Brevets

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Commissioner’s Decision #1292

         Décision de la Commissaire #1292

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                             

 

TOPICS: O00, J80, K11

SUJETS : O00, J80, K11

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No : 2,300,723

Demande no : 2,300,723


 

 

 

 

 

 

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE LA COMMISSAIRE

 

 

D.C. 1292            Demande no 2,300,723

 

La demande concerne en général l’utilisation de la toxine botulinique pour le soulagement de la douleur liée à l’activité musculaire ou aux contractures, en particulier la douleur associée à une affection spastique consécutive à un accident ou événement vasculaire cérébral. Les revendications ont pour objet un intervalle posologique précis de toxine botulinique.

 

L’examinateur a rejeté toutes les revendications au motifs qu’elles sont évidentes.  Conséquemment aux modifications apportées aux revendications en réponse à la décision finale, l’examinateur a soutenu que les revendications visaient aussi une méthode de traitement non brevetable puisqu’elles comprenaient un schéma posologique.  La Commission a conclu que les revendications étaient évidentes et qu’elles visaient une méthode de traitement médical non brevetable en raison du fait qu’elles cherchaient à circonscrire un intervalle à l’intérieur duquel les médecins doivent exercer leurs compétences et leur jugement professionnel dans chaque cas particulier.  En conséquence, la Commission a recommandé que la demande soit rejetée.

 

La commissaire a accepté les recommandations de la Commission et la demande a été rejetée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

DÉCISION DE LA COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet 2,300,723 ayant été rejetée en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, la décision finale de l’examinateur a été révisée.  La Commission d’appel des brevets et la commissaire des brevets se sont penchées sur le refus.  Leurs conclusions sont les suivantes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON, s.r.l.

1 Place Ville Marie, 37e étage                                                            

Montréal (Québec)

H3B 3P4

 

 

 

 


INTRODUCTION

 

[1]               La présente décision porte sur la révision par la commissaire des brevets de la décision finale de l’examinateur concernant la demande 2,300,723, intitulée « MÉTHODE POUR TRAITER LA DOULEUR ASSOCIÉE À UN TROUBLE MUSCULAIRE ».  La demanderesse est Allergan, Inc et les inventeurs sont K. Roger Aoki, Michael W. Grayston, Steven R. Carlson et Judith M. Leon.

 

[2]               La demande concerne en général l’utilisation de la toxine botulinique pour le soulagement de la douleur liée à l’activité musculaire ou aux contractures, en particulier la douleur associée à une affection spastique consécutive à un accident ou événement vasculaire cérébral, qui est l’objet des revendications en litige. Le terme « toxine botulinique » est un terme générique qui désigne la famille des toxines produites par la bactérie Clostridium botulinum. Les toxines sont classées en ce qu’on appelle sept sérotypes désignés par les lettres A à G selon leurs propriétés immunologiques. Les toxines agissent en empêchant la libération d’acétylcholine, un neurotransmetteur, au niveau des muscles périphériques, ce qui entraîne une paralysie locale et le relâchement des muscles spastiques.

 

[3]               Comme l’a concédé la demanderesse, les toxines botuliniques, en particulier celle de type A, ont déjà été utilisées pour traiter un certain nombre d’affections neuromusculaires et affections spastiques, dont le strabisme (yeux qui louchent), le blépharospasme (clignement incontrôlable), le torticolis spasmodique (mouvements anormaux ou torsion de la tête et du cou), la dystonie oromandibulaire (fermeture soutenue de la bouche) et la dysphonie spasmodique (spasmes incontrôlables des cordes vocales). La demanderesse a aussi divulgué que d’autres espèces du genre Clostridium, par exemple C. baratii, C. butyricum et C. novyi, pouvaient aussi produire des toxines botuliniques. Le traitement consiste en l’injection directe de toxine dans le groupe musculaire touché, ce qui entraîne la paralysie locale dont il a déjà été question.

 

[4]               Les toxines botuliniques sont plus couramment mentionnées en association avec des éclosions de botulisme chez l’humain, lesquelles, comme il a été divulgué, ont permis d’isoler les toxines. Les toxines sont normalement identifiées au moyen d’anticorps spécifiques produits contre les toxines connues. Par exemple, si l’anticorps contre le sérotype B neutralise l’activité biologique d’une toxine, on sait que la toxine présente est de type B. Actuellement, il existe deux formes courantes de toxine botulinique de type A : DYSPORT™, fabriqué par Porton Products Ltd., et BOTOXMD, fabriqué par la demanderesse, Allergan, Inc.

 


[5]               La puissance de la toxine s’exprime comme un multiple de la dose létale 50 (DL50 ) chez la souris, une unité (U) de toxine étant définie comme l’équivalent de cette quantité, à l’échelle de la souris, qui tue 50 % d’un groupe de souris Swiss-Webster pesant chacune de 17 à 22 grammes. La demanderesse a divulgué une formule pour convertir en unités (U) la masse de la toxine en nanogrammes (ng). Pour DYSPORT™, 1 ng = 40 U, et pour BOTOXMD, 1 ng = 4 U. En l’espèce, la demanderesse tente d’obtenir un droit exclusif à l’égard d’un intervalle posologique précis de toxine botulinique, intervalle utilisé dans le traitement de la douleur associée à une affection spastique consécutive à un accident ou événement vasculaire cérébral.

 

CONTEXTE

 

[6]               Il s’agit en l’espèce d’une demande complémentaire au brevet no 2,180,011 et elle conserve à ce titre la date de dépôt de la demande principale, soit le 16 décembre 1994.  Nous soulignons aussi que la présente affaire est visée par une ordonnance spéciale à la demande de la demanderesse.  Elle a fait l’objet de nombreuses instructions qui remontent à octobre 2000, lorsque la première décision a été rendue.  Elle a été rejetée par l’examinateur le 9 mars 2006 dans le cadre d’une décision finale où celui-ci a conclu que toutes les revendications (1 à 49) étaient évidentes eu égard à huit antériorités différentes, examinées en diverses combinaisons.  Les documents cités sont énumérés ci-après.  Les numéros de pièce attribués aux antériorités sont demeurés les mêmes que dans la décision finale pour des raisons de commodité.

 

D1 = Revue Neurologique                                                                              1992                148:212-214    Mémin et al.

D2 = Lancet                                                                                                                            1986                2:245-7            Tsui et al.

D3 = Microbiological Reviews                                                           1992                56:80-99          Shantz et al.

D4 = Arch. Phys. Med. Rehabil.                                                        1990                71:24-6            Dykstra et al.

D7 = Nervenartz                                                                                                         1993                64:64-68          Konstanzer et al.

D11 = Lancet                                                                                                                          1988                24:714-717      Hallan et al.

D12 = New Engl. J. Med.                                                                               1992                326:349-350    Ludlow et al.

D15 = Mov. Disord.                                                                                           Oct. 1993              8:479-83          Greene et al.   

 

 


[7]               En réponse à la décision finale, la demanderesse a décidé d’axer ses revendications sur un intervalle posologique précis de toxine botulinique qui était utile dans le traitement de la douleur associée à une affection musculaire, où l’affection musculaire est une affection spastique consécutive à un AVC ou à un événement vasculaire cérébral. Avant la décision finale, les revendications indépendantes n’étaient pas limitées à une quantité ou à un intervalle précis et comportaient des revendications visant le traitement de la douleur et des revendications distinctes visant le traitement de la spasticité avec, pour la plus grande part, un accent sur des sérotypes en particulier. Sept revendications ont été substituées à celles du dossier, et la demanderesse, dans son argumentation, a souligné que les revendications visaient le traitement de la « douleur » et non pas d’un muscle spastique. Malgré ces modifications, l’affaire a été renvoyée devant la Commission d’appel des brevets le 17 juillet 2007. Dans le résumé des motifs présenté à la Commission par l’examinateur et transmis à la demanderesse le 28 août 2007, l’objection relative à l’évidence des revendications a été maintenue sur la base des antériorités opposées. Par suite des modifications apportées aux revendications, l’examinateur soutenait que les revendications n’étaient plus conformes à l’article 2 de la Loi sur les brevets étant donné qu’elles étaient maintenant axées sur un « schéma posologique » et visaient donc une méthode de traitement médical non brevetable. Nous croyons qu’il vaudrait mieux parler en l’espèce d’« intervalle posologique ». Pour étayer son assertion, l’examinateur s’appuyait sur une décision non publiée du commissaire aux brevets. La Commission abordera la question de cette citation plus loin dans l’analyse lorsqu’il sera question de l’objet brevetable.

 

[8]               À la demande de la demanderesse, une audience a été tenue le 28 février 2008.  Me Hélène Dorio et Me Élizabeth Wellman-Desbiens, du cabinet GOWLING LAFLEUR HENDERSON, s.r.l., de même que Me Stephen Donovan, d’Allergan, Inc., représentaient la demanderesse lors de cette audience.  Le Bureau des brevets était représenté par l’examinateur responsable de la demande, le docteur Ralph Salvino et son Chef de section, M. Daniel Bégin.  Lors de l’audience, la demanderesse a présenté des arguments oraux et écrits en réponse aux objections fondées sur l’évidence et l’objet non brevetable.  En réponse à la prétention formulée dans le résumé des motifs voulant que les exemples fournis dans la présente demande étaient hypothétiques, la demanderesse a aussi présenté des observations supplémentaires.   Elle s’est toutefois opposée à ce que la Commission examine cette objection au motif qu’elle n’a pas été soulevée dans la décision finale et que [traduction] « [l]es revendications portant sur l’utilisation de la toxine botulinique pour le traitement d’affections spastiques à un bras ou une jambe, lorsqu’il s’agit de spasticité consécutive à un AVC, se trouvaient dans la demande telle que présentée orginalement ».  Nous souscrivons à l’argument de la demanderesse selon lequel cette objection aurait pu être présentée à n’importe quel stade de l’instance et qu’aucune modification de la demande en réponse à la décision finale ne la justifie.  Il n’est en conséquence pas convenable que la demanderesse n’ait pas été avisée de ce problème avant.  Il est traité de cette question plus loin dans la présente recommandation, après l’analyse portant sur l’évidence et l’objet brevetable.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[9]               Les deux questions en litige sur lesquelles s’est penchée la Commission sont les suivantes :

 


(1)        Les revendications 1 à 7 auraient-elles été évidentes à la lumière des antériorités citées par l’examinateur?

 

(2)        Les revendications 1 à 7 contreviennent-elles à l’article 2 de la Loi sur les brevets au motif qu’elles visent une méthode de traitement médical?

 

LES REVENDICATIONS

 

[10]           Il n’y a que sept revendications en litige concernant l’utilisation de la toxine botulinique, qui sont reproduites ci‑après à des fins de commodité :

[Traduction]

1.  Lutilisation de 50 à 300 unités dune toxine botulinique pour le traitement de la douleur associée à une affection musculaire, où laffection musculaire est une affection spastique consécutive à un accident ou événement vasculaire cérébral.

2.  Lutilisation conformément à la revendication 1 de la toxine par voie intramusculaire.

3.  Lutilisation conformément à la revendication 1, où la toxine botulinique est choisie parmi le groupe composé des toxines botuliniques de types A, B, C, D, E, F et G.

4.  Lutilisation conformément à lune des revendications 1 à 3 chez un patient humain.

5.  Lutilisation de 50 à 300 unités dune toxine botulinique pour le traitement de la douleur associée à la spasticité dun bras, dune main ou dune jambe, où la spasticité est secondaire à un accident vasculaire cérébral.

6.  Lutilisation conformément à la revendication 5, où la toxine botulinique est choisie parmi le groupe composé des toxines botuliniques de types A, B, C, D, E, F et G.

7.  Lutilisation conformément à la revendication 6, où la toxine botulinique est de type A.

 

[11]           Le seul point qui semble en litige concernant le libellé des revendications est de savoir si la limite relative au traitement de la « douleur » distingue l’objet revendiqué d’une demande dans laquelle la spasticité musculaire est traitée. Comme il a déjà été mentionné, avant la décision finale, la demande de brevet comportait des revendications relatives au traitement de la spasticité et des revendications relatives au traitement de la douleur. En réponse à la décision finale, la demanderesse a modifié les revendications de façon qu’elles visent le traitement de la douleur et a ajouté un intervalle posologique spécifique à l’affection à traiter. Dans sa réponse, la demanderesse indiquait ce qui suit en ce qui a trait à la limite concernant le traitement de la « douleur » :

 


[Traduction] Il importe de noter que les revendications ont pour objet le traitement de la douleur. Elles ne visent pas le traitement de la spasticité musculaire. Comme lindique le mémoire descriptif, la douleur traitée est « associée à » ou « liée à » la spasticité.

.....

Il est bien connu quun muscle devient spastique à cause de signaux efférents anormaux qui sont transmis du système nerveux central (SNC) au muscle périphérique par les neurones moteurs. Par contre, la douleur perçue comme provenant dun muscle est due à des signaux qui sont transmis de la périphérie vers le SNC par les neurones sensitifs. Par conséquent, non seulement la direction de la circulation neurale est-elle à lopposé (du SNC vers la périphérie pour la spasticité et de la périphérie vers le SNC pour la douleur), mais les voies elles‑mêmes sont également différentes (neurones moteurs pour la spasticité et neurones sensitifs pour la douleur). Par conséquent, il est clair que le traitement de la douleur nest pas la même chose que le traitement de la spasticité et nest pas inhérent non plus au traitement de la spasticité.

 

[12]           D’après l’argumentation qui précède, la demanderesse soutient que les revendications se limitent uniquement au traitement de la douleur et que le muscle spastique lui-même n’est pas traité. Cette argumentation est conforme aux opinions exprimées par la demanderesse lors de l’audience. Les parties pertinentes de son argumentation écrite sont reproduites ci‑après :

 

[Traduction] Les revendications 1 à 7 nont pas pour objet une amélioration fonctionnelle. Elles ne visent pas latténuation de la spasticité musculaire. Latténuation de la spasticité musculaire par la paralysie (c.‑à‑d. la réduction du tonus musculaire) requiert une forte dose de toxine botulinique. Les inventeurs ont découvert quune faible dose (c.‑à‑d. 50 à 300 unités) de toxine botulinique pouvait être utilisée pour soulager la douleur causée par la spasticité après un accident vasculaire cérébral (AVC), la douleur étant distincte de la spasticité musculaire elle‑même.

