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Décision de la Commissaire #1297

Commissioner’s Decision #1297

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                            SUJETS : L00, L51, L52

                            TOPICS: L00, L51, L52

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Brevet no : 2,062,732

 

Patent No : 2,062,732

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE LA COMMISSAIRE

 

 

 

 

 

 

D.C. 1297              Brevet no 2,062,732

 

 

 

Le breveté a présenté deux demandes de redélivrance relativement à un brevet concernant des protéinases mutantes utilisées dans des compositions détergentes. Le breveté a demandé la redélivrance pour le motif que le brevet était défectueux ou inopérant puisque des revendications visant de nombreuses variantes et aspects non précisés dans le brevet délivré ou dans une demande complémentaire, que l’agent du breveté n’a pas déposée malgré les directives reçues à cet égard, n’ont pas été incluses. Les demandes de redélivrance ont été transmises à la Commission d’appel des brevets par le Conseil de redélivrance principalement en raison de l’absence de preuve que l’intention du breveté n’avait pas été réalisée par le brevet délivré.

 

La Commission d’appel des brevets a recommandé que les demandes de redélivrance soient toutes deux rejetées, n’étant pas convaincue qu’il soit survenu une erreur ayant eu pour conséquence que l’intention originale du breveté n’a pas été réalisée.

 

La commissaire a accepté la recommandation de la Commission et les deux demandes de redélivrance ont été rejetées. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

 

 

DÉCISION DE LA COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Deux demandes de redélivrance du brevet numéro 2,062,732 ayant été jugées non conformes au paragraphe 47(1) de la Loi sur les brevets, ont été examinées. La Commission d’appel des brevets et la commissaire se sont penchées sur les demandes de redélivrance. Voici les conclusions de la Commission et la décision de la commissaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent du breveté McCarthy Tétrault LLP Box 48, Suite 5300

TD Bank Tower

Toronto Dominion Centre

Toronto (Ontario)

M5K 1E6


 

                Introduction

 

[1]     La présente décision porte sur l’examen par la commissaire aux brevets des conclusions du Conseil de redélivrance au sujet de deux demandes de redélivrance du brevet no 2,062,732, intitulé « PROTÉINASES DE  TYPE  SUBTILISINE MUTÉES  ». Le breveté  est Novo Nordisk A/S; Novozymes A/S.

 

[2]     Le brevet porte de façon générale sur des protéinases de type subtilisine mutées ayant différentes propriétés spécifiques par rapport aux protéinases non mutées. Ces protéinases sont censées améliorer la capacité de nettoyage par rapport aux protéinases non mutées et conviennent donc mieux aux compositions détergentes.  

 

   Le contexte

 

 

[3]     Le brevet en cause a été délivré le 23 mai 2000 et la première demande de redélivrance a été déposée le 9 juin 2003. Le 9 janvier 2004, le breveté a déposé une « rectification préliminaire » aux nouvelles revendications visées par la demande de redélivrance. Dans une lettre datée du 5 mars 2004, le Bureau des brevets a jugé la première demande de redélivrance non acceptable en vertu du paragraphe 47(1) de la Loi sur les brevets. Le breveté a répondu en transmettant d’autres observations que le Bureau a reçues le 8 septembre 2004. Les observations du breveté n’ayant pas été jugées convaincantes, le Bureau a envoyé une deuxième lettre, datée du 10 octobre 2006, de la part du Conseil de redélivrance (le Conseil, groupe au sein de l’Examen des brevets constitué après l’envoi de la première lettre par le Bureau et composé d’examinateurs principaux de brevets chargés récemment d’effectuer l’examen des demandes de redélivrance). Le breveté a répondu à la lettre du Conseil le 10 octobre 2007.

 

[4]     Le 25 mai 2004, une deuxième demande de redélivrance a été déposée (le 23 et le 24 mai 2004 étant des jours non ouvrables). Le Conseil a également jugé non acceptable cette deuxième demande de redélivrance et a informé le breveté de sa conclusion par lettre datée du 25 octobre 2006, à laquelle le breveté a répondu le 25 octobre 2007.

