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Commissioner’s Decision #1298

Décision de la Commissaire no 1298

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPIC: B00, G00, J00, J70, O00

SUJET : B00, G00, J00, J70, O00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No. : 2,349,479

Demande no : 2,349,479

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE LA COMMISSAIRE

 

 

 

D.C. 1298, Demande nº 2,349,479

 

Objet brevetable, évidence, utilité et imprécision

 

L'examinateur a refusé la demande au motif qu’elle vise un objet non brevetable au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets. En outre, l'examinateur a estimé que les revendications de la demande avaient un caractère évident, ne présentaient pas le caractère de l’utilité et étaient imprécises.

 

La Commission d'appel des brevets a confirmé le rejet des revendications de la demande au motif qu’elles avaient un caractère imprécis et évident et qu’elles visaient un objet non brevetable au sens de la Loi. Le rejet des revendications au motif de l'absence d'utilité a été infirmé.

 

La commissaire aux brevets a refusé la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DE LA COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet numéro 2,349,479, ayant été rejetée par l'examinateur en vertu du paragraphe 30(3) des Règles sur les brevets, la Commission d'appel des brevets et la commissaire aux brevets se sont penchées sur cette décision de l'examinateur. Voici les conclusions de la Commission et la décision de la commissaire :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent de la demanderesse

 

David J. McGruder

OYEN WIGS GREEN & MUTALA LLP

480 - 601, West Cordova

VANCOUVER (Colombie-Britannique)

V6B 1G1

 

 


 

 

Table des matières

 

INTRODUCTION........................................................................................................................... 2

 

CONTEXTE.................................................................................................................................... 2

 

QUESTIONS DE PROCÉDURE.................................................................................................. 5

 

QUESTIONS EN LITIGE.............................................................................................................. 6

 

REVENDICATIONS....................................................................................................................... 7

 

IMPRÉCISION ............................................................................................................................ 10

Historique de la procédure d’examen............................................................................ 10

Principes juridiques - paragraphe 27(4) ....................................................................... 11

Analyse.............................................................................................................................. 12

 

ANTÉRIORITÉS........................................................................................................................... 13

 

APERÇU DES ANTÉRIORITÉS APPLICABLES...................................................................... 15

 

ÉVIDENCE................................................................................................................................... 18

Les principes juridiques - Évidence................................................................................. 18

Les revendications 1 à 22 ont-elles un caractère d’évidence?.................................... 19

 

OBJET BREVETABLE................................................................................................................ 23

Les principes juridiques - brevetabilité de l’objet ........................................................ 23

Définition de l’invention....................................................................................... 23

Approche utilisée pour évaluer l’objet................................................................ 23

Déterminer si un objet est de nature technologique ou s’il présente un gain technique 25

Clarification de l’exclusion visant les « —pratiques commerciales—»............... 26

Analyse—: Partie 2............................................................................................................ 26

Forme des revendications.................................................................................... 26

Substance des revendications............................................................................. 27

La substance des revendications est-elle de nature technologique?................ 31

La substance des revendications vise-t-elle un objet exclu?............................ 35

Y a-t-il eu changement de nature ou d’état dans la substance des revendications (critère énoncé dans l’arrêt Lawson)? 36

 

UTILITÉ........................................................................................................................................ 37

La position de l’examinateur.......................................................................................... 37

La position de la demanderesse..................................................................................... 38

Principes juridiques - opérations et processus mentaux................................................ 38

Analyse............................................................................................................................. 38

 

CONCLUSION............................................................................................................................. 40

 


 

INTRODUCTION

 

[1]       La présente décision porte sur la révision, par la commissaire aux brevets, de la décision finale de l'examinateur concernant la demande de brevet numéro 2,349,479 déposée le 30 mai 2001 et ayant pour titre « SYSTÈME ET MÉTHODE DE CONTRÔLE DE L'ÉTAT DE SERVICE DE VÉHICULES—». Cette demande revendique la priorité fondée sur une demande américaine déposée le 29 juin 2000. La demanderesse est U-HAUL INTERNATIONAL, INC., et l’inventeur est Gary Good. L'examinateur saisi a rendu une décision finale, le 24 février 2004, qui rejetait la demande, et pour cause qui était fondée d'objet non brevetable et d’évidence. La demanderesse a présenté des arguments en réponse à la décision finale, le 24 août 2004.

 

[2]    Une audience devant la Commission d'appel des brevets s'est tenue le 17 septembre 2008 [« l’audience—»]. M. David McGruder, du cabinet Oyen Wiggs Green Mutala, a comparu pour le compte de la demanderesse. Le Bureau des brevets était représenté par M. Leigh Matheson, l'examinateur saisi du dossier de la demande, et M. André Gélinas, chef de section.

 

CONTEXTE

 

[3]    La demande expose un procédé et un système qui permettent d’assurer le suivi des dossiers de réparation ainsi que des renseignements sur l’état de service des véhicules de façon coordonnée à partir de plusieurs centres dispersés géographiquement. La figure 1 illustre la disposition générale des éléments de l’aménagement préconisé du système. La figure 2 est un schéma fonctionnel du système de suivi.

 


 

REGION A

 

RÉGION A

 

REGIONAL COMM. TERMINALS

 

TERMINAUX DE TÉLÉCOMMUNICATIONS RÉGIONAUX

 

LOCAL COMM. TERMINALS

 

TERMINAUX DE TÉLÉCOMMUNICATIONS LOCAUX

 

CENTRAL EQUIPMENT MANAGER

 

GESTIONNAIRE D’ÉQUIPEMENT CENTRAL

 


[4]    Le système de suivi de l’état des véhicules comprend un gestionnaire d’équipement central (101), des terminaux de télécommunications régionaux (102) et des terminaux de télécommunications locaux (103). La figure 1 montre trois régions (régions A, B et C), chacune étant dotée d’un terminal de télécommunications régional (102), qui peut être installé dans un bureau régional de l’entreprise ou dans un autre lieu réservé à l’entretien et à la réparation des véhicules au sein d’une région donnée. Les terminaux de télécommunications locaux (103) sont situés de préférence dans un centre de réparation et d’entretien réservé à la réparation et à l’entretien des véhicules. Un terminal de télécommunications local (103) peut communiquer avec le terminal de télécommunications régional (102) de la région, ou il peut communiquer avec un ou plusieurs terminaux de télécommunications régionaux (102) à l’intérieur ou à l’extérieur de sa région.


 

 

REGION A

 

RÉGION A

 

LOCAL COMMUNICATION TERMINAL

 

TERMINAL DE TÉLÉCOMMUNICATIONS LOCAL

 

REGIONAL COMMUNICATION TERMINAL

 

TERMINAL DE TÉLÉCOMMUNICATIONS RÉGIONAL

 

CENTRAL EQUIPMENT MANAGER

 

GESTIONNAIRE D’ÉQUIPEMENT CENTRAL

 

RETAIL OUTLET

 

POINT DE VENTE

 

MARKETING OFFICE

 

SERVICE DE LA COMMERCIALISATION

 

 


[5]    Comme le montre la figure 2, chaque terminal de télécommunications régional (102) communique avec le gestionnaire d’équipement central (101), ce qui permet de conserver dans un seul bureau toutes les données relatives à l’état des véhicules de toutes les régions, puis de diffuser périodiquement ces données vers tous les terminaux de télécommunications régionaux (102) et vers tous les terminaux de télécommunications locaux (103). Le système de suivi de l’état d’entretien des véhicules (100) comprend une base de données sur l’état d’entretien des véhicules (200), liée de façon opérationnelle à tous les terminaux de télécommunications locaux (103) et à tous les terminaux de télécommunications régionaux (102). La base de données sur l’état d’entretien des véhicules (200) est également liée de façon opérationnelle au gestionnaire d’équipement central (101). La demande indique que, si l’aménagement préconisé du système est choisi, le gestionnaire d’équipement central (101) peut être exploité au moyen d’un ordinateur central muni d’une passerelle à relais de trames et d’une interface Internet. Le gestionnaire d’équipement central (101) peut aussi adopter une architecture client-serveur.



 

VEHICLE STATUS DATABASE

 

BASE DE DONNÉE SUR L’ÉTAT DES VÉHICULES

 

SERVICE EVENT NOTIFICATION

 

NOTIFICATION D’ÉVÉNEMENT D’ENTRETIEN

 

VEHICLE SERVICE STATUS FILE

 

FICHIER SUR L’ÉTAT D’ENTRETIEN DES VÉHICULES

 

CONTROL NUMBER

 

NUMÉRO DE CONTRÔLE

 

VEHICLE IDENTIFIER

 

IDENTIFIANT DU VÉHICULE

 

EQUIPMENT TYPE

 

TYPE D’ÉQUIPEMENT

 

STATUS

 

ÉTAT

 

TYPE-OF-SERVICE-REQUIRED

 

TYPE D’ENTRETIEN REQUIS

 

AVAILABILITY PREDICTION

 

PRÉVISION DE DISPONIBILITÉ

 

LOCATION

 

EMPLACEMENT

 

DATE-IN-BUILDING

 

DATE DE DÉBUT D’ENTRETIEN

 

REMARKS

 

REMARQUES

 

RECORD 1

 

ENREGISTREMENT 1

 

HISTORY

 

HISTORIQUE

 

VEHICLE HISTORY FILE

 

FICHIER D’HISTORIQUE DU VÉHICULE

 

MULTIPLE BREAKDOWN AVISORY

 

AVIS DE PANNES MULTIPLES

                                                             

[6]    La figure 4 montre le contenu de la base de données sur l’état des véhicules. Le fichier sur l’état des véhicules (205) comprend une ou plusieurs notifications d’événement d’entretien (220). Un utilisateur (il s’agit habituellement d’un technicien en entretien travaillant dans un centre d’entretien ou de réparation local) crée ou modifie une notification d’événement d’entretien (220) en enregistrant des renseignements sur les travaux d’entretien et de réparation des véhicules au moyen d’un terminal de télécommunications local (103). L’enregistrement d’une notification d’événement d’entretien (220) pourrait comprendre, par exemple, un numéro de contrôle (225), un identifiant de véhicule (230), un indicateur de type d’équipement (235), l’état actuel du véhicule (240), un identifiant de l’emplacement du véhicule (245), un indicateur de la date de début d’entretien (250), un indicateur du type d’entretien requis (255), une prévision de disponibilité (260) et un champ de remarques (265).

 

[7]    Le terminal de télécommunications local (103) génère également une prévision de disponibilité (260) en calculant la durée moyenne des travaux de réparation ou d’entretien des véhicules dans un emplacement particulier et il fournit cette information à l’utilisateur. Dans le cas de l’une des dispositions décrites, le terminal de télécommunications local (103) extrait de la base de données sur l’état des véhicules (200) les notifications d’événement d’entretien (220) relatives aux travaux de réparation et d’entretien réalisés à l’emplacement au cours des trente derniers jours pour calculer la durée moyenne des travaux d’entretien et de réparation. Le terminal de télécommunications local (103) établit la durée moyenne des travaux d’entretien et de réparation en calculant le nombre moyen de jours écoulés entre l’arrivée d’un véhicule au centre d’entretien (250) et la clôture de la notification d’événement d’entretien (220), et ce, pour chaque notification d’événement d’entretien enregistrée au cours d’une période de trente jours. L’utilisateur peut également saisir une prévision de disponibilité au moyen du clavier.

 


[8]    Le gestionnaire d’équipement central (101) permet également de transmettre un avis de pannes multiples (215) à tous les terminaux de télécommunications locaux (103) et à tous les terminaux de télécommunications régionaux (102), de préférence une fois par jour. Le gestionnaire d’équipement central (101) transmet l’avis de pannes multiples (215) aux terminaux de télécommunications locaux (103) et aux terminaux de télécommunications régionaux (102) sous la forme d’un fichier de base de données. Ainsi, les utilisateurs se trouvant dans les centres d’entretien et de réparation munis d’un terminal de télécommunications local (103) peuvent différer la location des véhicules ayant fait l’objet d’avis de pannes multiples (215) si le dossier du véhicule indique que le risque de panne est élevé.

 

[9]    Le terminal de télécommunications local (103) est doté d’une interface qui sert à recevoir une liste de contrôle des entités (280). Cette dernière, transmise par le gestionnaire d’équipement central (101), est une liste à jour des bureaux régionaux, des points de vente et des Services de la commercialisation de l’entreprise. Le terminal de télécommunications local (103) comprend également une interface adaptée à un système automatisé de gestion des réparations (105) qui prend en charge la réception du fichier d’historique des véhicules (210) transmis par le gestionnaire d’équipement central (101). Le terminal de télécommunications local (103) peut également comprendre une interface qui sert à transmettre le fichier sur l’état d’entretien des véhicules (205) au point de vente (106) et au Service de la commercialisation (107). Le point de vente (106) et le Service de la commercialisation (107) possèdent une base de données sur la disponibilité (300) contenant les renseignements sur l’état de disponibilité des véhicules du parc.

 

QUESTIONS DE PROCÉDURE

 

[10]    La réponse fournie par la partie demanderesse, à la suite de la décision finale prise le 24 août 2004, contenait un nouvel ensemble de revendications. L'examinateur a maintenu ses objections relatives à l’évidence et selon lesquelles l’objet visé était non brevetable dans un résumé des motifs, et il a aussi ajouté que certaines des revendications modifiées ne présentaient pas le caractère de l’utilité (au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets).

