 CAF 217, 59 C.P.R. (4th) 116. Dans cette décision, après avoir cité Beloit, précité, la Cour d’appel fédérale a tenu les propos suivants au sujet de l’évidence :

 


 

24 L'examen que commande le critère Beloit est de nature factuelle et fonctionnelle et doit être guidé par la preuve d'expert touchant les compétences pertinentes de la personne hypothétique normalement versée dans l'art et l'état de la technique à l'époque pertinente. Il convient d'évaluer attentivement la crédibilité et la fiabilité de cette preuve d'expert. Il ne faut en effet jamais oublier la mise en garde classique que fait le juge Hugessen contre la sagesse rétrospective à la page 295 de Beloit :

 

Une fois qu'elles ont été faites, toutes les inventions paraissent évidentes, et spécialement pour un expert du domaine. Lorsque cet expert a été engagé pour témoigner, l'infaillibilité de sa sagesse rétrospective est encore plus suspecte. Il est si facile de dire, une fois que la solution préconisée par le brevet est connue : « j'aurais pu faire cela »; avant d'accorder un poids quelconque à cette affirmation, il faut obtenir une réponse satisfaisante à la question : « Pourquoi ne l'avez-vous pas fait? »

 

25  Il n'existe aucune question factuelle ni aucun ensemble de telles questions qui puisse décider de l'issue de toutes les affaires ou même d'une seule. Le juge Hugues, au paragraphe 113 de son exposé des motifs, propose une liste de facteurs à prendre en considération lorsque la validité d'un brevet est contestée au motif de l'évidence. Cette liste paraît avoir été établie à la suite d'une revue de nombreuses décisions rendues au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Malgré le débat incessant sur le point de savoir si le critère juridique de l'évidence est le même dans ces trois pays, la liste de facteurs proposée par le juge Hugues me semble utile pour orienter la recherche nécessaire des faits et en tant que cadre de l'analyse à laquelle ces faits doivent être soumis.

 

[...]

 

26  Le juge Hugues a aussi inscrit parmi les facteurs secondaires les « [a]vantages reconnus ultérieurement », c'est-à-dire les avantages de l'invention supposée qui ne sont perçus qu'après la date de celle-ci. Le juge Hugues fait remarquer que ce facteur est d'utilité limitée pour apprécier l'inventivité et qu'on ne devrait lui accorder que peu de poids. Il me semble difficile d'imaginer un cas où un avantage relevé après la date de l'invention supposée serait d'une quelconque utilité pour établir si elle a nécessité l'exercice d'esprit inventif. Je peux concevoir une situation où le succès commercial d'une invention serait attribuable à un avantage découvert ultérieurement, mais cela n'apporterait rien à l'examen de la question de l'inventivité. J'admets qu'il est impossible d'imaginer toutes les situations possibles, mais, étant donné l'état actuel de la jurisprudence, j'inclinerais à n'accorder aucun poids à ce facteur, sauf dans le plus extraordinaire des cas.  

 

27   J'insiste sur le fait que cette liste est un instrument utile, mais rien de plus. Ce n'est pas une liste de règles juridiques à suivre à la lettre, pas plus qu'une liste exhaustive des facteurs pertinents. Il incombe au juge de première instance d'établir dans chaque affaire, en se fondant sur la preuve, son bon jugement et sa raison, le poids qu'il convient d'attribuer (le cas échéant) aux facteurs de cette liste et à tous autres facteurs qui peuvent être portés à son attention. 

 

28   Je voudrais aussi répéter l'avertissement du juge Hugues selon lequel il faut se garder de considérer comme des règles de droit les lieux communs tirés de cette liste ou de la jurisprudence. Je souscris aux observations suivantes qu'il formule au paragraphe 113 de son exposé des motifs : 

 

À cet égard, les tribunaux utilisent parfois des expressions comme « valant la peine d'être tenté », « directement et facilement » ou « examens de routine ». Il est inutile d'employer des expressions de ce genre car elles ont tendance à se glisser dans des énoncés de droit ou des déclarations de témoins experts. Le juge Sachs a désapprouvé l'utilisation de telles expressions dans General Tire & Rubber Company c. Firestone Tyre & Rubber Company Limited, [1972] R.P.C. 195 aux pages 211-212.

 

G. Analyse

 

1. Antériorité

 

[30]    L’antériorité examinée est la même que celle qui était déjà au dossier.

 

[31]    Le demandeur prétend que le brevet octroyé à Doigan n’est pas pertinent puisqu’il concerne un système de présentation vidéo utilisé dans des « navettes » contrairement à un système destinés aux voitures de métro, et que Doigan ne prévoit pas l’installation de terminaux vidéo dans des voitures de métro. 

