Décision du commissaire no 1276
Commissioner’s Decision # 1276
SUJET : B22
TOPIC: B22
Demande no : 616,029
Application No.: 616,029
RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE
D.C. 1276 Demande no 616,029
Évidence
L’examinatrice a refusé la demande aux motifs que certaines des revendications n’étaient pas fondées sur la description.
La Commission était d’accord avec l’examinatrice.
La demanderesse a obtenu un délai de trois mois pour retirer les revendications refusées et pour renuméroter les revendications restantes. Si les modifications requises n’ont pas été apportées après ce délai, la demande sera rejetée.
BUREAU DES BREVETS DU CANADA
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
La demande de brevet no 616,029 ayant été refusée en application du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, la demanderesse a demandé une révision de la décision finale de l’examinatrice. La Commission d’appel des brevets et le commissaire aux brevets ont examiné la décision de l’examinatrice. Voici les conclusions de la Commission et la décision du commissaire.
Agent de la demanderesse
Kirby Eades Gale Baker
C.P. 3432, Station D
Ottawa (Ontario)
K1P 6N9
La présente décision porte sur une demande présentée au commissaire aux brevets lui enjoignant de revoir la décision de l’examinatrice relativement à la demande de brevet no 616,029 intitulée « IMMUNE RESPONSE TO TUMORS INDUCED BY ANTI‑IDIOTYPIC ANTIBODIES » (RÉPONSE IMMUNITAIRE AUX TUMEURS INDUITES PAR DES ANTICORPS ANTI-IDIOTYPE). La demande no 616,029 est une demande complémentaire à la demande de brevet no 467,155, déposée le 6 novembre 1984 et maintenant abandonnée. La demanderesse est The Wistar Institute, cessionnaire des inventeurs Hilary Koprowski, Dorothee Herlyn et Elaine DeFreitas.
Une audience devant la Commission d’appel des brevets s’est tenue le 1er octobre 2003. La demanderesse était représentée par M. Edwin Gale et M. Trevor Mee, du cabinet Kirby Eades Gale Baker. Le Bureau des brevets était représenté par Mme Linda Brewer, examinatrice responsable de la demande.
L’invention vise des anticorps anti‑idiotype dirigés contre des anticorps qui reconnaissent des antigènes tumoraux, ainsi que leur production et leur utilisation pour induire une réponse immunitaire contre les tumeurs. Les anticorps visés par l’invention immunoréagissent avec les paratopes d’anticorps spécifiques d’épitopes des tumeurs solides.
La demande renferme 13 revendications. La revendication 1 vise un lymphocyte B immortalisé qui produit un anticorps monoclonal anti‑idiotype. Les revendications 2 à 5 concernent des lymphocytes B immortalisés et sont directement ou indirectement liées à la revendication 1. Les revendications 6 à 10 visent des anticorps monoclonaux anti‑idiotype et sont liées respectivement aux revendications 1 à 5. La revendication 11 concerne une préparation d’anticorps polyclonaux. Les revendications 12 et 13 visent l’utilisation d’une préparation d’anticorps polyclonaux et dépendent directement ou indirectement de la revendication 11.
L’examinatrice a rendu une décision finale le 28 février 2002 dans laquelle elle refusait les revendications 1 à 10 conformément au paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets en raison de l’étayage insuffisant dans la description. Les revendications 11 à 13 ont été jugées acceptables dans la décision finale.
Les revendications 1 et 6, représentatives des revendications refusées par l’examinatrice, sont les suivantes :
[Traduction]
1. Un lymphocyte B immortalisé qui produit un anticorps monoclonal anti‑idiotype qui porte l’image interne d’un épitope présent sur une cellule de tumeur solide, lequel anticorps anti‑idiotype :
a) immunoréagit avec le paratope d’un anticorps monoclonal spécifique du dit épitope de la cellule de tumeur solide;
b) induit la formation d’anticorps anti-anti‑idiotype spécifiques du dit épitope de la cellule de tumeur solide après administration chez un humain.
6. L’anticorps monoclonal anti‑idiotype produit par le lymphocyte B immortalisé décrit à la revendication 1 presque totalement exempt d’autres anticorps.
