Commissioner’s Decision # 1287
Décision du Commissaire no 1287
TOPICS: A11, B00, C00, F01
SUJETS: A11, B00, C00, F01
Application No: 2,207,986
Demande no : 2,207,986
RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE
C.D. 1287 Demande no 2,207,986
Cette demande porte sur des équipements protecteurs pour les yeux qui protègent ses utilisateurs contre les effets des radiations néfastes des moniteurs d’ordinateurs. Dans sa décision finale, l’examinateur a refusé l’inclusion d’éléments nouveaux dans la description, les revendications et les dessins. Les revendications ont été refusées par l’examinateur pour absence de nouveauté et parce qu’elles ne faisaient que définir l’invention en fonction d’un résultat souhaité. Le mémoire descriptif a été refusé parce qu’il ne décrivait pas correctement et totalement l’invention. La Commission était d’accord avec l’examinateur pour les motifs exposés dans la décision finale.
Le commissaire a souscrit aux recommandations de la Commission, et la demande a été refusée.
BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
La demande de brevet numéro 2,207,986 ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, le demandeur a sollicité la révision de la décision finale de l’examinateur. Le refus a été étudié par la Commission d’appel des brevets et par le commissaire aux brevets. Les conclusions de la Commission et la décision du commissaire sont les suivantes :
Demandeur
M. Martin Reesink
283, rue Stewart, bureau 2
Ottawa (Ontario)
K1N 6K3
I. INTRODUCTION
[1]La présente décision porte sur une demande de révision présentée au commissaire aux brevets au sujet de la décision finale de l’examinateur sur la demande de brevet no 2,207,986 intitulée « Eye Video Display Terminal Protective Gear ». Le demandeur, qui est aussi l’inventeur, est M. Martin Reesink.
[2] L’invention se rapporte à des lunettes de protection destinées à prévenir l’éblouissement et les effets des émissions de radiations des moniteurs d’ordinateurs sur les yeux des utilisateurs d’ordinateurs.
II. LE CONTEXTE
a) L’examen de la demande de brevet
[3] La demande en cause a été produite le 27 juin 1997 et complétée le 9 septembre 1997. Après un long examen, l’examinateur chargé de la demande a rendu une décision finale le 3 novembre 2005. Les motifs précis pour lesquels la demande a été refusée sont les suivants :
[traduction]
(i) la demande, telle que modifiée, ne respecte pas les paragraphes 38.2(2) et (3) de la Loi sur les brevets, parce que les modifications ont ajouté des éléments ne pouvant être inférés du mémoire descriptif ou des dessins originalement déposés;
(ii) le mémoire descriptif ne respecte pas le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, parce qu’il ne décrit pas l’invention de façon exacte et complète;
(iii) les revendications ne respectent pas le paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets, parce qu’elles ne font que définir l’invention alléguée par un résultat désiré plutôt que par les étapes de la procédure ou les éléments structurels requis pour obtenir ce résultat;
(iv) l’invention revendiquée ne respecte pas l’article 28.2 de la Loi sur les brevets, parce qu’elle n’était pas nouvelle à la date de la revendication.
[4] Tous les motifs sur lesquels reposent la décision finale avaient été exposés dans les rapports antérieurs de l’examinateur. Bien que les objections n’aient pas toutes été soulevées dans chacun des rapports, il semble que cela était attribuable à la volonté de l’examinateur de résoudre la question des éléments nouveaux, et non parce que les prétentions et les modifications du demandeur ont fait en sorte que l’examinateur a abandonné les autres objections.
[5] Le 3 mai 2006, le demandeur a répondu à la décision finale. Le demandeur n’a pas modifié la demande, mais a plutôt présenté des arguments à l’appui des revendications et des pages descriptives produites avant la décision finale.
[6] De l’avis de l’examinateur, la réponse du demandeur n’a pas réfuté toutes les objections soulevées dans la décision finale. Le 27 septembre 2006, l’examinateur a fait parvenir le dossier de la demande à la Commission d’appel des brevets pour révision.
[7] Conformément au paragraphe 30(6) des Règles sur les brevets, le demandeur a sollicité une audience devant la Commission d’appel des brevets et une révision par le commissaire aux brevets. L’audience a été tenue par téléconférence le 16 mai 2007. M. Reesink se représentait lui-même. Louis-Pierre Riel, qui était examinateur de brevet principal au moment où il a rédigé la décision finale, et Claude Plante, l’examinateur qui a rédigé plusieurs des décisions antérieures du Bureau au sujet de cette demande, représentaient le Bureau des brevets.
b) Les questions en litige
[8] Eu égard aux revendications et à la description au dossier, la Commission doit réviser le dossier soumis et décider :
(1) si la demande, tel que modifiée, est conforme aux paragraphes 38.2(2) et (3) de la Loi sur les brevets, qui prévoient quels types de modifications peuvent être apportées au mémoire descriptif et aux dessins d’une demande de brevet postérieurement à la date de son dépôt.
[9] Puis, en se fondant sur les conclusions tirées à propos de la question ci-dessus, la Commission doit aussi décider :
(2) si le mémoire descriptif décrit exactement et complètement l’invention;
(3) si les revendications ne font que décrire un résultat désiré et sont, par conséquent, irrégulières; et
(4) si l’invention, telle que revendiquée, était nouvelle à la date de la revendication.
III. LA DEMANDE EST-ELLE CONFORME À L’ARTICLE 38.2 DE LA LOI SUR LES BREVETS?
a) La position de l’examinateur
[10] Dans la décision finale, l’examinateur a déclaré ceci au sujet de la question des éléments nouveaux :
[traduction]
Durant l’examen, il est possible d’apporter des modifications afin de modifier certaines revendications, afin de réfuter un dossier d’antériorité et/ou des objections de l’examinateur, ou pour modifier le mémoire descriptif et/ou les dessins afin de clarifier des ambiguïtés ou d’autres éléments du mémoire descriptif qui ne se conforment pas à la Loi sur les Brevets et aux Règles. Aucune modification ne peut ajouter un nouvel élément.
Au sujet de la modification du mémoire descriptif, le paragraphe 38.2(2) de la Loi sur les brevets dispose :
Le mémoire descriptif ne peut être modifié pour décrire des éléments qui ne peuvent raisonnablement s'inférer de celui‑ci ou des dessins faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le mémoire qu'il s'agit d'une invention ou découverte antérieure.
Raisonnablement s’inférer signifie que le texte modifié se trouve dans la demande de brevet originale, soit par une paraphrase ou une allusion qui s’y rapproche beaucoup. Parvenir à la solution ultérieurement, après n’avoir exposé qu’un simple concept ou un résultat voulu, ne saurait constituer un élément qui peut s’inférer de la demande de brevet originale.
La demande de brevet, telle que déposée, décrit des lunettes, ou une sorte de contre-verres que porte un utilisateur pour se protéger contre les radiations émanant d’un moniteur à écran cathodique. Il s’agit des seuls détails donnés dans la description. Aucune revendication, aucun dessin n’y figure. Ces détails ne sont qu’un résultat voulu, puisqu’aucune solution réelle n’est divulguée sur la façon dont la protection est obtenue. Cette absence de détails structurels ou d’étapes de la procédure a été considérée dans le premier rapport de l’examinateur comme non conforme aux paragraphes 27(3) et 27(4) de la Loi sur les brevets. Cette non-conformité existe toujours et l’examinateur réaffirme que le dernier mémoire descriptif valide ne fait qu’énoncer un résultat voulu, plutôt que les étapes de la procédure ou les éléments structurels nécessaires qui, lorsque mis en oeuvre, parviendront à ce résultat.
En réponse au premier rapport, le demandeur a ajouté un détail, soit une mince couche de plomb. Ce détail ne se trouvait pas dans la demande de brevet telle que déposée et ne s’inférait pas raisonnablement de celle-ci. Non seulement s’agit-il d’un nouvel élément, qui ne peut être inséré dans la demande de brevet, mais il est aussi devancé par le document de Rademacher. Le demandeur a répondu à ce rapport en ajoutant d’autres détails et inclusions qui ne figuraient pas à la demande de brevet telle que déposée, particulièrement puisqu’il n’y avait pas de processus de fabrication dans la demande de brevet originale. Cet ajout d’un nouvel élément a été traité dans le rapport de l’examinateur du 22 décembre 1999.