 


Le principe de linvention revendiquée est basé sur la constatation que, chez un patient qui présente une spasticité consécutive à un AVC, la douleur ressentie et la spasticité musculaire sont deux phénomènes distincts qui découlent de mécanismes physiologiques sous-jacents distincts et qui peuvent être traités séparément. Ainsi, un muscle devient spastique à cause de signaux anormaux qui sont transmis du système nerveux central (SNC) au muscle périphérique par les neurones moteurs efférents. Par contre, la douleur perçue par le patient comme provenant dun muscle est due à des signaux qui sont transmis de la périphérie vers le SNC par les neurones sensitifs afférents. Donc, la spasticité et la douleur peuvent se distinguer non seulement par lorientation des signaux nerveux (du SNC vers la périphérie pour la spasticité et de la périphérie vers le SNC pour la douleur), mais également par les voies elles‑mêmes, les neurones moteurs jouant un rôle dans la spasticité et les neurones sensitifs, dans la douleur. Ce sont la constatation et lapplication de ces principes qui ont permis la demande relative à linvention revendiquée en lespèce. Avant cette invention, on ignorait que les neurones jouant un rôle dans la douleur (sensitifs afférents) pouvaient être traités par une toxine botulinique séparément des neurones moteurs (musculaires efférents).

 

[13]           Bien qu’il soit possible de traiter séparément la douleur associée à la spasticité consécutive à un AVC et la spasticité elle­‑même, la Commission est d’avis que, pour les motifs qui suivent, ce principe n’est pas présent dans les revendications en litige, compte tenu de l’ensemble du mémoire descriptif.

 

[14]           L’expression « pour le traitement de la douleur » fait partie du libellé même des revendications.  Notons à première vue qu’il n’est pas précisé « pour le traitement de la douleur uniquement », comme dans l’interprétation que nous propose la demanderesse.  Nous devons néanmoins tenir compte de toutes les spécifications afin de déterminer si un sens plus précis devrait être donné au texte de la revendication.  Dans l’arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc. (2000), 9 C.P.R. (4th) 129 (C.S.C.), à la page 153, le juge Binnie a repris la mise en garde de William L. Hayhurst, c.r., exprimée dans « The Art of Claiming and Reading a Claim », dans Patent Law of Canada (1994) selon laquelle :

 

[traduction]

[l]es mots doivent être interprétés dans leur contexte, de sorte quil est risqué, dans bien des cas, de conclure que le sens dun mot est clair et net sans avoir examiné attentivement le mémoire descriptif.

 

 

[15]           Lors de l’audience, l’examinateur a indiqué que l’exemple no 10 de la demande était celui qui s’appliquait le mieux à l’objet revendiqué, ce dont convient la Commission. Cet exemple est intitulé « The Use of Botulinum toxin types A-G in the Treatment of Muscle Spasms and Control of Pain Associated with Muscle Spasms in Spasticity Conditions Secondary to Stroke, Traumatic Brain or Spinal Cord Injury » (Utilisation des toxines botuliniques de types A à G dans le traitement des spasmes musculaires et le soulagement de la douleur associée aux spasmes musculaires dans les affections spastiques consécutives à un accident vasculaire cérébral ou à des lésions traumatiques du cerveau ou de la moelle épinière). Vu l’importance de cet exemple en ce qui a trait à la portée des revendications, nous en reproduisons un passage ci‑après :

 

[Traduction] Un homme de 70 ans ayant subi un accident ou événement vasculaire cérébral reçoit par injection 50 à 300 unités de toxine botulinique dans les principaux muscles qui interviennent dans la fermeture sévère de la main et la torsion sévère du poignet et de lavant‑bras ou dans les muscles qui jouent un rôle dans la fermeture des jambes et qui font en sorte que le patient a des problèmes dhygiène. Ces symptômes sont soulagés en 7 à 21 jours.

 


[16]           On ne peut douter de la pertinence de cet exemple parce que c’est le seul qui porte sur la spasticité et la douleur consécutives à un AVC et qu’il divulgue l’intervalle posologique de 50 à 300 unités que revendique maintenant la demanderesse. Il est clair que le terme « ces symptômes » désigne « la fermeture sévère de la main et la torsion sévère du poignet et de l’avant‑bras » ou « la fermeture des jambes ». Nous ne pouvons faire autrement que déduire de ce contexte que le traitement et le soulagement de la spasticité entraînent un soulagement concomitant de la douleur associée. C’est donc dire que la douleur n’est pas traitée séparément de la spasticité, comme la demanderesse le prétend dans son argumentation. Nous notons aussi que le titre mentionne à la fois le traitement des spasmes musculaires et le soulagement de la douleur. Bien que la description comporte de nombreuses mentions relatives au « soulagement de la douleur », nulle part n’est‑il avancé que la douleur est traitée séparément de la spasticité dans une affection « consécutive à un accident ou incident vasculaire cérébral », comme dans la revendication 1. Nous remarquons que le mémoire descriptif ne souligne pas les questions entourant le traitement distinct de la douleur aussi clairement qu’elles ont été présentées à la Commission.

 

[17]           À la page 8 se trouve une référence qui pourrait être considérée comme se rapportant uniquement au traitement de la douleur. Il y est mentionné que, en ce qui concerne les doses employées dans les applications thérapeutiques humaines, la dose est la suivante (nous soulignons) :

 

[Traduction] de préférence à des doses de 80 à environ 460 unités par patient par traitement, bien que des doses plus faibles ou plus fortes puissent être administrées dans des cas appropriés par exemple, jusquà environ 50 unités pour le soulagement de la douleur et le contrôle des sécrétions cholinergiques.

 


[18]           S’il était possible de traiter la douleur séparément de la spasticité, dans le passage précédent, la limite supérieure aurait été d’environ 50 unités. Comme la revendication précise que la dose va de 50 à 300 unités, il faut en conclure que les revendications visent autre chose que le seul traitement de la douleur. De plus, la page 10 renferme une analyse générale des méthodes et des exemples employés. Aux lignes 8 à 13, on peut lire ce qui suit (nous soulignons) :

 

[Traduction] Après linjection, on note quil ne se produit aucun effet secondaire général ou local et quaucun des patients ne présente dhypotonie locale étendue. La majorité des patients présentent une amélioration de la fonction tant subjective que mesurée objectivement.

 

[19]           De toute évidence, les améliorations fonctionnelles sont globalement importantes, contrairement à ce que soutient la demanderesse.

 

[20]           En résumé, la Commission ne peut pas accepter l’argumentation de la demanderesse selon laquelle la douleur est traitée séparément de la spasticité. D’après ce qui précède, le libellé des revendications (« pour le traitement de la douleur »), combiné à l’intervalle revendiqué, ne peut pas être interprété comme signifiant que seule la douleur est traitée. Avec cette interprétation en tête, la Commission se penchera maintenant sur les autres questions en litige.

 

ÉVIDENCE

 

Thèse de l’examinateur

 

[21]           Comme l’objet de l’argumentation a été passablement modifié en réponse à la décision finale, l’objet n’étant plus le choix de sérotypes en particulier comme c’était le cas dans les anciennes revendications 1 à 34, la Commission a entrepris d’extraire de l’argumentaire de l’examinateur les parties qui s’appliquent le plus à l’objet des revendications actuellement en litige. Dans sa décision finale, l’examinateur indique notamment ceci :

 


[Traduction] Les publications antérieures montrent que la toxine botulinique de type A est efficace dans le traitement de la spasticité ou des mouvements musculaires involontaires dans un grand nombre daffections musculaires et que ce même traitement entraîne une réduction concomitante de la douleur associée à la dite spasticité ou aux dits mouvements, ce qui laisse croire à lexistence dune association entre la douleur et la spasticité musculaires.

.....

La personne versée dans lart sait bien que les toxines botuliniques constituent une famille de toxines apparentées sur le plan pharmacologique (types A à G au moment de la publication) qui provoquent une paralysie flasque (voir lantériorité D3 et les pages 2, 4 et 5 de la demande en lespèce).

.....

Le document D4 décrit lutilisation de la toxine botulinique dans le traitement daffections qui comportent une spasticité des muscles lisses des sphincters et non pas de la douleur associée à ces affections.

.....

Dans le document D3, on avance que la toxine botulinique pourrait être utilisée pour traiter diverses affections musculaires ou hyperkinétiques ainsi que la douleur provoquée par les spasmes musculaires qui en découlent. Les documents D1, D2, D7 et D11 portent chacun sur le traitement dun grand nombre daffections neuromusculaires ou de muscles spastiques. Selon le traitement divulgué dans ces documents, la toxine botulinique est efficace contre la spasticité et la douleur associées aux affections neuromusculaires et aux muscles spastiques. Lantériorité D11 traite expressément dune affection touchant les muscles lisses et de linjection de la toxine près de la partie profonde du sphincter anal externe. Une personne versée dans lart qui prendrait connaissance de ces documents verrait que le traitement de la spasticité musculaire, par des méthodes connues et établies, dans une affection neuromusculaire ou un muscle spastique au moyen dune toxine botulinique offre des chances de succès raisonnables, cest­‑à‑dire un soulagement concomitant et significatif de la douleur associée à une affection neuromusculaire ou à un muscle spastique donnés, y compris un muscle lisse.

.....


Le vaste intervalle de concentrations de toxine botulinique divulgué dans la demande pour les utilisations revendiquées ne fournit pas non plus dindications claires et non équivoques pour la personne versée dans lart. Ce vaste intervalle se situe à lintérieur de concentrations divulguées dans des publications antérieures relativement à la toxine botulinique de types A ou F et son utilisation pour inhiber la spasticité musculaire et soulager la douleur musculaire dans un grand nombre daffections musculaires dans lesquelles lacétylcholine joue un rôle.

 

[22]           Dans sa décision finale, l’examinateur a fait valoir que des revendications liées à l’utilisation de la toxine botulinique (en particulier du type A) dans le traitement de la douleur associée à un AVC, à un événement cérébral ou à une lésion cérébrale avaient déjà été supprimées en réponse à une objection et qu’il n’était donc pas approprié pour la demanderesse de soutenir encore de telles revendications. Cependant, après examen de l’instruction, il est clair que ces revendications ont été maintenues en réponse à l’objection de l’examinateur, même si elles visaient des sérotypes autres que A et F. Par ailleurs, les revendications toujours en litige comportent la distinction d’un intervalle posologique précis. Vu ces faits, la Commission n’estime pas que la demanderesse a abandonné l’objet des revendications en litige.

 

[23]           En ce qui concerne les anciennes revendications 35 à 38, qui ressemblent beaucoup aux revendications en litige à l’exception de l’intervalle posologique, l’examinateur affirmait ce qui suit :

 


[Traduction] Lantériorité D3 établit clairement les usages thérapeutiques de la toxine botulinique dans une vaste gamme daffections musculaires dans lesquelles lacétylcholine joue un rôle (dont un bon nombre sont des affections musculo‑squelettiques) et indique que les toxines botuliniques pourraient être utiles pour soulager la douleur provoquée par les spasmes musculaires. Toutefois, le document D3 nindique pas comment la toxine botulinique pourrait être utilisée pour soulager la douleur dans une affection musculaire donnée. Ce problème est résolu par les indications des documents D1 ou D2, dans lesquels une méthode faisant appel à la toxine botulinique de type A pour traiter la spasticité musculaire chez des patients ayant subi un AVC ou des lésions de la tête et chez des patients souffrant de torticolis spasmodique a entraîné un soulagement significatif de la douleur. Ces indications fournissent des exemples de plusieurs groupes musculaires différents qui peuvent être traités par la toxine botulinique de type A en vue du soulagement de la douleur. Les indications décrivent en détail la quantité de toxine botulinique employée et le mode dadministration, et ces indications englobent la réalisation privilégiée de la demande en lespèce.

.....

Lexaminateur affirme dans la dite décision du Bureau [celle qui précède la décision finale] que les antériorités D1, D2 et D11 font toutes les trois état dun soulagement concomitant de la douleur lorsque la toxine botulinique de type A a été utilisée pour traiter la spasticité dans différentes affections musculaires, ce qui laisse croire à un lien entre le soulagement de la douleur musculaire lié à la diminution de la spasticité musculaire et le traitement par la toxine botulinique.

.....

Tant le document D1 (voir p. ex. les sections Résumé, Résultats et Analyse) que le document D7 (voir les tableaux 1 à 4) divulguent linjection de toxine botulinique de type A dans les muscles du bras, de la main et de la jambe de patients ayant subi un AVC en vue de traiter la spasticité desdits muscles ainsi que lamélioration ultérieure de leurs mouvements et de leurs activités quotidiennes.

.....

Il est évident daprès la page 3, par exemple, que le document D7 divulgue lefficacité de la toxine botulinique de type A dans le traitement de la spasticité et de la douleur musculaires associées à une lésion ischémique, à un traumatisme cérébral, à une myopathie cervicale accompagnée de paralysie spastique spinale et à la sclérose en plaques chez les patients ayant besoin dun traitement.

 

[24]           Dans le résumé des motifs présenté à la Commission, l’examinateur affirmait ce qui suit au sujet des revendications actuellement en litige :

 

[Traduction] Lexaminateur a cité huit antériorités qui confirment ce qui suit :

        La toxine botulinique, aux doses revendiquées, a une utilité dans le traitement dun grand nombre daffections musculaires ou daffections musculaires spastiques dans lesquelles lacétylcholine joue un rôle (D1 à D4, D7, D11, D12 et D15).


        La toxine botulinique, aux doses revendiquées, a une utilité dans le traitement de la douleur associée à un grand nombre daffections musculaires ou daffections musculaires spastiques dans lesquelles lacétylcholine joue un rôle (D1 à D4, D7, D11, D12 et D15).

        La toxine botulinique a une utilité dans le traitement de la spasticité et de la douleur associées à une affection musculaire spastique consécutive à un AVC ou à un événement vasculaire (D1 et D7), y compris du bras, de la main ou de la jambe, cest‑à‑dire linvention revendiquée en lespèce.

        Les doses divulguées dans les documents D1 et D7 semblent se situer à lintérieur de lintervalle posologique revendiqué, vu la nature ambiguë et le manque de détails de lexemple de la page 19 de la demande en lespèce et la fausse interprétation par la demanderesse de lobjet divulgué dans les deux documents en question sil lon prend en considération des éléments tels que la puissance des différentes toxines botuliniques, la gravité de laffection, le nombre total de points dinjection, etc.