 

[32]    Le demandeur a déjà fait valoir ces arguments et ils ont déjà été examinés par l’examinateur et la Commission (voir à la page 2 de la réponse du demandeur à la décision finale datée du 27 avril 2003 et à la page 7 de la première décision du commissaire dans la présente affaire). Comme il n’y a rien de nouveau à examiner, la Commission confirme la conclusion précédente sur ces points.

 

[33]    Néanmoins, la Commission remarque que la citation du demandeur tirée de Doigan à propos de la définition du terme « navette »  semble isolée de son contexte et ne reflète pas entièrement la portée que Doigan entendait donner à ce terme. Un examen de l’extrait dans son ensemble révèle que le terme « navette » n’est pas réservé aux « aéroports et aux universités » ni aux navettes comportant des arrêts fixes, comme l’a suggéré le demandeur dans ses observations. La citation complète tirée de Doigan, à la colonne 2, lignes 47-66, est la suivante (je souligne) :

 

[traduction] La présente invention est décrite uniquement en regard des ascenseurs, mais l’invention s’applique aussi à d’autres types de navettes, comme celles qui servent au transport de personnes aux aéroports et aux universités, les véhicules parcourant un chemin prédéterminé, soit de façon automatique, soit en réponse à des demandes de service. Une navette effectue généralement un trajet entre des arrêts en quelques minutes ou secondes, mais dans tous les cas, en quelques dizaines de minutes ou moins. Le terme navette, tel qu’il est utilisé en l’espèce désigne donc un ascenseur, et les termes débarquements ou arrêts désignent des étages. Le terme navette s’entend également d’un système léger sur rail de transport horizontal de passagers, à traction par câble, à moteur à induction linéaire, ou autre. Dans ce cas, les termes débarquements ou arrêts désignent les endroits prédéterminés où la voitures arrête ou les endroits où elle peut arrêter en réponse à des demandes de service. Dans le cas de navettes horizontales, la voiture peut se déplacer dans les deux directions, sur le même trajet; elle peut également se déplacer dans une seule direction sur un trajet en boucle fermée, ou suivre un trajet, puis revenir en sens inverse en suivant un trajet adjacent.

 

         

Une voiture de métro est un véhicule qui parcoure un trajet prédéterminé et qui donne automatiquement accès à des arrêts tout au long du parcours. C’est une forme de train qui se déplace horizontalement et transporte des passagers. Par conséquent, même si l’expression « système léger sur rail de transport horizontal de passagers » n’est pas courante pour décrire les voitures de métro, il semble qu’elle viserait ces dernières. Quoi qu’il en soit, même si les « systèmes légers sur rail de transport horizontal de passagers » et les systèmes de métro ne peuvent être considérés comme des systèmes identiques, ils peuvent du moins être considérés comme appartenant à des domaines techniques étroitement liés ou analogues avec lesquels la personne moyennement versée dans le domaine serait familière. L’antériorité Doigan ne peut donc être écartée de l’examen du caractère évident en raison de l’interprétation limitée avancée par le demandeur.

 

[34]    En ce qui concerne l’antériorité Comerzan-Sorin, le demandeur soutient maintenant ce qui suit :

 

1) Elle ne vise pas les métros;

2) Elle prévoit des emplacements précis autres que la jonction entre la paroi latérale et le plafond;

3) Elle ne prévoit pas l’installation des moniteurs de télévision à la jonction entre la paroi latérale et le plafond;

4) Elle ne prévoit pas l’installation des moniteurs vidéo d’un bout à l’autre du train;

5) Un train n’est pas un métro, et les obstacles à l’installation desdits moniteurs dans un métro sont différents.

 

 

[35]    Le demandeur prétend que, ce que prévoit l’antériorité Tagawa, ce n’est pas l’installation des moniteurs à la jonction entre la paroi latérale et le plafond, mais l’installation des moniteurs à un tout autre endroit.

 

[36]    Ces différences entre l’invention revendiquée par le demandeur et les enseignements tirés des antériorités invoquées (Comerzan-Sorin et Tagawa) peuvent être regroupées sous trois arguments fondamentaux :

 

1) l’invention revendiquée par le demandeur appartient à un domaine technique différent et les antériorités ne peuvent donc être invoquées;

2) les antériorités ne prévoient pas les endroits exacts où installer les moniteurs revendiqués dans l’invention combinée du demandeur;

3) les antériorités ne tendent pas vers les emplacements indiqués dans l’invention revendiquée par le demandeur.

