Commissioner’s Decision # 1269
Décision du Commissaire # 1269
TOPIC: B20, B22, C00
SUJET : B20, B22, C00
Application No.: 610,944
Demande no : 610,944
RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE
D.C. 1269 Demande no 610,944
Portée excessive, revendications ayant une portée plus étendue que l’enseignement de la description (B20, B22, C00)
La demande concernait des hybridomes humains‑humains, des anticorps monoclonaux produits par ces hybridomes, les utilisations de ces anticorps monoclonaux et les compositions contenant ces anticorps. L’examinatrice a rejeté cette demande en invoquant que deux revendications avaient une portée plus étendue que les enseignements de la description et qu’elles devraient être limitées à un anticorps monoclonal particulier. La Commission n’était pas d’accord et a jugé que la description appuyait adéquatement l’utilisation de divers anticorps monoclonaux.
La demande a été renvoyée à l’examinatrice pour qu’elle en poursuive l’instruction.
BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
La demande de brevet 610,944 ayant été rejetée en vertu de la règle 30(4) des Règles sur les brevets, le demandeur a sollicité une révision de la décision finale de l’examinatrice. Le rejet a ensuite été étudié par la Commission d’appel des brevets et par le Commissaire aux brevets. Les conclusions de la Commission et la décision du Commissaire sont les suivantes :
Représentant du demandeur
Sim & McBurney
6e étage
330, avenue University
Toronto (Ontario)
M5G 1R7
La présente décision fait suite à une demande visant l’examen, par le Commissaire aux brevets, de la décision finale de l’examinatrice portant sur la demande 610,944, déposée le 11 septembre 1989 et intitulée « METHOD OF PRODUCING HUMAN-HUMAN HYBRIDOMAS, THE PRODUCTION OF MONOCLONAL AND POLYCLONAL ANTIBODIES THEREFROM, AND THERAPEUTIC USE THEREOF » (MÉTHODE DE PRODUCTION D’HYBRIDOMES HUMAINS‑HUMAINS, PRODUCTION D’ANTICORPS MONOCLONAUX ET POLYCLONAUX AVEC CETTE MÉTHODE ET USAGE THÉRAPEUTIQUE DE CES ANTICORPS). Le demandeur est Kenneth Alonso, qui est aussi l’inventeur.
Une audience a eu lieu devant la Commission d’appel des brevets le 7 mai 2003. M. John Woodley et M. Michael Calucci, du Cabinet Sim & McBurney, ont comparu au nom du demandeur. Le Bureau des brevets était représenté par la Dre Linda Brewer, l’examinatrice responsable de la demande.
La demande porte sur une méthode de production d’hybridomes humains‑humains, les hybridomes produits à l’aide de cette méthode, la production d’anticorps monoclonaux à partir de ces hybridomes et l’usage d’anticorps monoclonaux dans le traitement de troubles chez les humains. Plus particulièrement, les hybridomes humains‑humains sont produits par une méthode qui consiste à sensibiliser des splénocytes humains en les mélangeant avec des cellules tumorales humaines en présence d’un agent stimulant les splénocytes. Les splénocytes sensibilisés sont ensuite fusionnés avec des lymphocytes B humains, et enfin un hybridome qui produit des anticorps monoclonaux réagissant contre un certain antigène tumoral humain est sélectionné.
La demande contient 11 revendications. La revendication 1 porte sur une méthode de production d’hybridomes humains‑humains. Les revendications 2 à 8 dépendent directement ou indirectement de la revendication 1. La revendication 9 est une revendication indépendante concernant une méthode de fabrication d’une lignée cellulaire pour produire des anticorps monoclonaux. La revendication 10 a trait à l’utilisation d’un anticorps monoclonal produit à l’aide de la méthode décrite dans la revendication 8 alors que la revendication 11 vise une composition contenant cet anticorps.
Le 7 juin 2002, l’examinatrice a émis sa décision finale, dans laquelle elle a rejeté les revendications 10 et 11 en vertu de la règle 174(2) des Règles sur les brevets parce qu’elles avaient une portée plus étendue que l’enseignement de la description et n’étaient donc pas pleinement appuyées par la description. Dans sa décision finale, l’examinatrice a jugé que les revendications 1 à 9 étaient admissibles.
