Commissioner’s Decision # 1275
Décision du Commissaire no 1275
TOPIC: O
SUJET : O
Application No.: 2,132,059
Demande no : 2,132,059
RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE
D. C. 1275 Demande no 2,132,059
Évidence
L’examinateur a refusé la demande au motif que les revendications étaient évidentes compte tenu de l’existence d’un brevet français et d’un brevet américain.
La Commission a conclu que le demandeur revendiquait une invention non évidente compte tenu des antériorités citées.
La demande a été renvoyée à l’examinateur pour qu’il en reprenne l’examen.
BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE DES BREVETS
La demande de brevet 2,132,059 ayant été refusée selon le paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, le demandeur a présenté une demande visant à faire réviser la « décision finale » de l’examinateur. La Commission d’appel des brevets et le commissaire des brevets ont donc examiné la décision de l’examinateur. Voici les conclusions de la Commission et la décision du commissaire.
Agent du demandeur
Gowling Lafleur Henderson LLP
2600-160, rue Elgin
Ottawa (Ontario)
K1P 1C3
La présente décision porte sur la requête du demandeur visant à faire réviser par le commissaire des brevets la « décision finale » rendue par l’examinateur le
12 mars 2003 concernant la demande 2,132,059, déposée le 14 septembre 1994 et intitulée (traduction) « PLATEAU DE SERVICE AVEC CREVETTES ». L’entreprise Contessa Food Products, Inc. est le demandeur et cessionnaire de John Z. Blazevich.
La Commission d’appel des brevets a tenu une audience le 15 décembre 2004. À l’audience, étaient présents M. Gregory Morrow, mandataire agréé pour le demandeur, Contessa Foods et MM. Konrad Sechley et Anthony Creber, et Mme Xiang Lu, agents de brevets de Gowlings. Le Bureau des brevets était représenté par M. Peter Ebsen, l’examinateur chargé de la demande.
La demande concerne un plateau de service utilisé pour servir des crevettes, ainsi qu’un grand nombre de crevettes.
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La figure 1 de la demande est une illustration d’une vue en perspective d’un exemple de réalisation du plateau.
Figure 2 une coupe transversale du même exemple de réalisation.
Le plateau est fabriqué d’une feuille de matériel plastique moulé pour former un rebord extérieur circulaire surélevé 14, une surface annulaire inclinée16 et une paroi annulaire 30 jointe au bord intérieur de la surface annulaire. Des crevettes cuites, décortiquées et déveinées sont disposées sur le côté reposant sur la surface annulaire, l’extrémité avant étant placée vers la paroi annulaire et la queue, vers le rebord extérieur.
Quarante-six (46) revendications sont associées à la demande, les revendications 1, 11, 20 et 33 étant des revendications indépendantes. La revendication 1 de la demande se lit comme suit :
[traduction] Un plateau de service avec crevettes, comprenant :
une surface annulaire munie d’une périphérie intérieure et d’une périphérie extérieure, la périphérie intérieure située radialement vers l’intérieur de la périphérie extérieure;
un rebord extérieur surélevé et disposé autour de la périphérie extérieure de la surface annulaire;
une paroi annulaire faisant saillie vers le haut à partir de la périphérie intérieure de la surface annulaire, où la surface annulaire se prolonge depuis la paroi annulaire jusqu’au rebord extérieur; et
des crevettes cuites, décortiquées et déveinées, queue incluse, chaque crevette comportant un côté, une extrémité avant et une queue;
où les crevettes sont disposées en cercle, l’une par rapport à l’autre, sur le côté reposant sur la surface annulaire, l’extrémité avant appuyée sur la surface annulaire et la queue orientée vers le rebord extérieur;
où chaque crevette est entièrement placée radialement vers l’extérieur de la paroi annulaire et empêchée de se déplacer radialement vers l’intérieur de la périphérie intérieure de la surface annulaire voisine de la paroi annulaire;
où la largeur de la surface annulaire mesurée radialement correspond à la longueur des crevettes sur le plateau de façon que les extrémités avant reposent à proximité de la paroi annulaire et les queues, à proximité du rebord extérieur afin que les crevettes puissent être retirées facilement du plateau en les prenant par la queue; et
où la surface annulaire est inclinée vers la périphérie intérieure à partir de la périphérie extérieure et est munie d’une partie inférieure afin de recevoir l’eau des crevettes.
Les autres revendications indépendantes énoncent des combinaisons semblables d’éléments. Dans les revendications 20 et 33, la surface annulaire est dotée d’une partie inférieure et, à la revendication 20, la partie inférieure est définie comme une rainure.
Dans la décision finale, l’examinateur citait les références suivantes afin de rejeter toutes les revendications ainsi que la demande :
Brevet français
397,802 8 mars 1909 Rammer
Brevet américain
1,949,285 27 février 1934 Porter
Le brevet français illustre une assiette ou un plateau sous différentes formes. Dans l’exemple de réalisation circulaire de la figure 1 du brevet, une zone centrale, circulaire et plate est entourée d’une paroi inclinée qui sépare la zone plate d’une deuxième zone annulaire. Une première catégorie d’aliment peut être placée dans la zone centrale et une deuxième catégorie d’aliment, dans la zone annulaire, la paroi inclinée séparant les deux catégories d’aliment. Dans certains exemples de réalisation, la zone annulaire comprend un fond plat. Il y a un rebord à l’arête extérieure de l’assiette afin d’éviter la chute des aliments.