 

[5]     Le Conseil a maintenu sa position selon laquelle les deux demandes n’étaient pas acceptables et a transmis les demandes de redélivrance à la Commission d’appel des brevets pour examen final. La présente décision porte sur les deux demandes de redélivrance. 

 

[6]     La Commission a invité le breveté à présenter des observations additionnelles lors d’une audience, mais celui‑ci a refusé. Par conséquent,  la Commission doit décider si l’une ou l’autre des deux demandes de redélivrance est conforme au paragraphe 47(1) de la Loi sur les brevets en se fondant sur l’état actuel du dossier.

 

La redélivrance : les principes juridiques

 

[7]     Le paragraphe 47(1) de la Loi sur les brevets prévoit ce qui suit :

 


Lorsqu’un brevet est jugé défectueux ou inopérant à cause d’une description et spécification insuffisante, ou parce que le breveté a revendiqué plus ou moins qu’il n’avait droit de revendiquer à titre d’invention nouvelle, mais qu’il apparaît en même temps que l’erreur a été commise par inadvertance, accident ou méprise, sans intention de frauder ou de tromper, le commissaire peut, si le breveté abandonne ce brevet dans un délai de quatre ans à compter de la date du brevet, et après acquittement d’une taxe réglementaire additionnelle, faire délivrer au breveté un nouveau brevet, conforme à une description et spécification rectifiée par le breveté, pour la même invention et pour la partie restant alors à courir de la période pour laquelle le brevet original a été accordé.

 

[8]     Plusieurs conditions doivent donc être réunies pour qu’un brevet puisse être redélivré en vertu du paragraphe 47(1), à savoir : a) qu’il soit défectueux ou inopérant à cause d’une description et spécification insuffisante, ou parce que le breveté a revendiqué plus ou moins qu’il n’avait droit de revendiquer à titre d’invention nouvelle; b) que l’erreur, ou la défectuosité, résulte d’une inadvertance, d’un accident ou d’une méprise, sans intention de frauder ou de tromper; c) que le breveté abandonne ce brevet dans un délai de quatre ans à compter de la date du brevet et acquitte une taxe réglementaire; et d) que le brevet redélivré porte sur la même invention que le brevet original. 

 

[9]     Dans Re Demande de redélivrance par Leurdijk (2009), Décision de la commissaire no 1289, la Commission a fourni un aperçu de la jurisprudence pertinente concernant la question de la redélivrance et a énoncé un certain nombre de principes de base qui s’appliquent au présent examen :

 

(1)     Pour exercer son pouvoir discrétionnaire d’octroyer une redélivrance, le commissaire doit être convaincu que le brevet est défectueux ou inopérant et que la défectuosité (ou l’erreur pour reprendre le terme du paragraphe 47(1)) résulte d’une inadvertance, d’un accident ou d’une méprise.

(2)    La défectuosité se limite à une description ou une spécification insuffisante ou au fait que le breveté a revendiqué plus ou moins qu’il n’avait droit de revendiquer à titre d’invention nouvelle.

(3)    Pour démontrer que le brevet est défectueux ou inopérant, il faut que la personne demandant la redélivrance établisse que le brevet délivré n’exprime pas l’intention originale du breveté.

 

(4)     Une preuve objective est nécessaire pour établir cette intention.

 

(5)     L’invention revendiquée par voie de la redélivrance doit trouver un appui dans le brevet original (c’est-à-dire que le brevet redélivré doit porter sur la même invention). 

La première demande de redélivrance

 

Parties 3, 4 et 5 de la première demande de redélivrance

 

[10]    Il faut examiner attentivement les parties 3, 4 et 5 de la demande de redélivrance.

 

 

[11]    Dans la partie 3 de la première demande de redélivrance, le breveté affirme que le brevet est jugé défectueux et inopérant [traduction] « parce que le breveté a revendiqué plus ou moins qu’il n’avait droit de revendiquer ».