Les revendications 1 et 7 à 9, qui sont représentatives des revendications admissibles, se lisent comme suit :
[TRADUCTION]
1. Méthode de production d’hybridomes humains‑humains comprenant les étapes suivantes :
(a) fourniture d’une suspension qui contient des cellules provenant d’une tumeur humaine et d’une suspension qui contient des splénocytes humains;
(b) sensibilisation des splénocytes humains en suspension en mélangeant ces cellules avec des cellules tumorales humaines en présence d’un agent stimulant les splénocytes;
( c) fusion des splénocytes humains et des cellules tumorales humaines avec des lymphocytes B issus d’une lignée cellulaire distincte de celle des splénocytes déjà sensibilisés;
(d) tri des cellules fusionnées résultantes pour sélectionner au moins un hybridome qui produit des anticorps réagissant contre un antigène tumoral humain particulier;
(e) clonage de l’hybridome sélectionné.
7. La méthode décrite à la revendication 1, dans laquelle les cellules tumorales humaines sont des cellules d’adénocarcinome du côlon, d’adénocarcinome pulmonaire, d’adénocarcinome mammaire, de carcinome muco‑épidermoïde, de carcinome hépatocellulaire, de léiomyosarcome, de mélanome malin, de neurofibrosarcome, de carcinome épidermoïde de la langue, d’adénocarcinome du pancréas, des lymphoblastes (leucémie aiguë), des cellules de mycosis fongoïde, des cellules de carcinome en grains d’avoine, de cellules d’adénocarcinome de la prostate, des cellules de carcinome épidermoïde de l’oesophage, des cellules d’Ewing, des cellules d’adénocarcinome gastrique, des cellules d’adénocarcinome biliaire, des cellules (mucineuses) d’adénocarcinome de l’ovaire, des cellules (séreuses) d’adénocarcinome de l’ovaire, des lymphoblastes (lymphomes), des cellules de carcinome alvéolaire, des cellules de carcinome épidermoïde de l’anus, ou des cellules de glioblastome.
8. Méthode de production d’anticorps monoclonaux dirigés contre chacune des cellules cancéreuses conformément à la revendication 7, qui comprend la culture d’un hybridome produit selon la revendication 7 dans un milieu de culture et la récupération de ces anticorps dans ce milieu.
9. Méthode de production d’une lignée cellulaire continue qui produit des anticorps monoclonaux réagissant contre un cancer particulier et qui comprend les étapes suivantes :
(a) la sensibilisation de splénocytes humains en suspension en mélangeant les cellules avec un agent stimulant les splénocytes en présence de cellules tumorales humaines;
(b) la fusion des splénocytes humains et des cellules tumorales humaines avec des cellules médullaires ou des lymphoblastes de foetus humains pour produire des hybridomes;
(c) la sélection à partir desdits hybridomes d’un hybridome qui produit des anticorps réagissant contre seulement un antigène tumoral humain;
(e) l’expansion par clonage dudit hybridome choisi pour obtenir une lignée cellulaire.
Les revendications 10 et 11 rejetées se lisent comme suit :
[TRADUCTION]
10. Utilisation d’un anticorps monoclonal produit conformément à la revendication 8 pour la préparation d’un médicament anticancéreux.
11. Composition utile pour le traitement du cancer comprenant un anticorps monoclonal produit conformément à la revendication 8 et un véhicule pharmaceutiquement acceptable.
Dans sa décision finale, l’examinatrice a déclaré, entre autres :
[TRADUCTION] Les revendications 10 et 11 ont une portée plus étendue que l’enseignement de la description; ils ne sont donc pas pleinement appuyées par la description et ne respectent pas la règle 174(2) des Règles sur les brevets. La revendication 10 porte sur l’utilisation d’un produit censément nouveau, un anticorps monoclonal fabriqué au moyen de la méthode décrite à la revendication 8, pour la préparation d’un médicament. La revendication 11 concerne une composition qui contient un produit censément nouveau comme principal ingrédient, un anticorps monoclonal fabriqué au moyen de la méthode décrite à la revendication 8. La méthode exposée dans la revendication 8 vise à produire de nombreux anticorps monoclonaux par culture d’hybridomes obtenus à partir des cellules tumorales nommées à la revendication 7, lesdits hybridomes étant produits par la méthode décrite dans la revendication 1. Lesdits hybridomes obtenus à partir des cellules tumorales nommées et les anticorps monoclonaux produits par ces hybridomes ne sont pas entièrement divulgués dans la description. Ainsi, la revendication 10 englobe l’utilisation d’anticorps monoclonaux non divulgués pour la préparation d’un médicament, et la revendication 11 englobe des compositions contenant des anticorps monoclonaux non divulgués. Pour respecter la règle 174(2) des Règles sur les brevets, les revendications 10 et 11 doivent préciser que l’« anticorps monoclonal » utilisé est le seul anticorps monoclonal expressément divulgué dans la description, soit l’anticorps NFS‑84B dirigé contre des cellules de neurofibrosarcome, qui a reçu de l’ATCC le numéro HB983, comme il est indiqué à la page 30 (exemple 2).