 

[11]     Le 9 novembre 2007, la Commission a fait parvenir à la demanderesse une lettre afin de clarifier le résumé des motifs présenté par l’examinateur. Un résumé supplémentaire des motifs a été présenté par l’examinateur afin d’étoffer davantage l’objection quant au manque d’utilité (au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets) soulevée par l’examinateur dans son résumé des motifs. En outre, l’examinateur a maintenu son objection pour des motifs d'imprécision applicable aux revendications 19 à 21, mais a supprimé l’objection visant la revendication 8.

 

[12]  Dans le but de s’assurer que la demanderesse comprenait clairement la nature de tous les rejets et qu’elle était ainsi en mesure d’y répondre adéquatement à l’audience, la Commission a également précisé que le rejet fondé sur l’article 2 reposait sur le fait que l’objet revendiqué était un objet non visé par la Loi qui devait être examiné à titre de motif tout à fait distinct des critères de la nouveauté et de l'évidence. La demanderesse a eu la possibilité d’obtenir une nouvelle date d’audience, qui a eu lieu le 17 septembre 2008.


 

[13]  Après la tenue de l’audience, dans une lettre datée du 6 octobre 2008, la Commission invitait la demanderesse à présenter des observations supplémentaires au sujet de certains documents décrivant les antériorités du logiciel présentées dans la décision finale et au sujet de la date à laquelle le logiciel avait été offert au public. La lettre précisait également que la Commission évaluerait si la substance de l’invention revendiquée ou de la contribution à la connaissance humaine (la découverte) était brevetable. La lettre ajoutait que si la substance de la contribution à la connaissance humaine dans les revendications en litige se révélait de nature technologique, alors la Commission considérerait ce fait comme une indication que l’objet revendiqué relevait de l'une des catégories d'inventions définies à l'article 2 de la Loi sur les brevets.

 

[14]  Dans une autre lettre datée du 16 février 2009, la Commission invitait la demanderesse à présenter les observations qu'elle estimait nécessaires sur l'incidence que pourrait avoir l'arrêt Sanofi‑Synthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 CSC 61, 69 C.P.R. (4th) 251 [Sanofi] sur le rejet en instance pour motif d’évidence.

 

[15]  À la suite de la décision finale et de la tenue de l’audience du 5 mars 2009, la commissaire [D.C. 1290 concernant une application de Amazon.com, paragraphes 124 à 166, Amazon.com] a décrit l’approche qui devait être suivie pour déterminer si un objet est brevetable au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets. Dans la décision citée, la substance des revendications portant sur un système s’est révélée la même que pour les revendications portant sur une méthode, les deux types de revendications ont été pris en considération dans l’évaluation de l'objet brevetable.

 

[16]  La demanderesse a soumis une réponse à la Commission le 15 mai 2009. Dans sa réponse, la demanderesse a traité à la fois la forme et la substance de l’invention revendiquée. Dans un courriel daté du 1er juin 2009, la demanderesse a expliqué que cette réponse avait pour but d’expliquer l’approche ayant servi à déterminer le caractère brevetable d’un objet décrite dans l’arrêt Amazon.com et que l’ajout d’aucune autre observation n’était prévue.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[17]  La Commission doit trancher les questions suivantes :

 

1        Les revendications 1 à 22 sont‑elles évidentes sur le fondement de l'article 28.3 de la Loi sur les brevets?

 

2        Les revendications 1 à 22 visent‑elles un objet non brevetable au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets?


 

3        Les revendications 1 à 7 et 9 à 13 sont-elles dépourvues d’utilité au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets?

 

4        Les revendications 19 à 21 sont-elles considérées comme imprécises au sens du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets?

 

[18]  Même si la décision finale ne s’opposait qu’aux revendications portant sur un procédé 1 à 7, 9 à 18 et 22, qui étaient rejetées au motif des dispositions de l'article 2, la Commission évaluera la substance de toutes les revendications (y compris celles portant sur un système) visant la brevetabilité de l’objet. Comme il a été mentionné précédemment dans les questions de procédure, cette approche est conforme à celle décrite dans l’arrêt Amazon.com.

 

REVENDICATIONS

 

[19]  La demande compte vingt-deux revendications qui ont été modifiées le 24 août 2004 à la suite de la décision finale. Les revendications 1, 2, 7, 9 et 17 sont des revendications indépendantes portant sur un procédé, alors que les revendications 8, 19 et 21 sont des revendications indépendantes portant sur un système.

 

[20]  La revendication 1 se lit comme suit :

 

1.        Un procédé de suivi et de diffusion des renseignements au sujet des dossiers de réparation et de létat des véhicules fonctionnant dans plusieurs centres dispersés géographiquement. Les étapes comprennent ce qui suit :

 

Conserver des renseignements sur les dossiers de réparation et létat dun ensemble de véhicules dans un terminal de télécommunications local au moyen dune base de données sur létat des véhicules, cette base étant liée de façon opérationnelle à au moins l'un des terminaux de télécommunications locaux.

 

Créer une notification dévénement dentretien au sujet de lun des véhicules au moyen des terminaux de télécommunications locaux.

 

Recueillir une série de notifications dévénement dentretien dans un fichier sur létat des véhicules; transmettre ce fichier sur létat des véhicules à partir des terminaux de télécommunications locaux vers un terminal de télécommunications régional en passant par un réseau électronique.

 

Générer une prévision de disponibilité au sujet de chacun des véhicules figurant dans la base de données sur létat des véhicules en fonction des renseignements sur létat des véhicules contenus dans la base de données sur létat des véhicules; enregistrer la prévision de disponibilité dans le fichier sur létat des véhicules;

 


Recueillir une série de fichiers sur létat des véhicules à partir de chacun des terminaux de télécommunications régionaux afin de produire un rapport sur létat des véhicules.

 

Transmettre le rapport sur létat des véhicules à partir de chacun des terminaux de télécommunications régionaux vers le gestionnaire déquipement central.

 

Transmettre le rapport sur létat des véhicules du gestionnaire déquipement central vers chacun des terminaux de télécommunications locaux et des terminaux de télécommunications régionaux pour que chaque centre local dentretien muni dun terminal de télécommunications local dispose des renseignements sur les dossiers de réparation et létat des véhicules, quelle que soit la région du véhicule.

 

[21]  Le champ d’application de la revendication indépendante 2 est semblable à celui de la revendication 1, mais la revendication prévoit en outre la présence d’un terminal de télécommunications régional en communication électronique avec plusieurs terminaux de télécommunications locaux distants, la présence de plusieurs terminaux de télécommunications régionaux en communication électronique avec un gestionnaire d’équipement central ainsi que la transmission de la prévision de disponibilité vers le terminal du Service de la commercialisation.

 

[22]  Les revendications subordonnées 3 à 6 définissent les fonctions supplémentaires suivantes : une fonction d’évaluation des notifications d’événement d’entretien dans un message d’historique de réparation lorsque le nombre de notifications dépasse un certain seuil, une fonction de génération d’avertissements après le passage d’une période donnée; une fonction de création du numéro de contrôle de chaque notification d’événement d’entretien et une fonction de réception des notifications à partir d’une source externe.

 

[23]  Les revendications indépendantes 7 et 9 visent en gros un procédé de gestion d’un parc de véhicules (ou d’équipements de déménagement, comme dans la revendication 9). La revendication 9 se lit comme suit—:

 

9.       Un procédé de gestion de plusieurs équipements de déménagement, comprenant les étapes suivantes :

 

Conserver, dans une base de données des équipements de déménagement, des données sur la disponibilité dun ou de plusieurs équipements de déménagement faisant partie dun ensemble divers déquipements de déménagement.

 

Conserver dans la base de données des équipements de déménagement des renseignements sur létat dun ou de plusieurs équipements de déménagement faisant partie dun ensemble divers déquipements de déménagement.

 


Créer, dans ladite base de données des équipements de déménagement, une notification dévénement dentretien associée à un ou à plusieurs équipements de déménagement faisant partie dun ensemble divers déquipements de déménagement.

 

Générer une date prévue dachèvement des travaux dentretien dun ou de plusieurs équipements de déménagement à laide de la notification dévénement dentretien.

 

Transmettre automatiquement à la base de données des équipements de déménagement, la date prévue dachèvement des travaux dentretien dun ou de plusieurs équipements de déménagement.

 

Le champ d’application de la revendication 7 est semblable à celui de la revendication 9, mais la revendication 7 fait référence à une base de données sur la disponibilité plutôt qu’à une base de données des équipements de déménagement. Le champ d’application de la revendication portant sur un procédé 17 est semblable à celui de la revendication 9.

 

[24]  Les revendications 10 à 16, qui sont subordonnées à la revendication 9, ajoutent de nombreuses restrictions qui semblent de nature conventionnelle.

 

[25]  La revendication 8, qui décrit un système de suivi et de diffusion des renseignements sur les dossiers de réparation et l’état d’entretien des véhicules, se lit comme suit—:

 

8.       Un système de suivi et de diffusion des renseignements sur les dossiers de réparation et létat dentretien des véhicules, disponibles dans plusieurs centres dentretien distants, comprenant:

 

plusieurs terminaux de télécommunications locaux non colocalisés;

 

plusieurs terminaux de télécommunications régionaux non colocalisés, chacun de ces terminaux de télécommunications régionaux étant en communication électronique avec un sous-ensemble de terminaux de télécommunications locaux au sein dune région délimitée;

 

chacun des terminaux de télécommunications locaux et des terminaux de télécommunications régionaux est en communication électronique avec au moins un terminal de télécommunications dun Service de la commercialisation;

 

une base de données sur létat des véhicules liée de façon opérationnelle à chacun des terminaux de télécommunications locaux et des terminaux de télécommunications régionaux, qui contient les renseignements sur les dossiers de réparation et létat dentretien de plusieurs véhicules et qui est stockée sur un support lisible par un ordinateur;

 

les terminaux de télécommunications locaux et les terminaux de télécommunications régionaux peuvent échanger des données avec un gestionnaire déquipement central au moyen dun réseau électronique;

 


les terminaux de télécommunications locaux sont dotés de dispositifs leur permettant de générer une prévision de disponibilité au sujet de chacun des véhicules contenus dans la base de données sur létat des véhicules, cette prévision étant établie à partir des renseignements sur létat dentretien des véhicules contenus dans la base de données sur létat des véhicules;

 

les terminaux de télécommunications locaux sont dotés de dispositifs leur permettant de transmettre la prévision de disponibilité vers le terminal de télécommunications du Service de la commercialisation;

 

les terminaux de télécommunications locaux sont dotés de dispositifs de transmission leur permettant de transmettre un fichier sur létat des véhicules à partir de lun des terminaux de télécommunications locaux vers un terminal de télécommunications régional au moyen dun réseau électronique;

 

les terminaux de télécommunications locaux sont dotés de dispositifs permettant de recueillir plusieurs fichiers sur létat des véhicules reçus par ces terminaux de télécommunications locaux et de transmettre ces fichiers sur létat dentretien des véhicules vers le gestionnaire déquipement central.

 

[26]  Les revendications 19 à 21 portent également sur un système. La revendication 21, qui est celle ayant le plus grand champ d’application, se lit comme suit—:

 

21.      Un système pour la gestion de plusieurs équipements de déménagement, comprenant:

 

une base de données sur les équipements de déménagement destinée à conserver des renseignements sur les réparations de lun ou de plusieurs équipements de déménagement faisant partie dun ensemble divers déquipements de déménagement et qui est stockée sur un premier support lisible par un ordinateur;

 

un générateur de notifications dévénement dentretien servant à créer une notification dévénement dentretien dans la base de données sur les équipements de déménagement et qui est stocké sur un deuxième support lisible par un ordinateur;

 

un générateur de dates permettant de générer automatiquement une date prévue dachèvement des travaux dentretien dun ou de plusieurs équipements de déménagement à partir dune notification dévénement dentretien et qui est stocké sur un troisième support lisible par un ordinateur.

 

[27]  Selon la revendication 19, la base de données sur les équipements de déménagement contient également des renseignements sur la disponibilité des équipements; la notification d’événement d’entretien est décrite comme se rapportant à un ou à plusieurs équipements de déménagement. Un module de diffusion des dates est compris afin de communiquer automatiquement la date prévue d’achèvement des travaux d’entretien.

 


[28]  Le champ d’application de la revendication 20 est semblable à celui de la revendication 19, mais, dans la revendication 20, une première base de données de disponibilité, distincte de la base de données sur les équipement de déménagement, sert à conserver des renseignements sur la disponibilité, tandis que l’autre base de données sert à conserver des renseignements sur l’état des réparations. En outre, on ne fait état d’aucun module de diffusion des dates dans la revendication 20.

 

IMPRÉCISION

 

[29]  La nature de l’objection pour motif d’imprécision pourrait avoir une incidence sur l’appréciation des autres questions en litige examinées. Par conséquent, la Commission se penchera sur le rejet des revendications 19 à 21 fondé sur le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets.