Depuis ce rapport, le demandeur a été averti à plusieurs reprises que des éléments ajoutés par voie de modifications étaient des nouveaux éléments. Ces modifications figurent au dossier, mais ne peuvent être considérées comme faisant partie de la demande de brevet, parce qu’elles sont de nouveaux éléments et parce que certaines instructions sur la façon d’introduire la modification portent plutôt à confusion.
Donc, seul ce qui figure dans la demande de brevet telle que déposée peut être considéré aux fins de l’examen. Le reste pourrait être déposé dans une nouvelle demande de brevet, mais tout élément introduit dans la demande de brevet doit être déposé au moins 12 mois après son introduction, sinon cet élément peut devenir une antériorité susceptible d’être invoquée à l’encontre du nouveau dépôt. Le demandeur a été averti de cette situation au début de l’année 1998 au cours d’une longue conversation téléphonique avec l’examinateur actuel.
Pour récapituler, les éléments qui ne sont pas présents dans la demande de brevet telle que déposée ou qui ne peuvent s’en inférer sont :
∙ La couche ou le film micromince de plomb (Pb).
∙ Le procédé de fabrication de la couche micromince.
∙ Le casque de visionnement, l’expression « dispositif de protection porté par l’utilisateur » étant trop vague pour désigner un support pour un élément aussi spécifique. Il ne suffit pas de s’en référer à un « dispositif » hypothétique, puis revenir par la suite avec une solution plus précise comportant un élément structural, et utiliser le premier comme appui.
∙ Le bonnet prêt à porter, pour les mêmes raisons.
∙ Le système rétractable décrit et illustré dans les dessins déposés en date du 16 février 2002. En ce qui concerne les dessins, le paragraphe 38.2(3) de la Loi sur les brevets prévoit : Les dessins ne peuvent être modifiés pour y ajouter des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer de ceux-ci ou du mémoire descriptif faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le mémoire qu’il s’agit d’une invention ou découverte antérieure. Rien de ce que contient la demande de brevet originale ne peut déboucher sur les détails ni sur la solution illustrés dans ces dessins.
b) La position du demandeur
[11] Dans une réponse à la décision finale, reçue le 3 mai 2006, le demandeur a répondu au rejet des éléments nouvellement ajoutés de la façon qui suit :
[traduction]
En référence à la position de l’examinateur voulant que les figures contiennent des éléments nouveaux, ce qui est contraire à l’article 38.2 de la Loi sur les Brevets, « nouvel élément devant être retiré » : le demandeur renvoie avec égards l’examinateur au paragraphe 3 de l’article 38.2, précisément au passage suivant : « le mémoire descriptif ne peut être modifié pour décrire des éléments qui ne peuvent raisonnablement s’inférer de celui-ci » et suggère à l’examinateur d’inclure les dessins déposés dans l’examen. Les motifs à cet effet sont les suivants : a) les dessins peuvent raisonnablement s’inférer du mémoire descriptif, plus précisément des mots « l’écran protecteur est porté par l’usager, et non installé sur l’ordinateur ». Les dessins démontrent exactement un tel écran protecteur. Une personne raisonnablement bien informée lisant ces mots en 1997, puis en 2005, inférerait, correctement et de façon appropriée, que les dessins représentent les mots utilisés. b) L’examinateur ne fait que réaffirmer sa position voulant que les dessins fournis ne pouvaient être inférés du mémoire descriptif original, sans toutefois donner aucun autre motif que : (i) aucun dessin ou figure n’étaient originalement déposés; (ii) lorsqu’ils ont été déposés, ils l’ont été de façon tardive dans l’examen; (iii) l’examinateur a réaffirmé son opinion selon laquelle la demande originale énonçait une idée générale et ne comportait pas suffisamment de précisions mécaniques. En réponse aux arguments (i), (ii) et (iii), le demandeur fait valoir, avec égards : que la Loi sur les brevets n’exige pas que des dessins ou des figures soient déposés; que la Loi sur les brevets ne prévoit pas de délais à l’intérieur duquel les dessins ou les figures doivent être présentés, et enfin, que la présentation originale du demandeur en 1997 comportait de multiples précisions mécaniques sur lesquelles s’ancraient les dessins et les figures déposées par la suite, nommément les mots « lunettes » et le mot « écran ». Le demandeur fait aussi observer que l’examinateur n’a pas modifié les éléments principaux de la position exposée dans sa lettre du 22 décembre 1999, alors qu’il a écrit :
[traduction]
La Loi sur les brevets ne permet pas d’accorder un brevet pour une invention qui n’était conçue que sous forme sommaire au moment du dépôt de la demande; au contraire, l’invention doit y être décrite dans les moindres détails et doit être pleinement fonctionnelle au moment de la demande. Sinon, n’importe qui pourrait revendiquer une invention et la développer pendant que l’examen du brevet a lieu, ce qui aurait pour effet d’exclure les autres inventeurs de la recherche de solutions au lieu de les récompenser d’avoir conçu des solutions fonctionnelles.
En réalité, le demandeur a, depuis 1997, présenté plusieurs amendements, tel qu’envisagé par la Loi. Ces modifications étaient possibles, et ont de fait été examinées par l’examinateur, car elles découlaient naturellement et raisonnablement de la demande initiale de 1997. Si l’on devait retenir l’interprétation de l’examinateur, les demandes devraient être parfaites avant qu’un brevet puisse être accordé. En effet, la lecture du mot « pleinement », si on l’applique au mot « fonctionnelle », ne laisse place à aucune modification, selon l’interprétation de la Loi que fait l’examinateur. Cette interprétation est toutefois beaucoup trop étroite, et si elle n’est pas trop étroite, elle est limitative, partiale à l’égard du demandeur et injuste. Le demandeur soutient conséquemment que l’interprétation que fait l’examinateur de la Loi est erronée en droit, puisqu’elle exclut la demande sur la base d’une définition trop restrictive de ce qui peut être déposé ou du type de modifications que les demandeurs peuvent déposer. Enfin, l’argument de « l’avalanche » par lequel l’examinateur prévient que « n’importe qui » pourrait revendiquer une invention est faux dans les faits : ce n’est pas « n’importe qui » qui a déposé une demande pour une invention tel que décrite dans la présente demande. En réalité, bien peu de personnes (trois en Amérique du Nord, selon le décompte du demandeur) se sont penchées sur des questions connexes et leurs solutions techniques, tel qu’il appert du nombre limité d’antériorités dans cette sphère d’activité.
[12] Le demandeur a aussi ajouté un certain nombre de prétentions supplémentaires, reproduites ci-dessous :
[traduction]
1. La conclusion qu’aucun progrès significatif n’a été accompli découle seulement du refus de l’examinateur de prendre en compte les modifications proposées par le demandeur.
2. L’idée originale de protéger les yeux des consommateurs avec une visière protectrice, incluant un casque ou une cagoule, a toujours été partie intégrante de l’invention, qui est d’ailleurs plus large que celle de Rademacher en 1992, qui n’était elle-même qu’une série de revendications portant seulement sur des doubles couches;
3. La portée beaucoup plus large de la présente invention va au-delà de ce qui a été revendiqué par Rademacher et contient toute l’information nécessaire; les modifications ultérieurement déposées, si elles aveint été ajoutées au dossier par l’examinateur comme il a été demandé, auraient parfait la demande de brevet.
4. Aucun nouvel élément ne pouvait être ajouté, puisque la demande originale portant sur l’invention était suffisamment large pour inclure les modifications subséquentes. C’est exactement pourquoi il s’agit de modifications; la terminologie « nouvel élément » est subjective selon l’examinateur, et en plus, aucune décision judiciaire ni règle d’interprétation des brevets ou règlement n’a été cité par l’examinateur pour soutenir cet argument relatif au « nouvel élément »;
5. La couche de plomb devait se déduire de la demande de brevet originale de 1997, qui spécifiait que des lunettes, ou « Screenies », faisaient l’objet de la demande; que ces lunettes ou écrans soient composées de plomb, ou de tout autre matériel, n’est pas nouveau : les lunettes, ou« Screenies » auraient pu être composées de tout autre matériel dans la modification, sans que celui-ci soit nouveau. Cela aurait du être raisonnablement inféré;
6. Donner l’étiquette de « nouvel élément » ne fait pas en sorte, si l’on se fie à la définition, que la modification est un nouvel élément;
7. L’équipement n’est pas « hypothétique » du fait qu’il est divulgué de façon large comme l’a déclaré par l’examinateur à la page 4 de sa lettre;
8. Tous les dessins qui ont été présentés peuvent, raisonnablement et logiquement, s’inférer de la demande initiale de 1997; si ce n’était pas le cas, comment les dessins auraient-ils pu être appliqués à la définition originale et considérés comme une modification recevable en premier lieu? Le fait qu’ils aient été examinés défie la logique selon laquelle ils ne pouvaient être inférés de la demande; s’ils ont été examinés, ils devaient avoir été raisonnables;
[13] À ce stade-ci, la Commission aimerait faire quelques commentaires au sujet de l’introduction des modifications et de la façon dont elles sont examinées par les examinateurs, en vue de répondre aux questions soulevées par le demandeur aux points 1, 3 et 8 ci-dessus.