Dans sa décision finale, l’examinatrice a notamment déclaré ceci :
[Traduction] Les revendications 1 à 10 ne sont toujours pas conformes au paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets parce que leur objet n’est pas étayé dans la présente description. La description ne divulgue pas expressément le « lymphocyte B immortalisé qui produit un anticorps monoclonal anti‑idiotype » visé par la revendication 1 ainsi que par les revendications 2 à 5, qui lui sont liées. La description ne divulgue pas expressément l’ « anticorps monoclonal anti‑idiotype produit par le lymphocyte B immortalisé » décrit aux revendications 1 à 5 et visé par les revendications 6 à 10.
Une décision du commissaire aux brevets relativement au brevet canadien no 1,338,323, qui a été rendue le 14 mai 1996 et a été publiée dans le numéro du 4 février 1998 du Canadian Patent Reporter, vol. 76 (3d), pages 206-218, a établi qu’un étayage exemplaire était requis pour les revendications de lignées cellulaires d’hybridomes et d’anticorps monoclonaux en tant que produits nouveaux. Sans description précise, les revendications à l’égard de ces produits ne sont pas jugées acceptables. Comme la demanderesse n’a divulgué aucun exemple de nouvel anticorps anti‑idiotype (aussi nommé anti-idiotypique ou anti-Id) ni de lymphocytes B immortalisés ou d’hybridomes produisant des anticorps monoclonaux anti-Id, les revendications 1 à 10 ne sont pas acceptables.
......
La présente demande s’apparente au brevet canadien no 1,338,323 en ce que la description ne montre pas à l’aide d’exemples précis ni d’énoncés généraux que tout lymphocyte produisant l’anticorps anti-Id souhaité était immortalisé, ou qu’un lymphocyte B immortalisé ou un hybridome sécrétant un anticorps monoclonal anti-Id spécifique d’un paratope d’un anticorps monoclonal dirigé contre une cellule tumorale avait effectivement été produit. De plus, aucune instruction précise n’est donnée pour la production du lymphocyte B immortalisé et de l’anticorps monoclonal anti‑idiotype revendiqués. Par conséquent, les revendications 1 à 10 ne sont pas conformes au paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets parce que l’objet des revendications 1 à 10 n’est pas étayé dans la présente description.
Dans sa réponse à la décision finale, la demanderesse a notamment indiqué ceci :
[Traduction] L’examinatrice prétend que les revendications à l’égard des anticorps monoclonaux ne sont pas assez étayées dans la présente demande conformément à la décision Institut Pasteur. Dans cette décision, il était dit que les revendications à l’égard des anticorps monoclonaux n’étaient pas assez étayées parce que l’exposé de l’invention ne renfermait aucun exemple de production d’anticorps monoclonal et ne comportait aucune référence ni description claires qui permettraient à une personne versée dans l’art de fabriquer l’invention et de l’utiliser sans expérimentations longues et considérables.
Bien que la présente demande ne renferme pas d’exemples de production d’anticorps monoclonaux anti‑idiotype, des indications claires sont fournies pour permettre à une personne versée dans l’art de produire de tels anticorps. Ces indications comprennent deux références, aux pages 15 et 16 de la description, à des travaux de Kozbor et coll. (1982 et 1983) qui montrent clairement que la production d’anticorps monoclonaux se faisait au moyen de techniques courantes et bien connues à la date de revendication de l’invention.
D’autres indications concernant la production d’anticorps monoclonaux sont fournies aux pages 7 et 8 de la demande, dont des détails et des références concernant l’isolement des lymphocytes B à partir de la rate d’un animal convenablement immunisé, l’immortalisation ultérieure de ces lymphocytes B et l’isolement d’anticorps monoclonaux dans le surnageant de cultures essentiellement pures de lymphocytes B immortalisés. Ces indications font par conséquent ressortir les différences importantes entre la présente demande et la demande ayant fait l’objet de la décision Institut Pasteur, dans laquelle il était simplement indiqué que les anticorps monoclonaux pouvaient être obtenus par des techniques classiques. Donc, contrairement à cette dernière demande, la présente demande fournit non seulement une grande quantité de détails et de références pour la production et l’isolement des anticorps monoclonaux, de sorte qu’une personne versée dans l’art n’aurait aucun mal à y parvenir, mais également des indications claires relativement aux protocoles courants les plus indiqués pour la production d’anticorps monoclonaux.