 


[12]    Dans la partie 4, le breveté indique que différentes mutations des protéinases de type subtilisine sont énumérées dans le mémoire descriptif déposé, que les revendications déposées à l’origine comprenaient ces différentes modifications/mutations des protéinases de type subtilisine et qu’elles constituent donc diverses variantes de l’invention. Le breveté ajoute que l’erreur qui a mené au brevet défectueux et inopérant a été commise par inadvertance, accident ou méprise, comme suit, sans intention de frauder ou de tromper :

 

[traduction] Au cours de linstruction de la demande '732, lagent du breveté a commis une erreur en omettant dapprécier et dexaminer pleinement toutes les variantes de linvention en cause.

[...]

[ll’agent du breveté a déposé une réponse à la [première] décision du Bureau en rectifiant les revendications de la demande '732 pour qu’elles soient conforment à celles de la demande américaine correspondant à la demande '732, à savoir le brevet américain US 5,665,587, délivré le 9 septembre 1997. Toutefois, l’agent a commis une erreur en ne se conformant pas au mandat d’obtenir la protection des autres variantes de l’invention en cause au moyen des revendications additionnelles. L’agent des brevets a ainsi commis une erreur en omettant d’examiner et d’inclure des revendications relatives aux variantes de l’invention que le breveté avait l’intention et avait droit de revendiquer. Le breveté a réussi à instruire aux États-Unis les revendications que l’agent avait omises par inadvertance ou par erreur.

[...]

La présente pétition vise le revendications 51 à 396 qui sont conformes aux revendications acceptées dans les demandes de continuation correspondantes déposées aux États-Unis.

L’intention du breveté de revendiquer l’objet des nouvelles revendications 51 à 396 ressort nettement de la divulgation de la demande '732, par exemple des pages 21 à  24 et 27 à 30, ainsi que des revendications déposées à l’origine, à savoir les revendications 1, 2, 5 et 6.

 

 

[13]    La partie 4 comprend également les détails de plusieurs variantes particulières, des protéinases ayant subi des mutations particulières et des compositions détergentes, lesquelles sont à présent revendiquées dans le nouveau mémoire descriptif déposé et que l’agent des brevets aurait omis de déposer au cours de l’instruction de la demande.

 

[14]    Dans son exposé des événements ayant mené à la demande de redélivrance, le breveté a dit, dans la partie 5 de la demande :

[traduction]

a) Lorsqu’il a récapitulé les dossiers concernant les divers documents déposés à l’égard du brevet '732 correspondant, le breveté a remarqué que l’agent des brevets du Canada n’avait inclus qu’un sous-ensemble des revendications souhaitées et il lui a demandé des explications.


b) Le 20 juin 2001, l’agent a avisé le breveté que, par inadvertance, accident ou méprise, certaines revendications n’ont pas été instruites dans la demande '732.

c) Par la suite, le 17 juillet 2002, l’agent a avisé le breveté qu’une demande de redélivrance avait été déposée pour revendiquer l’objet omis au cours de l’instruction de la demande '732.

 

[15]   Le  9 janvier 2004, le breveté a déposé des « rectifications préliminaires » aux revendications de la demande de redélivrance.

 

La lettre du Bureau en date du 5 mars 2004 et la réponse du breveté

[16]    La première lettre de l’examinateur chargé d’examiner la première demande de redélivrance précisait que la demande ne répondait pas aux conditions prévues au paragraphe 47(1) de la Loi pour les raisons suivantes :

 

(i) le breveté a reformulé des revendications volontairement annulées au cours de l’instruction en réponse à une objection soulevée par l’examinateur dans une décision du Bureau;

(ii) les revendications visées à présent ont une portée plus large que celles que l’on retrouve dans le brevet délivré;

(iii) la demande de redélivrance n’établit pas que le breveté avait l’intention de revendiquer l’objet des revendications de la demande de redélivrance.

