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Commissioners Decision # 1270

Décision du Commissaire # 1270

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPIC: C00

SUJET: C00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No: 577, 176

Demande no : 577,176

 

 


 

 

 

 

 

 

 

SOMMAIRE DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

D.C. 1270 Demande no 577,176

 

 

 

Appui insuffisant (C00)

 

La demande portait sur une protéine inhibitrice du facteur de nécrose tumorale partiellement caractérisée et contenait des revendications relatives à des molécules dADN recombinant codant cette protéine. La demande a été rejetée par lexaminatrice, principalement parce que la description ne présentait pas une séquence complète dacides aminés pour la protéine et que lisolement ou la production dune molécule dADN codant la protéine exigerait des expériences trop poussées. La Commission était daccord avec lexaminatrice et a jugé que la description ne faisait simplement quindiquer à une personne versée dans lart la voie qui pourrait être suivie pour finalement en arriver aux produits dADN souhaités.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU DES BREVETS DU CANADA

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet no 577,176 ayant été rejetée en application du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, la demanderesse a demandé la révision de la décision finale de lexaminatrice. La Commission dappel des brevets et le Commissaire aux brevets ont donc examiné le rejet. Voici les conclusions de la Commission et la décision du Commissaire :

 

 

 

 

 

 

 

 

Représentant de la demanderesse

 

Borden Ladner Gervais s.r.l.

100, rue Queen

Bureau 1100

Ottawa (Ontario)

K1P 1J9


La présente décision porte sur la requête présentée au Commissaire aux brevets lui enjoignant de réviser la décision finale de lexaminatrice relativement à la demande de brevet no 577,176, qui avait été déposée le 12 septembre 1988 pour une invention intitulée TUMOR NECROSIS FACTOR (TNF) INHIBITORY PROTEIN AND ITS PURIFICATION (PROTÉINE INHIBITRICE DU FACTEUR DE NÉCROSE TUMORALE (TNF) ET SA PURIFICATION).

La demanderesse est Yeda Research and Development Company Limited, représentante des inventeurs David Wallach, Hartmut Engelmann, Dan Aderka et Menachem Rubinstein.

 

Comme la demande de brevet en question a été déposée avant le 1er octobre 1989, toute référence à la Loi sur les brevets dans cette décision renvoie à la version de la Loi en vigueur juste avant cette date. 

 

Dans sa décision finale, émise le 30 juin 2000, lexaminatrice a rejeté les revendications 16 à 21 aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets à cause de leur caractère indéfini et les revendications 1 et 28 à 42 parce quelles nétaient pas appuyées par la divulgation.

 

Dans sa réponse datée du 27 décembre 2000, la demanderesse a soumis une nouvelle série de 28 recommandations. Dans un mémoire présenté à la Commission dappel des brevets en date du 25 juillet 2002, lexaminatrice a déclaré que les nouvelles revendications balayaient toutes les objections soulevées dans la décision finale sauf une. Lexaminatrice nétait pas convaincue que les nouvelles revendications 15 à 25, visant des produits et des procédés définis sur la base dune séquence nucléotidique codant une protéine inhibitrice du TNF, soient appuyées par la divulgation.

 

À linstance de la demanderesse, la Commission dappel des brevets a tenu une audience le 24 mars 2004, au cours de laquelle la demanderesse était représentée par le Dr David Conn, Mme Susan Beaubien et le Dr David Barrans, tous trois du cabinet Borden Ladner Gervais s.r.l., et par M. Henry Einav. Le Bureau des brevets était représenté par la Dre Holly Notman, examinatrice responsable de la demande, la Dre Linda Brewer et le Dr Daniel Bégin.

 

Linvention porte sur une protéine inhibitrice du facteur de nécrose tumorale (TNF) isolée dans lurine humaine. La protéine, qui est capable dinhiber la liaison du TNF aux cellules et, partant , peut inhiber leffet cytotoxique du TNF, est caractérisée du point de vue de son poids moléculaire, de son point isoélectrique et de sa séquence partielle dacides aminés.