La décision Institut Pasteur ne mentionne pas que les revendications à l’égard des anticorps monoclonaux ne sont acceptables que si une demande fournit spécifiquement les données expérimentales correspondantes et des exemples correspondants à l’appui des revendications. Au contraire, la décision Institut Pasteur semble indiquer que les revendications visant des anticorps monoclonaux peuvent être acceptables en l’absence de telles données expérimentales si l’exposé de l’invention fournit des détails sur les méthodes et les techniques viables pour produire des anticorps monoclonaux. La demanderesse soutient respectueusement que la présente demande est suffisamment étayée en ce qu’elle fournit des indications claires concernant les méthodes censées être utilisées pour la production d’anticorps monoclonaux en renvoyant aux travaux de Kozbor et coll. (1982 et 1983), de même que des indications claires et des références aux pages 7 et 8 de la description.
Tant l’examinatrice que la demanderesse ont renvoyé à la décision du commissaire aux brevets en ce qui concerne la demande relative au brevet canadien no 1,338,323 (ci‑après « Pasteur », publié sous le titre Institut Pasteur Application, 76 C.P.R. (3d) 206).
Dans « Pasteur », le commissaire a rejeté une demande de brevet comportant des revendications à l’égard d’un hybridome et d’un anticorps monoclonal. Dans sa décision, il déclare entre autres :
[Traduction] La Commission ne trouve aucune description de l’hybridome visé par la revendication 85 ni aucune description d’une méthode de préparation dans les énoncés susmentionnés ni dans l’ensemble de la description. Aucune description précise des anticorps monoclonaux de la revendication 84 ni d’un procédé pour leur préparation n’est divulguée. La seule indication en ce qui concerne la description des anticorps monoclonaux et le procédé utilisé pour les préparer est qu’ils peuvent être préparés par des « techniques classiques ».
.....
... la demanderesse ne démontre pas au moyen d’exemples ou d’énoncés généraux les étapes qu’elle a suivies pour produire des hybridomes qui sécrètent des anticorps monoclonaux pouvant se fixer uniquement à l’antigène spécifique. Si un hybridome et un anticorps monoclonal contre certains antigènes avaient été préparés, il aurait été possible de juger acceptables d’autres hybridomes et anticorps monoclonaux revendiqués, mais non préparés, ou préparés mais non testés, compte tenu du principe de la « prédiction valable ». En l’espèce, la divulgation ne contient aucun renseignement sur un anticorps monoclonal de sorte qu’il n’existe aucun élément pouvant étayer une prédiction valable. La Commission arrive à la conclusion qu’il n’existe pas suffisamment de renseignements concernant la méthode fondamentale à utiliser et les modifications pouvant être apportées à la méthode de base à l’égard des antigènes spécifiques divulgués. Il est impossible de combler de telles lacunes en ce qui concerne les indications en renvoyant la personne versée dans l’art à des expériences effectuées au moyen de techniques classiques.
L’examinatrice a soutenu que la demande en cause ne divulguait pas d’anticorps monoclonal (aucun exemple pratique) ni ne comportait d’instructions précises pour leur préparation; elle était en cela similaire à la demande de « Pasteur ». La demanderesse convient qu’il n’y a pas d’exemples de préparation d’anticorps monoclonal, mais soutient que contrairement à la demande « Pasteur », [Traduction] « la présente demande fournit non seulement une grande quantité de détails et de références pour la production et l’isolement des anticorps monoclonaux, de sorte qu’une personne versée dans l’art n’aurait aucun mal à y parvenir, mais également des indications claires relativement aux protocoles courants les plus indiqués pour la production d’anticorps monoclonaux », et que la décision « Pasteur » « semble indiquer que les revendications visant des anticorps monoclonaux peuvent être acceptables en l’absence de telles données expérimentales si l’exposé de l’invention fournit des détails sur les méthodes et les techniques viables pour produire des anticorps monoclonaux ». Selon la demanderesse, les « détails » sur la préparation des anticorps monoclonaux figurent aux pages 7, 8, 15 et 16 du mémoire descriptif.