[14] La procédure du Bureau des brevets prévoit que les modifications présentées par un demandeur à l’égard d’une demande sont versées au dossier. L’examinateur ne possède pas le pouvoir discrétionnaire de ne pas verser les modifications au dossier. Lorsqu’un examinateur conclut que les pages déposées portant sur la description, les revendications ou les dessins ne sont pas conformes à la Loi sur les brevets, le demandeur en est avisé par une décision du Bureau. L’examinateur ne peut toutefois retirer les pages contenant les éléments irrecevables. De nouvelles pages contenant des descriptions, des revendications ou des dessins ne peuvent être soumises que par le demandeur. Lorsque de telles pages sont présentées par un demandeur, que ce soit en réponse à une objection de l’examinateur ou sur une base volontaire, elles sont automatiquement versées au dossier. Conséquemment, l’on ne peut présumer qu’un élément n’est pas irrecevable simplement du fait que certains documents ont été versés au dossier. Cette pratique est consignée à l’article 19.02.02 des RPBB, qui se lit comme suit :
19.02.02
Insertion de nouvelles pages au dossier de la demande
En général, lorsque le Bureau des brevets reçoit une modification, celle‑ci est versée au dossier avant que l'examinateur détermine si elle est acceptable. Les pages visées par la modification sont remplacées par les nouvelles pages que présente le demandeur, et la lettre de présentation comprenant la justification de la modification est jointe au dossier.
Nota : l'insertion des nouvelles pages au dossier de la demande ne signifie pas que la modification est acceptée par l'examinateur.
c) Nouvel élément : principes juridiques
[15] Les paragraphes 38.2(2) et (3) de la Loi sur les brevets, qui prévoient le type de modifications qui peuvent être apportées à une demande postérieurement à sa date de dépôt, disposent :
38.2 (2) Le mémoire descriptif ne peut être modifié pour décrire des éléments qui ne peuvent raisonnablement s'inférer de celui‑ci ou des dessins faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le mémoire qu'il s'agit d'une invention ou découverte antérieure.
(3) Les dessins ne peuvent être modifiés pour y ajouter des éléments qui ne peuvent raisonnablement s'inférer de ceux‑ci ou du mémoire descriptif faisant partie de la demande, sauf dans la mesure où il est mentionné dans le mémoire qu'il s'agit d'une invention ou découverte antérieure.
[16] La raison sous-tendant la restriction à l’encontre des nouveaux éléments est que la date de dépôt d’une demande est une date critique, en ce sens qu’il s’agit de la date pertinente pour juger de l’utilité d’une invention revendiquée, ainsi que pour les critères de nouveauté et de non-évidence (excluant les situations ou il existe une demande de priorité fondée sur une demande produite à une date précédente étant donné qu’il n’y a aucune demande à cet effet dans l’instance qui nous concerne). Puisque le mémoire descriptif doit être évalué objectivement aux fins de la conformité aux exigences de brevetabilité à la date de dépôt de la demande, il serait injuste pour les tiers de permettre, après cette date, des modifications à une demande qui ajoutent des éléments non présents dans le mémoire descriptif et les dessins, tel qu’ils existaient à la date de dépôt. Permettre une telle pratique aurait inévitablement pour effet que, dans certains cas, l’invention considérée objectivement comme pêchant par absence de nouveauté à la date du dépôt du mémoire descriptif, serait considérée comme nouvelle vu les éléments ultérieurement ajoutés.
[17] Le président Maclean, au paragraphe 19 de l’arrêt De Forest Phonofilm of Canada Ltd. c. Famous Players Canadian Corp., [1931] R.C.É. 27 a déclaré ce qui suit : [nous soulignons]
[traduction]
Il faut présumer que De Forest en savait autant à propos de son invention en 1920, date à laquelle il revendique avoir été le premier à la décrire dans un mémoire descriptif, qu’à la date de l’instruction de cette action; toute nouvelle façon d’utiliser sa petite lampe à arc, ou toute nouvelle fin à laquelle elle pourrait servir depuis sa découverte ou son invention, ne peut être invoquée pour soutenir l’invention avec laquelle il est entré au Bureau des brevets en 1920. Il doit quitter le Bureau des brevets avec rien de plus que l’invention qu’il a proposée et telle qu’il l’a décrite dans son mémoire descriptif.
d) Analyse
[18] Les paragraphes 38.2(2) et (3) de la Loi sur les Brevets posent les questions suivantes : Sous quelles conditions l’inférence raisonnable devrait-elle être faite et par qui? La réponse à ces questions est la suivante : La personne versée dans l’art au moment du dépôt de la demande (Référence : Demande no 315,073 (1981), Décision du commissaire no 904; Référence : Demande no 245,193 (1982), Décision du commissaire no 938).
[19] Il est clair pour la Commission que l’inférence doit être faite sur la base du mémoire descriptif originalement déposé et non sur la base d’autres informations liées à l’invention qui pouvaient avoir germé dans la tête de l’inventeur à la date du dépôt mais qui n’ont pas été divulguées dans la demande originale. Une telle évaluation ne pourrait être possible, parce qu’il serait impossible pour la personne fictive versée dans l’art de savoir ce qu’il y avait dans la tête de l’inventeur au sujet son invention à la date de dépôt, au-delà de ce que l’inventeur a divulgué dans le mémoire descriptif. Il est possible que l’inventeur ait conçu une invention utile à la date de dépôt : toutefois, pour recevoir la protection qu’accorde le brevet, le demandeur doit démontrer, dans sa demande originale, que l’objet de la demande porte sur une invention brevetable, réduite à une forme définie et pratique, et non simplement à un concept ou une idée.
[20] Pour décider si le mémoire descriptif en cause en l’espèce comprenant la description et les revendications, contient un nouvel objet, il est nécessaire d’étudier le mémoire descriptif initialement déposé afin de déterminer le contenu qui y était originalement présent et de comparer ce mémoire descriptif avec celui présentement au dossier.
i. Le mémoire descriptif original
[21] À la date de dépôt, la demande ne contenait qu’une description, qui se lisait, en partie, comme suit [le demandeur souligne] :
[traduction]
La présente lettre est une demande de protection conférée par brevet pour mon invention « Screenies » - lunettes de protection destinées à être portées par les utilisateurs d’ordinateurs pour détourner les effets d’éblouissement et les radiations.
On sait que les écrans de télévision et d’ordinateur émettent des radiations à très basses fréquences (VLF) et à fréquences extrêmement basses (ELF) qui nuisent à la santé et à la vue des gens. Plus précisément en quoi les radiations nuisent et quels sont leurs effets reste encore à prouver, mais d’après les recherches préliminaires et les articles de revues spécialisées - trop nombreux pour être tous énumérés ici -, elles produisent réellement certains effets indésirables. Voici certains de ces articles : M. Spliner, PREVENTION, mars 1994, 46:3, p. 115; Marty Munson, PREVENTION, juin 1996, 48:6, p. 32; Wallin J.A. et coll., THE JOURNAL OF SAFETY RESEARCH, été 1994, 25:2, et bien d’autres articles que je tiens à votre disposition. Ces articles se penchent sur l’étendue du problème et le risque; aucun d’entre eux ne conteste le fait que les moniteurs d’ordinateur émettent des radiations nocives. Il n’y a pas de raison pour que le consommateur attende que les chercheurs confirment l’étendue du problème et le risque pour la vue et la santé.
Le fait est que de grandes sociétés, telle 3M au Minnesota, fabriquent déjà des écrans protecteurs que les propriétaires d’ordinateurs peuvent installer sur le devant de leurs moniteurs pour se protéger contre les radiations VLF et ELF. On peut citer au moins cinq problème en ce qui concerne ces écrans, à savoir :
1) Il n’est pas toujours possible d’ajuster convenablement de tels écrans aux moniteurs;
2) Ces écrans coûtent cher, et, étant donné que les grandes sociétés (tant dans le secteur public que dans le secteur privé) sont orientées vers le profit, ils ne font pas souvent parti de postes de travail multiutilisateur. [...]