 

[17]    L’examinateur a également constaté que les revendications de la demande de redélivrance étaient conformes aux revendications des deux brevets américains correspondants délivrés longtemps après que le breveté eut reçu l’avis d’acceptation au regard du brevet canadien original. L’examinateur a également souligné : que certaines revendications de la demande de redélivrance correspondaient aux revendications d’une demande canadienne en co‑instance et qui avait été abandonnée; que le breveté n’a pas apporté la preuve de son intention sous la forme de correspondance indiquant les directives du breveté données à l’agent canadien; que le breveté n’a pas fourni de preuve relative aux circonstances dans lesquelles il a pris connaissance de l’erreur de l’agent. Enfin, l’examinateur a indiqué qu’il n’y a pas lieu d’examiner les rectifications des revendications déposées le 9 janvier 2004 parce que, dans le cas des demandes de redélivrance, seules les corrections des erreurs typographiques sont autorisées.

 

[18]    Le Bureau a reçu les observations du breveté le 8 septembre 2004 et les copies de la correspondance échangée entre le breveté et l’agent en date du 20 juin 2001, du 8 juin 1999 et du 8 juin 2001. Le breveté a souligné que la correspondance du 8 juin 1999 demandait à l’agent de déposer une demande complémentaire [traduction] « visant l’objet non couvert par les revendications déposées à présent [en réponse à la décision du Bureau] ». Par la correspondance du 8 juin 2001, le breveté demande si une demande complémentaire a déjà été déposée selon ses instructions. Dans la correspondance du 20 juin 2001, l’agent précise qu’en fait aucune demande complémentaire n’a été déposée et qualifie cette omission d’oubli regrettable survenu dans l’urgence de répondre à la décision du bureau.

 

La deuxième lettre du Conseil et la réponse du breveté

 

 


[19]    Le 10 octobre 2006, le Conseil, se chargeant lui-même de l’action, a envoyé une deuxième lettre du Bureau dans laquelle il maintenait que la demande de redélivrance n’était toujours pas acceptable.

 

[20]   En ce qui concerne la partie 3 de la demande, le Conseil soutenait principalement que l’omission de déposer une demande complémentaire ne constitue pas une erreur au regard du brevet délivré et, par conséquent, n’est pas une erreur visée au paragraphe 47(1), au regard du même brevet délivré. Le Conseil a également souligné que l’abandon de la demande en co‑instance mettait en doute la prétendue intention du breveté de revendiquer un objet se trouvant également dans la demande en co‑instance que le demandeur revendiquait à présent comme telle dans la demande de redélivrance. Enfin, le Conseil a soutenu que la formulation des revendications volontairement abandonnées au cours de l’instruction est inacceptable.

 

 

[21]    En ce qui concerne la partie 4 de la demande de redélivrance, le Conseil a admis que des éléments de preuve sous forme de correspondance échangée entre le breveté et l’agent semblent effectivement établir l’existence d’un contretemps. Celui‑ci était lié apparemment à l’omission d’emprunter une avenue subsidiaire – une demande complémentaire – pour protéger l’objet non couvert par le brevet canadien délivré, mais couvert dans deux autres brevets américains. Le Conseil a souligné que la correspondance du 8 juin 1999 n’indiquait pas explicitement et expressément l’objet devant être inclus dans la demande complémentaire; donc, le 8 juin 1999, la relation entre l’objet non protégé à l’égard duquel  le breveté a demandé le dépôt d’une demande complémentaire et les revendications, telles qu’elles figurent à présent dans la demande de redélivrance, demeurait obscure.

 

[22]    La partie 5 de la demande de redélivrance a été considérée comme acceptable, vu que la correspondance indiquait effectivement la manière dont le breveté avait appris les nouveaux faits donnant lieu à la demande de redélivrance. 

 

[23]    Le 10 octobre 2007, le breveté a répondu à la lettre du Conseil. Au sujet de l’abandon de la demande en co‑instance contenant quelques‑unes des revendications (revendications relatives aux détergents) visées à présent – qui, selon le Conseil, mettait en doute l’intention du breveté de revendiquer l’objet en question –, le breveté a souligné que la demande canadienne 2,034,486 appartenait à Unilever PLC et non à lui-même. Le breveté a donc soutenu que toute omission de poursuivre les revendications relatives aux détergents dans la demande '486 ne devait avoir aucune incidence sur toute décision selon laquelle le breveté était suffisamment protégé, et ne devait aucunement mettre en doute l’intention du breveté fondé sur l’issue de la demande '486.