 

Historique de la procédure dexamen

 

[30]  Dans son résumé supplémentaire des motifs, l’examinateur a supprimé l’objection à la revendication 8 (compte tenu des revendications modifiées), mais a maintenu son objection aux revendications 19 à 21 en vertu du paragraphe 27(4). La décision finale explique la nature de cette objection dans le passage suivant—:

 

Les revendications 19 à 21 décrivent des systèmes de gestion déquipements, mais elles demeurent ambiguës. Bien quelles soient présentées comme des systèmes (considérés comme des machines au sens de larticle 2), elles semblent décrire des modules logiciels et des bases de données. Si lobjet revendiqué est de nature logicielle, il doit être revendiqué comme une fabrication, cest-à-dire un support lisible par un ordinateur sur lequel sont stockés le logiciel et la base de données. Même lorsque lon prévoit revendiquer lobjet comme système (une machine), une base de données (lorsquon ne la décrit pas comme étant stockée sur un support) demeure un concept abstrait ou un modèle de données. Par conséquent, lorsquune revendication décrit une machine dont lun des composants correspond à un concept abstrait, il est impossible détablir les limites de cette revendication.

 

[31]    En réponse à la décision finale de l’examinateur, la demanderesse a déclaré que les revendications 19 à 21 avaient été modifiées de façon à préciser que les divers composants des systèmes revendiqués étaient stockés sur un support lisible par un ordinateur. L’examinateur a tenu compte de ces modifications dans le résumé des motifs et a déclaré: « les bases de données et le logiciel... les entités de données continuent d’être revendiquées directement comme composants de machine, ce qui ne permet pas d’établir clairement les limites des revendications et si le support fait partie des systèmes revendiqués»    

 


[32]        La préoccupation de l'examinateur quant à la clarté des revendications 19 à 21 était déjà évoquée dans un rapport antérieur daté du 8 juillet 2003 (en référence aux mêmes revendications numérotées de 20 à 22) dans lequel il déclarait (soulignement des caractères ajouté):

 

... on ne sait pas exactement comment un tel système revendiqué pourrait fonctionner. La base de données est décrite comme un composant distinct existant indépendamment du système, plutôt que comme une collection de données enregistrées sur un support. On ne sait pas exactement ce quest le « générateur de notifications », ni ce qui lentraîne à créer une notification dévénement dentretien. La provenance de la date prévue dachèvement des travaux dentretien communiquée par le module nest pas précisée, ni de quelle façon et à quel endroit ces trois composants sont connectés pour former le système global.

 

[33]        Le 8 janvier 2004, la demanderesse répondait en précisant qu’il était usuel de décrire la base de données dun tel système sous la forme dun élément distinct et elle donnait en références des brevets canadiens récemment délivrés dans lesquels on utilisait une formulation semblable à celle des présentes revendications.

 

Les principes juridiques applicables - Paragraphe 27(4)

 

[34]  Le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets dispose :

 

Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites lobjet de linvention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

 

[35]    Kramer c. Lawn Furniture Inc. (1974), 13 C.P.R. (2d) 231 (C.F. 1re inst.), constitue un exemple où la Cour fédérale s’est exprimée pour expliquer comment interpréter les revendications. Voici l’explication fournie à la page 237 :

Pour interpréter les revendications, il faut les lire en appliquant à leur rédaction, le vocabulaire courant du métier en cause. On doit les interpréter comme si leur lecteur était en possession de toutes les connaissances techniques nécessaires à la pleine compréhension des termes employés et des principes appliqués. Les descriptions et les dessins doivent être lus comme un tout fournissant le contexte qui aidera à interpréter la revendication, ou fournissant le vocabulaire nécessaire à linterprétation de la revendication, mais on ne doit pas sen servir pour modifier les revendications ou les amplifier, sauf dans la mesure où le vocabulaire fourni par les descriptions permet raisonnablement et à titre cette modification ou cette amplification. Comme on la souvent dit, le titulaire dun brevet doit être son propre lexicographe...

 


[36]    Même si l’on interprète les revendications en tenant compte de la description, les renvois à la description sont permis seulement comme aide à la compréhension des termes utilisés dans les revendications, et ce, à condition que ces termes aient une signification unique. Il est interdit de faire des renvois à la description lorsquil sagit de termes dont la signification est évidente, commune et claire, puisquune personne du métier les connaîtrait. De même, les renvois à des expressions rares dans la description ne peuvent appuyer les termes dans la revendication. En outre, on ne peut utiliser des renvois à la description pour modifier la portée des revendications.

 

Analyse

 

[37]    La revendication modifiée 19 se lit comme suit—:

 

19.      Un système de gestion pour la gestion de plusieurs équipements de déménagement, comprenant:

 

une base de données sur les équipements de déménagement destinée à conserver des renseignements sur les réparations de lun ou de plusieurs équipements de déménagement faisant partie dun ensemble divers déquipements de déménagement et qui est stockée sur un premier support lisible par un ordinateur;

 

un générateur de notifications dévénement dentretien servant à créer une notification dévénement dentretien dans la base de données sur les équipements de déménagement; cette notification dévénement dentretien, associée à un ou plusieurs équipements de déménagement, est stockée sur un deuxième support lisible par un ordinateur;

 

un générateur de dates permettant de générer automatiquement une date prévue dachèvement des travaux dentretien dun ou de plusieurs équipements de déménagement à partir dune notification dévénement dentretien et qui est stocké sur un troisième support lisible par un ordinateur;

 

un module de diffusion des dates servant à communiquer automatiquement à la base de données des équipements de déménagement la date prévue dachèvement des travaux dentretien de lun ou de plusieurs équipements de déménagement, ce module de diffusion des dates étant stocké sur un quatrième support lisible par un ordinateur.

 

[38]    Les revendications 20 et 21 présentent toutes deux des bases de données et des modules logiciels stockés séparément sur des supports lisibles par un ordinateur.

 


[39]    Les revendications 19 à 21 semblent porter sur un « —système—» ce qui, dans le domaine de l’informatique, est généralement considéré comme une machine. La revendication 19 précise que le générateur de notifications d’événement d’entretien crée une notification d’événement d’entretien dans la base de données des équipements de déménagement, que le générateur de dates génère une date prévue d’achèvement des travaux d’entretien à partir de la notification d’événement d’entretien et que le module de diffusion des dates communique automatiquement à la base de données des équipements de déménagement les dates prévues d’achèvement des travaux d’entretien.

 

[40]    La procédure de l’Office en ce qui a trait aux revendications portant sur une machine acceptables dans ce domaine stipule généralement que la revendication précise les éléments tangibles ou physiques, les composants ou les dispositifs qui interagissent pour produire les résultats de l’invention. Bien que les relations coopératives et fonctionnelles établies entre la base de données, le générateur de notifications, le générateur de dates et le module de diffusion de dates soient revendiquées, elles ne correspondent pas en elles-mêmes à des éléments tangibles ou physiques, et chacun de ces éléments est revendiqué comme étant stocké sur un support lisible par un ordinateur. Les éléments physiques correspondent au premier, au second, au troisième et au quatrième supports lisibles par un ordinateur.

 

[41]    Pour répondre aux exigences en matière de précision, le texte de la revendication doit préciser « —un premier support lisible par un ordinateur pour stocker la base de données des équipements de déménagement...—», « —un second support lisible par un ordinateur pour stocker le générateur de notifications d’événement d’entretien...—», « —un troisième support lisible par un ordinateur pour stocker le générateur de dates...—», et ainsi de suite. En outre, étant donné que chacun de ces modules ou programmes est revendiqué comme étant stocké sur un support distinct lisible par un ordinateur, on peut conclure qu’il existe un élément coopératif, un composant (processeur) ou des dispositifs fonctionnant parallèlement pour faire en sorte que tous ces programmes fonctionnent de la façon souhaitée. Pour plus de clarté, la revendication devrait préciser les dispositifs requis pour faire fonctionner le support (étant donné qu’un support lisible par un ordinateur est un article de fabrication, et non une machine, contrairement à ce qui fait l’objet de la revendication).

 

[42]    Avant l’octroi du brevet, la détermination de l’objet de la revendication ne doit être la cause d’aucune spéculation. Ayant examiné le dossier de l’instruction, nous concluons que les revendications 19 à 21 sont imprécises selon le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets. Si les revendications étaient par ailleurs jugées admissibles, nous recommanderions qu’elles soient modifiées selon les directives énoncées ci-dessus.

 

ANTÉRIORITÉS

 


[43]  Étant donné que les antériorités sont pertinentes pour la question de la brevetabilité ainsi que pour celle du caractère de l'évidence, nous fournissons d’abord un aperçu de ces documents.

 

Documents cités dans la décision finale

 

[44]  Dans la décision finale, les antériorités suivantes sont citées :

 

D1 : « LEO network adds eight satellites—»

Fleet Owner

PRIMEDIA Business Magazines & Media Inc., 1er février 1998

http://fleetowner.com/mag/fleet_leo_network_adds/index.html

 

D2 : « State of the art—»

Fleet Owner

PRIMEDIA Business Magazines & Media Inc., 1er août 1997

http://fleetowner.com/mag/fleet_state_art/index.html

 

Documents nayant pas de date de publication vérifiable

 

[45]  La date de revendication de la demande en instance est le 29 juin 2000. Les documents suivants cités dans la décision finale ne seront pas pris en considération par la Commission, étant donné que leur date de publication ne pouvait être vérifiée—:

 

i.      Description du progiciel Fleetwise VB pour la gestion de l’entretien des parcs de véhicules—:

http://www.fleetwisevb.com/

Consultation le 28 janvier 2004

 

ii.    Description du progiciel Vehicle Maintenance 2000 tirée d’un article de magazine publié en février 1998—:

http://www.tdsone.com/NM2.html

Consultation le 3 juillet 2003

 

iii.  Description du progiciel Fleet Assistant tirée d’un article de magazine publié en août 1997—: http://www.fleetassistant.com/SimplePopulation.asp?pageID=63

Consultation le 28 janvier 2004

 

Documents présentés à laudience

 


[46]  Dans notre lettre datée du 6 octobre 2008, nous avons offert à la demanderesse l’occasion de fournir à la Commission des observations supplémentaires au sujet de certaines références additionnelles présentées par l’examinateur à l’audience. Ces références ont été abordées dans les observations soumises par la demanderesse le 15 mai 2009. Aucune question n’a été soulevée par la demanderesse au sujet des dates de publication de ces références.

 

[47]  Les documents supplémentaires suivants seront examinés par la Commission—:

 

D3:  « Freightliner Debuts Fleet Assistant Software for Windows (3/2/99)—» daté du 2001-01-07; http://web.archive.org/web/19991109125938/www.freightliner.com/corp/press_release.asp?id=94

D4:  « WHAT IS FLEET ASSISTANT?—» daté du 1999-11-27;

http://web.archive.org/web/19991127134632/www.freightliner.com/software/fleet/what/default.asp

D5:  « HOW IT WORKS —» (Fleet Assistant ‑ overview) daté du 1999-11-27;

http://web.archive.org/web/19991127152422/www.freightliner.com/software/fleet/what/how.html

D6:  « HOW IT WORKS —» (Fleet Assistant ‑ functions) daté du 2000/01/26;

http://web.archive.org/web/20000126181008/www.freightliner.com/software/fleet/what/functions.html

D7:  « HOW IT WORKS —» (Fleet Assistant ‑ customization) daté du 2000-01-26;

http://web.archive.org/web/20000126162433/www.freightliner.com/software/fleet/what/customize.html

D8:  « Maintenance 2000 —» (TDS Inc.) daté du 1999-10-02;

http://web.archive.org/web/19991002031645/tdsvision.com/VM2.html

D9:  « Fleetwise VB ‑ Maintenance Management Made Simple —» daté du 2000-03-13;

http://web.archive.org/web/20000313000218/http://www.fleetwisevb.com

 

[48]  Les documents susmentionnés décrivent un objet similaire, sinon identique, à ceux décrits dans les documents cités dans la décision finale et dont la date de publication n’était pas vérifiable. Les dates de publication de ces documents sont indiquées par la série de chiffres située après le mot « /web—» dans l’adresse, que l’on peut lire selon le format suivant aaaammjjhhmmss, conformément aux directives énoncées dans le site Web—: http://www.archive.org/about/faqs.php#The_Wayback_Machine.

 

APERÇU DES ANTÉRIORITÉS APPLICABLES

 

[49]  Avant d’examiner les questions portant sur l’objet et l’évidence, il convient de se pencher sur chacune des références D1 à D9.


 

[50]  La référence D1, intitulée «—LEO network adds eight satellites», nous donne un aperçu des réseaux et des logiciels du marché qui font appel aux capacités de communication sans fil en temps réel pour assurer la gestion des parcs de camions. L’article mentionne, sans entrer dans les détails, divers progiciels de ce domaine et décrit les services et fonctions offerts par chacun d’eux. Les services suivants y sont décrits :

 

i.      « Une gamme de services, y compris des fonctions sans fil de suivi des remorques, de contrôle à distance des véhicules et de messagerie bidirectionnelle»;

ii.    « Calendrier d'entretien préventif, création et suivi des demandes de réparation, analyse des garanties et dautres fonctions élémentaires de gestion datelier»;

iii.  « Un certain nombre de fonctions de gestion des pièces comprenant la transmission et la saisie électroniques des commandes, le suivi automatique des numéros de pièces remplacées et des références croisées... une fonction de suivi de létat des pneus et des options de comptabilité... seront ajoutés à la version améliorée du programme dentretien.»

iv.    « Établir des liens sans fil entre les systèmes informatiques hôtes et les chauffeurs et autres travailleurs mobiles, au moyen des unités Dolphin de collecte de données de la société Hand Held Products Inc.»