À la page 7, aux lignes 11 à 13, la demanderesse divulgue que [Traduction] « des anticorps monoclonaux anti‑idiotype essentiellement exempts d’autres anticorps peuvent être isolés à partir du surnageant de cultures essentiellement pures de lymphocytes B immortalisés » et, aux lignes 18 à 20, que « la production de lymphocytes B immortalisés à partir de lymphocytes B normaux qui produisent un anticorps anti-idiotype est possible dans l’état de la technique ». Un certain nombre de publications scientifiques sont ensuite énumérées à titre de référence. Au paragraphe débutant à la page 7 et se terminant à la page 8, on trouve une courte description sur la façon d’obtenir des lymphocytes B humains producteurs d’anticorps anti‑idiotype. La page 15, lignes 13 à 33, et la page 16, lignes 1 à 3, présentent un survol des techniques d’immortalisation des lymphocytes B et de production d’hybridomes. On y trouve des références à deux publications par Kozbor et coll.
La Commission ne peut trouver aucune indication précise ou détaillée sur la production d’anticorps monoclonaux dans les passages cités. La demanderesse a plutôt fourni une description très générale de la façon dont « on peut isoler » des anticorps monoclonaux. Au lieu de renvoyer à des « techniques classiques », comme dans « Pasteur », la demanderesse renvoie à deux publications de Kozbor et coll. qui vraisemblablement indiquent la principale méthode à employer pour fabriquer des hybridomes. Toutefois, la demanderesse n’a pas divulgué de description détaillée de cette méthode ni aucune modification admissible, ni n’a‑t‑elle non plus indiqué qu’elle avait utilisé avec succès cette méthode pour produire un hybridome.
La Commission n’est pas convaincue que la demanderesse a produit une invention en ce qui concerne les anticorps monoclonaux anti‑idiotype ou les lymphocytes B immortalisés sécrétant ces anticorps.
Lors de l’audience et dans sa présentation des modifications à la Commission, la demanderesse a proposé de modifier sa demande en remplaçant la page 2 de la description par les nouvelles pages 2 et 2a et en ajoutant de nouvelles revendications, soit 14 à 16. Les nouvelles pages 2 et 2a renferment une modification de « l’abrégé de l’invention » de façon à inclure l’objet des nouvelles revendications 14 à 16.
Cependant, la Commission n’a pas examiné les modifications proposées par la demanderesse. Lorsque la réponse d’une demanderesse à une décision finale ne convainc pas l’examinateur que les motifs justifiant le refus de la demande ont été réfutés, la demande est transmise à la Commission d’appel des brevets. La Commission est responsable de la révision complète et exhaustive du traitement réservé à la demande, mais elle n’en poursuit pas l’examen. Lorsque le délai pour répondre à une décision finale est expiré, une demande ne peut être modifiée que conformément à l’article 31 des Règles sur les brevets, lequel dispose :
La demande qui a été refusée par l’examinateur ne peut être modifiée après l’expiration du délai pour obtempérer à la demande de l’examinateur en application du paragraphe 30(4), sauf dans les cas suivants :
a) le refus est annulé en application du paragraphe 30(5);
b) le commissaire est convaincu, après révision, que le refus est injustifié et il en a informé le demandeur;
c) le commissaire a informé le demandeur que la modification est nécessaire pour que la demande soit conforme à la Loi et aux présentes règles;
d) la Cour fédérale ou la Cour suprême du Canada l’ordonne.
.
En bref, la Commission conclut que les revendications 1 à 10 ne sont pas conformes au paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets et que l’examinatrice a eu raison de refuser les revendications. La Commission recommande que le commissaire :
1) informe la demanderesse, conformément à l’alinéa 31c) des Règles sur les brevets, que les modifications suivantes doivent être apportées pour que la demande soit conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets : la suppression des revendications 1 à 10 et la renumérotation des revendications 11 à 13 en tant que revendications 1 à 3, respectivement, avec une modification en conséquence des revendications qui en dépendent;
2) invite la demanderesse à effectuer les modifications susmentionnées dans les trois (3) mois suivant la date de la décision du commissaire;
3) informe la demanderesse que, si les modifications susmentionnées ne sont pas apportées dans le délai prévu, le commissaire entend rejeter la demande.
M. Gillen M. Wilson J. Cavar
Président Membre Membre
Je souscris aux conclusions et aux recommandations de la Commission d’appel des brevets. Par conséquent, j’invite la demanderesse à apporter les modifications susmentionnées dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi j’entends rejeter la demande.
David Tobin
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
le 5 avril 2007