 

[24]    De plus, le breveté soutenait que ses intentions étaient clairement exprimées dans le courriel adressé à l’agent lui demandant de déposer une demande complémentaire concernant l’objet qui, à tout le moins, comprenait l’objet des revendications annulées à la suite de la première et unique décision du Bureau. Le breveté précise que ces revendications [traduction] « faisaient clairement partie de la demande avant qu’elles soient retirées », ce qui démontre clairement l’intention d’obtenir la protection pour ces revendications. L’objet additionnel ayant été décrit dans le mémoire descriptif, cela devait constituer le fondement d’une demande de redélivrance, vu qu’une erreur commise au cours de l’instruction fait en sorte que le breveté revendique moins qu’il n’avait droit de revendiquer. Le breveté a également dit :

 


[traduction] À notre avis, il ressort clairement de la preuve au dossier que le breveté avait l’intention d’obtenir un brevet pour l’objet non couvert par la série de revendications rectifiées. De plus, nous sommes d’avis que la preuve conduit à la conclusion que, du moins, le breveté n’aurait pas accepté de retirer tout objet des revendications tel qu’il a été déposé, s’il avait su que l’agent n’allait pas suivre ses directives visant le dépôt d’une demande complémentaire. Par conséquent, nous sommes d’avis que le brevet '732 n’exprime pas exactement l’intention du breveté en ce qui concerne la portée des revendications incluses finalement dans le brevet délivré.

 

La première demande de redélivrance : anal yse

[25]    Nous ne sommes pas d’accord pour dire que la brevet est  défectueux parce qu’il revendique moins que le breveté n’avait droit de revendiquer. Le breveté a fait valoir qu’au moyen de la demande de redélivrance il a droit et aura toujours droit de revendiquer l’objet décrit dans les revendications annulées à la suite de la première et unique décision du Bureau, et que cela veut dire revendiquer « moins » qu’il n’avait droit de revendiquer. Toutefois, il ressort du dossier que l’objet des revendications de la demande de redélivrance a été annulé à la suite de la décision du Bureau. Autrement dit, l’objet en question a été effectivement abandonné alors dans la demande, apparemment en vue de poursuivre l’instruction du dossier d’antériorité opposé et des autres objections afin d’obtenir un brevet. Cela ne veut pas nécessairement dire que le brevet délivré par la suite est défectueux ou inopérant, mais simplement que la demande de brevet a été instruite à la fois par le Bureau et par le breveté de manière expéditive.

 

[26]    Bien que l’agent ait pu commettre une erreur en ne suivant pas les directives du breveté de déposer une demande complémentaire, nous ne considérons pas qu’il s’agit d’une erreur concernant l’objet même du brevet. 

 

[27]    Si le breveté avait l’intention de conserver des droits au regard de l’objet annulé, l’approche la plus judicieuse n’aurait pas été d’annuler des revendications et de différer l’examen de la brevetabilité au moyen du dépôt ultérieur d’une demande complémentaire. À cet égard, nous soulignons qu’aucune objection concernant l’unité de l’invention n’a été soulevée au cours de l’instruction du brevet. L’intention du breveté de déposer une demande complémentaire était donc une décision volontaire. De plus, malgré l’intention générale apparente d’obtenir une protection pour l’objet non couvert dans le brevet délivré, il n’y a manifestement pas eu d’intention de conserver l’objet de la demande de redélivrance dans le brevet, vu qu’il a été délibérément annulé au cours de l’instruction par l’agent canadien, sur instruction du breveté. La reformulation des revendications délibérément annulées au cours de l’instruction pour obtenir un brevet n’est pas une raison justifiant une redélivrance (Re Demande de redélivrance par Wahpeton Canvas Co. (1989), 31 C.P.R. (3d) 434, Décision du commissaire no 1147). Même s’il y a eu erreur quant à l’omission de déposer une demande complémentaire, là encore, nous ne voyons pas comment l’annulation des revendications peut être considérée comme une erreur commise à l’égard de l’intention du breveté quant au brevet d’origine.