3) Par ailleurs, la plupart des fabricants d’ordinateurs font valoir maintenant que leurs moniteurs émettent des radiations à basses fréquences. Mais cela veut dire que les moniteurs émettent néanmoins des radiations. Ce qui accroît le risque est que :
a) Les gens qui utilisent des ordinateurs sont assis bien plus près de l’écran qu’ils ne le seraient devant un poste de télévision, puisque les ordinateurs ne se contrôlent pas à distance.
b) Les gens sont assis devant leur ordinateur pendant de longues périodes de temps, puisqu’il s’agit de leurs postes de travail.
4) Ce n’est pas facile de transporter un écran d’un moniteur à un autre, d’un ordinateur (plus ancien) à hautes émissions à un ordinateur à basses émissions; ou du bureau à la maison.
5) La plupart des ordinateurs ne sont pas encore dotés d’une protection intégrée et les grossistes, les détaillants et les utilisateurs ne trouvent pas rentable d’en installer.
6) Dans les prochaines années, les gens utiliseront leurs ordinateurs plus que tout autre appareil utilitaire, puisque le câble (télé), l’internet, les fonctions d’ordinateur et le téléphone seront intégrés en une seule unité. L’importance et la portée de la protection de la vue contre les radiations ELF et VLF prendront de l’ampleur à mesure qu’augmentera l’utilisation de l’écran et que se rétrécira la distance de travail de l’utilisateur par rapport au moniteur.
La meilleure protection est la protection qui peut être appliquée par le consommateur lui-même. Nul ne sera aussi responsable - ou irresponsable - que le consommateur. Utilisant moi-même un ordinateur tous les jours, ce qui signifie que je passe devant l’écran au moins 5 heures par jour, j’ai fini par réaliser en quoi ces radiations nuisent à mes yeux (encore que, n’ayant pas de télévision, je n’aie pas à subir le genre de radiations qui en émanent).
Aussi, à la mi-novembre 1997, alors que je cherchais un emploi d’été dans des études d’avocats, j’ai remarqué que nombre de sociétés d’avocats offraient une assurance vue à leurs employés. Je pensais qu’il devait y avoir une bonne raison pour cela. Cela m’a amené à penser que personne encore n’a eu l’idée de fabriquer des lunettes comportant un élément de protection dans la monture pour protéger l’utilisateur des radiations d’un moniteur. Les lunettes pourraient être portées en tout temps, et dans le cas des personnes comme moi qui travaillent sur plus d’un ordinateur dans la journée, ces lunettes seraient facilement transportables d’un poste de travail à un autre. Pour ce qui est des personnes qui portent déjà des lunettes, l’écran pourrait être fixé sur la monture existante, comme cela se fait dans le cas de certaines lunettes de soleil. On pourrait pousser plus avant le travail pour voir s’il y aurait lieu d’incorporer un élément de blocage dans les verres de contact.
L’élément innovateur de cette invention réside en ce que l’utilisateur porte le dispositif de protection à l’endroit et au moment où cela s’avère nécessaire. La protection n’est donc pas tributaire de matériel ou d’une machine : c’est ce qui représente le changement de paradigme fondamental qui fait que mon mécanisme de protection est si important, novateur et essentiel à la protection des yeux des consommateurs.
J’ai déjà effectué beaucoup de recherches sur cette question, soit :
1) pour savoir quelles sociétés américaines fabriquent des écrans protecteurs et à quel coût pour le consommateur;
2) pour recueillir des informations détaillées et documentées et des articles de revues spécialisées sur les effets physiologiques des radiations EDF et VLF - quelque 10 millions d’utilisateurs souffrent déjà de complications liées aux radiations aux É.-U. seulement.
3) pour me documenter auprès d’ophtalmologistes.
Au total, j’estime avoir consacré entre 40 et 50 heures au travail et à la recherche en rapport avec le développement de ce projet.
L’objet de cette lettre est de faire enregistrer les lunettes en question comme brevet d’invention. Je les ai appelées les SCREENIES. Dans un procédure ultérieure et séparée, j’aimerais faire enregistrer une marque de commerce portant le nom de « SCREENIES » pour fins de marketing. Mon objectif est de faire breveter ce dispositif de protection, de conserver la licence aussi longtemps que faire se pourra et de lancer ma propre entreprise pour la mise en marché de ces lunettes de protection qui, j’en suis convaincu, n’existent pas à l’heure actuelle, tout comme je suis convaincu que personne avant moi n’a eu l’idée d’un tel mécanisme de protection.
Je reconnais que d’autres travaux seront nécessaires avant de décider de la façon d’incorporer l’élément dans les lunettes. Je poursuivrai brièvement mes rencontres avec ophtalmologistes et optométristes pour voir comment cela pourrait se faire. Pour l’heure, l’objectif est de faire une déclaration d’intention et de faire observer que j’ai à toutes fins pratiques inventé ce nouveau système de protection de la vue pour utilisateurs d’ordinateurs. Je suis convaincu qu’il s’agit d’une invention aussi importante par sa portée que la ceinture de sécurité : elle est simple, efficace, facile d’emploi et on ne peut plus nécessaire pour protéger les gens contre les radiations dont nous ne savons pas encore grand-chose.
...
S’il est vrai que les lunettes constituent une amélioration par rapport aux écrans protecteurs d’ordinateur, le NOUVEAU facteur que j’ai inventé est que l’écran protecteur est porté par l’utilisateur, et non pas installé sur l’ordinateur, ce qui me fait penser à la phrase « pourquoi n’y ai-je pas pensé? » que j’ai relevée dans le guide des brevets.
[22] En somme, la description d’origine dévoile une idée qui consiste à fournir un dispositif destiné à protéger les utilisateurs d’ordinateurs contre les effets d’éblouissement et les radiations VLF et ELF provenant de moniteurs d’ordinateur, lequel dispositif aurait la forme de lunettes ou d’une attache de type contre-verres pour les lunettes, avec un élément de protection, qui serait porté par l’utilisateur plutôt que d’être installé sur le moniteur d’ordinateur, mais cette description ne contient pas de détails spécifiques et techniques sur le dispositif. Pas plus qu’elle n’offre d’information sur la structure ou la composition de l’élément de protection qui serait utilisé, sans compter que - ainsi qu’il est stipulé dans le dernier paragraphe de l’extrait ci-dessus de la description d’origine - « d’autres travaux seront nécessaires avant de décider de la façon d’incorporer l’élément dans les lunettes ».
[23] À la date du dépôt de la demande, celle-ci ne contenait pas de revendications ni de dessins.
ii. Le mémoire descriptif présentement dossier
[24] Le mémoire descriptif présentement dossier contient une description soumise le 25 février, qui est reproduite ci-dessous.:
[traduction]
DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L’INVENTION
DISPOSITIF DE PROTECTION DES YEUX POUR TERMINAUX À ÉCRAN DE VISUALISATION
CHAMP D’APPLICATION DE L’INVENTION
La présente invention concerne l’industrie de la santé; plus particulièrement, il s’agit d’un dispositif de protection des yeux et de la tête destiné à protéger les utilisateurs de terminaux d’ordinateur contre les radiofréquences générées par les terminaux à écran de visualisation (TEV).
Les antériorités pouvant être considérées comme importantes pour la compréhension et l’examen de l’invention et pour la recherche y afférente sont, pour autant que le sache le demandeur : Rademacher, US # 5,140,710 et Chika et coll. US # 5,202,566, de même que # 6,003,990 déc. 1999 Einhorn 351/45 et #6,062,691, mai 2000, Markson 351/203.
Dans l’ensemble, l’invention offre la protection contre les radiations émises par les TEV. Le problème technique est facile à comprendre si l’on en considère les finalités sous deux facettes. Premièrement, les TEV sont de plus en plus fréquents en milieu de travail alors même que les utilisateurs passent jusqu’à sept heures à moins d’un mètre d’un TEV générateur de radiations. Deuxièmement, selon les types de TEV, ceux-ci produisent différentes formes de radiation. De sorte que la constante au niveau de ce problème technique est l’utilisateur dont les yeux et la tête sont soumis au risque. La solution envisagée dans cette solution est que l’utilisateur se munisse du dispositif de protection et le porte sur lui pour palier les deux facettes du problème technique. En d’autres termes, quelles que soient la fréquence et les finalités de l’utilisation du TEV, un utilisateur constant appliquera systématiquement la protection proposée dans cette invention.