        Les sérotypes de toxine botulinique autres que A ont une utilité dans le traitement de la spasticité musculaire et de la douleur qui lui est associée (D12 et D15).

 

Autres points importants :

        Lintervalle posologique revendiqué, quil ait été divulgué ou non dans les documents publiés antérieurement, ne nécessite pas desprit inventif de la part de la personne versée dans lart.

 

[25]           En ce qui concerne les doses indiquées dans l’antériorité D1, les quantités divulguées ont fait l’objet d’un long débat au cours de l’audience. Nous aborderons ce point un peu plus loin dans l’analyse. On peut constater d’après les commentaires ci‑dessus que l’examinateur a accordé une attention particulière aux documents D1 et D7 en ce qui concerne la question de l’évidence, ce qui est conforme à l’opinion de la demanderesse concernant les documents les plus pertinents.

 

Thèse de la demanderesse

 


[26]           En réponse à la décision finale, après un résumé des antériorités opposées, la demanderesse avait à dire ce qui suit :

 

[Traduction] Les publications antérieures les plus pertinentes citées par lexaminateur en ce qui a trait aux revendications actuellement en litige sont les documents D1 et D7, ce qui est confirmé à la page 8 de la décision du Bureau. Les revendications en litige, contrairement aux documents D1 et D7, se limitent au traitement de la douleur, et cette limite est étayée par le mémoire descriptif.

 

[27]           La demanderesse a poursuivi en indiquant pourquoi les revendications n’étaient pas antériorisées par les documents D1 et D7, ce qui n’était pas pertinent, car l’examinateur estimait que les revendications étaient évidentes, et non pas antériorisées. La demanderesse a aussi formulé des commentaires sur la valeur inventive des revendications par rapport aux documents D1 et D7, mentionnant notamment ce qui suit :

 

[Traduction] Les revendications en litige sont aussi inventives par rapport à D1 et D7 parce que ces deux documents concernent des méthodes pour traiter la spasticité, le soulagement de la douleur nétant quen effet secondaire de ces méthodes. En outre, les revendications en litige établissent des méthodes particulières pour traiter la douleur qui ne sont pas suggérées par les méthodes de traitement de la spasticité décrites dans les antériorités D1 et D7. Par conséquent, les revendications en litige se limitent à lutilisation de 50 à 300 unités dune toxine botulinique. Par contre, dans le document D1, on utilise tout le flacon de 50 ng pour traiter la spasticité après un AVC chez des patients. Comme le divulgue le document D7, 50 ng équivalent à 2 000 unités de toxine. Par conséquent, les revendications se limitent à lutilisation de 2,5 % (50/2 000) à 15 % (300/2 000) de la quantité de toxine utilisée dans le document D1. Il ny aucune raison dans D1 dutiliser seulement de 2,5 % à 15 % de la dose qui y est indiquée parce quil ny a aucun intérêt dans ce document à traiter la douleur séparément de la spasticité.

 


De même, le document D7 divulgue lutilisation de 1 000 à 2 000 unités (25 ng à 50 ng) de BOTOXMD. Les revendications en litige se limitent à lutilisation de 50 à 300 unités, donc à lutilisation de 2,5 % (50/2 000) à 30 % (300/1 000) des doses employées dans le document D7. Encore une fois, il ny a aucune raison dans D7 de nemployer que 2,5 % à 30 % de la dose utilisée dans D7 parce quil ny a aucun intérêt dans ce document (ainsi que dans une combinaison de D1 et de D7) à traiter la douleur séparément de la spasticité.

 

[28]           Dans sa thèse présentée à la Commission lors de l’audience, la demanderesse a résumé ainsi les indications des antériorités autres que D1 et D7 :

 

[Traduction] Donc, les antériorités D2, D12 et D14 ne divulguent que le traitement du torticolis spasmodique ou de certaines dystonies, et non pas un traitement contre la spasticité après un AVC. Les documents D4 et D11 ne divulguent que le traitement de certaines affections gastro-intestinales (anisme) ou urologiques (urétrales) des muscles lisses des sphincters. Le document D3 comporte une brève mention du traitement de la spasticité après un AVC.

 

[29]           La demanderesse a ensuite porté son attention sur l’antériorité D1 :

 

[Traduction] La référence D1 (Mémin) divulgue le traitement par une toxine botulinique de huit patients souffrant de spasticité. Sept des huit patients présentaient une spasticité liée à un AVC. Six des huit patients avaient de la douleur. Après le traitement, cinq des huit patients ont été soulagés de leur douleur. Il est important de noter que le document D1 ne traite que damélioration fonctionnelle (c.‑à‑d. de spasticité) et aucunement de traitement de la douleur. Par conséquent, le document D1 ne divulgue aucun traitement de la douleur distinct du traitement de la spasticité chez aucun des huit patients.

 

[30]           Nous aimerions souligner à ce stade que, vu notre conclusion concernant la portée des revendications en litige, il n’est pas nécessaire qu’une antériorité indique que la douleur est traitée séparément de la spasticité.

 

[31]           La demanderesse a poursuivi en parlant des doses précises divulguées dans l’antériorité D1 :

 


[Traduction] La dose utilisée dans le document D1 est indiquée dans la section sur les résultats, où il est mentionné que, en moyenne, 9,1 nanogrammes de toxine botulinique ont été injectés à chaque patient et que chacun dentre eux, à lexception dun seul, a reçu deux séries dinjections. Il est signalé dans la section de la méthodologie que la toxine botulinique employée provenait de Porton et que, par conséquent, 1 nanogramme de cette toxine équivalait à 40 unités de toxine botulinique. Ainsi, le document D1 nous apprend que 364 unités (9,1 ng X 40 unités/ng) dune toxine botulinique ont été administrées deux fois à chaque patient, de sorte que chacun a reçu au moins 728 unités de toxine. Le document D1 mentionne quune petite dose de 4 ng (ou 160 unités) de toxine botulinique a été administrée et quun patient a reçu une seule série dinjections. Fait important, il est cependant impossible de déterminer daprès le document D1 quun patient pouvant être visé par la présente revendication 1 (c.‑à‑d. lutilisation de 50 à 300 unités pour le traitement de la douleur associée à la spasticité) a été traité.

 

Les revendications ne sont pas évidentes à la lumière du document D1 parce que ce dernier ne renferme aucune indication pour la personne versée dans lart concernant une modification, ni a fortiori une réduction, de la dose de toxine botulinique administrée pour le traitement de la douleur, au moins parce que D1 divulgue quaucun effet secondaire na été observé (page 213, colonne de droite, dernière phrase : « Aucun effet secondaire local, général, transitoire ou prolongé na été relevé. »). Comme aucun effet secondaire na été observé aux doses administrées dans le document D1, la personne versée dans lart naurait aucune raison de réduire la dose, étant donné que la dose employée dans le document D1 était efficace et bien tolérée.

 


Enfin, le document D1 diffère de linvention revendiquée ou comporte une réserve à légard dune diminution de la dose de toxine botulinique parce quil suggère que leffet analgésique de la toxine botulinique pourrait être lié à des effets sur le tonus musculaire (page 214, colonne de gauche : « Leffet antalgique ... Il peut être attribué à la disparition de la tension musculaire. »). À la lecture du document D1, la personne versée dans lart ignorerait donc que le traitement de la douleur associée aux affections musculaires spastiques pourrait être réalisé avec des doses différentes (c.‑à‑d. de faibles doses) de celles requises pour le traitement des spasmes musculaires (c.‑à‑d. les fortes doses utilisées dans le document D1). Par conséquent, les revendications ne peuvent pas être évidentes à la lumière de D1.

 

[32]           En ce qui à trait à l’antériorité D7, la demanderesse a mentionné ce qui suit :

 

[Traduction] Lantériorité D7 (Konstanzer) divulgue le traitement dun groupe mixte de patients par la toxine botulinique de Porton, groupe dans lequel seuls les patients 1, 5 et 7 avaient subi un accident ischémique cérébral, terme synonyme dAVC. Comme le montre le tableau 2 à la page 519 du document D7, les patients 1, 5 et 7 ont reçu respectivement 3 000 unités (25 ng + 50 ng), 1 400 unités (35 ng) et 720 unités (18 ng) de toxine botulinique. Le document D7 ne fait clairement pas obstacle à la nouveauté, car ces doses (720 à 3 000 unités) sont bien à lextérieur de lintervalle revendiqué de 50 à 300 unités.

 

En ce qui concerne lévidence, lantériorité D7 ne renferme ni indication ni la moindre suggestion pour la personne versée dans lart à légard dune modification ou dune réduction de la dose de toxine botulinique administrée pour traiter la douleur. En fait, ce document indique qu'il faut éviter de réduire les doses de toxine botulinique ou comporte une réserve à cet égard parce que la dernière phrase du deuxième paragraphe de la colonne de droite, à la page 520, indique quaucun effet secondaire na été relevé après ladministration dune dose de 5 000 unités de toxine botulinique : «...was aber weder den erwünschten Erfolg brachte, noch unerwünschte Nebenerscheinungen auslöste. » Par conséquent, le document D7 ne fournit aucune raison dutiliser une dose plus faible de toxine botulinique (c.‑à‑d. une quantité inférieure à la plus faible dose de 720 unités utilisée dans D7 chez un patient présentant une spasticité après un AVC).

 


La plus faible dose administrée à un patient dans la référence D7 était de 480 unités, comme on peut le constater à la lecture de la page 520, ligne 5 de D7 sous la section des résultats (« Ergebnisse »), où il est écrit quaucune dose inférieure à 12 ng, ou 480 unités, na été administrée. Fait à souligner, dans le document D7, cette dose la plus faible de 480 unités a été administrée au patient 2, qui présentait une spasticité attribuable à une tumeur au cerveau, et non pas à un AVC, auquel les revendications en lespèce se limitent. Par conséquent, selon le tableau 2 à la page 519 du document D7 lu de pair avec la ligne 11 de la page 518, colonne de droite, de D7 (« ...bei 1 Patienten ein operativ entfernter Hirntumor. »), la plus faible dose de 480 unités dans D7 a été administrée au patient 2, qui présentait une spasticité attribuable à la résection dune tumeur cérébrale, et non pas à un AVC comme dans les revendications en litige.

 

Par ailleurs, le seul objectif du traitement décrit dans D7 était de réduire le tonus musculaire et donc de traiter la spasticité. À la lecture de ce document, la personne versée dans lart ignorerait que le traitement de la douleur associée aux affections musculaires spastiques pourrait être réalisé avec des doses différentes (c.‑à‑d. de faibles doses) de celles requises pour le traitement des spasmes musculaires (c.‑à‑d. les fortes doses de 720 à 5 000 unités utilisées dans D7). Par conséquent, le document D7 ne fournit ni suggestion ni raison dutiliser une dose de 50 à 300 unités pour traiter la douleur associée à la spasticité consécutive à un AVC.

 

[33]           Nous reparlerons plus loin de ce qui est divulgué, selon la demanderesse, les antériorités lorsque nous examinerons les antériorités opposées.

 

[34]           Dans le résumé présenté par la demanderesse relativement à sa thèse sur l’évidence, il est indiqué ce qui suit au paragraphe 31, (nous soulignons) :

 

[Traduction] Il est important de souligner que tant le document D1 que le document D7 portent uniquement sur le traitement de la spasticité musculaire, et que, dans ces deux documents, le soulagement de la douleur nest quun effet accessoire du soulagement des spasmes musculaires. Par contre, linvention revendiquée vise le soulagement de la douleur, et non pas le soulagement des spasmes musculaires. Cest pourquoi une faible dose de toxine botulinique est revendiquée - un résultat fonctionnel (spasmes musculaires) nest pas revendiqué et déborde de la portée des revendications.

 


[35]           Encore une fois, la Commission ne peut être d’accord avec le passage souligné.  Il serait incompatible avec le reste du mémoire descriptif d’accorder un tel sens aux revendications.

 

Évidence : principes de droit [Note : la présente recommandation comprend une analyse supplémentaire qui a été rédigée à la suite de l’arrêt de la Cour suprême Sanofi‑Synthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc. 2008 CSC 61, 69 C.P.R. (4th) 251.  Cette analyse débute au paragraphe 104].

 

[36]           Les critères qui peuvent permettre de conclure que l’objet d’une revendication est évident sont prévus à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets :

 

28.3 Lobjet que définit la revendication de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans lart ou la science dont relève lobjet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus dun an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui linformation à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle quelle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle quelle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[37]           Le guide fréquemment cité pour apprécier l’évidence au Canada a été rédigé par le juge Hugessen dans Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289, à la page 294 (C.A.F.); inf. (1984), 78 C.P.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.) :

 


Pour établir si une invention est évidente, il ne sagit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème.  Un inventeur est par définition inventif.  La pierre de touche classique de lévidence de linvention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle desprit inventif ou dimagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu dintuition; un triomphe de lhémisphère gauche sur le droit.  Il sagit de se demander si, compte tenu de létat de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où linvention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet.  Cest un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

 

[38]           Dans Novopharm Limited c. Janssen-Ortho Inc., (2007), 59 C.P.R. (4th) 116 (C.A.F.), après avoir qualifié la citation précédente tirée de Beloit de « critère juridique admis », la Cour d’appel fédérale a fait sienne une liste modifiée de facteurs énoncés par le juge Hughes, de la juridiction inférieure, destinée à orienter l’examen factuel nécessaire pour apprécier l’évidence.  Nous ne les reprendrons pas ici, mais il est utile de rappeler que le juge Sharlow a affirmé qu’il faut se garder de suivre aveuglément un cadre d’analyse des faits rigide pour se prononcer sur le caractère évident ou non d’une invention :

 

Il nexiste aucune question factuelle ni aucun ensemble de telles questions qui puisse décider de lissue de toutes les affaires ou même dune seule.