 

 


[28]   Nous soulignons que le Conseil avait fait observer que la demande en co‑instance (demande no 2,034,486, déposée le même jour que le brevet en cause) a été abandonnée avant la délivrance du brevet en cause, et a prétendu qu’il s’agit d’une cession au domaine public d’un certain objet (à savoir les revendications relatives aux détergents). Le Conseil a tiré la conclusion défavorable que le breveté n’a jamais eu l’intention d’obtenir la protection pour l’objet abandonné. Le breveté a souligné que le propriétaire de la demande en co‑instance était Unilever PLC et non lui-même et a fait valoir que l’existence de cette demande constitue un aspect non pertinent en l’espèce. À cet égard, nous sommes d’accord avec le breveté.

 

[29]    L’abandon de l’objet de la demande en co‑instance – même si la demande en question appartient à la même entité qui détient une autre demande ou brevet – ne signifie pas nécessairement que le propriétaire avait l’intention de céder l’objet au domaine public. Cela peut signifier que le propriétaire a choisi de ne pas poursuivre en même temps deux demandes ayant le même objet ou un objet qui se chevauche. Par conséquent, nous considérons l’abandon de la demande en co‑instance comme un élément neutre qui n’a pas à être examiné, surtout étant donné que, d’après les dossiers du Bureau, les inventeurs concernés par cette demande ont effectivement cédé leurs droits sur l’invention à Unilever PLC, ce qui indique que ce n’est pas le propriétaire du présent brevet qui a cédé ses droits sur l’objet de la demande en co‑instance. Comme il a déjà été mentionné, le plus important c’est le fait que l’objet – que le breveté voulait peut‑être instruire à juste titre dans sa propre demande – a été ultérieurement délibérément annulé au cours de l’instruction de sa demande. 

 

[30]   En ce qui concerne la nature  particulière de l’objet annulé, nous souscrivons à l’avis du Conseil selon lequel il est impossible de corréler avec précision l’objet de la demande complémentaire avec celui de la présente demande de redélivrance. Les directives que le breveté à données à son agent dans le courriel du 8 juin 1999 sont les suivantes :

 

[traduction] Nous voudrions en même temps que vous déposeriez une demande complémentaire couvrant l’objet non couvert par les revendications déposées à présent [qui ont fait l’objet d’un brevet délivré ultérieurement].

[31]    Sur le fondement du contenu de ce courriel il peut être raisonnable de soutenir que l’objet annulé et l’objet à déposer dans la demande complémentaire sont les mêmes; toutefois, il n’existe aucune raison de conclure immédiatement que « l’objet non couvert par les revendications déposées à présent » est nécessairement le même que l’objet annulé qui fait partie à présent de la demande de redélivrance. Rien n’indique dans le courriel que le breveté avait l’intention de déposer dans la demande complémentaire les revendications annulées. Par conséquent, même au regard de la demande complémentaire qui n’a jamais été déposée, on ne peut discerner objectivement l’intention du breveté.

 

 

[32]    Pour les motifs qui précèdent, nous concluons que la première demande de redélivrance n’est pas appropriée et ne répond pas aux conditions prévues au paragraphe 47(1) de la Loi.

 

La deuxième demande de redélivrance

[33]    La deuxième demande de redélivrance a été déposée le 25 mai 2004. Le Conseil l’a également jugée non acceptable et le breveté a été informé de cette décision par lettre datée du 25 octobre 2006, à laquelle le breveté a répondu le 25 octobre 2007.