L’équipement de protection des yeux envisagé dans cette invention est présenté dans les dessins sous l’une de leurs formes optimales mais non exclusives, qui protège les yeux et une partie du front contre les radiations émanant des TEV. La figure 3 présente l’équipement de protection des yeux et la visière 9 en vue frontale. Dans la figure 1, on voit lesdits équipement et visière en position latérale surélevée. La figure 2 présente une vue latérale desdits équipement et visière en position partiellement surélevée. En particulier, l’arête et la monture 7 montrent comment on peut placer la visière à la verticale et à l’horizontale si l’utilisateur veut travailler temporairement sans visière. La monture et le bonnet élastiques 8 sont illustrés à la figure 2; ils permettent d’accommoder les utilisateurs des TEV lorsque leur capacité de visualisation est très sollicitée comme pour les jeux vidéo, les guichets bancaires automatiques ou les dispositifs d’identification par l’iris. La visière 9 proprement dite est présentée en entier, en vue frontale, à la figure 3; elle est en matériau léger permettant à l’utilisateur de disposer d’un tampon entre ses yeux et le TEV et lui-même ou, pour le cas où celui-ci porterait déjà des lunettes, entre ces lunettes et le TEV. La partie supérieure de la visière arbore sur le dessus un espace qui atteste de la vocation protectrice concomitante de la visière pour le front, lequel peut, lui aussi, être rajusté lorsqu’on fait pivoter la monture 7 tel qu’illustré à la figure 2.
L’une des façons envisagées par l’inventeur de réaliser l’invention, telle que décrite dans les présentes pages, consiste à appliquer une mince couche de métal comme le plomb ou l’or à l’écran et/ou aux lunettes que portera l’utilisateur du TEV. Une autre façon consiste à utiliser un bonnet ou un casque léger doté de lunettes ou d’un écran qui, lui aussi, se verrait appliquer une couche micromince de métal. Par exemple, dans l’exercice de leur travail, les soudeurs utilisent un masque ou un écran qu’ils ont le loisir de soulever en tout temps, notamment lorsqu’ils interrompent le soudage. Voilà pour la première façon de faire. Quant à l’autre façon de faire évoquée ci-haut, pensons au bonnet que portent certains sportifs, où l’écran et les lunettes sont incorporés directement dans le couvre-chef ou le protège-yeux, comme pour le casque de joueur de hockey ou de soldat ou les lunettes de protection pour skieur.
[25] Cette description est suivie d’une série de revendications, elles aussi soumises en date du 25 février 2005, et qui sont reprises ci-dessous.
[traduction]
Est revendiqué :
1. Un dispositif de protection des yeux pour bloquer les radiations et empêcher qu’elles nuisent aux yeux des utilisateurs, dont les éléments constitutifs sont :
une visière en métal micromince, en matériau protecteur ultraléger, entre la face de l’utilisateur et le TEV et, si l’utilisateur porte des lunettes de prescription, entre les lunettes de celui-ci et le TEV, s’étendant sur la moitié supérieure de la face de l’utilisateur, du haut du front au milieu des joues, de manière à recouvrir les yeux,
un système double de crêtes permettant de tourner la visière à l’horizontale et à la verticale, de manière à l’adapter aux différents environnements et positions de travail, et
un support circulaire, élastique, convergeant et amovible en fibre ou en textile destiné à apposer et maintenir la visière et les montures autour et sur le dessus de la tête de l’utilisateur.
2. Le dispositif de protection des yeux faisant l’objet de la revendication 1, où un verre rétractable et adaptable au système de crêtes existant au niveau des montures (revendication 1), ayant entre 0,5 et 0,25 cm d’épaisseur, est attaché au dispositif de protection (revendication 1), ce qui permet d’installer ou d’insérer, rapidement et facilement, un écran protecteur léger (revendication 1).
3. L’équipement de protection des yeux faisant l’objet de la revendication 1, où le verre décrit à la revendication 2 est un verre en textile aéré, élastique et à microperforations, qui, lorsque l’utilisateur le porte (revendication 1), s’étend du haut du front au pont de nez de manière à recouvrir les yeux et, dans le même temps, une partie du front.
4. L’équipement de protection des yeux faisant l’objet de la revendication 1, où des verres adhésifs, microminces, calibrés en fonction de l’entière surface de la visière (revendication 1), peuvent être arrangés de manière à adhérer à la visière en une couche ou en couches successives lorsqu’il faut élargir l’étendue de la couverture des yeux pour les protéger contre des degrés variés de radiation et pour accommoder la sensibilité des yeux de l’utilisateur qui, en conséquence, peut se manifester à des degrés variés.
5. L’équipement de protection des yeux faisant l’objet de la revendication 1, où les crêtes sont commandées par un système d’articulation, permettant à l’utilisateur de soulever l’entière visière au-dessus de l’oeil et du front sans enlever de la tête la monture élastique.
6. L’équipement de protection des yeux faisant l’objet de la revendication 1, où un support en textile ou en fibre amovible, rétractable, élastique et circulaire servant à apposer et à maintenir la visière et les montures d’arêtes autour et sur le dessus de la tête de l’utilisateur est étendu de manière à recouvrir en entier l’arrière de la tête de celui-ci, afin d’assurer un ajustement meilleur et plus serré à l’endroit où l’utilisateur du TEV doit souvent bouger la tête en raison de la nature de son activité.
7. L’équipement de protection des yeux faisant l’objet de la revendication 1, où la visière en question (revendication 1) et les verres adhésifs (revendication 4) comprennent en une couche ultramince de plomb ou d’or, laquelle permet à l’utilisateur de visionner l’information tout en bloquant les radiations avant qu’elles ne se répercutent sur les yeux et le front de l’utilisateur.
iii. Les dessins présentés à l’appui du dossier
[26] Les revendications sont suivies de plusieurs dessins, soumis en date du 16 février 2001, tels que reproduits ci-après.
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[27] Une comparaison entre la description et les dessins par rapport au mémoire déposé à l’origine révèle des éléments nouveaux, à savoir :
- la visière micromince, en métal léger;
- la monture de tête élastique;
- le casque ou le bonnet léger;
- le système double de crêtes doté d’un dispositif d’articulation servant à ajuster la position de la visière;
- la mince couche de plomb ou d’or appliquée à l’écran;
- les verres de 0,5 à 0,25 cm d’épaisseur;
- les verres en textile aéré, élastique, à microperforations;
- les verres adhésifs apposés sur la visière en couche unique ou en couches successives.
[28] Le Commission considère que la description d’origine ne contient aucune suggestion ni base indiquant que l’un ou l’autre de ces éléments et détails spécifiques étaient considérés comme faisant partie de l’invention et que, par conséquent, il n’y avait aucune justification pour que ceux-ci soient ajoutés à la demande à titre de modification. Comme nous l’avons vu, le mémoire descriptif d’origine ne comprenait qu’une communication générale concernant un dispositif destiné à protéger les utilisateurs d’ordinateurs contre les effets d’éblouissement et les radiations VLF et ELF des moniteurs d’ordinateur, lequel dispositif se présenterait sous forme de lunettes ou de contre-verres amovibles pour lunettes et comporterait un élément de protection, et qui ne serait pas fixé au moniteur d’ordinateur mais porté par l’utilisateur. Le mémoire ne contenait pas de démonstration de détails techniques spécifiques du dispositif quels qu’ils soient, comme ceux qui paraissent maintenant dans le mémoire descriptif et les dessins. C’est la raison pour laquelle le Conseil estime que les nouveaux éléments ci-haut mentionnés ne peuvent être raisonnablement déduits du mémoire descriptif déposé à l’origine.
[29] Par ailleurs, suivant les paragraphes 38(2) et (3), de nouveaux éléments peuvent être ajoutés à une demande lorsqu’il est mentionné dans le mémoire descriptif qu’il s’agit d’une invention ou découverte antérieure. Mais cela n’est mentionné ni dans le mémoire et les dessins actuels, ni dans l’une ou l’autre des versions antérieures. En tout état de cause, même si le mémoire descriptif avait contenu une telle déclaration, cela n’aurait pas en bout de ligne aidé beaucoup le demandeur, puisque la déclaration en question consisterait à admettre que tous les détails techniques de l’invention, sur lesquels le demandeur se fonde maintenant pour appuyer son invention, étaient connus auparavant dans le domaine de l’équipement de protection contre les radiations et ne pourraient être utilisés pour distinguer l’invention des antériorités.