 

[39]           Dans les observations qu’elle a présentées à la Commission, la demanderesse a invoqué le jugement Bayer Aktiengesellschaft c. Apotex Inc. (1995), 60 C.P.R. (3d) 58, au paragraphe 79 (Div. Gén. Ont.), pour appuyer l’argument voulant que l’évidence au Canada a la connotation de « simple comme bonjour » ou « clair comme de l’eau de roche ».  Bien que ces expressions aient été mises en évidences dans la présente affaire, le juge Sharlow a réaffirmé la mise en garde formulée par le juge Hughes selon laquelle les expressions ou les phrases employées dans une affaire donnée ne doivent pas être interprétées comme des règles de droit :

 

À cet égard, les tribunaux utilisent parfois des expressions comme « valant la peine dêtre tenté », « directement et facilement » ou « examen de routine ».  Il est inutile demployer des expressions de ce genre car elles ont tendance à se glisser dans des énoncés de droit ou des déclarations de témoins experts.  Le juge Sachs a désapprouvé lutilisation de telles expressions dans General Tire & Rubber Company c. Firestone Tyre & Rubber Company Limited, [1972] R.P.C. 195, aux pages 211-12.

 


[40]    À la lumière de ces lignes directrices, examinons maintenant la preuve qui est devant nous pour déterminer si les revendications sont évidentes.

 

Analyse

 

[41]           La Commission doit tout d’abord cerner ce que révèlent les antériorités opposées par l’examinateur.  À l’instar de l’examinateur et de la demanderesse, la Commission estime que les documents D1 et D7 sont nettement les plus pertinents.  En revanche, comme il est permis d’examiner l’effet cumulatif des antériorités (voir DeFrees and Betts Machine Co. c. Dominion Auto Accessories Ltd. (1963), [1964] Ex. C.R. 331; Windsurfing International Inc. c. Trilantic Corp. (1985), 8 C.P.R. (3d) 241 (C.A.F.)), la Commission ferait preuve de négligence si elle ne déterminait pas s’il pouvait être tiré profit des connaissances pertinentes contenues dans les autres antériorités opposées.

 

 

[42]           Le document D2, publié en 1986, décrit une étude à double insu sur la toxine botulinique dans laquelle la toxine de type A a été utilisée pour traiter le torticolis spasmodique, affection qui touche les muscles du cou et qui provoque des mouvements de traction, des torsions ou des secousses. Voici un extrait de la section « Résumé » de cet article :

 

[Traduction] Toxine botulinique : Une toxine a entraîné une amélioration tant subjective quobjective, dont un soulagement significatif de la douleur chez 14 des 16 patients qui présentaient de la douleur.

 

[43]           Cet article divulgue aussi que la toxine botulinique de type A est utilisée dans le traitement d’autres affections telles que le strabisme, la myopathie orbitale endocrinienne, la paralysie latérale du rectum, le spasme de l’hémiface et le blépharospasme. En ce qui concerne les doses, l’article divulgue que chaque patient a reçu 100 unités souris (l’équivalent de 40 ng) (50 unités souris (20 ng) par muscle). Chaque patient a reçu deux traitements à trois mois d’intervalle, un avec la toxine et un sans toxine. Les résultats ont révélé une amélioration fonctionnelle et un soulagement de la douleur significatifs.

 


[44]           Le document D3, publié en 1992, est un article de synthèse qui traite des propriétés et des utilisations générales de la toxine botulinique et d’autres neurotoxines. On y apprend que la toxine botulinique de type A a été approuvée en 1989 aux États‑Unis pour le traitement du strabisme, du spasme de l’hémiface et du blépharospasme chez les patients de 12 ans et plus par injection directe de la toxine dans le muscle hyperactif. La toxine a aussi été employée à des fins expérimentales dans le traitement de certaines dystonies. Le terme « dystonie » désigne un trouble neurologique du mouvement caractérisé par des contractions musculaires durables, ou spasmes, qui provoquent des torsions et des mouvements répétitifs. Selon ce document, les neurotoxines botuliniques forment une famille de toxines similaires sur le plan pharmacologique qui empêchent la libération d’acétylcholine par les nerfs périphériques et causent une paralysie flasque. Cet article traite du type A, car c’est celui qui était utilisé dans les applications thérapeutiques. L’article divulgue de l’information au sujet du mode d’action de la toxine et de sa préparation.

 

[45]           À la page 84 de ce document, on énumère plusieurs dystonies focales et troubles provoquant des mouvements involontaires qui ont été traités avec succès au moyen de la toxine botulinique de type A. Figurent notamment dans cette liste la spasticité des membres après un AVC et d’autres troubles neurologiques, dont l’infirmité motrice cérébrale, bien qu’aucune dose précise ne soit mentionnée. En ce qui concerne le blépharospasme, l’article mentionne une étude réalisée avec une dose moyenne de 20 U et dans laquelle aucun effet indésirable à long terme n’a été observé. Pour ce qui est du spasme de l’hémiface, les auteurs font état d’injections de 10 à 20 U qui apportent un soulagement chez 90 % des patients traités. En ce qui a trait au torticolis spasmodique, une amélioration a été notée chez 50 à 90 % des 1 000 sujets ayant participé à l’étude. Les auteurs mentionnent ce qui suit à la fin de la page 84 :

 

[Traduction] La toxine botulinique pourrait être utile aux humains qui souffrent de diverses autres affections hyperkinétiques ou de divers autres troubles du tonus musculaire, dont les tics, les tremblements, le bruxisme et la douleur causée par les spasmes musculaires.

 

[46]           À la page 85, l’auteur affirme ceci :

 

[Traduction] Aucun effet clinique indésirable na été observé chez les patients qui ont reçu de faibles doses de toxine botulinique, p. ex. 20 U. Une analyse par électromyographie de lunité motrice a révélé que linjection de quantités relativement importantes de toxine botulinique (140 à 165 U) entraînait une dissémination de la toxine, laffaiblissement des muscles à distance et des effets infracliniques non caractérisés (116).

 

[47]           Cependant, il n’est pas indiqué clairement quelles affections ni quels muscles exactement ont été traités au moyen de ces doses. Plus loin, l’utilisation de ≤ 100 U est recommandée pour prévenir la dysphagie (incapacité d’avaler), en association avec les muscles de l’oeil et ceux associés au torticolis spasmodique.


 

[48]           L’auteur fait aussi mention de l’inquiétude considérable suscitée par la possibilité que les patients traités par la toxine botulinique développent des anticorps, en particulier dans le cas des injections de fortes doses pendant plusieurs années (voir le dernier paragraphe complet de la page 85). Toutefois, aucun renseignement précis n’est fourni sur le moment où cette possibilité devient inquiétante. Plus loin, l’auteur mentionne l’utilisation possible d’autres sérotypes, en particulier chez les patients ayant développé des anticorps contre le type A. L’auteur avance même que l’utilisation de toxines botuliniques combinées pourrait être plus efficace en clinique que l’emploi d’un seul type (voir la page 89, deuxième paragraphe complet de la colonne de droite).

 

[49]           Le document D4, publié en 1990, fait état d’une étude à double insu sur l’efficacité de la toxine botulinique de type A dans l’énervation et le relâchement d’un sphincter urétral externe spastique. L’étude portait sur cinq hommes qui présentaient des lésions de la partie supérieure de la moelle épinière et une dyssynergie vésico-sphinctérienne. Ils ont reçu chacun une faible dose de toxine botulinique de type A ou du sérum physiologique une fois par semaine pendant trois semaines. La dose initiale était de 140 unités de toxine ou de sérum physiologique, et toutes les injections ultérieures contenaient 240 unités. Aucun effet secondaire significatif n’a été noté. Certains patients ont ressenti une faiblesse temporaire des extrémités supérieures.

 

[50]           Le document D11, publié en 1988, divulgue de l’information sur le traitement de l’anisme par la toxine botulinique de type A. L’anisme est une affection dans laquelle les sphincters anaux se contractent de façon inappropriée (spasme) au cours d’un effort de défécation, le sphincter strié étant fermé. Selon le document, comme l’anisme est causé par un spasme musculaire inadéquat, cette maladie semble être une dystonie. Les auteurs mentionnent que, vu le succès de la toxine botulinique de type A dans le traitement d’autres dystonies, comme le blépharospasme, le strabisme et le torticolis spasmodique, ils ont entrepris l’étude divulguée pour déterminer l’efficacité de la toxine dans le traitement de l’anisme. Bien que ce document concerne des patients qui se plaignaient de douleurs, il s’agit de douleurs abdominales provoquées par une constipation chronique grave et non pas de douleurs dues à la spasticité elle‑même, contrairement à ce qu’affirme l’examinateur dans la décision finale.

 


[51]           En ce qui concerne les doses, le document mentionne que le premier patient a reçu une injection de 10 ng de toxine botulinique de type A, qui a entraîné l’incontinence. Il indique aussi que cette dose a été choisie d’après des études antérieures sur le strabisme et le torticolis, qui nécessitaient des doses respectives de 3 à 5 et de 40 ng, car le muscle pubo‑rectal a une taille intermédiaire entre les muscles traités antérieurement. On croyait que la dose nécessaire était proportionnelle à la masse musculaire. Plus tard, on a utilisé une dose de 3 ng, car celle de 1 ng n’avait pas produit d’amélioration chez trois autres patients. La dose de 3 ng a été employée chez le reste des patients. Quatre des sept patients ont obtenu d’excellents résultats. Comme le type de toxine n’est pas mentionné, il est impossible d’établir une corrélation entre les doses utilisées dans cette étude et les unités employées dans les revendications en litige.

 

[52]           Le document D12, publié en 1992, divulgue l’utilisation de la toxine botulinique de type F dans le traitement de plusieurs troubles du mouvement. Tous les patients traités ont produit des anticorps contre la toxine de type A. Deux patients souffraient de torticolis, un de dystonie oromandibulaire, et un de bégaiement. Les doses utilisées étaient respectivement de 435 unités (DL50), 400 unités, 120 unités et 40 unités. Les auteurs ont noté que la toxine de type A était environ neuf fois plus toxique que celle de type F. Ils ont aussi constaté que la toxine de type F pouvait être utilisée de façon sûre à des concentrations similaires à celles de la toxine de type A, mais que sa durée d’action était plus courte, ce qui est conforme aux observations réalisées dans les études antérieures chez l’animal.

 

[53]           Le document D15, publié en octobre 1993, traite de l’utilisation de toxine botulinique de type F dans le traitement du torticolis chez des patients qui avaient développé une immunité contre la toxine de type A. Le document signale que 10 des 15 patients ont vu leur état s’améliorer après l’injection de toxine de type F et que six patients sur neuf ont vu leur douleur diminuer. Les injections ont été administrées dans les mêmes muscles que ceux employés pour l’injection de la toxine de type A. Les auteurs mentionnent que, dans le passé, une dose de 25 à 100 U (type A) de toxine était utilisée dans le traitement du blépharospasme et une dose de 150 à 300 unités (type A), dans le traitement du torticolis. Les auteurs renvoient aussi à l’étude décrite dans le document D12 sur l’utilisation du type F. Ils indiquent que la plupart des patients ont reçu au total 250 U (dose moyenne de 234,7; intervalle de 50 à 350 U) de toxine de type F.

 


[54]           Onze patients présentaient une atrophie marquée du muscle sterno-cléido-mastoïdien après l’injection de 25 à 50 U de toxine de type F. Les auteurs reconnaissaient l’improbabilité que la toxine de type F s’avère un traitement adéquat pour de nombreux patients atteints de torticolis. Toutefois, cette conclusion était fondée sur un point de vue pratique lié à la brièveté de l’effet clinique. Selon les auteurs, de fortes doses de toxine de type F pourraient être employées chez les patients souffrant d’un torticolis grave dans la période suivant la laminectomie, étant donné que la faiblesse excessive du cou serait de courte durée.

 

[55]           Il est utile à cette étape de résumer les renseignements obtenus des documents susmentionnés avant d’examiner les documents D1 et D7. Il semble assez clair que la toxine botulinique, en particulier du type A, a été utilisée avec succès dans le traitement d’un certain nombre de dystonies (troubles neurologiques du mouvement) comportant une spasticité musculaire. Les documents D2 et D15 (qui décrivent l’utilisation de la toxine de type F) font aussi état d’un soulagement concomitant de la douleur lors du traitement de l’affection spastique. Ces documents illustrent aussi la variation des doses selon l’affection traitée, variation qui, comme l’indique le document D11, pourrait être en partie associée à la masse musculaire à traiter, élément sur lequel influent aussi des facteurs individuels. Cette observation est conforme à la propre divulgation de la demanderesse, qui, à la page 8, indique que : [Traduction] « Les doses utilisées dans les applications thérapeutiques humaines sont à peu près proportionnelles à la masse du muscle dans lequel la toxine est injectée. » À la page 8, la demanderesse affirme aussi ce qui suit :

 

[Traduction] La dose de toxine administrée au patient dépend donc de la gravité de laffection, p. ex. du nombre de groupes musculaires devant être traités, de lâge et de la taille du patient ainsi que de la puissance de la toxine.

 

[56]           À la lecture des antériorités, nous pouvons constater la différence des doses employées dans le traitement des muscles de l’oeil par rapport au muscle du cou, par exemple. Dans le document D11, on indique qu’une dose de 3 à 5 ng est adéquate pour le strabisme et qu’une dose de 40 ng convient pour le torticolis. Le document D12 fait état de variations similaires de la dose des toxines de types A et F selon l’affection. En ce qui a trait aux revendications en litige, le seul document qui mentionne le traitement de la spasticité consécutive à un AVC est le document D3, mais aucune dose n’y est précisée. Comme le soutient la demanderesse, il n’y a aucune divulgation précise de l’intervalle posologique revendiqué pour le traitement de la spasticité consécutive à un AVC.

 

D1 (Mémin et coll., 1992)

 


[57]           Ce document est sans nul doute l’antériorité la plus pertinente. Le document, qui a été publié en français, porte sur l’utilisation de la toxine botulinique dans le traitement de la spasticité. À l’audience, la demanderesse a fourni à la Commission une traduction de ce document. L’article porte aussi sur les utilisations passées de la toxine botulinique dans le traitement de diverses affections spastiques. L’étude portait sur huit patients, sept hommes et une femme. Sept des patients avaient subi un accident vasculaire cérébral, ou AVC (six infarctus, un hématome), et un autre avait subi un traumatisme crânio-cérébral avec lésion temporo-pariétale droite. Les symptômes dominaient dans les membres supérieurs chez six cas (bras gauche : 4, bras droit : trois) et dans la jambe gauche chez un cas. Chez deux cas, le pouce était replié dans la main. Le cas dont la jambe gauche était touchée présentait une paralysie partielle du muscle antérieur de la jambe et une dystonie à la flexion des orteils. La toxine botulinique de type A provenant du laboratoire de Porton Down a été employée dans l’étude. Selon la thèse présentée par la demanderesse à la Commission et conformément à sa propre description, 1 ng de cette toxine équivalait à 40 unités (U) de toxine. En l’absence de preuve du contraire, nous acceptons cette formule de conversion.