 

[51]  L’examinateur mentionnait deux progiciels dans la référence D1—: Fleet Manager et Vehicle Maintenance 2000. Les extraits pertinents de la référence D1 sont reproduits ci-après [soulignement des caractères ajouté]—:

 

Le progiciel Fleet Manager est un programme de gestion de lentretien des parcs de véhicules fonctionnant sous Windows. Selon son concepteur, la société Fleet Concepts de Tupelo, au Mississipi, il offre des fonctions de saisie rapide des données et de navigation dans les dossiers ainsi que de puissantes capacités de tri et de recherche.

 

Le programme permet de créer et deffectuer le suivi des calendriers dentretien préventif, de contrôler et de mettre à jour automatiquement les stocks de pièces et de carburant et de conserver linformation détaillée sur le répertoire des véhicules, y compris les renseignements sur les garanties, la date dachat, les spécifications et les accessoires en option.

 

Il offre également dautres fonctions, comme un module de gestion du personnel, une fonction de création de demandes de réparation comprenant lestimation de la durée des réparations, et une gamme complète de rapports standard et personnalisés.

 

. . .


Le progiciel Vehicle Maintenance 2000 de la société TDS Inc. est un système de gestion de lentretien fonctionnant sous Windows qui permet dassurer le suivi des calendriers dentretien, de lhistorique des réparations, des stocks de pièces, des permis, des bons de travail et dautres renseignements sur les véhicules. Il permet également dimporter des fichiers existants provenant dune version antérieure du programme fonctionnant sous DOS.

 

[52]  La référence D2, intitulée « State of the Art» décrit les capacités d’un progiciel mis sur le marché, connu sous le nom de Fleet Assistant AS/400 vehicle maintenance software package qui a été conçu par la société Freightliner Corp. Les fonctions présentées dans la référence D2 sont les suivantes—:

 

...permet aux utilisateurs dassurer le suivi des coûts de réparation dun camion sur la route. Le module permet aux services de gestion des pannes daccéder rapidement à lhistorique récent des réparations, aux renseignements sur la garantie et aux dossiers sur lentretien préventif  dun véhicule avant dautoriser une assistance routière.

 

[53]  Bien qu’elles ne soient pas mentionnées par l’examinateur, la référence D2 fait état, dans les extraits suivants, des capacités offertes par d’autres progiciels jugés pertinents—:

 

Le contrôle des stocks de carburant à partir du logiciel de gestion du carburant fonctionnant sous PC offert par la société Veeder‑Root Co. permet aux gestionnaires de parcs de véhicules de stocker sur un ordinateur les données en temps réel sur les stocks. Un programme Windows, TLS‑PC, recueille à partir des réservoirs à simple et à double paroi et des conduites toutes les lectures sur les stocks et les renseignements sur la conformité dans lensemble de lemplacement. Une fois les données stockées sur lordinateur, il est possible dinterroger les données de différents emplacements à partir dun lieu central, ce qui rend possible le traitement des données et assure une meilleure gestion des opérations.

 

Veeder‑Root a également lancé une version améliorée de RemoteControl, un programme de communication destiné au contrôle des stocks de carburant, des alarmes et des rapports de détection des fuites demplacements éloignés. Les améliorations apportées par la nouvelle version comprennent des délais de connexion au site moins longs, la compatibilité avec la dernière version du logiciel TLS, la capacité de contrôler les systèmes pressurisés de détection des fuites sans fil et la personnalisation des rapports dalarme.

 

. . .

 


Mobile Manifest, un logiciel de gestion des parcs de véhicules et de répartition sans fil, conçu pour fonctionner avec les services sans fil de communication de voix et de données de la société Geotek Communications, permet aux petites et moyennes entreprises de gérer leurs activités. Selon Geotek, le programme opérationnel intégré permet de contrôler et dafficher les mises à jour sur létat des tâches à partir des véhicules, de consigner et darchiver la durée de toutes les tâches attribuées, dorganiser les tâches quotidiennes et de générer des rapports sur la productivité du parc de véhicules.

 

Conçu pour fonctionner sur un PC, le logiciel Mobile Manifest sintègre au logiciel de suivi, de messagerie et de communication vocale de Geotek.

 

[54]  Les références D3 à D7 portent sur le logiciel Fleet Assistant de la société Freightliner Corp., également mentionné dans la référence D2. La référence D3 est un communiqué de presse extrait du site Web de la société Freightliner Corp. Les références D4 à D7 fournissent des détails supplémentaires au sujet des fonctions et des possibilités de personnalisation du logiciel.

 

[55]  Le point de vue de la demanderesse au sujet des références D3 à D7, présenté dans sa réponse datée du 15 mai 2009, est que le logiciel Fleet Assistant est—:

 

... un logiciel pour lentretien des véhicules, comme des camions, des tracteurs et des remorques. Le logiciel aiderait les clients à rapidement cerner les problèmes, à prendre des décisions éclairées quant à leurs achats et à accroître la productivité de leurs ateliers. Selon notre compréhension, les fonctions présentées comprennent :

fonction de suivi, calendrier et alertes automatiques relatives à lentretien préventif;

fonction de suivi et contrôle des stocks de pièces;

production polyvalente de rapports et capacité de produire de 100 à 200 rapports standard;

adaptation aux parcs de 10 à 100000 véhicules;

rétroaction immédiate sur les statistiques des parcs;

architecture client-serveur en mesure de prendre en charge de multiples utilisateurs situés dans différents endroits ou bureaux;

génération de commandes de rapports permettant la création, la programmation et le suivi des demandes de réparation et dentretien préventif.

 

[56]  La référence D8 est un tableau résumant les capacités du logiciel Vehicle Maintenance 2000 dans sa version Windows. Ce logiciel est également mentionné dans la référence D1. Le point de vue de la demanderesse concernant la référence D8, présenté dans sa lettre datée du 15 mai 2009, est que ce logiciel est—:

 

... un système de gestion des calendriers dentretien préventif et des bons de travail. Selon notre compréhension, les fonctions présentées comprennent :

établissement de calendriers dentretien préventif;

fonction de suivi des stocks de pièces;

fonction de suivi des certificats d'immatriculation et des dates dinspection;

fonction de calcul automatique de la prochaine date des travaux dentretien;

mise en évidence des véhicules requérant des travaux dentretien;

gestion de divers types de véhicules (tracteurs, remorques, camions, automobiles, autobus, etc.)


 

[57]  La référence D9 porte sur le système FleetWise VB, un logiciel visant la simplification de la gestion de l’entretien des parcs de véhicules. Le point de vue de la demanderesse concernant la référence D9, présenté dans sa lettre datée du 15 mai 2009, est que ce logiciel offre les fonctions suivantes—:

 

établissement de calendriers dentretien préventif;

fonction de suivi des certificats d'immatriculation et des permis ;

fonction de suivi des stocks de pièces;

création des bons de travail;

fonction de suivi des équipements en fonction des emplacements et des clients;

adaptation aux parcs de moins de 40 véhicules à plus de 3000 véhicules;

disponibilité du système en version autonome ou réseau.

 

ÉVIDENCE

 

Les principes juridiques ‑ Évidence

 

[58]    La Cour d’appel fédérale a énoncé ainsi le critère de l’évidence à la page 294 de l’arrêt Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.) [Beloit] :

 

Pour établir si une invention est évidente, il ne sagit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. [...] Il sagit de se demander si [...] cette créature mythique [...] serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet.

 

[59]  Voici les propos que le juge Rothstein a tenu récemment au paragraphe 62 de l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, 69 CPR (4th) 251 [Sanofi], concernant le critère énoncé dans l’arrêt Beloit :

 

[62] Je ne pense pas que dans cet arrêt, le juge Hugessen a voulu conférer un caractère universel à la définition plutôt colorée quil y donne de lévidence, de façon quelle sapplique indépendamment du contexte à toute catégorie de revendication.

 

[60]    Dans Sanofi, la Cour suprême du Canada a ajouté comme suit une démarche à quatre volets pour apprécier le caractère évident :

 

[67] Lors de lexamen relatif à lévidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets dabord énoncée par le lord juge Oliver dans larrêt Windsurfing International Inc. c. Tabur Marine (Great Britain) Ltd., [1985] R.P.C. 59 (C.A.). La démarche devrait assurer davantage de rationalité, dobjectivité et de clarté. Le lord juge Jacob la récemment reformulée dans larrêt Pozzoli SPA c. BDMO SA, [2007] F.S.R. 37, [2007] EWCA Civ 588, par. 23 :


[traduction] Par conséquent, je reformulerais comme suit la démarche préconisée dans larrêt Windsurfing :

(1)      a) Identifier la « personne versée dans lart »;

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

(2)      Définir lidée originale de la revendication en cause, au besoin par voie dinterprétation;

(3)      Recenser les différences, sil en est, entre ce qui fait partie de « létat de la technique » et lidée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

(4)      Abstraction faite de toute connaissance de linvention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans lart ou dénotent-elles quelque inventivité? [Je souligne.]

Références citées

 

[61]  Les références citées sont les références D1 à D9, présentées dans l’aperçu des antériorités.

 

Les revendications 1 à 22 sont-elles évidentes?

 

Positions de lexaminateur et de la demanderesse

 

[62]  Les positions de l’examinateur et de la demanderesse ne présentent rien de particulier à cette étape et elles seront abordées dans l’analyse ci-après, selon le besoin.

 

Analyse fondée sur lapproche utilisée dans laffaire Sanofi - revendications 1 à 22

 

(1)(a)         Identifier la « personne versée dans lart».

 

[63]  La description de la personne versée dans l’art proposée par la demanderesse, et avec laquelle la Commission est d’accord, se lit comme suit—:

 

La personne versée dans lart serait un ingénieur logiciel ou un architecte de réseau compétent et ayant de lexpérience dans la conception de systèmes de gestion de parcs de véhicules.

 

(1)(b)  Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

 

[64]    La description, proposée par la demanderesse, des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art se lit comme suit—:

 


Comme la souligné lexaminateur dans la décision finale datée du 4 février 2004, les connaissances générales courantes de la personne versée dans lart comprendraient le fait de savoir que les ordinateurs dusage courant sont capables deffectuer des calculs, que les bases de données permettent de stocker de grandes quantités de données, qui peuvent ensuite être mises à jour et extraites, et que les réseaux permettent à des utilisateurs éloignés déchanger des données.

 

[65]    Nous acceptons cette observation et nous ajoutons que les connaissances générales de la personne versée dans l’art incluent également le fait de savoir que pour le personnel d’entretien des véhicules, effectuer le suivi des statistiques sur les réparations des véhicules et prévoir la disponibilité d’un véhicule dès son arrivée pour l’entretien correspond à la marche à suivre habituelle. À cet égard, nous notons que les manuels de temps de main-d’—uvre, qui donnent la liste des divers travaux de réparation d’un véhicule ainsi que l’estimation de leur durée et de leurs coûts, sont couramment utilisés dans l’industrie depuis de nombreuses années. En outre, la personne versée dans l’art connaîtrait diverses configurations de réseau faisant appel au protocole de relais de trames et à l’architecture client-serveur à trois niveaux. Des exemples de tels réseaux sont présentés dans le manuel Encyclopedia of Networking (version électronique), Tom Sheldon, 1998 (pages 78, 153, 154 à 158, 239 et 240, 675 et 676, 280 et 281, 1069).

 

(2) Définir lidée originale de la revendication en cause, au besoin par voie dinterprétation

 

[66]    Le problème que l’invention vient résoudre est l’apparente incapacité de gérer de façon efficace un parc de véhicules à l’échelle dispersé géographiquement étant donné qu’il est difficile de prévoir la disponibilité des véhicules après leur retour à un centre local de location (en raison d’un manque d’information, de fichiers et de rapports sur l’état des véhicules incomplets et de la manière dont les renseignements sont transmis entre les bureaux locaux, régionaux et centraux). On comprendra que ce problème se posait tant à l’échelle d’un seul véhicule (fichier sur l’état du véhicule incomplet au niveau local) que collectivement à l’échelle du parc complet de véhicules (rapports sur l’état du véhicule incomplet au niveau régional; tableau incomplet de l’état du parc de véhicules au niveau central).

 

[67]    Se fondant sur la lettre de la demanderesse datée du 15 mai 2009, la Commission accepte que le concept inventif des revendications 1 à 22 correspond à la combinaison suivante de caractéristiques déjà connues—:

 

i.      Génération automatique d’une prévision de disponibilité pour un véhicule durant son entretien;


ii.    Transmission de cette prévision à un niveau supérieur du réseau, puis diffusion de celle-ci vers les niveaux inférieurs au moyen d’un réseau pyramidal à trois niveaux;

iii.         Le réseau est constitué, du bas vers le haut, d’un certain nombre de terminaux de télécommunications locaux, d’un nombre moindre de terminaux de télécommunications régionaux, et d’un gestionnaire d’équipement central.

 

(3)     Recenser les différences, sil en est, entre ce qui fait partie de « létat de la technique» et lidée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation

 

[68]  La demanderesse a reconnu les capacités suivantes des antériorités citées—:

 

Le logiciel Fleet Assistant comprend un module de demande de réparation qui permet de créer, de programmer et deffectuer le suivi des demandes de réparation et dentretien préventif. Les antériorités citées font également partiellement référence à la mise en œuvre du logiciel Fleet Assistant et du logiciel FleetWise VB dans des environnements réseau.