[30] Considérant ce qui précède, la Commission conclut que les nouveaux éléments susmentionnés contreviennent aux dispositions des paragraphes 38.2(2) et (3) de la Loi sur les brevets, puisqu’ils ne peuvent être inférés du mémoire descriptif initialement produit. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme faisant partie de l’invention alléguée du demandeur.
[31] Parallèlement à la conclusion énoncée ci-dessus, il sera répondu aux autres questions en prenant ne considération que la description, les revendications et les dessins comme si les nouveaux éléments irrecevables dont il vient d’être traité n’y étaient pas inclus.
IV. LE MÉMOIRE DESCRIPTIF DÉCRIT-IL EXACTEMENT ET COMPLÈTEMENT L’INVENTION?
a) La position de l’examinateur
[32] Dans la décision finale, l’examinateur a déclaré ce qui suit au sujet des exigences du mémoire descriptif :
[traduction]
La demande de brevet, telle que déposée, décrit des lunettes, ou une sorte de contre-verres que porte un utilisateur pour se protéger contre les radiations émanant d’un moniteur à écran cathodique. Il s’agit des seuls détails donnés dans la description. Aucune revendication, aucun dessin n’y figure. Ces détails ne sont qu’un résultat voulu, puisqu’aucune solution réelle n’est divulguée sur la façon dont la protection est obtenue. Cette absence de détails structurels ou d’étapes de la procédure a été considérée dans le premier rapport de l’examinateur comme non conforme aux paragraphes 27(3) et 27(4) de la Loi sur les brevets. Cette non-conformité existe toujours et l’examinateur réaffirme que le dernier mémoire descriptif valide ne fait qu’énoncer un résultat voulu, plutôt que les étapes de la procédure ou les éléments structurels nécessaires qui, lorsque mis en oeuvre, parviendront à ce résultat.
b) La position du demandeur
[33] Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur n’a pas directement répondu à ces motifs de refus.
c) Exigences relatives au mémoire descriptif : principes juridiques
[34] Les exigences relatives au mémoire descriptif sont énoncées au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, qui dispose :
27(3) Le mémoire descriptif doit:
a) décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;
b) exposer clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'invention;
c) s'il s'agit d'une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l'application;
d) s'il s'agit d'un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l'invention en cause d'autres inventions.
[35] Des exigences équivalentes à celles du paragraphe 27(3) ont été examinées par les tribunaux à plusieurs reprises. Dans la décision Minerals Separation North American Corp. v. Noranda Mines Ltd., [1947] R.C.É. 306, aux pages 316 et 317, le président Thorson a déclaré :
[traduction]
Deux choses doivent être décrites dans les divulgations d’un mémoire descriptif : l’une d’elles est l’invention, l’autre est l’application ou l’exploitation de l’invention envisagée par l’inventeur; ces deux choses doivent être décrites de façon exacte et complète. L’idée qui transpire de cette exigence est que lorsque la période de monopole est expirée, le public pourrait, en n’ayant que le mémoire descriptif, avoir le même succès que l’inventeur a eu dans l’utilisation de son invention au moment de la demande. La description doit être exacte; cela signifie qu’elle doit être claire et précise. Elle doit être dénuée de toute obscurité ou ambiguïté possible, et aussi simple et distincte que la difficulté de la description le permet. Elle ne doit pas contenir des énoncés erronés ou trompeurs destinés à tromper ou à induire en erreur les personnes à qui s’adressent le mémoire descriptif et ainsi leur rendre difficile la compréhension de la façon dont l’invention doit être utilisée, sans expérimentations ou essais. Elle ne doit pas, par exemple, suggérer l’utilisation de méthodes alternatives de faire fonctionner l’invention s’il n’existe qu’une seule méthode, même si les personnes versées dans l’art vont probablement opter pour la méthode praticable. La description de l'invention doit également être complète; cela signifie que sa portée doit être définie, car ce qui n’a pas été décrit ne peut faire l’objet d’une revendication valide. La description doit aussi donner tous les renseignements nécessaires à l’application ou à l’exploitation de l'invention, sans laisser un tel résultat à la chance d'une expérience qui réussirait, et s'il est nécessaire de donner des mises en garde afin de prévenir l'échec, ces mises en garde devront être données. De plus, l'inventeur devra agir dans la plus absolue bonne foi et communiquer toutes les données qu'il possède afin de permettre la réalisation de l'invention du mieux qu'il l'a conçue.
[36] Dans l’arrêt Consolboard Inc. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] R.C.S. 504, au paragraphe 27, le juge Dickson, rendant le jugement au nom de la Cour, s’exprimait ainsi :
Le paragraphe 36(1) cherche à répondre aux questions suivantes: «En quoi consiste votre invention? » « Comment fonctionne‑t‑elle? » Quant à chacune de ces questions, la description doit être exacte et complète de sorte que, comme l’exprime le président Thorson dans Minerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines, Limited :
[TRADUCTION]
. . . une fois la période de monopole terminée, le public puisse, en n’ayant que le mémoire descriptif, utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur, à l’époque de la demande.
[37] Le juge Dickson a aussi fait le commentaire suivant au paragraphe 22 dans Consolboard :
L’article 36 de la Loi sur les brevets est le pivot de tout le système des brevets. La description de l’invention qui y est faite est la raison pour laquelle l’inventeur obtient un monopole sur l’invention pour un certain nombre d’années. Comme le souligne Fox dans Canadian Patent Law and Practice (4e éd.), à la p. 163, l’octroi d’un brevet est une sorte de marché entre l’inventeur d’une part et Sa Majesté, agissant pour le public, d’autre part. L’octroi a deux considérations: [TRADUCTION] «la première, c’est qu’il doit y avoir une invention nouvelle et utile, la seconde, l’inventeur doit, en contrepartie de l’octroi du brevet, fournir au public une description adéquate de l’invention comportant des détails assez complets et précis pour qu’un ouvrier, versé dans l’art auquel l’invention appartient, puisse construire ou exploiter l’invention après la fin du monopole.» La description dont parle Fox est celle qui est exigée par l’art. 36 de la Loi sur les brevets.
d) Analyse
[38] Tel que mentionné précédemment au sujet de la question de la nouveauté, ayant conclu que certains éléments ajoutés par voie de modifications présentées après la date de dépôt de la demande étaient irrecevables, la Commission considère que les attributs de l’invention alléguée que le demandeur a le droit de maintenir dans le mémoire descriptif sont : équipement de protection oculaire destiné à bloquer et à prévenir les radiations d’un écran terminal vidéo afin de protéger les yeux de l’utilisateur, l’équipement étant placé sur le visage de l’utilisateur et, si l’utilisateur porte des lunettes, entre les lunettes de l’utilisateur et l’écran terminal vidéo.
[39] Vu l’absence de détails techniques au sujet de la composition des lunettes et de la construction des lunettes protectrices, la Commission ne voit pas comment le mémoire descriptif pourrait être considéré comme décrivant de façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur, comme l’exige par le paragraphe 27(3). Nous ne voyons pas non plus comment une description si limitée pourrait être considérée comme un exposé clair du mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d’un appareil dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner l’invention. Il est évident que la description ne divulgue pas toute l’information nécessaire à l’application ou l’exploitation de l’invention, sans laisser un tel résultat au hasard d’une expérimentation, contrairement à l’exigence posée par le président Thorson dans la décision Minerals Separation. La description divulgue pas de façon exacte et correcte le fonctionnement de l’invention et ne fournit pas ainsi la contrepartie nécessaire à l’octroi d’un brevet, soit la divulgation au public d’une description adéquate de l’invention comportant des détails assez complets et précis pour qu’un ouvrier, versé dans l’art dont relève l’invention, puisse construire ou utiliser cette invention après l’expiration du monopole.