 

[58]           La toxine a été injectée dans le muscle long supinateur et le biceps du bras, les muscles fléchisseurs des doigts et des orteils et le muscle antérieur de la jambe. Il est précisé que, comme la spasticité et le volume musculaire étaient différents dans chaque cas, la dose administrée était aussi différente (dans un rapport de 4:1). La dose moyenne par patient et par série était de 9,1 ng (364 U), avec un intervalle de 4 ng (160 U) à 16 ng (640 U). Il est aussi indiqué que tous les patients sauf un ont reçu deux séries d’injections :

 

Tous, sauf un cas ont reçu deux séries dinjections.

 

[59]           Le document fait aussi mention d’une amélioration chez cinq des six personnes qui éprouvaient de la douleur. Une amélioration fonctionnelle générale a été observée, sans aucun effet secondaire. Sept sujets ont présenté une amélioration au chapitre de la raideur.

 

[60]           La quantité de toxine utilisée qui est divulguée dans ce document a fait l’objet de longs débats lors de l’audience. La demanderesse prétendait que, comme il était indiqué que deux séries d’injections avaient été administrées, elles l’avaient été en succession rapide, et donc que la dose réelle par traitement était le double de la valeur mentionnée, ce qui voudrait dire que la dose de 4 ng (160 U) se situerait à l’extérieur de l’intervalle posologique revendiqué de 50 à 300 unités. La demanderesse soutenait aussi que rien ne prouvait qu’un patient avait reçu une dose se situant dans l’intervalle revendiqué pour traiter la douleur associée à la spasticité. Par contre, à l’audience, l’examinateur a fait valoir que rien n’indiquait qu’une dose aussi faible que 4 ng n’avait pas été utilisée pour traiter la douleur associée à la spasticité.

 


[61]           À l’examen de l’antériorité D1, nous réalisons qu’il est vrai qu’on ne peut déterminer avec une certitude absolue quel patient a reçu une dose de 4 ng. Cependant, rien dans ce document ne laisse croire qu’une dose aussi faible n’était pas efficace dans le traitement de la douleur et de la spasticité. Il est aussi indiqué que les doses variaient de 4 ng à 16 ng, de sorte que même une dose plus forte de 7 ng (280 U) se situerait toujours dans l’intervalle revendiqué par la demanderesse.

 

[62]           Il est mentionné qu’une amélioration a été notée chez cinq des six patients qui avaient reçu le traitement et avaient de la douleur. Le document ne comporte aucune exclusion de la dose de 4 ng pour ce qui est de ces patients, et la Commission doit donc conclure que même la dose minimale de l’intervalle revendiqué, soit 4 ng, serait efficace dans le traitement de la douleur associée à la spasticité consécutive à un AVC, étant donné qu’un seul patient n’avait pas subi d’AVC. À notre avis, c’est ce que croirait la personne versée dans l’art qui examinerait ce document de façon objective. La demanderesse soutenait qu’il n’y avait aucune raison d’utiliser une faible dose de toxine dans le traitement de la douleur. Nous notons que les auteurs indiquent à la page 214 que, malgré l’utilisation de faibles doses comparativement aux études antérieures réalisées avec la toxine botulinique, l’amélioration du confort du patient, pour ce qui est de la douleur et de l’hypertonie, pouvait réduire les indications des techniques neurochirurgicales :

 

Malgré lutilisation de doses relativement faibles en comparaison avec les groupes musculaires déjà concernés par la toxine, lamélioration apportée au confort du malade tant sur le plan de la douleur que de lhypertonie est susceptible de réduire les indications des techniques neurochirurgicales.

 

[63]           Il est donc évident qu’il existe une indication selon laquelle des doses plus faibles que celles employées habituellement pour d’autres affections pouvaient être efficaces dans le traitement de la douleur et de la spasticité. La personne versée dans l’art y verrait une indication à l’égard de l’utilisation d’une dose plus faible pour traiter la douleur et la spasticité consécutives à un accident ou événement vasculaire cérébral.

 

[64]           En ce qui concerne la question des deux séries d’injections, la Commission croit que le document pris au pied de la lettre divulgue qu’une dose de 4 ng a été utilisée pour un traitement en particulier. Si ce n’était pas le cas, nous croyons que les auteurs auraient mentionné que la dose était de 8 ng, plutôt que d’induire le lecteur en erreur. Cette opinion est renforcée par le résumé publié en anglais dans le document. On y indique ce qui suit :

 


[Traduction] Les effets bénéfiques dune injection ont duré plus de 5 mois. Sept patients ont reçu un deuxième cycle de traitement.

 

[65]           Cette citation, de pair avec la citation antérieure selon laquelle tous les patients sauf un ont reçu deux séries d’injections, nous amène à croire que, après une certaine période (c.‑à‑d. 5 mois), les patients ont reçu leur deuxième cycle (c.‑à‑d. série) de traitement. Il est alors évident pour la Commission que les 4 ng devraient être considérés comme une dose de traitement. La Commission remarque aussi que ce résumé ne peut pas être une traduction par un tiers du précédent « Résumé » présenté dans ce document. Il est en effet rédigé à la première personne et renferme des renseignements utiles qui ne sont présents nulle part ailleurs dans le document, soit l’énoncé selon lequel les effets bénéfiques d’une injection ont duré plus de cinq mois. La demanderesse n’a pas contesté la validité de l’information contenue dans ce résumé et l’a reproduit tel qu’il figure dans la traduction fournie à la Commission.

 

[66]           À la lecture de Mémin, la Commission constate qu’un intervalle de 160 unités à 640 unités déjà divulgué, intervalle qui chevauche l’intervalle revendiqué, était utile dans le traitement de la douleur associée à la spasticité, laquelle était consécutive à un AVC. En s’appuyant sur cette seule antériorité, la Commission conclurait que l’intervalle de 50 à 300 unités revendiqué par la demanderesse était au moins évident, étant donné qu’il englobait des doses qui étaient déjà connues avant la date de la revendication. Comme l’intervalle revendiqué englobe des doses connues, la revendication serait normalement antériorisée, car nul ne peut faire de revendications assez larges pour englober l’objet connu (voir les arrêts Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp., (1991) 35 C.P.R. (3d) 350, à la p. 362 (C.A.F.); et Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines Ltd., (1947) 12 C.P.R. 99, à la p. 146 (C. de l’É.)).

 

[67]           Toutefois, nous devons régler la question de l’évidence. Le document de Mémin indique lui‑même, comme il a été mentionné, que la dose devrait être ajustée pour tenir compte du degré de spasticité et du volume musculaire du patient. Par conséquent, nous ne voyons aucun esprit inventif dans la variation particulière de la demanderesse par rapport à l’intervalle connu. À notre avis, il ne s’agit de rien de plus que la variation inhérente à l’utilisation de toxine botulinique pour traiter un patient donné. S’il y a une autre raison pour laquelle une dose aussi faible que 50 unités devrait être utilisée pour traiter la douleur causée par la spasticité après un AVC, elle n’est pas évidente d’après la divulgation de la demanderesse, en particulier en regard de l’exemple 10, qui est le plus étroitement lié à l’objet revendiqué. Par conséquent, vu l’intervalle posologique connu et les indications que fournit Mémin à la personne versée dans l’art, nous estimons que cette dernière serait parvenue directement et sans difficulté à l’invention revendiquée.


 

[68]           La demanderesse prétend que, vu l’absence d’effets secondaires, il n’existe aucune raison de réduire davantage la dose. Toutefois, comme nous l’apprend Mémin, la dose à employer dépend beaucoup du patient et de son affection, et il existait donc certainement une raison de modifier la dose d’après ce critère. Nous constatons aussi que, comme l’indique le Résumé, Mémin divulgue les résultats d’une étude préliminaire et ne prétend pas avoir établi de limites strictes quant à l’intervalle posologique de toxine botulinique efficace dans le traitement de la douleur associée à la spasticité après un AVC. La demanderesse argue également que le document D1 ne rend pas évidente l’invention revendiquée, car il laisse croire que l’effet analgésique pourrait être lié à des effets sur le tonus musculaire et que, par conséquent, la personne versée dans l’art ignorerait que la douleur pourrait être traitée au moyen de doses différentes de celles requises pour les spasmes musculaires. Ces arguments n’ont aucun poids, car nous avons appris que des doses se situant à l’intérieur de l’intervalle revendiqué ont été utilisées pour traiter tant la douleur que la spasticité; par ailleurs, selon notre interprétation de la portée des revendications, il n’est pas nécessaire que les antériorités indiquent que seule la douleur est traitée, à l’exclusion de la spasticité. Notre interprétation des revendications nous amène aussi à constater le chevauchement important de l’intervalle revendiqué par la demanderesse et de celui divulgué par Mémin (50 à 300 U et 160 à 640 U, respectivement). Comme nous l’avons déjà dit, une variation des doses en fonction de la physiologie et de l’affection du patient est à prévoir selon Mémin, ce dernier employant des doses variant dans une proportion de 4:1 selon le volume musculaire et le degré de spasticité.

 

[69]           En ce qui concerne les revendications dépendantes, il n’y a pas grand‑chose à ajouter. Comme nous l’avons déjà mentionné, Mémin divulgue un traitement intramusculaire chez l’humain comportant des injections dans le bras, la main et la jambe. L’énumération des sept sérotypes dans les revendications 3 et 6 n’ajoute rien à la brevetabilité des revendications 1 et 5, car il n’existe en fait que sept sérotypes connus, qui sont déjà tous englobés dans la portée des revendications indépendantes. Si l’usage particulier de l’un d’entre eux s’avérait évident, les revendications 3 et 5, qui revendiquent l’utilisation de chacun d’eux, devraient aussi être rejetées. En ce qui concerne l’utilisation de la toxine de type A revendiquée à la revendication 7, nous constatons que Mémin a utilisé la toxine de type A.

 

D7 (Konstanzer et coll., 1993)

 


[70]           La Commission aimerait ajouter un autre élément concernant l’évidence des revendications, mais, auparavant, nous examinerons l’antériorité D7 opposée par l’examinateur. Ce document a été publié en allemand en 1993, et, encore là, la demanderesse a fourni à la Commission une traduction que nous utiliserons dans l’analyse qui suit. Bien que la date exacte de publication ne soit pas précisée, la demanderesse n’a pas contesté l’applicabilité de ce document. Le document D7 divulgue une étude dans laquelle 11 patients présentant une spasticité focale prolongée et douloureuse ont été traités au moyen d’injections de toxine botulinique de type A dans les muscles des bras et des jambes, y compris ceux des mains et des pieds. Il faut souligner une déclaration des auteurs selon laquelle une augmentation marquée de la spasticité entraîne généralement de la douleur, une déformation des articulations et des difficultés à prodiguer les soins aux patients. Une telle déclaration vient appuyer l’assertion de l’examinateur voulant qu’il existe un lien général entre la spasticité et la douleur, ce qui est aussi conforme à la divulgation de la demanderesse et à notre propre interprétation des revendications. Comme l’a souligné la demanderesse dans son argumentation devant la Commission, l’objectif de l’essai décrit dans le document D7 était de réduire l’hypertonie musculaire causée par la spasticité ainsi que les incapacités fonctionnelles. Cependant, cela ne change rien au fait que si ce traitement des symptômes liés à la spasticité s’accompagnait d’un soulagement de la douleur, le traitement serait visé par les revendications.

 

[71]           Dans le document D7, seuls trois patients (1, 5, 7) avaient subi un AVC, mais tous avaient des problèmes locaux graves attribuables à la spasticité locale, et tous présentaient de la douleur liée à la spasticité. La toxine utilisée était la toxine botulinique de type A de Porton Down (1 ng = 40 unités souris). On mentionnait dans le document que la dose dépendait de l’expérience passée dans la région cervicale ainsi que de la taille et du poids du patient. Aucun effet secondaire local ou général n’a été observé. Cinq patients ont ressenti la diminution de la tension dans le muscle touché comme étant favorable et ont éprouvé un soulagement de la douleur dans la région traitée. Les auteurs mentionnent aussi que l’administration unique ou répétée de toxine botulinique de type A s’imposera dans le traitement de la douleur provoquée par les contractures permanentes et que si des anticorps commencent à être produits, la toxine de type F pourrait être un produit de remplacement viable. Les auteurs indiquent que l’impression clinique laissée par le groupe de patients ayant participé à l’étude était une réduction uniforme du tonus et des spasmes musculaires, réduction dont le degré semblait dépendre de la dose.

 


[72]           Sur les trois patients qui avaient subi un AVC, deux (les patients nos 1 et 5) avaient des douleurs, et les deux ont fait état d’une réduction de leur douleur par suite du traitement (voir le tableau 4). Le patient no 1 a reçu 25 ng (1 000 U) de toxine dans les muscles fléchisseurs de la main et 50 ng (2 000 U) dans les muscles associés au pied tombant. Dans son argumentation, la demanderesse avance que ces deux doses devraient être additionnées, ce qui donnerait 3 000 U pour le patient no 1. Toutefois, ces doses ont été utilisées pour traiter des groupes musculaires très distincts et ne peuvent pas être considérées comme une dose unique, rien ne laissant croire que le traitement d’un groupe musculaire influerait sur l’autre groupe. D’autres antériorités (D1, D2, D4, D11, D12 et D15, par exemple) indiquaient des doses pour un type de spasticité précis et, par conséquent, pour un groupe musculaire précis. Le patient no 5 a reçu une injection de 35 ng (1 400 U) de toxine dans les muscles fléchisseurs de la main. En ce qui concerne le patient n7, bien que le tableau 1 n’indique pas de symptôme de douleur dans son cas, le tableau 4 fait état d’une diminution de sa douleur.