 

[69]  La demanderesse a souligné les différences suivantes entre les antériorités citées et le concept inventif:

 

A.   Les antériorités citées ne mentionnent aucune génération automatique des prévisions de disponibilité des véhicules pendant leur entretien;

B.   Les antériorités citées ne mentionnent aucune transmission de telles prévisions vers un niveau supérieur du réseau, ni de diffusion de telles prévisions vers les niveaux inférieurs d’un réseau pyramidal à trois niveaux comprenant des terminaux de télécommunications locaux, des terminaux de télécommunications régionaux et un gestionnaire d’équipement central.

 

[70]    En ce qui a trait à la différence A, portant sur la caractéristique (i.) du concept inventif, nous notons que la référence D1 mentionne « la création de demandes de réparation accompagnées de l’estimation de la durée des travaux ». En outre, comme il a été mentionné ci‑dessus, les manuels de temps de main-d’—uvre, qui donnent la liste des durées prévues de différentes réparations de véhicules, sont couramment connus. Établir une prévision automatiquement, par exemple en utilisant une calculatrice, est une opération qui fait également partie des connaissances générales courantes. Cependant, la génération automatique de prévisions de disponibilité en faisant appel à une base de données sur l’état d’entretien des véhicules semble être une nouveauté.

 


[71]    En ce qui a trait à la différence B, portant sur les caractéristiques (ii.) et (iii.) du concept inventif, l’utilisation de réseaux à trois niveaux pour transmettre de l’information générale est également considérée comme faisant partie des connaissances générales courantes, comme il a été mentionné ci-haut. Cependant, l’utilisation de tels réseaux pour transmettre des renseignements particuliers portant sur les prévisions de disponibilité des véhicules semble être une nouveauté.

 

(4)    Abstraction faite de toute connaissance de linvention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans lart ou dénotent-elles quelque inventivité? [Je souligne.]

 

Génération automatique dune prévision de disponibilité

 

[72]    Bien qu’il n’existe rien dans les antériorités qui enseigne la façon d’établir des prévisions de disponibilité à partir d’une base de données sur l’état des véhicules, conformément à ce qui est défini dans les revendications, nous estimons que le fait d’utiliser une base de données électronique pour obtenir les durées prévues des réparations plutôt que de les trouver dans les manuels de temps de main-d’—uvre ne constitue pas en soi une étape inventive. L’idée d’automatiser ce processus manuel n’est pas considérée comme inventive. Et bien que l’on puisse trouver une certaine ingéniosité inventive dans l’application pratique d’une idée, l’informatique communiquée ne précise pas la présence d’obstacles techniques devant être surmontés afin de réaliser ce changement.

 

[73]  La demande ne semble porter sur rien de plus qu’un processeur conventionnel utilisé pour générer une prévision de disponibilité, et c’est pourquoi la Commission n'est pas en mesure de conclure que la caractéristique (i.), prise isolément, fournisse quelque degré d’invention que ce soit.

 

 

Transmission et diffusion de la prévision de disponibilité

 

[74]    Il est bien connu que les technologies des télécommunications servent à transmettre et à diffuser des données. En fait, il s’agit là de leur principale fonction. C’est pourquoi on ne peut considérer l’opération consistant à transmettre et à diffuser certaines données utiles d’un emplacement vers un autre comme une étape inventive en soi.

 

Réseau pyramidal à trois niveaux

 


[75]    Comme il a été mentionné au sujet des connaissances générales courantes, il était jugé courant avant la date de revendication de la demande en instance de configurer des réseaux au moyen du protocole de relais de trames  et d’une architecture client-serveur à trois niveaux, dotée de structures locales, régionales et centrales interconnectées. Nous avons examiné la description du réseau utilisé dans la demande en instance et elle ne semble présenter aucun résultat étonnant ou original attribuable à la structure pyramidale à trois niveaux  en question. La demanderesse ne prétend pas non plus quune structure pyramidale à trois niveaux a été inventée. Le rôle du réseau pyramidal à trois niveaux dans le cadre de linvention revendiquée est défini comme étant un réseau adapté ou programmé pour transmettre et diffuser différentes données. Par conséquent, nous considérons que la configuration de réseau invoquée dans linvention revendiquée ne correspond qu’à une conception parmi les nombreuses conceptions réalisables à partir des connaissances habituelles ou connues avant la date de revendication. Nous concluons que cet aspect de linvention, cest-à-dire le réseau pyramidal à trois niveaux, ne présente aucun degré dinventivité. Nous estimons que le problème visé par l’invention revendiquée, soit l’amélioration de la communication, entre les bureaux locaux, régionaux et central, des renseignements sur la disponibilité des véhicules après leur retour au centre de location local, est précisément le type de problème que de tels réseaux visent à régler.

 

[76]    Bien que l’on ait conclu que chacune des caractéristiques mentionnées ci-haut, prises individuellement, démontre un manque d'inventivité, la Commission doit cependant apprécier la combinaison des caractéristiques comme ensemble. Cette approche correspond à ce que la juge Snider a déclaré dans l'arrêt Compagnie pharmaceutique Procter & Gamble Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 204, 32 C.P.R. (4th) 224, aux paragraphes 93 à 95. Une telle combinaison pourrait comporter les éléments d'invention nécessaires à l'obtention d'un brevet.

 

[77]    Nous nous penchons maintenant sur les avantages de l’invention revendiquée soulignés par la demanderesse :

 

i.      Permettre à des agents de réservation éloignés de vérifier et d’effectuer des réservations pour des véhicules qui font l'objet de travaux d’entretien.

ii.          En disposant des prévisions de disponibilité au niveau du gestionnaire d’équipement central, on peut traiter les demandes de réservation de tous les centres et de toutes les régions du pays à partir d’un centre de réservation unique (un centre national, par exemple), de sorte qui n’est plus nécessaire d’exploiter des centres de réservation locaux et régionaux.

iii.         Les prévisions de disponibilité offertes en région et de manière centralisée permettent d’obtenir un tableau plus complet de la disponibilité future des véhicules, ce qui facilite la prise de décisions concernant l’attribution des véhicules.


iv.         Grâce aux prévisions de disponibilité fournies localement, un agent peut informer un client, lorsqu’il appelle un centre de location, en précisant quels véhicules faisant l’objet de travaux d’entretien seront disponibles, à la date souhaitée, dans un centre voisin.

 

[78]    L’ensemble de ces avantages démontre l’utilité de l’invention revendiquée dans le cadre des activités de suivi d’un parc de véhicules, lorsque des prévisions de disponibilité sont générées et diffusées au moyen d’un réseau pyramidal à trois niveaux. Cependant, la Commission est d’avis qu’il s’agit là d’avantages prévisibles résultant de l’automatisation du processus consistant à établir les prévisions de disponibilité des véhicules et à diffuser cette information dans tous les bureaux locaux, régionaux et central. Par conséquent, nous concluons que les revendications 1 à 22 auraient été évidentes pour une personne versée dans l’art.

 

OBJET BREVETABLE

 

[79]    Dans la présente partie, les expressions « objet brevetable » et « objet visé par la Loi » sont interchangeables, de même que les expressions « technique—» et «—technologique—».

 

Les principes juridiques - Brevetabilité de lobjet

 

Définition de linvention

 

[80]  Voici comment l’invention est définie à l’article 2 de la Loi sur les brevets :

 

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de lun deux, présentant le caractère de la nouveauté et de lutilité.

Approche utilisée pour évaluer l'objet

 

[81]    Comme il a déjà été mentionné, l’approche utilisée pour évaluer l’objet est celle présentée dans l’arrêt Amazon.com [paragraphes 124 à 162]. La demanderesse a indiqué que sa réponse datée du 15 mai 2009 visait à aborder l’approche utilisée pour évaluer l'objet.

 

[82]  Par souci de commodité, des éléments de l’approche présentée dans le dossier Amazon.com sont reproduits ci-après. Le fondement de cette approche est présenté aux paragraphes 124 à 162 du dossier Amazon.com.

 

-       Tenir compte à la fois de la forme et de la substance des revendications


L’appréciation de l’objet brevetable exige de tenir compte à la fois de la forme et de la substance des revendications.           

 

-       Formes des revendications

On entend par « forme » ce que le libellé de la revendication, à sa face même, semble définir à titre d'invention.

 

-       Substance des revendications (la découverte)

Il s'agit là de comprendre pleinement la nature de l'invention revendiquée et de déterminer ce qui a été ajouté à la connaissance humaine [« la découverte »] par l'invention revendiquée.

 

-       L'objet doit satisfaire la définition de l'une des catégories d'invention

L'interprétation jurisprudentielle des expressions «—réalisation —», «—procédé —»,«—machine —», «—fabrication —» et «—composition de matières—» doit être examinée pour déterminer si l'objet des revendications correspond à l'une de ces catégories.

Changement de nature ou d'état

En l'espèce, la définition de l'expression « réalisation » revêt une importance particulière. L'arrêt Lawson c. Commissaire des brevets (1970), 62 C.P.R. 101 (C. de l'É.) [arrêt Lawson] enseigne qu'une réalisation brevetable doit entraîner un changement de nature ou d'état par rapport à l'objet matériel.

 

-       Objet exclu (non prévu par la Loi)

Certains objets ne peuvent être brevetés. Par exemple, les programmes informatiques, si la découverte est une méthode de calcul, les méthodes de traitement médical, les formes de vie supérieures, les systèmes et méthodes de gestion d'entreprise, ainsi que les compétences et les méthodes professionnelles ont été exclus à la suite de l'interprétation que les tribunaux ont donné des définitions figurant à l'article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets (arrêt Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 R.C.S. 902, au paragraphe 133, juge dissident [arrêt Schmeiser]).

 

-       Objet non technologique, donc non prévu par la Loi

Chacune des cinq catégories d'invention porte essentiellement sur un objet de nature technologique. Il s'ensuit que l'objet qui n'est pas technologique est un objet non visé par la Loi et donc, ne pouvant entrer dans aucune des catégories d'invention.

 


[83]  En résumé, pour qu'une revendication soit brevetable, la forme de la revendication (la revendication, à sa face même) doit se rapporter à l'une des cinq catégories d'invention brevetable (réalisation, procédé, machine, fabrication ou composition de matières). De plus, la forme de la revendication ne doit porter ni sur un objet exclu, ni sur un objet non technologique. Dans le même ordre d'idées, la substance de l'invention revendiquée, ou « ce qui a été ajouté à la connaissance humaine », doit relever de l'une des cinq catégories d'invention brevetable, et ce qui a été ajouté à la connaissance humaine dans l'invention revendiquée ne doit porter ni sur un objet exclu, ni sur un objet non technologique.

 

[84]    Ces trois critères (catégories d’invention, objet exclu, objet non technologique) se chevauchent en grande partie, car les objets qui ont été exclus à la suite de l'interprétation que les tribunaux ont donnée des définitions figurant à l'article 2 et au paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets l’ont été au motif qu’ils ne se rapportaient pas à l'une des cinq catégories d'invention brevetable, et que la plupart des objets non brevetables sont par nature non technologiques. Par conséquent, l’objet revendiqué va habituellement répondre ou ne pas répondre à l’ensemble des trois critères. Cependant, ces critères ne coïncident pas exactement. Par exemple, une forme de vie supérieure génétiquement modifiée peut être de nature technologique, mais elle ne constitue pas un objet brevetable.

 

[85]    Selon l’approche adoptée dans l’arrêt Amazon.com pour trancher la question de la brevetabilité de l’objet, on doit tenir compte non seulement de la forme de la revendication, mais également de la substance de l’invention revendiquée, c’est-à-dire la contribution à la connaissance humaine. Ce faisant, une revendication dont la substance est constituée d’un procédé non brevetable ne peut pas être rendue brevetable par l’inclusion dans la revendication de matériel conventionnel qui ne contribuerait d’aucune façon au progrès technique réalisé.

 

[86]  Une invention revendiquée peut être exclue pour une ou plusieurs des raisons susmentionnées. Il n’est pas nécessaire que l’analyse soit effectuée dans un ordre précis.  

 

Déterminer si un objet est de nature non technologique ou sil présente un gain technique

 

[87]  Lorsqu’on évalue si un objet est de nature non technologique, la découverte d’un gain technique n’est pas un critère suffisant; il doit s’agir d’un gain technique pertinent. Bien qu'elle ne soit pas contraignante, nous considérons comme éclairante dans ce contexte la décision dans l’arrêt Shopalotto.Com Ltd, Re Demande de brevet GB 0017772.5, [2005] EWHC 2416 [Shopalotto]. Au paragraphe 9 de la décision, cette exigence quant à la pertinence est décrite comme suit—:

 


Prenons un programme écrit pour un ordinateur et qui permet à un ordinateur existant de traiter des données de façon nouvelle et de produire ainsi un gain technique, par exemple une accélération de la vitesse de traitement, un affichage plus rapide de linformation ou un nouveau type daffichage de linformation. Il est difficile de prétendre quil ne sagit pas là de gains techniques, et que lordinateur programmé étant une machine qui, par hypothèse, na jamais existé auparavant, correspond à un article technique qui devrait donc en principe bénéficier de la protection offerte par l'octroi d'un brevet. La vraie question est de savoir sil sagit dun gain technique pertinent, cest-à-dire si ce gain technique est suffisant: est-ce que la portée du gain technique de linvention dépasse celle du gain correspondant aux résultats obtenus par le simple chargement dun programme dans un ordinateur?  Cest ce genre de réflexions qui a permis de développer une approche que je considère bien établie dans la jurisprudence, et qui consiste à examiner lordinateur programmé revendiqué et à se demander de quelle façon cette invention contribue au progrès de la technique indépendamment du fait quelle sapplique à un ordinateur programmé. Si la contribution de linvention nest pas liée à lun des motifs dexclusion des objets, elle est alors brevetable, mais si la seule contribution à la technique est liée à un motif dexclusion, alors elle nest pas brevetable.