 

[37]    Pour ce qui est du premier argument, l’antériorité Comerzan-Sorin prévoit l’installation de moniteurs vidéo à bord des avions, des trains, des voitures, des bateaux, etc. L’antériorité Tagawa porte sur leur installation à bord de véhicules transportant des passagers tels que des avions, des trains, des autobus, etc. La Commission juge que les  enseignements tirés de Comerzan-Sorin et de Tagawa sont liés ou analogues au domaine visé par la demande du demandeur, nommément, des installations pour voitures de métro. Par conséquent, la conclusion de la Commission quant à l’antériorité Doigan selon laquelle cette antériorité ne saurait être écartée à l’examen du caractère évident simplement parce qu’elle ne renvoie pas à un domaine technique identique à celui de l’invention du demandeur, s’applique également aux antériorités Comerzan-Sorin et à Tagawa.

 

[38]    De plus, la Commission a déjà examiné l’argument du demandeur selon lequel il faut appliquer des facteurs différents lorsqu’on compare les métros à d’autres moyens de transport. Il n’y a rien de nouveau dans cet argument qui justifie de réexaminer la question.

 

[39]    Pour ce qui est du deuxième argument, un examen du dossier montre que ni l’examinateur ni la Commission n’a dit que les antériorités invoquées prévoyaient l’installation des moniteurs précisément à la jonction de la paroi latérale, du plafond de la voiture de métro. Ces antériorités ont été citées par l’examinateur afin de prouver que l’installation des moniteurs vidéo dans divers moyens de transport publics demandait des connaissances courantes. Comme la Commission a examiné cet argument dans la décision antérieure, il n’y a aucune raison pour qu’elle arrive à une conclusion différente. 

 

[40]    Pour faciliter la compréhension, la Commission veut ajouter un commentaire à propos de cet argument. Même si le fait que les antériorités ne révèlent pas l’emplacement spécifique des moniteurs vidéo revendiqué par le demandeur est important pour l’examen de la question de l’antériorité, il est question en l’espèce du caractère évident. Dans des cas semblables, il n’est pas toujours nécessaire de montrer que chacune des caractéristiques d’une invention revendiquée est expressément décrite dans l’une ou l’autre des antériorités afin de prouver le caractère évident. Les personnes versées dans l’art sont censées faire les ajustements et les modifications nécessaires pour adapter l’invention aux différentes situations et aux exigences de l’utilisateur. Il n’est pas réaliste de s’attendre à ce qu’on puisse avoir accès à tous ces ajustements et modifications comme à un document publié. Par conséquent, le fait qu’une caractéristique revendiquée d’une invention n’a pas été divulguée antérieurement ne mène pas nécessairement à la conclusion que l’invention est non évidente.

                                                                                                         

[41]    Enfin, le troisième argument soulevé à l’encontre de la pertinence des antériorités invoquées est le fait qu’elles diffèrent de l’objet de la présente revendication. La Commission n’est pas d’accord. Bien que les antériorités ne précisent pas l’emplacement exact des moniteurs qui, comme le souligne le demandeur, est une caractéristique importante de l’invention, ceci ne signifie pas nécessairement qu’elles ne prévoient pas l’installation des moniteurs de télévision à la jonction entre la paroi latérale et le plafond à bord d’une voiture de métro. Les antériorités Comerzan-Sorin et Tagawa portent sur des dispositions de sièges différentes et elles visent toutes deux à installer un écran à tous les sièges, car elles visent en général davantage les trajets plus longs. Elles n’amènent pas la personne moyennement versée dans l’art ou la science à adapter cette installation de façon à tenir compte des facteurs présentés par chaque type de moyen de transport. Par exemple, la personne versée dans l’art choisirait certains endroits pour installer les moniteurs dans un véhicule où les sièges sont disposés en rangées, orientés généralement dans la même direction, et en choisirait d’autres pour les installer à bord de véhicules où les sièges sont disposés différemment, comme par exemple à bord d’un métro. Cela ne signifie pas que ces antériorités ne prévoient pas l’installation des moniteurs à l’endroit revendiqué.