 

[73]           La demanderesse soutient que le document D7 éloigne de l’invention revendiquée parce que les auteurs y utilisaient des doses plus fortes n'entraînant pas d’effets indésirables. Néanmoins, la Commission n’est pas de cet avis. Le document D7 divulgue une étude dans laquelle la combinaison des muscles traités chez chaque patient ayant subi un AVC variait, tout comme la dose pour chaque combinaison (voir le tableau 2 de ce document). Les revendications de la demanderesse ne précisent aucun groupe particulier de muscles à traiter, à l’exception de la revendication 5, qui vise le bras, la main ou la jambe, mais qui, même dans ce cas, ne précise aucun muscle. La variation de la dose dans le document D7 était à prévoir à cause des différents patients et des différents muscles ciblés. Contrairement à D1, il n’est pas établi clairement si la même combinaison de muscles ou non a été traitée. De même, il est difficile de comparer les données de D7 avec les revendications en litige, qui ne précisent aucun muscle ni degré de spasticité en particulier. Par conséquent, nous n’estimons pas que l’antériorité D7 diffère de l’invention, mais considérons plutôt qu’elle divulgue des doses précises qui étaient utiles dans le traitement de la spasticité associée à une combinaison précise de muscles. Selon nous, il en va de même de D1, bien que la correspondance entre la dose et le ou les muscles ne soit pas clairement établie.

 

Autres conclusions relatives à lévidence

 


[74]           Comme nous l’avons indiqué, les antériorités opposées par l’examinateur montrent l’utilité de la toxine botulinique dans le traitement de diverses affections spastiques, traitement qui entraîne un soulagement de la douleur et une diminution de la spasticité. Ils établissent aussi que la dose varie selon l’affection et la personne. Les documents D1 et D7 étayent aussi ces conclusions : D1 divulgue que la dose dépend du volume musculaire et du degré de spasticité, et D7 divulgue que la quantité de toxine employée dépend du degré de spasticité ainsi que de la taille et du poids du patient et fournit des indications basées sur des expériences passées concernant d’autres muscles.

 

[75]           Étant donné que les documents D1 et D7 avaient déjà révélé que la spasticité consécutive à un AVC pouvait être traitée au moyen de la toxine botulinique, nous ne constatons aucune invention dans le fait de déterminer la dose adéquate pour un muscle spastique donné. Les antériorités fournissent à la personne versée dans l’art les indications de base nécessaires pour déterminer la quantité qui convient à la situation. Nous avons résumé les divers facteurs à prendre en considération au moment de définir cette quantité. Il ne reste plus à la personne versée dans l’art qu’à déterminer, en se basant sur sa propre connaissance de l’anatomie, sur l’affection du patient et sur les indications fournies dans les traitements antérieurs, la quantité convenable, comme l’ont fait les chercheurs cités dans les antériorités. En conséquence, nous estimons que, grâce à ses propres connaissances générales et aux indications fournies par les réalisations antérieures, ce qui à nos fins représente l’état de la technique, la personne versée dans l’art serait parvenue directement et sans difficulté à une dose de toxine botulinique appropriée (par exemple 50 à 300 unités) pour traiter la douleur et la spasticité consécutives à un AVC. Nos conclusions antérieures concernant la brevetabilité des revendications dépendantes s’appliquent également en l’espèce.

 

[76]           Par conséquent, la Commission estime que les revendications 1 à 7 auraient été évidentes à la lumière du document D1 de Mémin pris isolément, ou à la lumière des antériorités D1 à D15 prises comme un tout.

 

 

PARTIE 2 - MÉTHODE DE TRAITEMENT MÉDICAL

 

Thèse de lexaminateur

 

[77]           La question de l’objet non brevetable n’a été soulevée par l’examinateur que dans le résumé présenté à la Commission.  À notre avis, cela s’explique par le fait que les modifications apportées aux revendications par la demanderesse en réponse à la décision finale mettaient l’accent sur l’intervalle posologique en l’ajoutant aux revendications indépendantes.  Le propos de l’examinateur dans le résumé était le suivant :

 


[Traduction] Lintroduction dun schéma posologique dans les présentes revendications dusage semble avoir donné naissance à une nouvelle objection, à savoir une objection fondée sur larticle 2 de la Loi sur les brevets, puisquil sagit simplement de revendications portant sur une méthode de traitement médical déguisées en revendications dusage.  Pour appuyer cette thèse, nous renvoyons la CAB à la décision non publiée de la Commission no 1252.

 

Thèse de la demanderesse

 

[78]           La demanderesse a demandé à la Commission de lui fournir une copie de la décision non publiée citée plus haut.  Les décisions de la commissaire non publiées, tout comme les demandes de brevets non publiées, ne peuvent toutefois être divulguées au public pour des impératifs de confidentialité.  La demanderesse a fait valoir que si la Commission s’appuyait sur une telle décision et qu’elle n’y avait pas accès :

 

[Traduction] cela priverait la demanderesse du droit de connaître le fardeau de preuve qui lui incombe et de présenter les observations nécessaires en réponse

 

Cela constituerait une violation des principes de justice naturelle.  La Commission convient que la demanderesse doit « connaître le fardeau de preuve qui lui incombe » et ne tiendra donc pas compte de cette décision non publiée.  La présente affaire sera examinée selon son bien-fondé comme le serait toute autre affaire.  Il est aussi à noter que la commissaire n’est en aucun cas liée par ses décisions antérieures, une telle décision ne fait donc pas autorité à son égard.  De plus, comme il ressortira de l’examen de la jurisprudence pertinente, les tribunaux nous ont fourni leurs propres précisions sur la question de la brevetabilité d’intervalles posologiques.

 


[79]           Pour appuyer les présentes revendications, la demanderesse a fait état dans ses observations de brevets délivrés qui contenaient des revendications d’usage dans lesquelles il était question d’intervalles posologiques particuliers.  De tels brevets ne constituent par contre pas des précédents qui font autorité.  Comme nous ne savons pas dans quelles circonstances ces brevets ont été accordés, ils ne peuvent être comparés à l’instance qui nous occupe.

 

[80]           La demanderesse a cité de nombreux autres jugements au soutien des revendications en instance, notamment dans le passage qui suit :

 

[TRADUCTION] Larrêt Tennessee Eastman Co. c. Commissaire des brevets (1972), 62 C.P.R. 1176 (C.S.C.) établit quune méthode de traitement médical nest pas brevetable.  Les tribunaux et le Bureau des brevets ont toutefois reconnu que les revendications dusage sont brevetables suite à larrêt Tennessee Eastman.  Le fait quune dose soit prévue dans la revendication ne transforme pas une revendication dusage préalablement acceptable en une méthode de traitement médical.

 

Il était établi que lobjet des revendications de méthodes de traitement médical nétait pas brevetable puisquil requiert lexercice dune spécialité.  Les tribunaux ont été appelées à examiner des revendications dusage comportant des doses et ont conclu que de telles revendications étaient brevetables.  Dans Merck & Co c. Apotex Inc. (2005), 41 C.P.R. (4th) 35, la Cour se penchait sur une objection aux revendications au motif quelles concernaient une méthode de traitement médical parce quelles contenaient une forme posologique.  La Cour a a conclu quun tel argument devait être rejeté en raison du fait que les revendications nétaient plus visées par larrêt Tennesse Eastman parce quelles « se distingu[aient] du travail dun médecin, ce qui requiert lexercice dun spécialité » ainsi que parce que le brevet visait « un produit vendable ayant une véritable valeur économique, comme en témoigne son succès immédiat sur le marché, et, par conséquent, il ne peut porter sur une méthode de traitement non brevetable ».

 

De plus, il est clairement énoncé dans le Recueil des pratiques du Bureau des brevets que les revendications dusage sont acceptables.  La section 11.10.02 est libellée comme suit :

Lignes directrices sur les revendications dusage


(i) On accepte les revendications dusage comprenant la description du mode demploi pourvu que lusage ait été clairement défini et quil ne sagit pas dune méthode de traitement médical.  Si la revendication est complète et peut être comprise sans le mode demploi, lensemble de la revendication est alors acceptable.  La description du mode demploi restreint simplement lusage déjà décrit.

 

[81]           La Commission est consciente du fait que les revendications présentées sous la forme « usage de x pour y » sont généralement acceptées par le Bureau des brevets. Par contre, il ne suffit pas que la revendication soit présentée ainsi pour la rendre brevetable.  La disposition tirée du Recueil des pratiques du Bureau des brevets que cite la demanderesse précise même qu’il n’est pas permis que l’objet d’une revendication d’usage soit un traitement médical.  Si une revendication comprend par exemple une étape de traitement, elle sera tout de même à première vue contestable.

 

Larticle 2 et les méthodes de traitement médical : principes de droit

 

[82]           L’article 2 de la Loi sur les brevets définit le terme « invention » comme suit :

 

Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de lun deux, présentant le caractère de la nouveauté et de lutilité.

 

[83]           Pour qu’elle soit brevetable, l’invention ne doit pas seulement présenter le « caractère de la nouveauté et de l’utilité », elle doit aussi appartenir à l’une des cinq catégories reconnues d’objets.  Dans Tennessee Eastman Co. c. Commissaire des brevets (1970), 62 C.P.R. 117, à la page 154 (C. de l’É.), le juge Kerr a déclaré ce qui suit relativement à une revendication visant une méthode de réunion chirurgicale des tissus :

 


À mon avis, la présente méthode nentre pas dans le domaine des réalisations manuelles ou de production et, lorsquon lapplique au corps, elle ne produit pas un résultat qui se rattache aux affaires, au commerce ou à lindustrie, ni un résultat qui est essentiellement économique.  Ladhésif lui-même peut faire lobjet dun commerce, et le brevet pour le procédé, sil est concédé, peut aussi être vendu et la licence de son emploi peut être vendue contre une rémunération en argent, mais il ne sensuit pas que la méthode et ses résultats se rattachent au commerce ou sont essentiellement économiques au sens dans lequel on a employé ces expressions dans des jugements en matière de brevets.  La méthode fait essentiellement partie du domaine professionnel du traitement chirurgical et médical du corps humain, même si à loccasion elle peut être appliquée par des gens qui noeuvrent pas dans ce domaine.  En conséquence, je conclus que, dans létat actuel de la Loi sur les brevets du Canada et de létendue de ce qui est sujet à un brevet, comme lindique la jurisprudence que jai citée, et qui fait autorité, la méthode ne constitue pas une réalisation, un procédé au perfectionnement dune réalisation ou dun procédé au sens [de lalinéa] 2d) de la Loi sur les brevets.

 

[84]           Ce jugement a été confirmé par la Cour suprême du Canada (Tennessee Eastman Co. et al. c. Commissaire des Brevets (1972), 8 C.P.R. (2d) 202 (C.S.C.)), quoique la Cour semblait s’appuyer sur l’ancien article 41, qui traite de « substances préparées ou produites par des procédés chimiques et destinées à l’alimentation ou à la médication ».  Le juge Pigeon a toutefois précisé ce qui suit :

 

Étant arrivé à la conclusion que les méthodes de traitement médical ne sont pas visées comme « procédés » par la définition d « invention  », le même raisonnement doit, pour les mêmes motifs, sappliquer aux méthodes de traitement chirurgical.

 

[85]           Plus tard, dans Imperial Chemical Industries Ltd. c. Commissaire des brevets (1986), 9 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.), alors qu’il examinait une argumentation qui soutenait que ne devraient être interdites conformément à l’arrêt Tennessee Eastman, précité, que « les méthodes de traitement médical mettant en oeuvre des matières produites par procédé chimique, selon le paragraphe 41(1) de la Loi », le juge Heald s’est référé à la citation précédente du juge Pigeon et a affirmé ce qui suit :

 


À mon sens, il sagit dune affirmation claire et sans équivoque selon laquelle « ...les méthodes de traitement médical ne sont pas visées comme procédés par la définition   dinvention....  Cétait là la seule question soumise à la Cour, et il y est répondu de façon claire et sans équivoque.  En conséquence, jestime que la portée de cette affirmation ne peut se limiter uniquement aux situations de fait visées par le paragraphe 41(1) de la Loi.

 

[86]           Le jugement mentionné ci-haut portait sur une méthode de nettoyage des dents par l’application d’une composition de cation de lanthane non lié.  Nous sommes donc en l’espèce devant une situation où les méthodes de traitement médical ne sont pas brevetables, même si elles ne sont pas mises en oeuvre par un professionnel de la santé.  La demanderesse a fait valoir que les méthodes de traitement médical n’étaient pas brevetables parce qu’elles nécessitaient l’exercice de compétences professionnelles.  À la lumière du jugement ICI, précité, une revendication n’échappe pas à l’exclusion de la méthode de traitement médical en raison du fait qu’une autre personne qu’un professionnel peut l’appliquer. 

 

[87]           La demanderesse a aussi fait mention du jugement Merck & Co. c. Apotex Inc. (2005), 41 C.P.R. (4th) 35 (C.F.), pour appuyer la brevetabilité d’une revendication d’usage qui incorpore une dose.  Dans cette affaire, il était question de l’usage d’alendronate pour le traitement de l’ostéoporose, la dose hebdomadaire étant de 70 mg.  Les parties ont convenu que la nouveauté se limitait au fait que la dose prescrite était plus importante et était administrée une fois par semaine.  Contrairement aux décisions des tribunaux britanniques sur la même question, le juge Mosley est arrivé à la conclusion suivante :

 

le brevet porte sur un produit vendable ayant une véritable valeur économique comme en témoigne son succès immédiat sur le marché, et, par conséquent, il ne peut porter sur une méthode de traitement non brevetable.

 

[88]           Lors de l’audience, un autre jugement portant sur les revendications d’usage incorporant des doses a été porté à l’attention de la demanderesse par la Commission, à savoir Axcan Pharma Inc. c. Pharmascience Inc. (2006), 50 C.P.R. (4th) 321 (C.F.).  Dans cette affaire, la revendication contestée visait une composition pharmaceutique qui comprenait un intervalle posologique.  Il a été conclu que les antériorités ne faisaient pas échec à la revendication en raison de la différence dans l’intervalle posologique utilisé :

 

ladite composition étant conditionnée sous une forme permettant ledit traitement de la cirrhose biliaire primitive selon une posologie comprise entre 13 à 15 mg/kg/jour.

 


[89]           Dans le cadre de ses motifs, le juge Harrington a cité les propos du juge Binnie dans l’arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2002] 4 R.C.S. 153, où il a affirmé ceci :

 

Larrêt Tennessee Eastman portait sur la brevetabilité dune méthode chirurgicale de conglutination dincisions ou de blessures au moyen de certains composés.  Cet arrêt était fondé sur lancien article 41 de la Loi sur les brevets, maintenant abrogé.  La Cour a conclu que la méthode (considérée séparément des composés) nétait pas brevetable.  Selon la politique générale expliquée par le juge Wilson dans larrêt Shell Oil, précité, p. 554, la revendication non brevetable était

essentiellement de nature non économique et non reliée au commerce ou à lindustrie.  Elle appartenait plutôt au domaine de la compétence professionnelle.