 

[88]    Plus récemment, dans la décision AT&T Knowledge Ventures LP, [2009] EWHC 343 (Pat) [AT&T Knowledge Ventures], au paragraphe 40, le juge Lewison a examiné la jurisprudence britannique et celle de l’Organisation européenne des brevets concernant les gains techniques, en concluant comme suit—:

 

... il me semble que les conditions utiles permettant de vérifier la pertinence des gains techniques sont les suivantes :

 

i) Le gain technique revendiqué a un effet sur un processus se déroulant à lextérieur de lordinateur.

 

ii) Le gain technique revendiqué se manifeste au niveau de larchitecture de lordinateur; autrement dit, il se manifeste indépendamment des données en cours de traitement ou des applications en cours dexécution.

 

iii) Le gain technique a pour résultat de faire fonctionner lordinateur dune nouvelle façon.

 

iv) Le gain technique a pour résultat daccroître la vitesse ou la fiabilité de lordinateur.

 

v) Linvention revendiquée permet de résoudre le problème perçu, plutôt que de simplement le contourner.

 

Clarification de lexclusion visant les « pratiques commerciales »

 


[89]    Dans l’arrêt Amazon.com, la commissaire a déclaré que les pratiques commerciales n’étaient pas brevetables. Autrement dit, lorsqu’une invention revendiquée consiste, par sa forme ou sa substance, en un schéma, un plan ou des règles visant la conduite des affaires, elle est alors non brevetable. Cependant, les procédés ou les machines ne perdent pas nécessairement leur droit à la brevetabilité du simple fait qu’ils ont été conçus pour être utilisés dans le cadre de certaines activités commerciales.

 

Analyse: partie 2

 

Forme des revendications

 

[90]    Les revendications 1 à 7, 9 à 18 et 22 présentent les étapes physiques d’un procédé et elles semblent donc à première vue entrer dans la catégorie d’une réalisation ou d’un procédé. Cependant, les revendications indépendantes 7, 9 et 17 présentent « un procédé de gestion—» d’un parc de véhicules (ou d’équipements de déménagement, comme dans la revendication 9). Cette phraséologie suggère une activité administrative ou une méthode visant à organiser les activités humaines, ce qui correspond à un objet exclu, comme l’a établi la commissaire des brevets dans l’affaire Amazon.com. Par conséquent, les revendications 7, 9 et 17, à leur face même, décrivent des objets exclus. Nous ajouterions que s’il se révélait que ces revendications visaient un objet brevetable, l’irrégularité mentionnée ci-haut concernant la forme pourrait être corrigée au moyen d’une modification.

 

[91]    La revendication 8, à sa face même, vise un système qui correspond à un objet physique (une machine). Comme il a été mentionné précédemment à la section IMPRÉCISION, les revendications 19 à 21 présentent une ambiguïté quant à la catégorie d’invention revendiquée. De par leur forme, nous considérerons que ces revendications visent un système (une machine). Par conséquent, les revendications 8 et 19 à 21, à leur face même, décrivent des objets brevetables.

 

Substance des revendications

 

[92]    À cette étape, la Commission note que, même s’il s’avère que les revendications ne sont pas inventives, cela ne veut pas dire qu’il est impossible d’identifier, aux fins de l'appréciation de l'objet brevetable, une caractéristique que cette demande aurait ajoutée (ou potentiellement ajoutée) à la connaissance humaine, c’est-à-dire la substance de l’invention revendiquée. Cela dit, il y aura certainement d’autres dossiers dans lesquels la substance de l’invention revendiquée est semblable à l’étape inventive pour ce qui est du caractère évident.

 

[93]    Dans sa lettre datée du 15 mai 2009, la demanderesse déclarait—:

 


... la substance de linvention revendiquée, ou la contribution à la connaissance humaine, correspond à la combinaison dopérations, soit la génération automatique de la prévision de disponibilité dun véhicule faisant lobjet de travaux dentretien, la transmission de cette prévision vers un niveau supérieur du réseau suivi de la diffusion de la prévision dans un réseau pyramidal à trois niveaux comprenant, du bas vers le haut, un certain nombre de terminaux de télécommunications locaux, un nombre moindre de terminaux de télécommunications régionaux et un gestionnaire déquipement central.

 

[94]    En revanche, la position de l’examinateur concernant la substance de l’invention revendiquée, décrite aux pages 2 et 3 de la décision finale, est que l’invention revendiquée «— propose simplement dutiliser les technologies connues afin dautomatiser et de faciliter la tenue des comptes conventionnelle et les pratiques de gestion des parcs de véhicules. Aucune nouvelle technologie na été décrite... » La position de l’examinateur a pour fondement que « les gestionnaires de parc de véhicules ont toujours eu à maintenir linformation sur lemplacement et létat de leurs équipements, afin de prédire à quel moment certains véhicules seraient disponibles, et afin déchanger cette information avec les autres employés; il apparaît logique de tirer avantage des outils connus pour faciliter ces tâches. » 

 

[95]    En ce qui concerne les commentaires formulés par l’examinateur, nous estimons qu’une invention revendiquée ne peut être considérée comme un objet prévu par la Loi si la caractéristique ou le groupe de caractéristiques qui en font un objet nouveau et non évident sont des objets exclus. Cette position est conforme à ce qui a été énoncé dans l’arrêt Amazon.com (paragraphes 128 et 129).  Plus récemment, dans l’arrêt IGT/Acres Gaming Inc, Re [2008] EWHC 568 [IGT], aux paragraphes 21 à 24 de la décision, M. Peter Prescott, conseiller de la reine (siégeant à titre de juge suppléant) a réitéré ce concept dans l’arrêt Aerotel Ltd c. Telco Holdings Ltd & Others, [2006] EWCA Civ 1371 [Aerotel], déclarant [soulignement des caractères soulignés ajouté]—:

 

Bien quil y avait un certain désaccord entre les deux parties, elles ont convenu que le Bureau des brevets était en droit deffectuer une recherche dantériorités et que sil savérait alors que la contribution présumée était déjà connue ou évidente, il serait alors difficile daffirmer quune contribution avait été apportée à la connaissance humaine. À mon avis, cest exact. Et il ny a pas de contribution brevetable à la connaissance humaine si ce qui est considéré nouveau et non évident ne vise pas simplement une pratique commerciale.

 

[96]  Comme il est indiqué dans l’arrêt Aerotel (au paragraphe 44), «—En dernière analyse, le critère doit porter sur la contribution qui a réellement été apportée, et non pas sur ce que l’inventeur a à dire concernant son invention. »

 


[97]    À cette étape, nous aimerions ajouter certains commentaires au sujet de la nature de l’analyse de la substance. À première vue, il peut sembler que le fait d’aborder la question de l’objet brevetable en tenant compte uniquement d’un sous-ensemble des caractéristiques revendiquées ne permet pas de considérer la brevetabilité de la combinaison complète des caractéristiques revendiquées.  Cependant, compte tenu de ce qui a été discuté précédemment concernant les gains techniques, l’évaluation présentée dans l’arrêt Amazon.com (aux paragraphes 184 à 194) inclut une vérification visant à déterminer si les caractéristiques ajoutées à la connaissance humaine découlent d’un gain technique de l’invention revendiquée prise dans son ensemble. On procède ainsi lorsque la substance de l’invention ne semble pas de nature technologique, afin de s’assurer de tenir compte dans l’évaluation de toute contribution technologique pertinente dans la combinaison des caractéristiques revendiquées.

 

[98]  Afin de déterminer la substance de l’invention revendiquée, nous examinerons maintenant les caractéristiques précisées par la demanderesse.

 

Génération automatique dune prévision de disponibilité

 

[99]    Dans le cas d’un véhicule faisant l’objet de travaux d’entretien, tel qu’il est mentionné aux pages 13 et 14 du présent document, la génération de la prévision de disponibilité nécessite un calcul du temps de réparation et d’entretien moyen dans un centre donné. Les données proviennent de la base de données sur l’état des véhicules (200) et des notifications d’événement d’entretien (220) relatives à des travaux de réparation et d’entretien réalisés au centre d’entretien au cours des trente derniers jours. On peut les utiliser pour déterminer le temps écoulé entre l’arrivée du véhicule aux centres d’entretien et la fin des travaux d’entretien. Tel qu’il est mentionné à la page 13 de la demande en instance, il est également possible de classer et de calculer cette information sur la durée moyenne d’une réparation ou de travaux d’entretien en fonction des types d’équipements et du type d’entretien requis.

 


[100]  La Commission estime qu’avant la date de revendication, il était de pratique courante pour le personnel d’entretien des véhicules d’effectuer le suivi des statistiques sur les réparations des véhicules et de prévoir la disponibilité d’un véhicule dès son arrivée au centre d’entretien. À cet égard, nous retenons que les manuels de temps de main-d’—uvre, qui donnent la liste des divers travaux de réparation d’un véhicule ainsi que l’estimation de leur durée et de leurs coûts, sont couramment utilisés dans l’industrie depuis de nombreuses années. Nous relevons également que la référence D1 mentionne « une fonction de création de demande de réparation comprenant une estimation de la durée des travaux de réparation ». Par conséquent, en tenant compte de ce qui était bien connu avant la date de revendication, nous estimons que la génération de prévisions de disponibilité est une opération bien connue dans le domaine de l’entretien. Il semble également acquis et fondé de dire qu’une personne effectuant de telles prévisions ferait usage des outils de calcul à sa portée, par exemple des calculatrices et des ordinateurs, afin d’automatiser les calculs liés à cette opération. Il ne semble donc pas y avoir, à première vue, quoi que ce soit que cette caractéristique seule ait pu ajouter à la connaissance humaine.

 

[101]  Cependant, étant donné que la demanderesse estime que cette caractéristique fait partie de la combinaison de caractéristiques qui, elle, apporte une contribution à la connaissance humaine, et que cette caractéristique n’est explicitement exposée dans aucune des antériorités, nous l’acceptons comme l’une des composantes de la substance de l’invention.

 

Transmission et diffusion de la prévision

 

[102]  La transmission et la diffusion des prévisions de disponibilité dans un réseau sont des opérations que les personnes versées dans l’art considèrent comme faisant partie des fonctions conventionnelles d’un réseau. Il est bien connu que les technologies des télécommunications servent à transmettre et à diffuser des données, et qu’en fait il s’agit là de la principale fonction des communications électroniques à l’intérieur des réseaux. La seule différence relative aux revendications est la nature particulière des données transmises.

 

Réseau pyramidal à trois niveaux

 

[103]  En ce qui concerne la caractéristique du réseau pyramidal à trois niveaux formé des terminaux locaux et régionaux et d’un gestionnaire d’équipement central, aucune des références D1 à D7 ne fait explicitement référence à un type de réseau à trois niveaux. Nous relevons que la référence D2 précise que le logiciel de gestion PC Fuel de la société Vender‑Root Co. dispose de la capacité de stocker des données sur un ordinateur, et d’interroger à partir d’un lieu central des données provenant de divers emplacements, ce qui permet le traitement des données et une meilleure gestion des opérations. Les références D1 et D2 mentionnent des  possibilités de communication au moyen de satellites, de téléphones cellulaires, de paquets de données, de réseaux radio à ressources partagées et de systèmes sans fil [voir la référence D1, Locsys Embedded Operation system, Veedor-Root Co., Geotek Communications; et la référence D2, ARDIS/AMSC].

 


[104]  La demanderesse soutient que la substance de l’invention comprend la transmission et la diffusion de l’information dans un réseau pyramidal à trois niveaux selon une méthode conventionnelle. Nous avons examiné la description de ce réseau dans l’application en instance, et elle ne semble indiquer la présence d’aucun résultat étonnant ou particulier attribuable à la structure pyramidale à trois niveaux, qui aurait pu être considéré comme une contribution à la connaissance humaine. La demanderesse ne prétend pas non plus que la structure pyramidale à trois niveaux constitue lobjet de la découverte.

 

[105]  À la page 7 (ligne 4) et à la page 8 (ligne 7), dans la description de l’interconnectivité des terminaux de télécommunications régionaux avec le gestionnaire d’équipement central et les terminaux de télécommunications locaux, on fait référence à des fonctions qui étaient déjà connues à la date de revendication de la demande, par exemple à l’architecture client-serveur, aux protocoles à commutation de paquets et à relais de trame et aux réseaux étendus (WAN). Le réseau pyramidal à trois niveaux faisait également partie des connaissances générales avant la date de revendication. Ce qui était, à notre avis, déjà connu avant la date à laquelle la revendication a été présentée, notamment, dans le manuel Encyclopedia of Networking (version électronique), Tom Sheldon, 1998. On y décrit les réseaux étendus (WAN), les réseaux locaux (LAN) et les relais de trame aux pages 413 à 424, aux pages 567 et 568 et aux pages 1059 à 1064. Un modèle de réseau à trois niveaux est décrit aux pages 78, 153, 239 et 240, 675 et 676, 280 et 281 et 1069. Différentes configurations client-serveur sont décrites aux pages 154 à 158.