 

[42]    Le demandeur semble reconnaître que, même lorsqu’elle doit installer des moniteurs à bord des voitures de métro, la personne moyennement versée dans l’art doit faire certaines adaptations afin de tenir compte « ... des diverses configurations des voitures de métro d’usage courant... ». Voici ce qu’on dit à la page 12 de la description (non souligné dans l’original) :

                  

[traduction] Il doit être bien compris que les versions précises illustrées et décrites ici ne servent qu’à titre d’exemple. Elles ne doivent pas être interprétées comme limitant la portée de l’invention. La description concerne spécialement les types de voitures de métro d’usage courant dans le réseau de transport en commun de Toronto, et illustre un moyen et un endroit pour l’installation des moniteurs vidéo pour un tel système. Les détails de construction, et par conséquent les détails de l’installation appropriée des moniteurs vidéo, peuvent présenter des différences d’un réseau de métro à un autre, selon la configuration des voitures utilisées. Ce détail à propos de l’installation ne s’écarte pas de la portée de la présente invention. Dans tous les cas, on envisage de munir chaque voiture de métro de plusieurs moniteurs, tous montés de manière rigide et installés à un endroit pratique de manière à dégager les portes et les fenêtres et à être visibles pour les passagers à bord de la voiture de métro, et ce, sans aucune difficulté. La fourniture de tels moniteurs vidéo montés dans leur propre boîtier, tel que décrit dans la présente, et munis d’un écran transparent, par exemple en polycarbonate, permet des variations considérables dans les détails des moyens de montage et des emplacements, afin de les adapter aux diverses configurations des voitures de métro d’usage courant sur divers réseaux de transport en commun.

 

 

[43]    Il est intéressant de noter que le demandeur oblige le lecteur versé dans l’art à choisir les caractéristiques de montage des terminaux, y compris l’emplacement, lorsqu’il est en présence de modèles de voitures de métro différents. La Commission reconnaît que le lecteur versé dans l’art possède ce niveau de compétence. Par conséquent, la Commission attribue ce même niveau de compétence à la personne versée dans l’art qui adapte les installations décrites dans l’antériorité invoquée pour arriver à l’objet des présentes revendications. La Commission ne voit aucune ingéniosité dans la détermination de ces caractéristiques de montage ni dans le choix d’un endroit convenable à l’intérieur d’une voiture de métro.

 

[44]    Par conséquent, la Commission estime que les revendications actuelles auraient été évidentes compte tenu de l’antériorité invoquée par l’examinateur. Même si elle n’est pas tenue d’aller plus loin, la Commission est d’autant plus convaincue de la justesse de conclusion puisqu’elle serait arrivée à la même conclusion en partant d’un point différent, c.-à-d. s’il s’était agi d’affiches publicitaires situées à la jonction entre la paroi latérale et le plafond des voitures de métro.

 

[45]    Le demandeur reconnaît qu’il est fréquent de fournir des supports publicitaires visuels tels que des affiches pour les voitures de métro dans le transport en commun (voir page 1, lignes 7-10; page 2, lignes 2-4 de la description). Il reconnaît également que ces affiches sont situées aux mêmes endroits que ceux présentement proposés pour l’installation des moniteurs de télévision (voir page 10, lignes 19-21 de la description). La description fait état d’affiches publicitaires situées de part et d’autre des moniteurs vidéo d’un bout à l’autre de la voiture à la jonction entre la paroi latérale et le plafond (page 12, lignes 6-12 de la description et tableau 7). La Commission voit l’installation des moniteurs de télévision diffusant de la publicité au même endroit où se trouvaient les affiches publicitaires comme une simple substitution évidente d’un élément d’une invention combinée pour un élément équivalent (Globe-Union Inc. c. Varta Batteries Ltd. (1981), 57 C.P.R. (2d) 132 (C.F. 1re inst.), conf. par (1984), 80 C.P.R. (2d) 1 (C.A.F.); (1971) C.D. n° 78 (C.A.B. et commissaire aux brevets), Re Demande n° 021,626 (maintenant brevet n° 914,401), 10 C.P.R. (2d) 79; et (1982) C.D. No. 975  (C.A.B. et commissaire aux brevets), Re Demande de brevet par Lawrence et al. (maintenant brevet n° 1,175,803), 3 C.P.R. (3d) 427. Ce n’est qu’une version améliorée d’une vieille affiche connue à l’aide de la technologie moderne – c’est-à-dire des installations vidéo classiques, lesquelles ne sont ni décrites ni revendiquées par le demandeur à titre d’avancée sur la technique – facilement accessibles à la date de la revendication.

 

2. Facteurs secondaires

 

[46]    Seuls trois des facteurs secondaires énumérés par le demandeur dans ses observations sont traités aux présentes, nommément :

1) l’ancienneté des antériorités invoquées;

2) le fait que les experts dans le domaine n’ont jamais pensé à un tel dispositif;

3) les idées reçues à l’époque pertinente différaient de la solution préconisée par le brevet.

 

Toutefois, soit que les trois facteurs ne sont pas appuyés par la preuve, soit qu’ils n’ont pas suffisamment d’importance pour faire pencher la balance en faveur du demandeur.