 

La seule question à trancher par la Commission est de déterminer sil y a des éléments dans la demande pouvant appuyer les revendications portant sur une molécule dADN codant la protéine inhibitrice du TNF, des véhicules dexpression reproductibles et des cellules hôtes transformées comprenant cette molécule dADN et un procédé utilisant ces produits pour obtenir la protéine. Bien que lexaminatrice nait pas cité darticle de la Loi sur les brevets ou des Règles sur les brevets lorsquelle a rejeté les revendications au motif quelles nétaient pas appuyées par la divulgation, la Commission a présumé que le rejet était invoqué en vertu de la règle 174(2) des Règles.


 

 

 

Les revendications 15, 21, 23 et 25 sont représentatives des revendications visées par le rejet et se lisent comme suit :

 

[traduction]

15.       Une molécule dADN recombinant comprenant la séquence nucléotidique codant une protéine inhibitrice du TNF soluble dorigine naturelle qui comprend la séquence dacides aminés suivante : Asp-Ser-Val-Cys-Pro-Gln-Gly-Lys-Tyr-Ile-His-Pro-Gln-X-Asn-Ser, où X est un résidu non identifié dacides aminés qui a la capacité dinteragir avec le TNF de façon à :

(a) inhiber la liaison du TNF à un récepteur du TNF;

(b) inhiber leffet cytotoxique du TNF.

 

21.       Un véhicule dexpression reproductible comprenant la molécule dADN de lune ou lautre des revendications 15 à 19 et capable, dans une cellule hôte transformante, dexprimer ladite protéine soluble.

 

23.       Une cellule hôte transformée avec le véhicule dexpression reproductible de la revendication 21 ou 22.

 

25.       Un procédé pour la production dune protéine inhibitrice du TNF soluble, ayant la capacité dinteragir avec le TNF de façon à :

(a)        inhiber la liaison du TNF à un récepteur du TNF;

(b)        inhiber leffet cytotoxique du TNF, et comprenant les étapes de :

culture dune cellule hôte transformante conformément à la revendication 23 ou 24 dans un milieu de culture approprié; et disolement de cette protéine.

 

Dans sa décision finale, lexaminatrice a déclaré, entre autres :

 

[TRADUCTION] La demanderesse na pas isolé ni même situé le gène pertinent qui produit la protéine inhibitrice et nest donc pas en droit de revendiquer lADN génomique. La demanderesse nest pas en droit de revendiquer lADN codant la protéine car il na pas séquencé la protéine entière et ne peut donc préciser une séquence nucléotidique qui coderait la protéine. Il sensuit que la demanderesse nest pas en droit de revendiquer des vecteurs incorporant un ADNc ou des cellules transformées par lADNc hypothétique. Sans une séquence protéinique complète, la production dADNc, de vecteurs et de cellules transformées, ou lidentification de la séquence génomique, exigerait une expérimentation trop longue, même pour la personne versée dans lart.

 


La décision finale de lexaminatrice fait également référence à une décision du Commissaire (ci‑après appelée « Pasteur ») concernant la demande de brevet canadien no 1,338,323 (voir Re Institut Pasteur Patent Application 76 C.P.R. (3d) 206). Pour ce qui est de cette décision, lexaminatrice a déclaré, entre autres :

 

[TRADUCTION] Le Commissaire examinait les revendications touchant les anticorps monoclonaux qui navaient pas été préparés mais qui étaient considérés par la demanderesse comme pouvant être obtenus par une personne versée dans lart à laide de techniques classiques. Dans sa décision, le Commissaire a déclaré que bien que les méthodes de fabrication danticorps monoclonaux contre divers antigènes étaient connues dans le domaine au moment du dépôt (1987), lapplication de ces méthodes à un nouvel antigène constituait un nouveau procédé exigeant un nouveau protocole pour la production des hybridomes sécrétant des anticorps et des nouveaux anticorps monoclonaux dirigés contre lantigène. Il a ajouté que si un hybridome et un anticorps monoclonal contre certains antigènes avaient été préparés, il aurait été possible de juger admissibles dautres hybridomes et anticorps monoclonaux revendiqués, mais non préparés, ou préparés mais non testés, compte tenu du principe de la « prédiction valable ». Toutefois, en lespèce, aucun hybridome ni aucun anticorps monoclonal na été préparé, de sorte quil nexistait aucun élément pouvant étayer une prédiction valable. Ainsi,  comme aucun vecteur dADNc ni aucune cellule transformée nont été préparés dans la présente demande et quaucun gène ou protéine fonctionnellement équivalente nont été identifiés, ces produits ne peuvent être revendiqués.