Le brevet américain illustre un plateau utilisé pour le service de boissons. Ce plateau comporte un puits à fond plat, circulaire et central dans lequel les aliments peuvent être déposés. Une zone annulaire plate entoure le puits et en est séparée par une paroi annulaire verticale. La zone annulaire plate est de dimension appropriée pour loger des bouteilles ou des verres contenant des boissons. Cette zone annulaire plate est entourée d’un rebord périphérique surélevé à son bord extérieur afin d’empêcher la chute des bouteilles ou des verres. Elle comprend également une rainure qui peut servir de voie d’écoulement de l’eau de condensation des bouteilles ou des verres.
Dans sa décision finale, l’examinateur a déclaré, en partie :
[traduction] Le brevet Porter illustre tous les éléments du plateau de service de la revendication 1 sauf en ce qui à trait à la pente de la surface annulaire. L’inclinaison des surfaces en vue d’un meilleur drainage de l’eau est une solution bien connue et ne peut [sic] être considérée comme une étape inventive. Le brevet Porter illustre des rainures de drainage. Si le drainage est insuffisant parce que le plateau n’est ni transporté ni placé parfaitement à l’horizontale sur une surface, il est évident qu’une surface inclinée permettrait d’améliorer le drainage, faisant l’objet du brevet Rammer. Le plateau de service à aliments présente également des surfaces inclinées.
Les revendications au dossier ne sont pas conformes à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. L’objet de ces revendications aurait été évident à la date de la revendication compte tenu du brevet Porter et du fait notoire que des surfaces inclinées favorisent le drainage. L’objet de ces revendications est plus évident en tenant compte du plateau de service de Porter et de la connaissance que des surfaces d’un plateau de service peuvent être inclinées comme illustré dans le brevet Rammer.
Les revendications 2 à 46 définissent d’autres éléments sur le plateau de service comme des ouvertures de drainage dans le plateau et une cuvette d’égouttement de soutien permettant de recueillir l’eau s’écoulant par les ouvertures de drainage et de soutenir le plateau. Ces autres éléments sont des moyens courants et ne démontrent pas la moindre inventivité. Les revendications 2 à 46 sont aussi évidentes eu égard au brevet Porter et aux connaissances générales comme des surfaces inclinées et des ouvertures pour le drainage de l’eau.
Le 12 semptembre 2003, dans sa réponse à la décision finale, le demandeur a affirmé, en partie :
[traduction] La présente demande comporte 46 revendications dont les revendications 1, 11, 20 et 33 sont indépendantes. Le demandeur indique que dans chacune des revendications indépendantes la combinaison d’un plateau de service et de crevettes, est définie.
L’examinateur fournit un tableau à la page 2 de la décision finale qui compare l’objet de la revendication 1 avec celle du brevet américain 1,949,285 (Porter) et du brevet français 397 802 (Rammer). Le demandeur indique que seulement des parties sélectives de l’objet de la revendication 1 ont été introduites dans ce tableau aux fins de comparaison avec les antériorités, et que l’examinateur a comparé un élément (le plateau) de la combinaison des éléments définis dans la revendication 1 avec celui des antériorités. De plus, dans la section 3) de la décision finale, l’examinateur affirme que « ...les crevettes sont les aliments servis sur le plateau, mais qu’elles ne font pas partie du plateau ». Le demandeur indique qu’il ne s’agit pas d’une évaluation représentative de l’objet des revendications de la présente demande.
L’examinateur n’a cité ni autorité, ni jurisprudence de la Loi sur les brevets, sur lesquelles se fonder pour permettre la séparation des éléments de la combinaison revendiquée en vue de l’analyse fournie au tableau de la page 2 de la décision finale. Plutôt, il est présenté que la jurisprudence au Canada privigégie le besoin d’assurer que si une invention cible une combinaison d’éléments, comme c’est le cas dans la présente série de revendications, que la combinaison des éléments soit évaluée et non les éléments séparés.
......
La séparation d’une combinaison d’éléments en ses éléments constituants, et la comparaison d’un des éléments de la combinaison avec celui des antériorités ne prend pas en considération la combinaison des éléments revendiqués. Un examen du plateau et de ses antériorités ne prend pas en considération que la revendication 1 ou chacune ds revendications indépendantes restantes de la présente demande, définissent clairement une combinaison d’éléments comprenant le plateau et une quantité de crevettes.
.....