 

[47]    En ce qui concerne le premier de ces facteur secondaires, l’ancienneté des antériorités invoquées, le demandeur prétend que les dates de publication des antériorités Comerzan-Sorin et Tagawa (respectivement six et quatre ans avant la date de la revendication de la présente demande) sont un facteur pertinent pour l’évaluation du caractère évident. Même si la Commission pense que l’ancienneté de l’antériorité peut être importante dans certaines situations, elle ne croit pas que ce soit le cas en l’espèce, compte tenu de l’état du dossier.

 

[48]    La Commission estime que l’ancienneté de l’antériorité, en soi, n’est pas un facteur important dans chaque affaire où il est question du caractère évident. Comme le demandeur n’a pas expliqué les motifs pour lesquels l’ancienneté de l’antériorité est pertinente en l’espèce, la Commission doit conclure que le demandeur tente de démontrer que l’invention a corrigé un défaut de l’antériorité, lequel avait créé un besoin de longue date dans l’industrie, et que son invention a comblé ce besoin.

 

[49]    En supposant que tel est le cas en l’espèce, la réponse à cet argument est que le temps qui s’est écoulé entre la publication de quelques-unes des antériorités et la date de la revendication de la demande ultérieure n’indique pas, en soi, qu’il était nécessaire de faire preuve d’ingéniosité inventive pour produire l’invention revendiquée. Même s’il faut prendre ce facteur en considération, il ne peut être considéré comme concluant, car sa valeur dépend d’autres circonstances.

 

[50]    À cet égard, la décision International Vehicular Parking Ltd. c. Mi-Co Meter (Canada) Ltd. (1948), [1949] R.C. de l.E 153, 9 C.P.R. 97, est pertinente. Dans cette affaire, le breveté avait fait valoir que l’invention corrigeait un défaut présent dans l’antériorité. Au paragraphe 21, la Cour a cité et approuvé une décision anglaise antérieure dans laquelle cette question était examinée :

 

[Traduction] 21     Il est utile de mentionner la décision de la Chambre des lords dans Longbottom c. Shaw, 8 R.P.C. 333, où Lord Herschell a affirmé à la p. 336 : --

 

S’il était démontré que les défauts auxquels ce dispositif est censé remédier ou remédie sont des défauts qui ont été constatés et portés à la connaissance du public, donnant ainsi lieu à un besoin pour un nouveau dispositif sans défaut, et s’il était démontré que ce besoin s’est prolongé sur une période assez longue, de sorte que l’esprit humain a vraisemblablement cherché à les corriger, sans succès jusqu’à ce que le dispositif pour lequel le brevet est pris soit conçu, il n’y a aucun doute que cela aurait largement démontré que l’adaptation ou le dispositif du breveté n’avait pas un caractère évident. Dans la mesure où le besoin se faisait sentir depuis un certain temps sans que l’on soit en mesure d’y répondre, le fait que ce besoin n’ait pas été comblé pendant longtemps même si on en était informé prouve que le moyen de le combler n’était peut-être pas aussi évident qu’on aurait pu le supposer. Par conséquent, en ce sens, la demande pour un article amélioré peut devenir un fait très important. Cependant, il me semble que ce qui rendrait ce fait particulièrement important est absent en l’espèce. Nous ne détenons aucune preuve que les défauts, bien qu’ils aient existé, pesaient sérieusement sur les personnes qui utilisaient ce dispositif, et qu’elles aient manifesté le désir d’avoir une machine sans défaut. Rien ne prouve que l’on a eu recours ;a l’esprit de l’homme pour corriger ces défauts, ce qui, dans certains cas, est considéré comme un fait très important... Mais il n’y a rien de ce genre en l’espèce. Nous ne savons pas rien des circonstances entourant la naissance de cette invention.

 

La Cour a ensuite conclu, au paragraphe 24, que l’invention revendiquée était évidente :

 

Il n’existe aucune preuve que le défaut constaté dans [l’antériorité] –si, en fait, il y avait un défaut –s’était prolongé sur une période assez longue ou que l’on avait eu recours à l’esprit de l’homme pour le corriger. Il n’existe aucune preuve que le défaut, bien qu’il ait pu existé, pesait sérieusement sur ceux qui utilisaient le dispositif ou que ces derniers avaient manifesté le désir d’avoir un [dispositif] exempt de défaut. De plus, rien n’indique que le [dispositif précédent] a connu un échec commercial ou que le [dispositif amélioré de l’inventeur] a connu un succès commercial, contrairement au [dispositif précédent].