 

[106]  Nous concluons qu’il était de pratique courante, avant la date de revendication de la demande en instance, de configurer des réseaux en faisant appel à un protocole de relais de trame et à une architecture client-serveur à trois niveaux dotée de structures locales, régionales et centrale interconnectées. Cest pourquoi nous estimons que la configuration de réseau particulière à linvention revendiquée ne représente que lune des nombreuses configurations qui auraient pu être utilisées compte tenu de létat des connaissances avant la date de revendication, et des besoins de lutilisateur.

 

[107]     Le réseau pyramidal à trois niveaux mentionné dans l’invention revendiquée ne fait pas lui-même partie de la contribution à la connaissance humaine. On le considère plutôt comme le configuration de réseau connue qui a été adaptée ou programmée afin de transmettre et de diffuser ce type particulier dinformation.

 

[108]  Compte tenu de ce qui précède, nous concluons que la contribution à la connaissance humaine apportée par l’invention revendiquée consiste en la combinaison des opérations suivantes : génération automatique d’une prévision de disponibilité d’un véhicule faisant l’objet de travaux d’entretien, transmission et diffusion  de cette prévision de disponibilité dans un réseau pyramidal à trois niveaux. Nous comprenons également que le réseau pyramidal à trois niveaux a fait l’objet d’une programmation appropriée de façon à pouvoir transmettre et diffuser la prévision de disponibilité, procurant ainsi à l’utilisateur une meilleure gestion du parc de véhicules.


 

[109]  Les revendications 1 à 7, 9 à 18 et 22 présentent les étapes d’un procédé et seront évaluées afin de déterminer si la substance de l’invention revendiquée relève de la catégorie réalisation ou de la catégorie procédé. Quant aux revendications 8 et 19 à 21, bien que par leur forme elles visent un système, nous estimons que la substance de l’invention revendiquée dans ces revendications est la même que celle des revendications portant sur un procédé. Par conséquent, les revendications 8 à 19 et 21 seront également évaluées afin de déterminer si leur substance relève de la catégorie réalisation ou de la catégorie procédé.

 

La substance des revendications est‑elle de nature technologique?

 

[110]  Nous utiliserons l’approche établie dans l’affaire Amazon.com afin de déterminer si la substance des revendications est de nature technologique. Cette analyse tiendra compte de notre conclusion présentée ci‑dessus sur la contribution à la connaissance humaine apportée par l’invention revendiquée.

 

[111]   En ce qui a trait à la génération d’une prévision de disponibilité, nous estimons que cette fonction n’est pas de nature technologique, étant donné que l’on peut obtenir une prévision de date à partir d’un simple calcul et de données saisies.  Nous notons que la demanderesse a précisé que la substance incluait « une génération automatique... » (c’est-à-dire l’utilisation d’un ordinateur pour effectuer le calcul).  Néanmoins, il demeure que la prévision de disponibilité n’est pas de nature technique et nous sommes d’avis que cette caractéristique est indépendante de la question de savoir si le calcul a été effectué par un esprit humain ou par un ordinateur. Les ordinateurs sont des machines qui ont pour fonction d’effectuer toutes sortes de calcul. Il n’est pas important, d’un point de vue technique, que les calculs portent sur des options de comptabilité [référence D1], sur le suivi des coûts de réparation [référence D2] ou sur la productivité des parcs de véhicules [référence D2; logiciel Mobile Manifest de la société Geotek Communications].

 

[112]   De manière générale, on considère que les dispositifs matériels, les dispositifs logiciels et les appareils qui effectuent des calculs peuvent apporter un gain technique (voir notre examen précédent du gain technique). Cependant, selon notre évaluation de la demande, celle-ci ne semble présenter rien de plus qu’un processeur classique utilisé pour générer une prévision de disponibilité de manière conventionnelle.

 


[113]   Comme nous l’avons mentionné plus haut, le réseau à trois niveaux a été adapté ou programmé de façon appropriée afin de diffuser la prévision de disponibilité. L’adaptation ou la programmation d’un réseau pyramidal à trois niveaux classique dans le but de transmettre de nouvelles données ne permet pas en soi de conclure que la substance de l’invention est de nature technologique. Nous examinerons donc à présent les résultats ou les avantages  de l’invention présentés par la demanderesse dans sa demande afin de déterminer s’ils présentent un gain technique pertinent.

 

Est-ce que les résultats ou les avantages démontrent lexistence dun gain technique?

 

[114]          L’invention revendiquée a pour résultat de permettre une diffusion et une transmission des prévisions de disponibilité à l’échelle d’une organisation. À première vue, ce résultat ne constitue pas un gain technique.

 

[115]          Dans sa lettre datée du 15 mai 2009, la demanderesse fournissait les explications suivantes au sujet du fonctionnement de l’invention—:

 

Une prévision de disponibilité est générée par le terminal de télécommunications local, à partir des données sur létat dentretien des véhicules, saisies par les utilisateurs dans une base de données sur létat des véhicules couplée au terminal de télécommunications local. La prévision est recueillie dans un fichier sur létat des véhicules stocké dans le terminal de télécommunications local. Ce fichier sur létat des véhicules ainsi que dautres fichiers semblables provenant dautres terminaux de télécommunications sont regroupés pour produire un rapport sur létat des véhicules enregistré sur le terminal de télécommunications régional. Les rapports sur létat des véhicules enregistrés sur les terminaux de télécommunications régionaux sont ensuite transmis à un gestionnaire déquipement central, pour ensuite être diffusés vers les terminaux de télécommunications locaux et régionaux de façon à ce que la prévision soit rendue accessible à tous les terminaux de télécommunications locaux et régionaux, quelle que soit la région où se situe un véhicule.

 

[116]   Nous avons également examiné la description des opérations de collecte des données de prévision dans un fichier sur l’état des véhicules et de regroupement des fichiers sur l’état d’entretien des véhicules pour produire des rapports sur l’état des véhicules. De telles entités utilisées pour la collecte et le regroupement des données correspondent à des opérations bien connues dans cette technique (on peut notamment consulter les passages du manuel Encyclopedia of Networking mentionnés lors de notre discussion sur la substance de l’invention). Nous estimons que la nomenclature particulière utilisée dans la demande et que les données des prévisions recueillies n’offrent aucun gain technique dans le réseau. La description de la substance de l’invention revendiquée fournie par la demanderesse va dans le même sens.

 

[117]          Les avantages suivants, découlant de l’invention, ont été soulignés par la demanderesse—:

 


i.           Permettre à des agents de réservations distants de vérifier et d’effectuer des réservations pour des véhicules qui font l'objet de travaux d’entretien.

ii.          En disposant des prévisions de disponibilité au niveau du gestionnaire d’équipement central, on peut ainsi traiter les demandes de réservation de tous les centres et de toutes les régions du pays à partir d’un centre de réservation unique (un centre national, par exemple), de sorte qu’il n’est plus nécessaire d’exploiter des centres de réservation locaux et régionaux.

iii.         Les prévisions de disponibilité offertes en région et de manière centralisée permettent d’obtenir un tableau plus complet de la disponibilité future des véhicules, ce qui facilite la prise de décisions concernant l’attribution des véhicules.

iv.         Grâce aux prévisions de disponibilité fournies localement, un agent peut indiquer à un client, lorsqu’il appelle un centre de location, quels véhicules faisant l’objet de travaux d’entretien seront disponibles, à la date souhaitée, dans un centre voisin.

 

[118]   La Commission est d’avis que tous ces avantages démontrent l’utilité de la génération de prévisions de disponibilité et de la diffusion de cette information dans un réseau, dans le cadre du suivi des activités d’un parc de véhicules. L‘utilité découle du fait que les réseaux servent, de par leur nature même, à résoudre les problèmes de communication entre centres distants. Ainsi, un utilisateur peut accéder (à partir d’un terminal central, distant ou régional) aux prévisions de disponibilité provenant d’autres centres. L’adaptation des réseaux dans le but de recueillir, de diffuser et de mettre à jour les données provenant de différents centres est une caractéristique bien connue.

 

[119]   La nouveauté offerte par ces avantages réside dans la mise à jour et la diffusion des données de prévision de disponibilité dans un réseau. La Commission estime que cette nouveauté ne diffère en rien des avantages connus obtenus par la diffusion de n’importe quel type d’information au moyen d’un réseau.

 

[120]  Nous concluons que les capacités technologiques offrant ces avantages sont inhérentes à tous les réseaux servant au partage de données. Il n’y a donc aucune contribution de nature technologique ajoutée à la connaissance humaine découlant des avantages de l’invention revendiquée.   

 


[121]   Dans ses observations, la demanderesse affirme que la substance de l’invention revendiquée est de nature technologique et l’explique par « linteraction dun certain nombre de domaines technologiques y compris les technologies informatiques, de bases de données et de réseau. » Dans son analyse supplémentaire, l’examinateur a rappelé qu’il était « bien connu que les réseaux  de bases de données et dordinateurs peuvent être utilisés pour échanger des données avec des emplacements distants - la nature des données échangées ne permet pas de distinguer lobjet sur le plan de la brevetabilité. » Nous partageons l’avis de l’examinateur en nous fondant sur notre analyse ci-dessus.

 

[122]  Afin de vérifier notre évaluation, nous avons estimé que les indications au sujet du gain technique provenant de l’arrêt AT&T Knowledge Ventures nous permettaient de trancher la question. Chacune des indications fournies par le juge Lewison est présentée ci-dessous—:

 

i.           Le gain technique a un effet technique sur le procédé qui se déroule à lextérieur de lordinateur.

 

Pour ce qui est de la génération, de la collecte, de la diffusion, de l’accès et de l’utilisation des prévisions de disponibilité, on n’observe aucun effet technique touchant un procédé qui se déroulerait à l’extérieur de l’ordinateur. Les seuls effets techniques touchent l’administration des activités d’un parc de véhicules.

 

ii.           Le gain technique se manifeste sur le plan de larchitecture de lordinateur; autrement dit, le gain est obtenu quelles que soient les données en cours de traitement ou les applications en cours dexécution.

 

Aucun gain technique ne se manifeste sur le plan de l’architecture de l’ordinateur. En fait, le gain attribuable à l’invention revendiquée dépend entièrement des prévisions de disponibilité en cours de traitement.

 

iii.         Le gain technique a pour résultat de faire fonctionner lordinateur dune nouvelle façon.

 

Comme nous l’avons mentionné précédemment, ce n’est pas la nouvelle façon de fonctionner d’un ordinateur ou d’un réseau d’ordinateurs qui produit les gains techniques possibles de l’invention. La Commission est d’avis que le réseau fonctionne de façon conventionnelle et que, d’un point de vue technique, aucune nouvelle façon de faire fonctionner le réseau n’a été présentée par la demanderesse.

 


iv.         Le gain technique a pour résultat daccroître la vitesse ou la fiabilité de lordinateur.

 

Mis à part l’efficacité et les avantages opérationnels obtenus par la diffusion des données de prévision, aucun accroissement de la vitesse ou de la fiabilité de l’ordinateur ou du réseau n’a été revendiqué par la demanderesse.

 

v.          Linvention revendiquée permet de résoudre le problème perçu, plutôt que de simplement le contourner.

 

Les problèmes perçus exposés dans la demande en instance semblent être liés aux difficultés administratives découlant d’un manque de coordination ou de mise à jour des données de prévision de disponibilité des véhicules faisant l’objet de travaux d’entretien dans des endroits dispersés. Formulé de façon plus précise, le problème technique exposé dans la demande en instance est de trouver le moyen de diffuser et de transmettre les prévisions de disponibilité générées entre des endroits dispersés. Comme nous l’avons démontré dans notre analyse présentée ci-dessus, la solution technique proposée dans la demande en instance était connue ou consistait en une variation de conception évidente de ce qui était connu. Par conséquent, ce qui a été découvert n’est pas de nature technologique. Par conséquent, la question de déterminer si un problème perçu a simplement été contourné ne s’applique pas dans ce contexte.

 

[123]  D’après notre analyse présentée ci-dessus, les revendications 1 à 22 n’apportent aucune contribution à la connaissance humaine qui soit de nature technologique et par conséquent elles ne sont pas prévues par la Loi. Nous avons examiné avec attention l’application pratique sous‑jacente à l’invention revendiquée, et, à notre avis, rien n'est apporté à la connaissance humaine qui soit de nature technologique.

 

La substance des revendications vise-t-elle un objet exclu?

 

[124]          La Commission se penche sur la question à savoir si la substance de l’invention revendiquée se rapporte à un objet exclu.

 

Exclusions applicables

 


[125]  Nous nous reportons à l’arrêt Amazon.com (paragraphes 140 à 146) où est établi l’exclusion des pratiques commerciales. Dans cet arrêt, la Commission examine l’arrêt Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 SCC 34, [2004] 1 S.C.R. 902, au paragraphe 133, juge dissident [arrêt Schmeiser], la décision In the Matter of Cooper's Application for a Patent, [1901] 19 R.P.C. 53 [arrêt Cooper’s Application], et l'ouvrage intitulé Digest of Canadian Patent Law, Harold G. Fox, 1957 (Carswell) à la page p. 11 [Fox}. À partir de la liste des différentes exclusions, nous pouvons déduire que lorsque la substance d’une invention revendiquée consiste en un procédé, un système ou un projet pour mener certaines affaires, elle est alors non prévue par la Loi.