Le demandeur présente qu’il n’y a ni divulgation ni suggestion dans les brevets Porter ou Rammer, soit seul ou ensemble(sic), d’une combinaison comprenant un plateau et une quantité de crevettes, comme défini dans les revendications de la présente invention. De surcroît, une personne versée dans le domaine, à la lecture des antériorités citées, n’aurait pas abouti à la combinaison plateau-crevettes telle que définie dans les revendications1, 11, 20 et 33. En ce qui a trait aux revendications restantes, chacune dépendant des revendications 1, 11 , 20 et 33, elles comprennent les limitations des revendications indépendantes.
La seule question adressée à la Commission concerne le rejet des revendications et de la demande comme étant évidente eu égard au brevet Porter aux enseignements du brevet Rammer et à l’état des connaissances générales.
L’exigence que l’objet d’une invention ne doit pas être évident est élaborée dans l’article 28.3 de la Loi sur les brevets qui se lit comme suit :
L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :
a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;
b) qui a été fait par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.
Dans l’évaluation de la question de l’évidence, la Commission doit déterminer exactement l’objet de l’invention. Pendant l’audience, M. Morrow a donné une description détaillée de la méthode traditionnelle du conditionnement des crevettes, des difficultés liées à cette méthode et de la façon dont l’inventeur a surmonté ces difficultés.
Antérieurement, les crevettes étaient placées sur un plateau, la queue orientée vers le centre du plateau, l’épine dorsale, vers le haut et l’extrémité comestible, placée à l’extérieur du plateau. Afin de choisir une crevette, un consommateur devait atteindre la zone intérieure du plateau pour soulever une crevette par la queue (non comestible). Les crevettes étant très rapprochées, il y avait un risque que le fait d’enlever la première crevette puisse déloger plusieurs autres; le consommateur pouvait également toucher du doigt la partie comestible des autres crevettes, créant un danger de contamination.
Afin de résoudre ces difficultés, l’inventeur a réorienté la crevette afin que la partie queue (non comestible) soit placée à l’extérieur du plateau où elle est aisément accessible. De plus, le côté de chaque crevette touche à la surface annulaire, simplifiant ainsi le retrait de la première crevette sans déloger les autres ni toucher à leur partie comestible.
Après avoir imaginé une nouvelle façon d’orienter la crevette, l’inventeur a ensuite procédé à la conception d’un nouveau plateau permettant de loger la crevette réorientée. Puis, il a élaboré dans les revendications cette combinaison des crevettes réorientées et la nouvelle conception du plateau qui permet de soutenir les crevettes.
L’examinateur a cité deux références, chacune illustrant la majorité des éléments du plateau. Il y a un rebord, une surface annulaire pour soutenir des articles comme des
« amuse-gueules » ou des bouteilles et des verres, des parois pour séparer des différentes zones du plateau et des rainures de drainage. Ni l’un ni l’autre de ces plateaux n’est conçu spécifiquement comme plateau à crevettes, et dans la revendication visant le plateau, il n’est aucunement mentionné d’aliments particuliers, à plus forte raison des crevettes. Ni l’un ni l’autre de ces plateaux ne pourrait être utilisé pour soutenir des crevettes disposées selon l’orientation revendiquée sans être sensiblement modifié.
Un critère applicable en matière d’évidence a également été énoncé dans l’affaire Beloit Canada Ltd. C. Valmet OY, 8 C.P.R. (3d), 289 à la p. 294:
[traduction] Le critère du caractère évident ne signifie pas se demander ce qu’un inventeur compétent a fait ou aurait fait pour résoudre le problème. Par définition, les inventeurs sont inventifs. La formulation classique du caractère évident est le technicien compétent dans l’art mais n’ayant pas une parcelle d’inventivité ou d’imagination; un parangon de déduction et de dextérité, mais complètement privé d’intuition; un triomphe de l’hémisphère gauche sur l’hémisphère droit. La question pertinente est de savoir si, à la lumière des connaissances générales et de l’état de la science à la date revendiquée de l’invention, cette créature mythique (l’homme dans l’omnibus de Clapham du droit des brevets) aurati trouvé directement et sans difficulté la solution décrite dans le brevet. C’est un critère très difficile à satisfaire.
L’invention revendiquée est la combinaison des crevettes et du plateau. L’examinateur a cité les antériorités liées à une variété de plateaux qui illustrent la majorité des éléments du plateau de la présente demande, mais ne comprenant pas les caractéristiques spécifiques de la conception du demandeur. Faute de mentionner les crevettes ou le lien entre les crevettes et le plateau dans les antériorités, la Commission conclut que l’invention revendiquée dans la présente demande n’aurait pas été évidente pour un travailleur versé dans le domaine de la technologie à la date de l’invention.
Par conséquent, la Commission recommande que la décision de l’examinateur portant le rejet de la demande soit infirmée et que cette dernière soit renvoyée à l’examinateur pour qu’il en poursuive l’instruction conformément à la présente recommandation.
Michael Gillen John Cavar M. Wilson
Président Membre Membre
Je souscris aux conclusions et à la recommendation de la Commission d’appel des brevets voulant que la décision de l’examinateur portant le rejet de la demande soit infirmée; par conséquent, que la demande lui soit renvoyée pour réexamen conformément à la recommandation de la Commission.
David Tobin
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
ce 8 mars 2007