 

En l’espèce, la Commission estime que le dossier ne contient aucune preuve que le défaut constaté dans l’antériorité auquel l’invention du demandeur aurait remédié s’était prolongé sur une période assez longue ou que l’on avait eu recours à l’esprit humain pour corriger le défaut. La principale antériorité, Doigan et al., a été publiée quelques mois avant la date de la revendication de la présente demande. Il n’existe aucune preuve que le défaut pesait sérieusement sur ceux qui utilisaient le dispositif ou que ces derniers avaient manifesté le désir d’avoir un dispositif exempt de défaut.

 

[51]    Pour les raisons susmentionnées, la Commission estime que le facteur secondaire relatif à l’ancienneté de l’antériorité est insuffisant en l’espèce pour changer la conclusion selon laquelle l’invention était évidente compte tenu de l’antériorité citée. 

 

[52]    Pour ce qui est du deuxième facteur secondaire, c’est-à-dire que les experts dans le domaine n’ont jamais pensé à un tel dispositif, la preuve d’expert présentée à ce sujet et tirée des observations est abordée plus loin sous l’intertitre « Preuve d’expert ».

 

[53]    Le troisième facteur secondaire, à savoir que les idées reçues à l’époque pertinente différaient de la solution préconisée par le brevet, a été abordé précédemment sous l’intertitre « Antériorité » quant aux références Tagawa et Comerzan-Sorin. En résumé, la Commission estime que la preuve au dossier n’appuie pas la conclusion selon laquelle l’antériorité diffère de l’invention revendiquée.

 

3. Avantages par rapport à l’antériorité

 

[54]    Le demandeur déclare à la page 17 de ses observations que la demande expose trois avantages par rapport à l’antériorité, à savoir que le dispositif :

 

1. offre aux passagers une plus grande sécurité en cas d’accident;

2. est visible par le plus grand nombre de passagers;

3. résiste au vandalisme.

 

Le demandeur a déjà traité du deuxième avantage dans sa réponse à la décision finale (voir page 2, lignes 3-4 de la réponse à la décision finale), même si c’était déjà au dossier devant la Commission. Il ne s’agit pas d’un nouvel élément à examiner.

 

[55]    La Commission constate que les avantages attribuables à l’installation des moniteurs de télévision à la jonction du mur et du plafond, en ce qui concerne la résistance au vandalisme et la sécurité des passagers en cas d’accident, ne figurent pas dans les spécifications ci-jointes. Ces deux avantages semblent avoir été reconnus ultérieurement.

 

[56]    Dans l’arrêt Janssen-Ortho, précité, la Cour d’appel fédérale a formulé les commentaires suivants à propos des avantages reconnus ultérieurement :

 

[26]           Le juge Hugues a aussi inscrit parmi les facteurs secondaires les « [a]vantages reconnus ultérieurement », c'est-à-dire les avantages de l'invention supposée qui ne sont perçus qu'après la date de celle-ci. Le juge Hugues fait remarquer que ce facteur est d'utilité limitée pour apprécier l'inventivité et qu'on ne devrait lui accorder que peu de poids. Il me semble difficile d'imaginer un cas où un avantage relevé après la date de l'invention supposée serait d'une quelconque utilité pour établir si elle a nécessité l'exercice d'esprit inventif. Je peux concevoir une situation où le succès commercial d'une invention serait attribuable à un avantage découvert ultérieurement, mais cela n'apporterait rien à l'examen de la question de l'inventivité. J'admets qu'il est impossible d'imaginer toutes les situations possibles, mais, étant donné l'état actuel de la jurisprudence, j'inclinerais à n'accorder aucun poids à ce facteur, sauf dans le plus extraordinaire des cas.

 

[57]    De la même manière, en l’espèce, nous sommes d’avis que les avantages qui ne sont perçus qu’après la date pertinente sont d’une utilité limitée lors de l’examen de l’ingéniosité inventive. Nous refusons de leur accorder un poids important.

 

[58]    Quoiqu’il en soit, la Commission est d’avis qu’aucun de ces trois avantages ne confère de l’inventivité à l’objet de l’espèce. Ces avantages découlent plutôt des choix qu’une personne moyennement versée dans l’art aurait pu faire en installant les moniteurs selon les exigences particulières des différentes voitures de métro et des différents systèmes.

 

4. Preuve d’expert

 

[59]    La Commission a déjà examiné la preuve d’expert versée au dossier avant la décision précédente du commissaire. Compte tenu de cette preuve, la Commission arrive à la même conclusion.