 

Dans sa réponse à la décision finale, la demanderesse a soutenu ce qui suit :

 

[TRADUCTION] On trouvera dans la description aux pages 21 à 33 les arguments à lappui dun certain nombre de façons dobtenir lADN revendiqué de même que de façons de cloner un vecteur dexpression. Nous soutenons respectueusement que lenseignement contenu dans la description de même que létat de la technique au moment du dépôt de cette demande permettaient et permettent à une personne versée dans lart qui désire réussir et non échouer dobtenir linvention sans avoir à faire preuve dinventivité ni à faire trop dexpérimentation.

 

La demanderesse a également indiqué que dans la décision « Pasteur », [TRADUCTION]« le Commissaire sest trompé concernant certains points scientifiques et juridiques » et « sest fié à la jurisprudence américaine qui ne reflète pas létat du droit aux É.‑U. ». Lors de laudience, la demanderesse a soutenu que la décision « Pasteur » ne sapplique pas au cas examiné par la Commission en ce que 1) la demande ne renvoie pas une personne versée dans lart aux « techniques classiques » pour mettre en pratique linvention mais fournit plutôt des instructions pour appliquer linvention et 2) la prédiction valable de la demanderesse nest pas appuyée par des travaux effectués par dautres après le dépôt de la demande mais sappuie plutôt sur un [TRADUCTION] « article scientifique publié ultérieurement par des scientifiques travaillant au laboratoire des inventeurs (Nophar et coll.) qui confirment lapplication réussie de linvention... en suivant les instructions fournies dans cette demande. »

 


Les revendications qui sont rejetées sont définies, directement ou indirectement, en fonction dune protéine inhibitrice du TNF codant une séquence de nucléotides. Cette séquence nest pas cependant divulguée dans la demande. Cette dernière décrit plutôt des procédés, connus dans lart et non inventés par la demanderesse, quon pourrait appliquer pour obtenir la séquence. La demanderesse décrit la façon dont lARNm pourrait être extrait des cellules qui produisent la protéine inhibitrice du TNF et pourrait être converti en ADNc en utilisant la transcriptase inverse. LADNc pourrait ensuite être divisé en double brin et être inséré dans un vecteur pour transformer une cellule hôte appropriée. Une sonde doligonucléotide pourrait ensuite être utilisée pour passer au crible les clones contenant lADNc codant la protéine et si lon trouve lADNc recherché, celui‑ci pourrait alors être inséré dans un vecteur dexpression pour transformer une cellule hôte qui, à son tour, pourrait être cultivée pour produire la protéine. Toutefois, aucune preuve na été fournie dans la demande, ni lors de laudience, quà la date de dépôt de la demande, un ADNc avait été isolé et caractérisé.

 