Dans une décision publiée dans le Canadian Patent Reporter, du 4 février 1998, vol. 76 (3d), p. 206‑218, le Commissaire aux brevets a jugé après avoir examiné le brevet canadien 1,338,323 (délivré le 14 mai 1996) qu’un appui exemplaire était nécessaire pour les revendications visant des lignées cellulaires d’hybridomes et des anticorps monoclonaux comme nouveaux produits. Sans cette description spécifique, les revendications visant ces produits n’étaient pas considérées comme admissibles. Bien que les revendications 10 et 11 ne concernent pas des anticorps monoclonaux comme produits, ces revendications portent sur une utilisation et une composition tablant sur la nouveauté de certains anticorps monoclonaux qui conférera un caractère de nouveauté et d’utilité à l’utilisation et à la composition revendiquées. L’utilisation et la composition décrites dans les revendications 10 et 11 ne peuvent être établies sans l’identification d’anticorps monoclonaux spécifiques pour cette utilisation et cette composition.
.......................
Bien que le demandeur ait raison de déclarer que la présente demande décrit la production de plusieurs hybridomes, seul un hybridome est nommé dans la description (exemple 2), l’hybridome NFS‑84B ayant reçu de l’ATCC le numéro HB983. D’autres hybridomes, qui auraient été fabriqués dans les exemples 3 à 57 et qui produiraient des anticorps monoclonaux, ne sont pas nommés. Les anticorps monoclonaux censément produits par lesdits hybridomes ne sont pas caractérisés ou encore leur utilité n’a pas été démontrée dans la description.
Les exemples 3 à 57 montrent que diverses cellules tumorales humaines (également nommées dans la revendication 7) ont été fusionnées avec des cellules médullaires de foetus (BG‑231 ou no de l’ATCC CRL 9835), des cellules lymphoblastoïdes (BM‑95 ou no de l’ATCC CRL 9832), ou des cellules plasmatiques de myélome (BA‑160 ou ATCC CRL 9834) « préparées conformément à l’exemple 1 ». L’exemple 1, pages 16 à 17, désigne ces trois dernières lignées cellulaires par l’expression « lignées cellulaires de fusion », qui produisent des immunoglobulines de la classe des IgG, IgM et IgA, respectivement. Dans les exemples 3 à 57, on nomme des cellules tumorales et des lignées de fusion et on déclare que la fusion d’une cellule tumorale nommée avec une lignée de fusion a produit un hybridome qui a donné naissance à un anticorps monoclonal d’une des classes d’immunoglobulines nommées, ledit anticorps monoclonal réagissant « contre un antigène de surface idiotypique ». La description ne fait état d’aucune autre caractéristique desdits hybridomes ni ne caractérise les anticorps monoclonaux censément produits. Aucun nom, aucun numéro de dépôt ni aucun détail sur l’activité de liaison et l’utilité ne sont divulgués concernant un des hybridomes ou un des anticorps monoclonaux censément produits dans les exemples 3 à 57.
Dans sa décision du 21 septembre 2001, l’examinatrice a déclaré : « C’est la cellule de fusion utilisée qui détermine si un anticorps monoclonal produit au moyen de la méthode décrite dans l’invention présumée sera de la classe des IgG, IgM ou IgA, et aucun anticorps monoclonal n’est identifié ou caractérisé clairement. » Dans une lettre datée du 19 mars 2002, le demandeur répond ce qui suit :
« L’examinatrice soutient que l’isotype de l’anticorps produit par l’hybridome est déterminé par le partenaire de fusion utilisé. En fait, l’isotype de l’hybridome est déterminé par le type de lymphocyte qui sera fusionné avec le partenaire de fusion ».
Le terme « partenaire de fusion » n’apparaît nulle part dans la demande. Il semble que « le type de lymphocyte » signifie l’une des lignées cellulaires de fusion mentionnée dans le paragraphe précédent comme étant divulguée aux pages 16 et 17 de la description. Dans tous les exemples, sauf l’exemple 3, l’hybridome résultant sécrète un anticorps de la même classe d’immunoglobulines que la lignée cellulaire (cellules médullaires, lymphoblastoïdes, ou plasmatiques de myélome) utilisée pour la fusion. La description semble donc indiquer que la lignée de fusion détermine la classe d’immunoglobulines à laquelle appartient un anticorps monoclonal obtenu par la méthode décrite dans l’invention. La classe d’immunoglobulines de l’anticorps monoclonal résultant est donc connue sans qu’on fabrique l’anticorps monoclonal, mais d’autres caractéristiques de cet anticorps ne peuvent être prédites.