 


[34]    Les renseignements contenus dans les parties  3,  4  et  5  de la deuxième demande de redélivrance sont naturellement semblables à ceux contenus dans la première demande de redélivrance. Toutefois, la deuxième demande explique la manière dont est survenue l’erreur concernant l’omission de déposer la demande complémentaire qui couvre certaines variantes and présente en détail les démarches du breveté relatives au dépôt dans d’autres pays soit des demandes complémentaires (en Europe) soit des demandes de continuation (aux États-Unis) concernant le même objet que celui visé à présent au Canada par la demande de redélivrance.

 

[35]    À la deuxième demande sont jointes des copies de la correspondance entre le breveté et son agent canadien. Ces copies fournissent une meilleure vue d’ensemble du dialogue entre le breveté et son agent, à partir de l’instruction de l’objet du brevet jusqu’à la correspondance relative aux dispositions du paragraphe 47(1) de la Loi, et de la manière de donner suite à l’intention du breveté, à savoir l’objet non revendiqué et non couvert dans la demande complémentaire qui n’a jamais été déposée. Notamment dans la pièce « G », le breveté demande à l’agent [traduction] « s’il existe au Canada une procédure équivalente à celle utilisée aux États-Unis au regard de la redélivrance, qui nous permette d’obtenir des revendications d’une portée plus large », et l’agent lui répond, selon la pièce « H », que l’article 47 de la Loi prévoit la redélivrance d’un brevet canadien.

 

[36]    Après examen de la deuxième demande, le Conseil a conclu qu’il s’agissait également d’une demande de redélivrance inappropriée. Il a souligné que la partie 3 de la deuxième demande fournissait peu de détails sur les raisons pour lesquelles le brevet était jugé défectueux ou inopérant. D’autres motifs suivaient les motifs exposés dans la lettre du Conseil concernant la première demande de redélivrance, à savoir l’omission du breveté de corréler l’objet non couvert dans le brevet délivré avec celui des revendications relatives à la demande complémentaire qui n’a jamais été déposée. Le Conseil a également souligné que la pratique canadienne relative aux demandes complémentaires est différente de la pratique américaine relative aux demandes de continuation et qu’il existait une procédure d’opposition au regard des demandes complémentaires déposées en Europe.

 

[37]    En réponse à la lettre du Conseil, le breveté a soutenu les mêmes arguments que dans le cas de la première demande.

 

 

La deuxième demande de redélivrance : anal yse

[38]    Nous avons minutieusement examiné la deuxième demande de redélivrance, les commentaires du Conseil ainsi que la réponse du breveté et nous avons conclu que les motifs énoncés au regard de la première demande de redélivrance s’appliquaient également à la deuxième demande. Nous ne pouvons pas déceler de grande différence qui nous éloigne de nos conclusions antérieures. Nous concluons donc que la deuxième demande de redélivrance est également inappropriée pour les mêmes motifs que ceux exposés ci‑dessus. Nous ajouterions trois observations supplémentaires.

 

[39]    L’une des observations vise le recours du breveté aux stratégies concernant le dépôt des demandes utilisées dans d’autres pays comme motif justifiant une redélivrance valide au Canada. Dans la deuxième demande, le breveté dit :

 


[traduction] Le dépôt d’une demande de continuation constitue une pratique courante aux États‑Unis pour obtenir la protection complète d’une invention par un brevet de la façon la plus rapide,  en permettant de délivrer un brevet pour accepter les revendications non contestées tout en poursuivant l’instruction des revendications contestées au moyen d’une demande de continuation et, au besoin, d’autres observations présentées à l’examinateur. Le breveté a voulu utiliser une stratégie semblable au Canada en déposant une demande complémentaire et il a donc demandé [à l’agent canadien] de procéder en conséquence. Le breveté avait utilisé la même stratégie devant l’Office européen des brevets en déposant initialement, le 26 juin 1990, une première demande, numéro de publication EP 0479870, et ensuite, le 6 février 1999, une demande complémentaire, numéro de publication EP 0945502, pour l’objet divulgué mais non revendiqué dans la demande antérieure. Dans les dossiers américains, européens et canadiens, le breveté avait l’intention de protéger toutes les variantes de l’invention divulguée dans le dépôt initial correspondant à la demande '732. Le breveté a pris dans ces pays toutes les mesures nécessaires pour s’assurer de la mise en œuvre de cette intention. Ces mesures visaient les dossiers européens et américains. Toutefois, par inadvertance ou méprise, et sans intention de frauder, les directives du breveté concernant la prise de mesures semblables au Canada n’ont pas été suivies [par l’agent canadien].