[40] Si les éléments qui ont été ajoutés au mémoire descriptif par la modification étaient, dans les faits, connus du demandeur à la date de dépôt de la demande, il est malheureux qu’ils n’aient pas été décrits dans le mémoire descriptif déposé à cette date. Mais dans l’état actuel des choses, en se fondant sur le mémoire descriptif original, une personne le lisant n’aurait pas l’assurance que le demandeur a conçu une invention complète qui comprend suffisamment de détails pour rendre l’idée pratique. Au contraire, l’admission de l’inventeur dans le mémoire descriptif, à savoir qu’il reconnaît que [traduction] « d’autres travaux seront nécessaires avant de décider de la façon d’incorporer l’élément dans les lunettes », indique clairement qu’à cette date l’invention n’était pas encore complète. Pour qu’une invention soit considérée complète et suceptible de recevoir la protection conférée par un brevet, le mémoire descriptif ne devrait pas suggérer de façon si évidente des travaux de recherche et d’expérimentation. À cet égard, la déclaration suivante du juge Maclean dans Thermionics Ltd. c. Philco Products Ltd., [1941] R.C.É. 209, au paragraphe 36, est pertinente :
[traduction]
Il est bien établi qu’un mémoire descriptif doit être complet sans exiger du public d’effectuer une recherche plus approfondie; un titulaire de brevet ne doit pas énoncer un problème et l’appeler une description.
[41] Dans le cas qui nous intéresse, en raison de l’insuffisance de la description au sujet de la composition de l’équipement de protection et de la façon dont l’appareil sera construit, nous concluons que le demandeur n’a pas démontré dans son mémoire descriptif que son invention était complète à la date du dépôt.
[42] Pour les motifs susmentionnés, la Commission conclut que le mémoire descriptif ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.
V. LES REVENDICATIONS SONT-ELLES IRRÉGULIÈRES PARCE QU’ELLES NE FONT QU’ÉNONÇER UN RÉSULTAT VOULU?
a) La position de l’examinateur
[43] Dans sa décision finale, l’examinateur a déclaré ce qui suit au sujet des exigences touchant le mémoire descriptif en général, et les revendications en particulier :
La demande de brevet, telle que déposée, décrit des lunettes, ou une sorte de contre-verres pour lunettes, que l’utilisateur porte pour se protéger contre les radiations de moniteurs à écran cathodique. Ce sont là les seuls détails fournis dans la description. Point de revendications, ni de dessins. Ces détails ne sont que le résultat désiré, puisqu’aucune solution réelle n’est donnée quant à la façon de réaliser cette protection. L’absence de détails structuraux et d’étapes de la procédure a été relevée dans le premier rapport de l’examinateur signalée comme n’étant pas en conformité avec les paragraphes 27(3) et 27(4) de la Loi sur les brevets. Comme cette non-observation subsiste, l’examinateur réaffirme que le dernier mémoire valide en date ne fait que définir les résultats désirés plutôt que les étapes de la procédure ou les éléments structuraux nécessaires qui, une fois réalisés, permettraient d’accomplir ces résultats.
b) La position du demandeur
[44] Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur n’a pas directement répondu à ces motifs de refus.
a) Exigences touchant les modifications : principes juridiques
[45] À titre préliminaire, la Commission remarque que la décision finale se réfère au paragraphe 27(4) pour motiver l’objection selon laquelle les revendications ne font qu’énoncer un résultat désiré, plutôt que les étapes de la procédure ou les éléments structurels requis pour arriver au résultat. Bien qu’il se fût agi de la pratique du Bureau au moment de la décision, la pratique actuelle du Bureau est de se fonder sur l’article 84 des Règles sur les brevets, parce qu’il confère plus explicitement le pouvoir de soulever une telle objection. Conséquemment, la Commission va examiner cette objection au regard de l’article 84.
[46] L’article 84 de Règles sur les brevets prévoit :
Les revendications sont claires et concises et se fondent entièrement sur la description, indépendamment des documents mentionnés dans celle‑ci.
[47] Sur la question des revendications qui n’énoncent qu’un résultat voulu, il est bien établi qu’un inventeur ne peut se servir d’une revendication fonctionnelle pour obtenir les droits exclusifs sur toutes les façons d’arriver à un résultat précis, peu importe le principe ou l’idée appliquée. Dans Grissinger c. Victor Talking Machine Co. (1928), [1929] R.C.É. 24, se trouve le passage suivant à la page 25 :
[traduction]
Cependant, il doit être clair dans l’esprit de tous qu’un principe ne peut être l’objet d’un brevet et qu’une revendication portant sur tous les modes ou moyens de mettre de principe en oeuvre équivaudrait à la revendication d’un principe, puisqu’il a été dit, dans Neilson c. Hartford (1841), 1W.P.C.295, à la page 355, qu’il n’y a aucune différence entre la mise en oeuvre d’un principe de toutes les façons possibles et la revendication du principe lui-même.
[48] Et dans British United Shoe Machinery c. Simon Collier (1909), 26 R.P.C. 21, à la page 49 :
[traduction]
À supposer qu’un principe soit nouveau, il est peut-être possible pour l’inventeur ayant exposé une méthode d’application du principe à la solution du problème, de se protéger pendant la durée du brevet contre toute autre méthode d’application du principe à la même finalité, mais je ne crois pas que la nouveauté du principe appliqué lui permettrait de faire une revendication valide qui s’étend à tous les moyens de résoudre le problème, que le même principe ou un principe différent ait été appliqué à sa solution.
[49] De ces extraits, nous concluons qu’une revendication de brevet qui est large au point d’englober tous les moyens possibles, sans réserve, de solutionner le problème auquel fait face l’inventeur et qui est, dans les faits, rien de plus qu’une reformulation du problème ou du résultat désiré, est irrecevable.
b) Analyse
[50] Ainsi qu’il a été décidé auparavant, les attributs revendiqués de l’invention présumée que le demandeur est autorisé à maintenir dans le mémoire descriptif comprennent l’équipement de protection des yeux destiné à bloquer les radiations d’un terminal à écran de visualisation et à empêcher qu’elles endommagent les yeux de l’utilisateur, l’équipement étant placé sur la visage de l’utilisateur et, si celui-ci porte des lunettes de prescription, entre ses lunettes et le terminal à écran de visualisation; les revendications seront considérées comme ne contenant que ces attributs.
[51] Après avoir examiné les objections de fond soulevées dans la décision finale au sujet des exigences touchant les revendications, à savoir que celles-ci ne font que définir un résultat désiré plutôt que les étapes de la procédure ou les éléments structurels requis pour obtenir un résultat, nous concluons qu’une revendication qui définit les attributs de l’invention alléguée que le demandeur est autorisé à maintenir dans le mémoire descriptif, serait si large qu’elle engloberait tous les appareils qui se portent sur le visage d’un utilisateur et qui sont capables d’empêcher les radiations émanant de terminaux à écran de visualisation d’atteindre les yeux de l’utilisateur.
[52] Un inventeur ne devrait pas être récompensé au-delà de ce qu’il donne au public. Une revendication qui porte sur tous les moyens de parvenir à un résultat désiré serait assez large pour couvrir des moyens découverts ultérieurement totalement indépendants du premier moyen pour parvenir au même résultat final. Dans de tels cas, l’inventeur serait surprotégé.
[53] Pour les motifs susmentionnés, nous concluons que l’objet des revendications qui demeurent recevables, lesquelles ne font qu’énoncer un résultat voulu, est large au point d’englober tous les moyens possibles, sans réserve, de solutionner le problème auquel fait face l’inventeur et qui est, dans les faits, rien de plus qu’une reformulation du problème ou du résultat désiré. Nous suivons la jurisprudence précitée en concluant qu’une telle revendication est irrecevable.
VI. L’INVENTION REVENDIQUÉE ÉTAIT-ELLE NOUVELLE AU MOMENT DE LA REVENDICATION?
a) La position de l’examinateur
[54] Dans sa décision finale, l’examinateur cite l’antériorité suivante en opposition à l’invention revendiquée :
[traduction]
Référence ré-appliquée :
Brevet des États-Unis
5,140, 710 25 août 1992 2/432 (IPC A61F-9/02) Rademacher
[55] Après avoir conclu à l’irrecevabilité des nouveaux éléments, l’examinateur a déclaré :
[traduction]
Donc, le dernier mémoire descriptif acceptable est le mémoire descriptif tel que déposé et modifié le 9 septembre 1997. Au sujet de l’objet qui y figure, ou de celui qui peut être inféré de la description tel que déposée, l’examinateur ré-applique le brevet de Rademacher en ce qu’il devance le mémoire descriptif.
La revendication au dossier n’est pas conforme à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets. Rademacher a divulgué l’objet revendiqué avant la date de la revendication.