Le brevet pour lAZT ne cherche pas à « circonscrire » un secteur de traitement médical.  Il vise à obtenir le droit exclusif de commercialiser lAZT.  La question de savoir comment et quand, sil y a lieu, employer lAZT est laissée à la compétence et au jugement des membres de la profession médicale.

 

[90]           Suivant le raisonnement du juge Binnie, le juge Harrington a précisé qu’ « une invention relative au domaine de la compétence professionnelle n’est pas brevetable ».  Il a aussi cité le jugement Visx Inc. c. Nidek Co. et al. (1999), 3 C.P.R. (4th) 417 (C.F. 1re inst.) dans lequel le juge Dubé a affirmé ce qui suit :

 

À mon avis, la contestation de la validité des trois brevets en litige ne saurait reposer sur le moyen de défense des compétences professionnelles.  Ces brevets ne transmettent pas des compétences professionnelles aux chirurgiens.  Ils portent sur un appareil qui est une machine combinant plusieurs éléments.  En ce sens, cet appareil est semblable à dautres appareils de médecine, tels que les machines de radiographie, les foreuses de dentiste, les scalpels, lesquels sont toujours brevetables sils font lobjet dune invention.  Linvention des brevets Visx ne limite pas les compétences du chirurgien.

 

[91]           En mettant en relief la situation prévalant dans Visx avec celle qui l’occupait, le juge Harrington a fait la distinction suivante (non souligné dans l’original) :

 

Linvention revendiquée dans la présente espèce est tout à fait différente.  Cest au médecin quil appartient, daprès sa connaissance du taux de métabolisme de son patient et dautres facteurs, de fixer la dose quotidienne qui convient à ce dernier.

 


[92]           Tout comme la demanderesse dans la présente affaire, le juge Harrington a cité l’affaire Merck et l’a comparée à celle dont il était saisi en ces termes (non souligné dans l’original) :

 

Contrairement à la position adoptée par les tribunaux britanniques, le juge Mosley a conclu que le brevet portait sur un produit vendable ayant une valeur économique réelle, et non sur une méthode de traitement non brevetable.  Cependant, dans la présente espèce, le nombre de capsules qui doit être prescrit est à décider entre la patiente et son médecin et ne fait pas lobjet dun monopole protégé par un brevet.  Par conséquent, le brevet est invalide au motif quil revendique une méthode de traitement médical

 

et il a ajouté plus loin (non souligné dans l’original) :

 

Il y a une distinction à faire entre la dose contenue dans une capsule et une gamme posologique fondée sur le poids du patient.  Selon mon interprétation de la revendication ici en cause, laccent y est mis sur la gamme posologique, et une gamme posologique nest pas un produit vendable.

 

[93]           L’examen de cette jurisprudence limitée peut nous permettre de conclure que si une dose est revendiquée comme partie intégrante du monopole afférent au brevet, elle ne doit pas prendre la forme d’un intervalle.  S’il est nécessaire de connaître des renseignements sur le patient pour déterminer la dose indiquée pour celui-ci et qu’un jugement doit être exercé à la lumière de ces renseignements, il s’agit de questions qui relèvent de la compétence d’un médecin et qui ne sont par conséquent pas brevetables.  Comme le dit le juge Harrington, la dose doit prendre la forme d’un « produit vendable » plutôt que celle de lignes directrices à l’intention du médecin.  Une telle affirmation semble compatible avec l’affirmation précitée du juge Binnie dans l’arrêt Apotex.  S’il n’est plus possible de considérer que l’on peut « commercialiser » l’objet de la revendication, cet objet peut tomber sous le coup de l’exclusion.  Il va sans dire qu’il n’est pas nécessaire que l’objet de la revendication soit un « produit vendable » ou qu’il soit possible de le « commercialiser » pour que la revendication soit brevetable.  La portée des explications qui précèdent se limite aux cas où on retrouve un intervalle posologique dans une revendication.

 

Analyse

 


[94]           En réponse à la décision finale, la demanderesse dans la présente instance a modifié les revendications d’usage préalablement au dossier pour y inclure l’intervalle posologique précis de 50 à 300 unités de toxine botulinique.  Les antériorités ont déjà démontré que l’usage de la toxine botulinique pour le traitement de la douleur associée à la spasticité consécutive à un AVC était connu.  La Commission a elle aussi déterminé que l’intervalle posologique visé par la revendication aurait été évident.  Néanmoins, il nous faut encore trancher la question de savoir si l’inclusion de l’intervalle posologique revendiqué fait en sorte que l’exclusion des méthodes de traitement médical, telle que circonscrite par la Cour fédérale dans les décisions Axcan et Merck, précitées, s’applique à première vue à la revendication.  Le passage qui suit est tiré de la page 8 de la présente demande :

 

[traduction] La dose de toxine administrée au patient dépend donc de la gravité de laffection : par ex. du  nombre de groupes musculaires devant être traités,de  lâge et de la taille du patient ainsi que de la puissance de la toxine.

.....

Les doses utilisées dans le cadre des applications thérapeutiques sur des humains sont approximativement proportionnelles à la masse musculaire qui reçoit linjection.

 

et à la page 9 :

 

[traduction] Ultimement toutefois, cest au médecin responsable du traitement de déterminer la quantité de toxine administrée et la fréquence de son administration, selon les impératifs de sécurité et les effets produits par la toxine.

 

[95]           Les extraits ci-haut démontrent clairement que dans le cas qui nous occupe, ce sont le jugement professionnel du médecin et la physiologie du patient qui servent à fixer la dose à administrer.  Malgré la revendication d’un intervalle posologique, c’est au médecin de déterminer dans chacun des cas où se situera précisément l’usage dans les limites de cet intervalle.  Alors que dans l’affaire de l’AZT (Apotex, précité), les revendications ne visaient pas l’appropriation d’une facette d’un traitement médical, c’est l’objectif recherché par les présentes revendications.  La revendication vise à s’approprier un intervalle à l’intérieur duquel les médecins doivent exercer leur compétence professionnelle et leur jugement dans chaque cas particulier.  Il en résulte que les revendications visent une méthode de traitement médical non brevetable.

 

Applicabilité des décisions en matière dAC

 


[96]           Lors de l’audience, un argument portant sur l’applicabilité des décisions rendues sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (Règlement AC) a été soulevé.  Comme il en a été question auparavant, la demanderesse a soulevé l’affaire Merck, une instance relative à un AC, pour appuyer sa prétention selon laquelle les revendications d’usage incorporant des formes posologiques sont brevetables.  En guise de jurisprudence supplémentaire traitant des dosages et de leur validité en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets, la demanderesse a été renvoyée à l’affaire Axcan lors de l’audience.

 

[97]           En réponse, la demanderesse a invoqué un arrêt récent de la Cour d’appel fédérale qui, à son avis, établissait que les instances relatives aux AC « ne constituent pas des précédents faisant autorité » et « ne devraient pas être invoquées ».  Dans le même ordre d’idée, la demanderesse a aussi admis qu’il ne faudrait pas non plus tenir compte de l’affaire Merck en pareil cas.  La référence exacte n’était pas connue alors, mais la demanderesse a depuis précisé qu’il s’agit de l’arrêt Eli Lilly c. Novopharm (2007), 62 C.P.R. (4th) 161 (C.A.F.), où le juge Sexton a dit ce qui suit (non souligné dans l’original) :

 

Linstance relative à un AC na jamais été destinée à remplacer une action en contrefaçon : Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-Être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.) au paragraphe 319 (autorisation dappel à la C.S.C. refusée, [1994] C.S.C.R. no 330); précité, au paragraphe 17.  De même, une instance relative à un AC ne devrait pas constituer un précédent faisant autorité en ce qui a trait aux aspects controversés et flous du droit des brevets (voir Sanofi-Aventis, précité, au paragraphe 49).  Les instances relatives à un AC sont censées être de nature sommaire et ne pas donner lieu à des décisions faisant autorité.  En fait, Eli Lilly peut faire trancher ces questions dans le cadre de laction en contrefaçon quelle a déjà intentée.  Cest dailleurs ce que confirme Sanofi‑Aventis, précité, au paragraphe 40 :

Bien quil soit important dans chaque affaire de sassurer que lapplication de la doctrine de labus de procédure nest pas source dinéquité dans les circonstances, à mon avis ce ne serait pas le cas en lespèce.  Les demandes dinterdiction déposées en vertu du Règlement nempêchent pas les brevetés de faire respecter leurs droits de brevet en engageant une action en contrefaçon de brevet conformément à la Loi sur les brevetsEn outre, les conclusions que lon tire de toute demande dinterdiction de ce genre nont aucune incidence sur les actions en violation de brevet. [Non souligné dans loriginal]

 


[98]           Le passage souligné par la Commission dans le paragraphe principal, pris hors contexte, pourrait être interprété comme affirmant que les principes de droit des brevets établis dans les instances relatives aux AC ne devraient pas faire autorité.  La Commission estime toutefois que là n’était pas le propos de la Cour d’appel fédérale.  Le passage ci-haut ne tient pas à lui seul, il s’inscrit plutôt dans le cadre d’un exposé qui s’appuie sur l’arrêt Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Novopharm Limited (2007), 59 C.P.R. (4th) 416 (C.A.F.), au paragraphe 49 (non souligné dans l’original) :

 

Sanofi‑Aventis et Schering soulignent aussi que les instances engagées en vertu du Règlement sont de nature préliminaire et assorties de mesures de protection procédurales limitées.  Bien que cet argument suffise pour établir que les décisions prises dans le contexte du Règlement ne devraient pas lier les juges chargés de statuer sur une action en contrefaçon de brevet ou une déclaration dinvalidité de brevet, il nen demeure pas moins quil nest généralement pas permis à une première personne de débattre à nouveau une question qui a déjà été tranchée en sa défaveur dans le contexte du Règlement. Comme je lai déjà dit, la possibilité que des juges différents saisis dinstances équivalentes portant sur une même question arrivent à des résultats différents menace le processus décisionnel judiciaire.  Il sagit là dune réalité que la nature de linstance ne change pas.

 

Cet extrait révèle que ce dont parlait la Cour d’appel fédérale, c’est l’idée que les jugements dans le cadre d’instances relatives à un AC ne statuent pas sur les questions de validité et de violation de brevet.  Il s’ensuit qu’une cour qui instruit une procédure d’invalidation ou de violation de brevet pourrait parvenir à des résultats différents de ceux d’une autre cour qui elle, est saisie d’une instance relative aux AC impliquant les mêmes parties. À notre avis, cette interprétation est renforcée par le passage de Sanofi-Aventis ci-dessus que le juge Sexton a lui-même souligné dans la citation tirée de l’arrêt Eli Lilly.  Une telle situation s’est déjà présentée dans les affaires Janssen-Ortho Inc. c. Novopharm Ltd. (2005), 35 C.P.R. (4th) 353 (C.F.) et Janssen-Ortho Inc. c. Novopharm Ltd. (2006), 59 C.P.R. (4th) 116 (C.F.), où contrairement aux conclusions du juge Mosley dans l’instance relative à un AC, le juge Hughes a conclu que le brevet était valide et avait été contrefait au terme d’une action en contrefaçon et en validité.  Les mêmes principes de droit des brevets s’appliqueraient néanmoins dans les deux situations.

 

[99]           À la lumière de ce qui précède, nous n’acceptons pas l’interprétation de l’arrêt Elli Lilly, précité, que nous propose la demanderesse.  Il faut considérer que les questions de droit tranchées lors d’instances relatives aux AC représentent le point de vue de la cour.  Dans la mesure où ils n’ont pas été infirmés par une cour supérieure, qu’ils ne sont pas incompatibles avec le jugement de celle-ci et qu’ils ne sont pas non plus incompatibles avec les points de vue exprimés dans un autre jugement de la même cour, ces points de vue doivent être reconnus comme faisant autorité.  En l’espèce, nous avons conclu que les revendications de la présente demande ne respectent pas l’article 2 de la Loi sur les brevets selon les principes établis dans les arrêts Merck et Axcan.

 


AUTRES QUESTIONS EN LITIGE

 

Exemples prophétiques ou hypothétiques

 

[100]       Dans le résumé des motifs soumis à la Commission, l’examinateur a présenté l’observation suivante :

 

[traduction] Lexemple qui doit appuyer linvention revendiquée à la page 19 de la présente demande ne semble pas régler le problème objectif.  Cet exemple est hypothétique.  Aucune donnée indiquant que le probème est véritablement résolu na été présentée.  En fait, lexemple nest pas tant lié au traitement de la douleur quau traitement dun symptôme différent, à savoir la spasticité.

 

[101]       L’examen de l’exemple 10, à la page 19, révèle que l’observation ci-haut n’est pas tout à fait exacte.  Cet exemple mentionne le traitement de spasmes musculaires, mais il fait aussi référence au contrôle de la douleur.  C’est en réponse à cette affirmation que la demanderesse a contesté l’objection, faisant valoir, comme nous l’avons vu, que celle-ci n’avait pas été formulée dans la décision finale et qu’il ne s’agissait pas d’un problème nouveau résultant des modifications qu’elle avait apportées.  La Commission note qu’à la page 4 de la décision finale, l’examinateur a énoncé ce qui suit :

 

[traduction] Les exemples présentés dans la présente demande portent sur des traitements et des patients prophétiques ou hypothétiques plutôt que de reposer sur des données expérimentales ou cliniques.  Cet argument a été présenté par lexaminateur lors de la décision du Bureau datée du 12 juin 2001 (aux pages 2 à 4).

 

[102]       La Commission souligne aussi que cette affirmation a été faite dans le cadre d’une objection relative au caractère évident des revendications.  Nous estimons que cela  n’était pas approprié parce que des questions comme celle de l’appui des revendication (qui constituait le fondement initial de cette objection, voir ci‑après) doivent faire l’objet d’un examen distinct de celui de l’évidence, de la nouveauté, etc.