Dans sa réponse du 19 mars 2002, le demandeur dit également qu’il n’y a aucune exigence relativement au dépôt de toutes les lignées cellulaires revendiquées et que « les lignées cellulaires ont été adéquatement décrites du point de vue de leur spécificité et du type d’anticorps qu’elles produisent ». Bien qu’un dépôt ne remplace pas une description adéquate d’une invention alléguée dans la divulgation, un dépôt de matières biologiques auprès d’une autorité internationale de dépôt vient étoffer la description et permet à une personne versée dans l’art de reproduire et d’utiliser l’invention facilement. L’information sur le dépôt est divulguée dans l’exemple 2 pour l’hybridome NFS‑84B et l’anticorps monoclonal produit par cet hybridome.
Il est dit dans chacun des exemples 3 à 57 que l’anticorps monoclonal résultant réagit « contre un antigène de surface idiotypique ». Aucune donnée n’est présentée pour indiquer contre quel antigène est dirigé l’un des anticorps monoclonaux dans les exemples 3 à 57. En outre, aucune donnée n’est présentée pour montrer si chacun desdits anticorps monoclonaux réagit spécifiquement contre la cellule tumorale visée par l’hybridome produisant un anticorps monoclonal spécifique. L’exemple 2 divulgue au moins le poids moléculaire de l’antigène reconnu par l’anticorps monoclonal NFS‑84B.
Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur a déclaré, entre autres :
[TRADUCTION] L’examinatrice a émis une décision finale dans laquelle elle indique que les revendications 10 et 11 ont une portée plus étendue que l’enseignement de la description. L’examinatrice affirme que bien que la description divulgue l’hybridome NFS‑84B, elle ne présente pas d’information sur d’autres façons d’identifier ou de caractériser les anticorps monoclonaux produits par l’hybridome divulgué ou tout autre hybridome. En particulier, l’examinatrice soutient qu’aucun nom, numéro de dépôt, détail sur l’activité de liaison ou l’utilité ni aucune autre caractéristique ne sont divulgués pour d’autres anticorps monoclonaux censément produits, comme dans les exemples 3 à 57.
L’examinatrice cite la décision du Commissaire aux brevets concernant le brevet canadien 1,338,323 (délivré le 14 mai 1996), publiée dans le Canadian Patent Reporter (CPR), le 4 février 1998, vol. 76 (3d), pages 206‑218, où il est dit ceci :
Il n’y avait aucune description de l’hybridome revendiqué ni aucune description d’une méthode pour le préparer. Les seules indications étaient qu’il pouvait être préparé par des « techniques classiques ». Bien que les méthodes de fabrication d’anticorps monoclonaux dirigés contre divers antigènes soient connues dans le domaine, l’application de ces méthodes à un nouvel antigène constituait un nouveau procédé nécessitant un nouveau protocole pour produire les hybridomes sécrétant les anticorps et les nouveaux anticorps monoclonaux dirigés contre l’antigène. Le demandeur ne pouvait compter sur le travail d’autres personnes après le dépôt du brevet pour appuyer ces revendications. La description ne contenait pas de référence ni de description claires qui auraient permis à une personne versée dans l’art de fabriquer et d’utiliser l’invention sans procéder à une expérimentation considérable qui demande beaucoup de temps.
Dans notre correspondance du 19 mars 2002, nous avons indiqué à l’examinatrice la façon dont le cas mentionné ci‑dessus ne s’appliquait pas à la demande actuelle, car dans le cas susmentionné, aucun hybridome ni anticorps n’étaient fabriqués. Par contre, la présente demande décrit expressément la production de plusieurs hybridomes et la production d’anticorps monoclonaux dérivés de ces hybridomes. Dans le présent rapport du Bureau des brevets, l’examinatrice abonde dans ce sens, indiquant à la page 2 que « la présente demande décrit la production de plusieurs hybridomes ». Répétons que la présente demande non seulement divulgue la fabrication de divers hybridomes mais également la production d’anticorps monoclonaux à partir de ces hybridomes.