[40]   Toutefois, soutenir que la demande de redélivrance est valide du fait que le breveté a effectivement obtenu aux États-Unis la protection pour les autres revendications en utilisant une stratégie de dépôt différente, ne change rien au fait que l’agent canadien qui suivait les directives du breveté a annulé les revendications de la demande de brevet initiale présentée au Canada.

 

[41]    Notre deuxième observation concerne la pièce « G » dans laquelle le breveté précisait que la redélivrance permettrait « d’obtenir des revendications d’une portée plus large ». L’examinateur a souligné quant à la première demande que la reformulation des revendications d’une portée plus large délibérément annulées au cours de l’instruction pour obtenir un brevet ne constitue pas une raison justifiant la redélivrance et nous souscrivons à cette opinion (Re Demande de redélivrance par Dennison Manufacturing Co. (1981), Décision du commissaire no 906). Bien sûr, si le breveté peut prouver ultérieurement qu’il n’avait pas l’intention d’annuler les revendications en question, la redélivrance serait alors accordée. Toutefois, en l’espèce, la preuve n’a pas été faite que le breveté n’avait pas l’intention d’annuler les revendications en question.

 

[42]    Notre dernière observation concerne une déclaration faite dans la réponse du breveté en date du 25 octobre 2007 :

 

[traduction] Si le breveté avait compris que l’objet brevetable additionnel du brevet ‘732 ne serait pas protégé dans une demande complémentaire, dont il avait demandé la présentation, il n’aurait pas autorisé son annulation.

 

[43]    Bien que le breveté puisse penser que l’annulation de l’objet additionnel n’aurait jamais été autorisée, rien dans le dossier ne prouve de façon objective cette affirmation. Les directives du breveté de remplacer, au cours de l’instruction du brevet délivré, certaines revendications par celles se trouvant dans un brevet américain correspondant ressortent clairement du courriel daté du 8 juin 1999. À sa face même, le courriel donne simplement deux directives : la première, de remplacer certaines revendications dans le brevet délivré, et la deuxième, de déposer une demande complémentaire couvrant l’objet non couvert par les revendications dans le brevet délivré.

 


[44]    Bien qu’il semble que l’intention du breveté ait été généralement de protéger l’objet non couvert dans le brevet délivré, il ressort clairement du courriel du 8 juin 1999 qu’il n’avait pas l’intention de conserver l’objet annulé dans la demande en instance. Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis que l’intention du breveté a entièrement été réalisée par le brevet délivré et que l’omission de protéger un autre objet dans une demande complémentaire ne constitue pas une erreur susceptible d’être corrigée au moyen de l’article 47 de la Loi.

 

Conclusions

 

 

[45]    Étant donné que nous ne sommes pas convaincus que toutes les conditions prévues au paragraphe 47(1) ont été réunies dans l’une ou l’autre des demandes, nous devons conclure que ni l’une ni l’autre des demandes n’est acceptable.

 

Recommandations

 

[46]    Par conséquent, la Commission recommande que la commissaire refuse d’accorder un nouveau brevet fondé sur l’une ou l’autre des présentes demandes de redélivrance.

 

 

 

 

 

Ed MacLaurin             Paul Fitzner                       Stephen MacNeil

Membre                       Membre                             Membre

 

 

Décision de la commissaire

 

[47]    Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission d’appel des brevets. Par conséquent, je refuse d’accorder un nouveau brevet fondé sur l’une ou l’autre des présentes demandes de redélivrance. En vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le breveté dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision auprès de la Cour fédérale du Canada.

 

 

 

Mary Carman

Commissaire aux brevets

 

 

Fait à Gatineau (Québec),

ce 11e jour de décembre 2009

 

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