 

[126]  Dans la décision finale, l’examinateur déclare : « cette demande ne fait que proposer d’utiliser les technologies connues afin d’automatiser et de faciliter la tenue des comptes conventionnelle et les pratiques de gestion des parcs de véhicules. » En réponse, la demanderesse a remis en question les critères de brevetabilité.

 

[127]  La contribution de l’invention à la connaissance humaine consiste en une programmation qui permet à un réseau pyramidal à trois niveaux de transmettre et de diffuser la prévision de disponibilité d’un véhicule faisant l’objet de travaux d’entretien, cette prévision étant générée automatiquement. L’invention fournit essentiellement de l’information aux gestionnaires de parcs de véhicules, en la diffusant horizontalement et verticalement dans un réseau, afin de les aider dans leurs tâches quotidiennes. À notre avis, ce type de progrès vise uniquement un procédé administratif.

 

[128]  La Commission estime que lorsque la substance d’une invention consiste en un procédé purement administratif visant à traiter et à produire de l’information, ou dont le seul objectif est l’organisation des activités humaines, il s’agit alors d’un objet exclu, car elle relève d’une pratique commerciale.

 

[129]  Par conséquent, la contribution à la connaissance humaine présentée dans les revendications 1 à 22 est également un objet non visé par la Loi car elle correspond à une pratique commerciale.

 

Y a-t-il eu changement de nature ou détat dans la substance des revendications (critère énoncé dans larrêt Lawson)?

 

[130] Larrêt Lawson c. Commissioner of Patents (1970), 62 C.P.R. 101 (C. De l’É.) [Lawson] établit, comme suit, qu’une réalisation brevetable doit produire sur un objet matériel un changement de nature ou d’état :

 


Une réalisation ou une exploitation consiste en un acte ou une série dactes effectués sur un objet matériel au moyen dun agent physique et qui produisent dans cet objet un changement de nature ou détat. Il sagit dune chose abstraite en ce sens que lesprit peut limaginer. Il sagit dune chose concrète en ce sens quon applique des agents physiques à des objets matériels et que les sens peuvent alors percevoir un objet ou un instrument tangible.                                                       

 

[131]   Dans l’affaire Amazon.com, la nature de la contribution à la connaissance humaine se rapportait à un procédé visant à passer et à traiter la commande d’un produit. La Commission a conclu qu'aucun changement de nature ou d'état n'était apporté à tout objet matériel en soi du fait de l’exécution de la commande du produit, d'une façon ou d'une autre.

 

[132]  Si l'on applique ce qui est énoncé dans l'arrêt Lawson à ce qui a été découvert dans le présent contexte, des dispositifs matériels et des dispositifs logiciels sont utilisés pour générer une prévision de disponibilité en effectuant certains calculs de manière conventionnelle. Par conséquent, aucun changement de nature ou d'état n'est apporté à un procédé ou à un appareil utilisé pour le calcul de ces prévisions.

 

[133]  En ce qui concerne le réseau pyramidal à trois niveaux, aucun changement de nature ou d'état n'est apporté au réseau du fait de la transmission et de la diffusion des données sur les prévisions. De façon plus générale, en ce qui a trait à la contribution à la connaissance humaine, comme tout changement possible de nature ou d’état apporté au réseau dépend entièrement et uniquement des données sur les prévisions de disponibilité, il manque selon nous à cette information sur les prévisions un « —agent physique—» nécessaire pour produire un changement de nature ou d’état. Cela ne veut pas dire qu’il est impossible d’apporter un changement de nature ou d’état à un ordinateur programmé ou à un réseau à vocation universelle, mais nous n’observons tout simplement pas de tel changement dans la demande en instance.

 

[134]          Quant à la question de savoir s'il existe un changement de nature ou d’état apporté à un objet externe au réseau, à savoir les véhicules et les équipements de déménagement, là encore il ne semble pas y avoir de changement de nature ou d’état apporté à ces objets que l’on pourrait attribuer aux données de prévision de disponibilité diffusées. Nous avons examiné la substance de l’invention ainsi que les avantages en découlant. L’effet de la contribution à la connaissance humaine touche uniquement l’organisation et la gestion des activités humaines liées à ces objets.

 

[135]  Nous concluons donc que la substance de l’invention ne relève pas de la catégorie d’une réalisation ou d’un procédé. Les revendications 1 à 22 correspondent également à des objets non visés par la Loi, car elles ne relèvent pas de la catégorie d’une réalisation ou d’un procédé, telle qu’elle est définie dans l’arrêt Lawson.

 


UTILITÉ

 

La position de lexaminateur

 

[136]  L’examinateur soutient que les revendications 1 à 7 et 9 à 13 n’ont pas de caractère d’utilité au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets, car elles comprennent des étapes qui dépendent des préférences subjectives, du raisonnement et de l’interprétation de leurs exécutants. L’examinateur s’est dit préoccupé par le fait que les revendications modifiées 1, 2, 7 et 9 soumises le 24 août 2004 ne font plus référence à une génération «—automatique—» d’une prévision de disponibilité. Par conséquent, l’examinateur estime que les étapes ne permettraient pas d’obtenir des résultats prévisibles et qu’elles ne seraient donc pas reproductibles. Le résumé supplémentaire des motifs énonce ce qui suit—:

 

Plus précisément, les revendications 1, 2, 7 et 9 décrivent chacune un procédé comprenant une étape de prévision de la date à laquelle un véhicule sera disponible ou les travaux dentretien terminés. Les revendications ne précisent pas comment les exécutants de la méthode produiront cette prévision, laissant ainsi au raisonnement subjectif et au jugement de lexécutant le soin de déterminer les facteurs à prendre en compte et le moyen destimer la date.

 

La position de la demanderesse

 

[137]  Dans notre examen précédent de la substance de l’invention revendiquée, nous avons souligné que la demanderesse faisait valoir que cette invention incluait «—une génération automatique—» (autrement dit, une opération de calcul effectuée à l’aide d’un ordinateur).

 


[138]          À l’audience, la demanderesse a souligné que les revendications faisaient appel à une formulation précise qui leur enlevait tout caractère subjectif lorsqu’elles étaient adéquatement interprétées. En particulier, elle a indiqué que l’expression « en fonction des renseignements sur l’état d’entretien des véhicules contenus dans la base de données sur l’état des véhicules » sous-entendait que les données de prévision étaient générées automatiquement dans un ordinateur à partir des enregistrements contenus dans la base de données locale sur l’état d’entretien des véhicules, et que par conséquent il ne pouvait y avoir de subjectivité, de raisonnement ou d’interprétation dans cet aspect de l’invention. La demanderesse a expliqué que lorsqu’un véhicule se rendait à un centre en prévision de travaux d’entretien, l’une des façons de prévoir sa disponibilité consistait à se baser sur la durée moyenne des réparations des véhicules dans ce centre; une autre méthode consistait à utiliser la marque et le modèle de véhicule ou le type de réparation à effectuer pour calculer la durée moyenne de la réparation. Une dernière méthode consistait simplement à choisir un chiffre, par exemple en laissant l’ordinateur prévoir un certain chiffre pour la durée de la réparation. Même dans ce dernier cas, la demanderesse a souligné que le chiffre prédit pour la durée était celui qui avait été programmé dans le système, ce qui excluait ainsi toute subjectivité d’un technicien expérimenté, car une même requête retournait toujours la même valeur.

 

Principes juridiques - opérations et processus mentaux

 

[139]  Une invention qui s'appuie sur le jugement ou le raisonnement de l'exécutant est réputée dénuée de reproductibilité et, par conséquent, d'utilité. On associe souvent le recours au jugement ou au raisonnement d’un exécutant à des opérations ou à des processus mentaux.

 

[140]  Dans la décision Re Application for a Patent Containing that Read on Mental Steps, [(1972), 23 C.P.R. (2de), 93] le commissaire maintient qu’«—un procédé qui comprend une étape mentale, dont la nature dépend de l'intelligence et du raisonnement humain, ne peut pas répondre aux exigences d'exploitabilité, car l'effet de la rétroaction ou de la réponse humaine n'est ni prévisible ni précis lorsque le procédé est exploité par ses utilisateurs.—» Les arrêts Demande nº  176,809 de Glenn, (1977) D.C. 398 et Demande nº 269,230 d'Itek Corporation (1981) D.C. 896 correspondent à dautres cas où lon a tenu compte des opérations mentales.

 

Analyse

 

[141]          Comme il a été mentionné précédemment, la position de l’examinateur porte sur la reproductibilité des revendications 1, 2, 7 et 9.

 

[142]  Nous convenons avec la demanderesse que l’expression «— en fonction des renseignements sur l’état d’entretien des véhicules contenus dans la base de données sur l’état des véhicules... —», dans la revendication 1, indique que des données de prévision sont générées à partir des enregistrements contenus dans la base de données locale sur l’état d’entretien des véhicules.

 


[143]          À l’audience, la demanderesse a mentionné que lorsqu’un véhicule se rendait à un centre en prévision de travaux d’entretien, une des façons de prévoir sa disponibilité se fondait sur la durée moyenne des réparations des véhicules dans ce centre; une autre méthode consistait à utiliser la marque et le modèle de véhicule ou le type de réparation à effectuer pour calculer la durée moyenne de la réparation. Une dernière méthode consistait simplement à choisir un chiffre, par exemple en laissant l’ordinateur prévoir un certain chiffre pour la durée de la réparation. La revendication ne précise pas si l’on doit utiliser uniquement les données de la base de données pour effectuer des prévisions de disponibilité. La revendication ne précise pas non plus si l’on doit utiliser un ordinateur pour effectuer les prévisions. À l’audience, la demanderesse a précisé qu’en toutes circonstances la valeur servant à établir la prévision de disponibilité correspondait à celle qui avait été programmée préalablement dans le système.

 

[144]          Quant à la question de la reproductibilité, la Commission ne peut appuyer une objection fondée sur la reproductibilité ou l’utilité dans la présente affaire. Dans les revendications 1 à 7 et 9 à 13, on précise qu’il y a une méthode de suivi et de diffusion des renseignements sur le dossier de réparation et l’état d’entretien de véhicules, incluant des prévisions de disponibilité. Dès qu’une prévision a été établie et que les données ont été saisies (programmées) dans le système, le processus de diffusion des données se déroule selon les étapes décrites dans les revendications.

 

[145]          Les revendications ne prétendent pas que la même prévision de disponibilité sera générée avec le même type de paramètres (par exemple, des données identiques de la base de données sur les véhicules et l’entretien). Ni qu’il est nécessaire que la prévision soit cohérente dans le temps pour que la méthode fonctionne. Comme la demanderesse l’a expliqué, la valeur de la prévision correspond à un nombre préprogrammé ou à un calcul basé sur des nombres contenus dans la base de données. Un ensemble de calculs mathématiques constitue une opération reproductible, car on obtient toujours les mêmes résultats. Cette situation ne doit pas être confondue avec celle où l’invention revendiquée correspond en substance à une opération ou à des processus mentaux ‑ ce qui relève de la brevetabilité et non de la reproductibilité. Voir, par exemple, l’arrêt Schlumberger Canada Ltd. c. Commissaire des brevets (1981) 56 C.P.R. (2de) 204 aux pages  205 et 206 (FCA) [arrêt Schlumberger] où il est dit que les opérations et les processus mentaux, même s’ils sont exécutés à l’aide d’un ordinateur programmé, ne sont pas brevetables en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

[146]  La Commission conclut que les revendications 1 à 7 et 9 à 13 portant sur une méthode sont reproductibles et qu’elles présentent un caractère d’utilité.


 

CONCLUSION

 

[147]          En résumé, les recommandations de la Commission sont les suivantes : 

 

1        Que le rejet des revendications 19 à 21 en raison de leur imprécision et de leur dérogation au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets soit maintenu.

2        Que le rejet des revendications 1 à 22 en raison de leur évidence et de leur dérogation à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets soit maintenu.

3        Que le rejet des revendications 1 à 22 au motif qu'elles visent un objet non prévu par la Loi et en raison de leur dérogation à l’article 2 de la Loi sur les brevets soit maintenu.

4        Que le rejet des revendications 1 à 7 et 9 à 13 au motif du manque d’utilité et en raison de leur dérogation à l’article 2 de la Loi sur les brevets soit infirmé.

 

 

 

 

P. Sabharwal                         P. Fitzner                             E. MacLaurin

Membre                               Membre                               Membre

 

 

[148]  Je souscris aux conclusions et aux recommandations suivantes de la Commission d'appel des brevets—:

 

1        Que le rejet des revendications 19 à 21 en raison de leur imprécision et de leur dérogation au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets soit maintenu.

2        Que le rejet des revendications 1 à 22 en raison de leur évidence et de leur dérogation à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets soit maintenu.

3        Que le rejet des revendications 1 à 22 au motif qu'elles visent un objet non prévu par la Loi et en raison de leur dérogation à l’article 2 de la Loi sur les brevets soit maintenu.

4        Que le rejet des revendications 1 à 7 et 9 à 13 au motif du manque d’utilité et en raison de leur dérogation à l’article 2 de la Loi sur les brevets soit infirmé.

 

En conséquence, je refuse d'accorder un brevet dans le cadre de la présente demande. En vertu de l'article 41 de la Loi sur les brevets, la demanderesse dispose d'un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada.

 


 

Mary Carman

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec)

le cinquième jour de janvier 2010.

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