Ainsi qu’il appert du rapport de l’examinateur du 12 novembre 1998, le brevet de Rademacher divulgue une visière ayant la forme de lunettes portables comportant des couches bloquant les rayons de radiation. Comme tel, cela couvre la réalisation présente dans le mémoire descriptif du brevet original. Par conséquent, l’actuelle demande de brevet n’est pas conforme, il n’y a rien de brevetable, vu l’absence de nouveauté, dans l’actuelle demande de brevet.
Le brevet de Rademacher divulgue aussi la solution consistant à utiliser des couvertures métalliques, dont une mince feuille de plomb, des détails que le demandeur a tenté d’ajouter par voie de modification ou de prétention.
...
La revendication présente dans le dernier mémoire descriptif acceptable n’est pas nouvelle et, par conséquent, n’est pas conforme à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets.
b) La position du demandeur
[56] Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur a répondu au refus fondé sur l’absence de nouveauté de la façon suivante :
[traduction]
Le brevet de Rademacher divulgue des couches et une visière de forme beaucoup plus étroite et moins souple que ceux pour lesquels le demandeur a déposé une demande : l’invention de ce dernier serait utilisée et retirée par l’usager, et non pas appliquée sur l’équipement de l’usager ou attachée à celui-ci, d’où la nouveauté de l’invention dans son entier comme proposée initialement en 1997.
c) Nouveauté : principes juridiques
[57] L’exigence qu’une invention, pour être brevetable, soit nouvelle est prévue au paragraphe 28.2(1) de la Loi sur les brevets. Ce paragraphe prévoit [nous soulignons] :
28.2 (1) L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas:
a) plus d'un an avant la date de dépôt de celle‑ci, avoir fait, de la part du demandeur ou d'un tiers ayant obtenu de lui l'information à cet égard de façon directe ou autrement, l'objet d'une communication qui l'a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;
b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d'une autre personne, l'objet d'une communication qui l'a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;
c) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l'alinéa (1)a);
d) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt correspond ou est postérieure à la date de la revendication de la demande visée à l'alinéa (1)a) si:
(i) cette personne, son agent, son représentant légal ou son prédécesseur en droit, selon le cas:
(A) a antérieurement déposé de façon régulière, au Canada ou pour le Canada, une demande de brevet divulguant l'objet que définit la revendication de la demande visée à l'alinéa (1)a),
(B) a antérieurement déposé de façon régulière, dans un autre pays ou pour un autre pays, une demande de brevet divulguant l'objet que définit la revendication de la demande visée à l'alinéa (1)a), dans le cas où ce pays protège les droits de cette personne par traité ou convention, relatif aux brevets, auquel le Canada est partie, et accorde par traité, convention ou loi une protection similaire aux citoyens du Canada,
(ii) la date de dépôt de la demande déposée antérieurement est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l'alinéa a),
(iii) à la date de dépôt de la demande, il s'est écoulé, depuis la date de dépôt de la demande déposée antérieurement, au plus douze mois,
(iv) cette personne a présenté, à l'égard de sa demande, une demande de priorité fondée sur la demande déposée antérieurement.
[58] Un critère couramment cité pour évaluer la nouveauté est celui énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Beloit Canada Ltd. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289, à la page 297 :
Il faut en effet pouvoir s'en remettre à une seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l'invention revendiquée sans l'exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d'une clarté telle qu'une personne au fait de l'art qui en prend connaissance et s'y conforme arrivera infailliblement à l'invention revendiquée.
[59] Le paragraphe 28.2(1) prévoit que la date pertinente pour évaluer la nouveauté (en excluant le délai de grâce d’un an accordé au demandeur qui aurait lui-même divulgué son invention, puisqu’aucune divulgation de ce genre n’a été alléguée) est la date de la revendication. Dans le cas qui nous intéresse, où aucune demande de priorité n’a été formulée, il s’agit de la date de dépôt de la demande au Canada, soit le 27 juin 1997.
d) Analyse
[60] Dans la grande majorité des cas, on apprécie la nouveauté en comparant l’invention revendiquée à une seule publication antérieure. Cependant, cette approche présume que le demandeur a le droit de revendiquer la totalité de l’objet défini par une revendication. Dans la présente affaire, ayant conclu que les éléments ajoutés par voie de modification après la date de dépôt de la demande (comme mentionné précédemment) étaient irrecevables, la Commission n’examinera pas les revendications telles qu’elles apparaissent présentement dans la demande, mais plutôt comme si les éléments irrecevables n’y étaient pas été inclus.
[61] Ainsi les attributs revendiqués de l’invention présumée que le demandeur est autorisé à maintenir dans la demande sont les suivants : équipement de protection des yeux destiné à bloquer les radiations d’un terminal à écran de visualisation et à empêcher qu’elles endommagent les yeux de l’utilisateur, l’équipement étant posé sur le visage de l’utilisateur et, si celui-ci porte des lunettes de prescription, entre ses lunettes et le terminal à écran de visualisation.
[62] L’antériorité citée, soit le brevet Rademacher (États-Unis), fait la démonstration d’un protecteur oculaire destiné à bloquer les radiations et à prévenir qu’elles endommagent les yeux de l’utilisateur tout en permettant le passage de la lumière, ainsi que de la visière sous forme de lunettes prêtes à porter ou de lunettes de protection comprenant des verres constitués d’une feuille de support recouverte d’un film métallisé et d’une couche de plomb, où la visière est placée sur la face de l’utilisateur et, si celui-ci porte des lunettes de prescription, entre ses lunettes et la source des radiations.
[63] Le Commission note que Rademacher a été conçu afin de fournir une protection contre les rayons X, alors que le demandeur affirme que son objectif est d’assurer une protection contre les ondes radioélectriques émanant de terminaux à écran de visualisation ou de moniteurs d’ordinateur. Mais nous prenons acte également des attributs structuraux du dispositif, que le demandeur a essayé de proposer comme faisant partie de son invention, à savoir une visière en métal léger, micromince, une mince couche de plomb ou d’or appliquée à l’écran, et un verre en matériau aéré, élastique et à microperforations de 0,5 à 0,25 cm d’épaisseur. Selon le demandeur, les modifications qu’il a soumises auraient permis que cette combinaison d’attributs accomplisse le résultat voulu, à savoir bloquer les radiations de terminaux à écran de visualisation. Mais ces résultats ont été dévoilés par Rademacher. Si nous reconnaissons que le dispositif revendiqué par le demandeur permettrait d’accomplir le résultat désiré, nous devons conclure que le dispositif antérieur divulgué par Rademacher le permettrait également.
[64] Compte tenu de ce qui précède, nous concluons que le groupe des attributs revendiqués de l’invention alléguée que le demandeur est autorisé à maintenir, lequel n’est en somme guère plus qu’un énoncé du problème à résoudre, reprend le document Rademacher et est donc devancé par lui, contrevenant ainsi à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets.
VII. RECOMMANDATIONS
[65] En résumé, la Commission recommande que :
(1) le rejet par l’examinateur des éléments ajoutés par voie de modifications postérieures à la date de dépôt, pour non-conformité aux paragraphes 38(2) et (3) de la Loi sur les brevets, soit confirmé;
(2) le rejet par l’examinateur du mémoire descriptif, pour non-conformité au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets au motif qu’il ne décrit pas correctement et pleinement l’invention, soit confirmé;
(3) le rejet par l’examinateur des revendications au motif qu’elles ne font qu’énoncer un résultat désiré plutôt que les étapes de la procédure ou les éléments structurels requis pour obtenir ce résultat, soit confirmé;
(4) le rejet par l’examinateur des revendications au motif qu’elles contreviennent à l’alinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les Brevets pour cause d’absence de nouveauté, soit confirmé.
Paul Fitzner Stephen MacNeil Paul Sabharwal
Membre Membre Membre
[66] Je suis d’accord avec les conclusions et les recommandations de la Commission d’appel des brevets. En conséquence, je refuse d’accorder un brevet dans le cadre de la présente demande. En vertu de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose d’un délai de six mois pour interjeter appel de ma décision à la Cour fédérale du Canada. Le demandeur est aussi avisé que la demande a actuellement le statut de demande abandonnée pour défaut de paiement des taxes périodiques. Puisqu’un appel ne peut être interjeté à la Cour fédérale à l’encontre d’une décision du commissaire concernant une demande qui n’est plus en état, le demandeur doit l’avoir rétablie au plus tard le 27 juin 2008, s’il souhaite conserver son droit d’appel.
Mary Carman
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec),
le dix-huitième jour de juin 2008