 

[60]    En ce qui concerne les nouveaux affidavits, la Commission remarque qu’ils se rapportent tous les deux à des faits et à des opinions postérieurs à la date pertinente pour l’évaluation du caractère évident. En vertu de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, le caractère évident doit être apprécié à la « date de la revendication ».  Si l’on suppose que la date de priorité du demandeur est valide, conformément à l’article 28.1 de la Loi sur les brevets, la date des présentes revendications est le 7 mai 1997. En ce qui concerne les nouveaux affidavits, celui de Mme Gibson est fondé sur des faits survenus le 4 février 1998 ou avant cette date (sa rencontre avec le présent inventeur, voir paragraphe 6), et, à notre connaissance, en 2006 (l’installation du système dans le métro de Berlin). L’affidavit de M. Wilkins expose ses connaissances et son opinion en 1999 (voir l’affidavit de M. Wilkins, paragraphes 7 et 10) ainsi que de sa connaissance des tentatives d’installation de moniteurs vidéo dans diverses commissions de transport en 2006 (voir l’affidavit de M. Wilkins, paragraphe 11). Par conséquent, les faits et les opinions exposés dans les nouveaux affidavits sont postérieurs à la date pertinente pour l’évaluation du caractère évident fondée sur la Loi sur les brevets

 


 

[61]    La Commission reconnaît toutefois que certains des faits survenus après la date pertinente peuvent jusqu’a un certain point être pris en considération. Par exemple, la Cour d’appel fédérale a déclaré dans Janssen-Ortho, précité, au paragraphe 25, que, dans l’évaluation du caractère évident, les facteurs secondaires« peuvent se révéler pertinents, mais on leur accorde en général moins de poids parce qu’ils se rapportent à des faits postérieurs à la date de l’invention supposée ». La Commission est d’accord avec ce raisonnement. Par conséquent, si les faits et les opinions exposés peuvent être pris en considération même s’ils sont postérieurs à la date pertinente, leur poids est restreint lors de l’évaluation du caractère évident faite par la Commission.

 

[62]    De plus, la Commission estime que les nouveaux affidavits n’améliorent pas la position du demandeur; en effet, à l’instar des éléments antérieurement versés au dossier, ils traitent de la question de l’anticipation et non de celle de l’évidence, les experts y déclarant qu’ils n’ont jamais vu auparavant une pareille installation. De plus, l’affidavit de Mme Gibson traite des moniteurs de télévision qui ont été récemment installés à bord des voitures de métro du réseau de transport en commun de Berlin. Une photographie de cette installation est jointe à l’affidavit et montre que les moniteurs sont installés au milieu du plafond. Le demandeur se sert de cette illustration pour affirmer que, même en 2006, la possibilité d’installer des moniteurs à la jonction entre la paroi latérale et le plafond d’une voiture de métro n’était pas évident pour les personnes versées dans l’art. Toutefois, l’affidavit de M. Wilkin semble contredire la conclusion de Mme Gibson en ce qui concerne l’état de la technique en 2006, alors qu’il indique que :

 

[traduction] ...de par le monde, divers réseaux de transport ont tenté, ou tentent en 2006, d’installer des systèmes de télévision à bord des voitures de métro et que l’une des manières utilisées pour essayer de surmonter les obstacles présentés par de telles installations est d’installer les moniteurs à la jonction entre la paroi latérale et le plafond de la voiture de métro...

 

[63]    En ce qui concerne l’installation à bord des voitures de métro du réseau de transport de Berlin évoquée dans l’affidavit de Mme Gibson, après avoir examiné la photographie et regardé la présentation vidéo à ce sujet sur le site Web dont il était question dans l’affidavit, il me semble que l’installation des moniteurs à la jonction entre la paroi latérale et le plafond pourrait nécessiter le déplacement du système d’éclairage existant. Voilà un facteur dont la personne versée dans l’art devrait tenir compte pour décider de l’emplacement qui convient pour l’installation des moniteurs vidéo à bord de ce modèle particulier de voiture de métro. Comme le déclarait le demandeur à la page 12 de la présente description, la demande renvoie aux voitures de métro utilisées dans le système de transport en commun de Toronto et la description indique le moyen et l’emplacement qui conviennent à ce système. En ce qui concerne les autres réseaux de métro, la description mentionne ce qui suit :

 

[traduction] Dans tous les cas, on envisage de munir chaque voiture de métro de plusieurs moniteurs, tous montés de manière rigide et installés à un endroit pratique de manière à dégager les portes et les fenêtres, et à être visibles pour les passagers à bord de la voiture de métro, et ce, sans aucune difficulté. La fourniture de tels moniteurs vidéo montés dans leur propre boîtier, tel que décrit ici, et munis d’un écran transparent, par exemple en polycarbonate, permet des variations considérables dans les détails des moyens de montage et des emplacements, afin de les adapter aux diverses configurations des voitures de métro d’usage courant sur divers réseaux de transport en commun.