Lors de laudience et dans son dossier sommaire pour laudience, la demanderesse a soutenu que les revendications rejetées faute dappui respectaient le critère de la « prédiction valable » défini par la Cour suprême dans la décision Apotex et al. c. Wellcome Foundation Limited et al.[2002] 4 R.C.S. 1530 (ci‑après appelée « Apotex ») où la « règle de la prédiction valable » a été définie comme comportant trois éléments : 1) un fondement factuel pour la prédiction; 2) un raisonnement clair et « valable » qui permet dinférer du fondement factuel le résultat souhaité; 3) une divulgation suffisante. Dans « Apotex », le breveté prédisait que lAZT serait utile dans le traitement et la prophylaxie du VIH/SIDA chez lêtre humain, et le critère en trois parties établi par la Cour était un critère pour prédire l’« utilité ». Le titulaire du brevet ne prédisait pas, comme dans la présente demande, quun composé chimique (une séquence doligonucléotides) qui navait pas été divulgué pourrait être obtenu en suivant un cheminement donné. De même, dans la décision ultérieure de la Cour suprême Monsanto Co. c. Commissaire des brevets [1979] 2 R.C.S. 1108, l’« utilité » dun groupe de composés tels que des inhibiteurs de la vulcanisation des caoutchoucs était « valablement prédite ». Bien que seuls quelques membres du groupe de composés aient été préparés et testés, tous les composés étaient entièrement divulgués du point de vue de leur structure chimique.

 

Dans « Pasteur », le Commissaire a refusé daccorder un brevet où lon revendiquait des anticorps monoclonaux parce que aucun navait été divulgué et quil ny avait aucun élément pouvant étayer une prédiction valable. La demande na pas été rejetée, comme la demanderesse lindiquait, parce que les « techniques classiques » auxquelles on faisait allusion nétaient pas complètement divulguées dans la demande ni parce que la prédiction suivant laquelle on pourrait obtenir des anticorps monoclonaux en suivant les enseignements de la divulgation était vérifiée/étayée par des travaux publiés après le dépôt des revendications effectuées par dautres plutôt que par quelquun du laboratoire de linventeur. La demande de « Pasteur » renvoyait une personne versée dans lart à des techniques qui pourraient être utilisées pour obtenir des anticorps monoclonaux sans divulguer comme tel les anticorps.

 


La Commission est convaincue que la demanderesse, ou une personne versée dans lart, aurait été capable dutiliser la séquence partielle dacides aminés divulguée dans la demande, comme outil pour obtenir finalement un ADNc, et peut‑être un gène, codant la protéine inhibitrice du TNF. Lors de laudience, la demanderesse a décrit la façon dont les scientifiques au laboratoire des inventeurs ont été en mesure de le faire. Toutefois, la demande ne fournit pas de renseignements sur la séquence de nucléotides à la base des revendications. La demande décrit plutôt une marche à suivre ou un processus à suivre pour obtenir une telle séquence et invite essentiellement les autres à suivre ce cheminement pour isoler la séquence. À cet égard, la demande est similaire à la demande « Pasteur ». La Commission nest pas convaincue quil y a eu « divulgation adéquate » pour ce qui est de la séquence de nucléotides codant un facteur inhibiteur du TNF et, partant, il ny a rien qui appuie les produits et les procédés définis dans les revendications 15 à 25. Le quid pro quo du système de brevet réside dans le fait quune personne doit divulguer son invention en échange des droits conférés par un brevet.

 

Bref, la Commission conclut que les revendications 15 à 25 ne respectent pas le paragraphe 174(2) des Règles sur les brevets et que lexaminatrice a rejeté à bon droit ces revendications. La Commission recommande que le Commissaire :

 

1) informe la demanderesse, conformément au paragraphe 31c) des Règles sur les brevets, quil doit apporter la modification suivante à sa demande pour se conformer à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets : suppression des revendications 15 à 25 et renumérotage des revendications 26 à 28, qui deviennent les revendications 15 à 17, respectivement;

 

2) invite la demanderesse à apporter la modification ci‑dessus dans les trois (3) mois suivant la date de la décision du Commissaire; et

 

3) avise la demanderesse que, si la modification ci‑dessus nest pas apportée dans les délais prescrits, le Commissaire compte refuser la demande.

 

 

 

M. Gillen                      M. Wilson                 J. Cavar

Président                      Commissaire              Commissaire

 

 

 

Je souscris aux conclusions et aux recommandations de la Commission dappel des brevets. Jinvite donc la demanderesse à apporter la modification ci‑dessus dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision; à défaut de quoi, jentends refuser la demande.

 

 

 

 

David Tobin

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec),

le 4 décembre 2006

 

 

 

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