 


[103]       L’examinateur nous renvoie à la décision du Bureau du 12 juin 2001, dans laquelle la Commission note qu’une objection a été soulevée en vertu du paragraphe 138(2) des Règles sur les brevets, au motif que les revendications (1 à 36 à l’époque) ne se fondaient pas [traduction] « de façon appréciable sur la présente description ».  C’est dans le cadre de cette objection que l’examinateur a fait connaître ses préoccupations à l’égard des « données expérimentales par opposition aux donnée hypothétiques ».  En réponse à cette décision, la demanderesse a présenté des arguments pour répondre aux préoccupations de l’examinateur et elle a même alors suggéré que le caractère inopérant aurait constitué un meilleur fondement de l’objection.  Ce qui doit retenir notre attention, c’est qu’on ne retrouve pas cette objection dans les décisions subséquentes, y compris dans la décision finale.  Même si dans la décision finale, il est fait allusion à cette objection lors de l’analyse relative au caractère évident, nous estimons que cela n’est pas approprié.  Si l’examinateur avait eu l’intention de maintenir une l’objection, celle-ci aurait dû être appuyée de façon constante par un argumentaire détaillé tout au long de l’instance, jusqu’à la décision finale.  Le fait que cela n’a pas été fait pourrait signifier, du point de vue de la demanderesse, que l’examinateur admettait que cette objection était non fondée.  Quoi qu’il en soit, vu nos conclusions relatives à l’évidence et à l’objet brevetable, il n’est pas nécessaire d’examiner cette question plus en détail.

 

POST-SCRIPTUM

 

[104]  Avant que ne soit finalisée la présente décision, la Cour suprême du Canada a rendu l’arrêt Sanofi‑Synthelabo Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 CSC 61, 69 C.P.R. (4th) 251, qui a élaboré une démarche à quatre volets pour statuer sur l’évidence, démarche incluant la possibilité d’appliquer le critère de « l’essai allant de soi ». Reconnaissant que cet arrêt établissait maintenant la démarche faisant autorité pour apprécier l’évidence, et par souci d’équité pour le demanderesse, la Commission l’a invitée à présenter les observations qu’elle estimait nécessaires sur l’incidence que pourrait avoir cet arrêt sur le rejet pour évidence de la présente demande.  La demanderesse a présenté ces observations le 17 février 2009.  Ci-après se trouve une analyse supplémentaire de l’évidence à la lumière de l’arrêt Sanofi, accompagnée d’un résumé des observations de la demanderesse et de nos conclusions sur la façon dont Sanofi peut influer sur nos conclusions.  Nous avons aussi formulé des commentaires supplémentaires sur l’applicabilité des instances relatives aux AC pour tenir compte de l’arrêt Sanofi.

 

Analyse au regard de Sanofi                             

 

[105]       Dans les observations qu’elle a présentées le 17 février 2009, la demanderesse a choisi de ne pas se pencher sur l’effet de la démarche à quatre volets élaborée dans l’arrêt Sanofi, précité.  Par souci d’exhaustivité, nous fournissons tout de même une brève analyse suivant la démarche.

 


[106]       (1) a)    La « personne versée dans lart »

Compte tenu du contexte de l’invention, nous tenterions de définir la personne versée dans l’art comme étant un chercheur oeuvrant dans le domaine des neurotoxines et des troubles neuromusculaires.  Cette personne pourrait par exemple faire partie de ceux dont le  domaine d’expertise est la neurologie, la pharmacologie, la toxicologie ou la bactériologie.

(1) b)   Les connaissances générales courantes

On s’attend à ce que la personne versée dans l’art dispose des connaissances générales courantes propres ce type de chercheur,concernant par exemple les techniques d’expérimentation connues, les neurotoxines et leurs fonctions et effets, plus particulièrement en lien avec la toxine botulinique.  Cette personne aurait aussi une connaissance des troubles neuromusculaires et des conditions relatives aux spasmes musculaires.   

 

Pour définir la « personne versée dans l’art », nous reconnaissons que nous ne pouvons compter sur un témoin-expert, comme le pourraient les tribunaux, pour déterminer qui serait cette personne ou quelles seraient ses connaissances générales courantes, mais nous estimons que la description que nous en avons faite constitue une évaluation juste fondée sur l’objet de la description et des revendications.  Les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art seront définies par la preuve qui nous est présentée, à savoir les antériorités opposées.

 

(2)        Lidée originale

En l’espèce, il ne nous semble pas utile de tenter de résumer les revendications au-delà de la forme dans laquelle nous les avons interprétées.  L’idée originale est présentée de façon succinte dans la revendication.

 

(3)        Les différences entre létat de la technique et lidée originale

Il a déjà été question de ces différences dans notre analyse précédente.  Nous nous limiterions à souligner qu’il n’existe pas de différences relativement à l’antériorité D1, Mémin et al.  Ce document fait état de doses de toxine botulinique qui se situent à l’intérieur de l’intervalle revendiqué lorsque la toxine a été utilisée pour traiter la douleur liée à la spasticité consécutive à un AVC.   En présumant comme nous l’avons fait plus tôt qu’il existe des différences (conformément à nos conclusions distinctes sur l’évidence), celles-ci seraient décrites comme suit : (i) la variation dans l’intervalle revendiqué et ceux des antériorités, avec un chevauchement des valeurs; (ii) l’absence de valeurs divulgées dans les antériorités qui sont comprises dans l’intervalle revendiqué.


(4)        Ces différences étaient-elles évidentes?

Sur cette question, nous nous en remettons à nouveau à notre analyse précédente qui, à notre avis, est encore applicable.  Même si nous sommes arrivés à ces conclusions en appliquant le critère énoncé dans Beloit, nous estimons qu’elles seraient aussi valables à la lumière de la jurisprudence plus récente, peu importe si on applique le critère des différences « très claires » ou « plus ou moins évidentes » (voir Pfizer Canada Inc. c. Apotex, 2009 CAF 8, aux paragraphes 27 à 29, et Bristol-Myers Squibb Canada Co. c. Apotex Inc., 2009 CF 137, au paragraphe 150, d’autant plus que les revendications auraient été évidentes à la lumière de l’intervalle décrit dans Mémin et al.  Il faudrait effectuer d’autres essais pour déterminer la dose adéquate de toxine botulinique pour un cas particulier de spasticité consécutive à un AVC.  Même si, selon notre analyse, laquelle excluait la divulgation des valeurs utilisées dans l’intervalle revendiqué, nous estimons, comme nous l’avons précédemment mentionné, que les facteurs à examiner étaient connus eu égard à l’état de la technique.  Dans de telles circonstances, nous serions portés à considérer qu’il s’agit d’essais courants dépourvus d’inventivité.  Les explications que l’on retrouve dans les antériorités établissent que la détermination d’une dose adéquate est « plus ou moins évidente ».

 

[107]       Dans ses observations, la demanderesse n’a que sommairement traité du critère de l’« essai allant de soi » énoncé dans Sanofi, précité.  Comme elle le souligne, il est difficile pour la Commission de se pencher sur tous les facteurs de l’« essai allant de soi » en l’absence de preuve relative à ceux-ci.

 

Est-il plus ou moins évident que lessai sera fructueux?

La demanderesse exprime l’opinion suivante dans ses observations :

[traduction] Lusage dune plus faible dose ou dune posologie sous-thérapeutique (cest‑à‑dire moins que la quantité provoquant une paralysie musculaire) pour traiter la douleur provoquée par la spasticité, et non le traitement de la spasticité musculaire, ne peut être considéré comme un essai allant de soi puisque létat de la technique prévoyait lusage de doses plus importantes de toxine botulinique.

 


Dans notre analyse de l’évidence dans la partie principale du présent examen, nous avons conclu que non seulement les antériorités divulguaient des intervalles posologiques qui étaient compris dans l’intervalle revendiqué, mais qu’en plus, collectivement, elles fournissaient des explications suffisantes pour que la personne versée dans l’art puisse parvenir à une dose adéquate. Il est vrai que des essais courants sont peut-être nécessaires pour déterminer la dose optimale pour un cas particulier de douleur et de spasticité consécutive à un AVC.  Encore là, rappelons que la revendication n’est pas limitée au traitement exclusif de la douleur.

 

Quels efforts leur nature et leur ampleur sont requis pour réaliser linvention?

La demanderesse n’a pas produit d’éléments de preuve sur cette question mais a formulé le commantaire suivant :

[traduction] Comme cela a été mentionné précedemment, il suffit de dire que comme linvention revendiquée comporte trois variables et que la personne versée dans lart aurait dû effectuer des essais pour trouver la combinaison adéquate telle que revendiquée, il aurait été nécessaire de procéder à une expérimentation poussée pour quelle puisse y arriver.

.....

Par exemple, pour obtenir linvention revendiquée, la personne dotée de compétences usuelles devrait dabord effectuer une étude expérimentale sur lanimal (pour commencer à opérer un dosage à utiliser dans des essais cliniques sur des humains).  Lorsque lexpérimentation sur des humains débute ensuite, il est important de garder à lesprit que les sujets (habituellement des personnes âgées) sont déjà limités et affaiblis puisquils souffrent tous de spasticité consécutive à un AVC.  Cela nexige pas seulement une sélection et une observation minutieuse des patients, mais aussi une série prudente dinjections de doses graduelles dont les résultats sont de façon générale évalués en collaboration avec la personne qui traite le patient.  En ce sens, la nature et lampleur des efforts requis pour réaliser linvention seraient importants.

 

Étant donné qu’il n’y aucun élément de preuve indiquant comment l’invention a été réalisée, il est impossible de déterminer si oui ou non les efforts déployés pour y arriver peuvent être qualifiés d’ « importants ».  Nous ne sommes pas non plus convaincus de l’exactitude des propos de la demanderesse à l’égard du type d’essais auquel il faudrait procéder pour déterminer la dose adéquate.  L’antériorité invoquée fait état d’études déjà effectuées sur des humains et mentionne les doses utilisées.  En l’absence de preuve précise, nous accordons par conséquent très peu d’importance à ce commentaire pour trancher la question de l’évidence.

 

Les antériorités fournissent-elles un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?


La demanderesse a affirmé que rien dans les antériorités ne suggèrent l’invention revendiquée.  Toutefois, comme nous l’avons déterminé, les antériorités faisaient mention du traitement de la douleur et de la spasticité consécutive à un AVC.  Dans l’un des documents (Mémin et al.), des doses comprises dans l’intervalle revendiqué ont été divulguées et même sans une telle divulgation, les antériorités, envisagées collectivement, fournissent suffisamment d’information pour réaliser l’invention.  Comme il ressort de notre analyse des antériorités, il existait définitivement un motif pour découvrir la dose adéquate pour traiter différentes formes de spasticité, y compris celles qui sont consécutives à un AVC.

 

Les mesures concrètes ayant mené à linvention

Comme l’a fait observer la demanderesse, aucun élément de preuve n’a été produit à l’égard de ce critère.

 

[108]       À la lumière de ce qui précède, nos conclusions sur l’évidence des revendications demeurent inchangées malgré la démarche élaborée dans l’arrêt Sanofi, y compris l’application du critère de l’« essai allant de soi ».

 

Applicabilité des décisions en matière dAC dans loptique de larrêt Sanofi

 

[109]       Nous nous étions préalablement prononcés sur l’applicabilité générale des décisions rendues sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), à savoir que les points de droit dégagés dans ces décisions devraient être reconnus comme faisant autorité.  Nous estimons nécessaire de souligner que l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Sanofi, l’a été sous le régime du Règlement AC.  Le juge Rothstein y a énoncé les exigences auxquelles il faut satisfaire pour établir l’antériorité, à savoir la divulgation et le caractère réalisable, et a élaboré une démarche à suivre pour déterminer si une revendication est évidente.  Nous ne voyons pas pourquoi des principes généraux comme ceux établis par la Cour dans Sanofi, pourraient être ignorés au seul motif que l’affaire portait sur un avis d’allégation sous le régime du Règlement AC.  De la même façon, les points de droit dégagés par des tribunaux inférieurs saisis d’affaires relatives au Règlement AC font autorité dans la mesure où ils n’ont pas été infirmés par une cour supérieure, qu’ils ne sont pas incompatibles avec les points de vue d’une telle cour et qu’ils ne sont pas non plus incompatibles avec ceux exprimés dans un autre jugement de la même cour.

 

[110]       Nous voulons aussi souligner qu’après l’arrêt Sanofi, les tribunaux inférieurs se sont sentis liées par les principes énoncés dans ce jugement et les ont appliqués dans le cadre d’affaires non liées à des AC (voir Uview Ultraviolet Systems Inc. c. Brasscorp Ltd., 2009 CF 58, et Bridgeview Manufacturing Inc. c. 931409 Alberta Ltd., 2009 CF 50).

 


Décision connexe de la commissaire

 

[111]       Dans une décision très récente de la commissaire aux brevets, (2009) D.C. no 1290 (C.A.B. et Commisssaire aux brevets), la Commission a proposé une approche pour déterminer si un objet est brevetable.  Selon cette approche, l’invention revendiquée n’est pas brevetable si la revendication, de par sa forme ou sa substance, soit :

‑ ne satisfait pas à la définition de l’une des cinq catégories d’invention,

‑ porte sur un objet exclu (c’est-à-dire un objet qui a été exclu suivant l’interprétation qu’ont donnée les tribunaux de l’article 2 et du paragraphe 27(8) de la Loi sur les brevets,

‑ porte sur un objet non technologique.

Suivant cette approche, lorsqu’il est établi qu’une revendication n’est pas brevetable pour un des motifs, il n’est pas nécessaire de poursuivre l’examen de la revendication à l’égard des autres motifs.  En l’espèce, comme elle est arrivée à la conclusion que les revendications 1 à 7 portent, à leur face même, sur un objet exclu, la Commission conclut qu’il n’est pas utile d’examiner les autres motifs.

 

 

 

 


RECOMMANDATIONS

 

[112]       En conséquence, la Commission recommande que :

 

(1)        l’objection soulevée par l’examinateur à l’encontre des revendications 1 à 7 au motif qu’elles sont évidentes soit maintenue,

(2)        l’objection soulevée par l’examinateur à l’encontre des revendications 1 à 7 au motif qu’elles portent sur une méthode de traitement médical non brevetable soit maintenue.

 

 

 

Stephen MacNeil                    Mark Couture                          Paul Fitzner                            

Membre                                   Membre                                   Membre

 

Je souscris aux conclusions et aux recommandations de la Commission d’appel des brevets.  En conséquence, je refuse d’accorder un brevet dans le cadre de la présente demande.  Suivant l’article 41 de la Loi sur les brevets, la demanderesse dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour d’appel fédérale.

 

 

 

Mary Carman

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

le 5 juin 2009

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.