 

Il est clair que le demandeur comprenait que, dans le cas des systèmes autres que celui des réseaux de transport en commun de Toronto, comme par exemple celui de Berlin, certaines variantes, y compris l’emplacement des moniteurs, devraient être déterminées par la personne versée dans l’art.

 

 

[64]    L’argument concernant l’installation à bord des voitures de métro de Berlin n’a pas réussi à convaincre la Commission que l’objet actuellement revendiqué est inventif. Au contraire, il montre que le choix de l’emplacement actuellement revendiqué pour l’installation de moniteurs dans le métro, n’a rien de particulièrement inventif.

 

[65]    Enfin, Mme Gibson et M. Wilkins suggèrent que l’invention en l’espèce n’aurait pas été évidente pour eux le 4 février 1998 et en 1999, respectivement.

 

[66]    La Cour suprême du Canada a décrit les exigences de la preuve d’expert dans R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9, à la page 16 (voir aussi Abbott Laboratories Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 989, 41 C.P.R. (4th) 289; Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2007 CF 455, 58 C.P.R. (4th) 353; Merck & Co. c. Apotex Inc., 2005 CF 755, 41 C.P.R. (4th) 35; Halford c. Seed Hawk Inc., 2002 CFPI 764, 20 C.P.R. (4th) 474), comme suit :

 

a) la pertinence;

b) la nécessité d’aider le juge des faits;

c) l’absence de toute règle d’exclusion;

d) la qualification suffisante de l’expert.

 

Dans Mohan, précité, la Cour a traité de l’exigence de la nécessité d’aider le juge des faits à la page 19 (je souligne) :

L’exigence est que l’opinion soit nécessaire au sens qu’elle fournit des renseignements « qui, selon toute vraisemblance, dépassent l’expérience et la connaissance d’un juge ou d’un jury » : cité par le juge Dickson, dans R. c. Abbey, précité.  Comme le juge Dickson l’a dit, la preuve doit être nécessaire pour permettre au juge des faits d’apprécier les questions en litige étant donné leur nature technique. Dans l’arrêt Kelliher (Village of) c. Smith, [1931] R.C.S. 672,à la p. 684, notre Cour, citant Beven on Negligence (4e ed. 1928), à la p. 141, a déclaré que la preuve d’expert était admissible si [Traduction] « l’objet de l’analyse est tel qu’il est peu probable que des personnes ordinaires puissent former un jugement juste à cet égard sans l’assistance de personnes possédant des connaissances spéciales ».

 

Puisque la question dont nous sommes saisis n’est pas de nature trop technique, l’aide de Mme Gibson et de M. Wilkins n’est pas nécessaire. La Commission conclut que la preuve d’expert n’est pas nécessaire pour l’aider ou pour aider le commissaire à apprécier la question et pour former un jugement juste à l’égard du caractère évident.

 

5. Brevet américain correspondant détenu par le demandeur

 

[67]    En ce qui concerne les observations du demandeur à propos de l’octroi du brevet américain correspondant, la Commission est d’accord avec la déclaration du demandeur au paragraphe 52 de ses observations, selon laquelle les décisions américaines n’ont pas fprce exécutoire au Canada. Par conséquent, le fait que la demande américaine correspondante ait été accueillie, ou le fait que les demandes correspondantes déposées dans d’autres ressorts aient été refusées, n’est pas décisif relativement à la question du caractère évident en droit canadien. Pour arriver à sa conclusion, la Commission a apprécié la preuve en fonction du droit sur le caractère évident établi par les tribunaux canadiens.

 

6. Revendications dépendantes

 

[68]    Aucun autre argument ou élément de preuve n’a été avancé par le demandeur à l’appui des revendications dépendantes. Par conséquent, la Commission confirme que ces revendications ne présentent aucune caractéristique inventive aux antériorités invoquées, pour les raisons données dans la décision précédente.


H. Recommandation de la Commission

 

[69]    La Commission estime que les revendications auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art compte tenu des connaissances générales courantes et des antériorités considérées par l’examinateur.

 

[70]    La Commission conclut donc que les revendications 1 à 6 auraient été évidentes à la date des revendications et ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

[71]    Par conséquent, il est recommandé que la décision finale de rejeter la demande fondée sur l’article 28.3 de la Loi sur les brevets soit confirmée.

 

 

 

 

M. Couture                        E. MacLaurin                      P. Fitzner

Membre                            Membre                            Membre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


I. Décision du Commissaire

 

[72]    Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission d’appel des brevets. Par conséquent, je refuse d’accorder un brevet dans le cadre de la présente demande. En vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur a six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

 

 

Mary Carman

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec), ce 26 jour de octobre 2007.

 

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