Le point en litige dans la décision publiée dans le vol. 76 du CPR (3e) 206 était la question de savoir si la demande de brevet fournissait une divulgation suffisante pour permettre « une prédiction valable » pour ce qui est de l’objet revendiqué. Il a été décidé que le principe de la « prédiction valable » ne s’appliquait pas, surtout parce que « la description ne contenait pas de référence ni de description claires qui aurait permis à une personne versée dans l’art de fabriquer et d’utiliser l’invention sans procéder à une expérimentation considérable qui demande beaucoup de temps ». Autrement dit, les inventeurs avaient un nouveau rétrovirus et ont revendiqué des anticorps dirigés contre la région du virus, mais ils n’ont pas divulgué de méthode de fabrication d’un hybridome, ni d’hybridome ou d’anticorps monoclonal fabriqué à l’aide de cette méthode. Ce cas est très différent de celui qui nous occupe. Dans l’invention actuelle, le demandeur présente divers hybridomes et anticorps monoclonaux isolés obtenus à partir de ces hybridomes. Ainsi, le concept de « prédiction valable » s’applique amplement compte tenu de la description écrite explicite. Par exemple, le mémoire descriptif divulgue expressément un protocole pour la fabrication d’anticorps à la page 21, la façon de purifier les anticorps à la page 22, la façon de caractériser les études d’électrophorèse SDS‑PAGE et d’immunoavidité par Western Blot aux pages 8 et 23, ainsi que la façon de déterminer la liaison des anticorps à la page 25. Ces tests permettraient à une personne ordinaire versée dans l’art de déterminer la taille approximative de l’anticorps monoclonal de même que sa réactivité spécifique aux antigènes de surface idiotypiques sur les cellules tumorales à partir desquelles l’hybridome a été produit. Voir également la page 30, Exemple 2.
Compte tenu de ce qui précède, j’aimerais à ce stade faire référence à la page 218 du CPR 76 (3d) où il est dit :
Dans l’affaire qui nous occupe ,le demandeur ne démontre pas au moyen d’exemples ou d’énoncés généraux les étapes qu’il a suivies pour produire des hybridomes qui sécrètent des anticorps monoclonaux pouvant se fixer uniquement à l’antigène spécifique. Si un hybridome et un anticorps monoclonal contre certains antigènes avaient été préparés, il aurait été possible de juger admissibles d’autres hybridomes et anticorps monoclonaux revendiqués, mais non préparés, ou préparés mais non testés, compte tenu du principe de la « prédiction valable ». En l’espèce, la divulgation ne contient aucun renseignement sur un anticorps monoclonal de sorte qu’il n’existe aucun élément pouvant étayer une prédiction valable.
La Commission a conclu que si des hybridomes et des anticorps monoclonaux avaient été préparés, le principe de la « prédiction valable » aurait pu être appliqué avec succès. La présente demande fournit clairement un exemple explicite qui est beaucoup plus détaillé que tout ce qui a été présenté dans le brevet dont il est question dans l’affaire susmentionnée. Nous sommes donc respectueusement d’avis que la décision publiée dans le CPR 76 (3d), page 206, appuie en fait la présente demande, le principe de « prédiction valable » pouvant être appliqué avec succès en raison de la description explicite fournie dans la demande. Le concept de « prédiction valable » et son utilisation dans la pratique canadienne ont été déjà reconnus comme acceptables dans le CPR 65 (2d) 73 (Ciba-Geigy AG v. Commissioner of Patents) : même si le Commissaire aux brevets estimait que « l’objet n’avait pas été testé et que les revendications étaient spéculatives », en appel, on a jugé que « le mémoire descriptif montre la prédictabilité du résultat particulier ».
L’examinatrice a soutenu que les revendications 10 et 11 doivent viser respectivement l’utilisation d’un anticorps monoclonal réellement produit et une composition comprenant un anticorps monoclonal réellement produit. Nous ne sommes pas d’accord parce que l’anticorps monoclonal produit dans la revendication 10 ou dans la revendication 11 dépendra nécessairement de la cellule tumorale utilisée, du type de celles revendiquées à la revendication 7. Cette idée est renforcée par les revendications, car les revendications 10 et 11 dépendent finalement de la revendication 7. Ainsi, sur la base du principe de la « prédiction valable » et compte tenu des détails fournis dans les exemples où l’on décrit la production de divers anticorps à partir de divers hybridomes, nous demandons respectueusement que l’examinatrice réexamine son objection aux revendications 10 et 11.
Tant l’examinatrice que le demandeur ont soumis au Commissaire aux brevets la décision concernant la demande présentée sous le numéro de brevet canadien 1,338,323 (ci‑après « Pasteur » publié sous le titre Institut Pasteur Application 76 C.P.R. (3d) 206).
Dans « Pasteur », le Commissaire a refusé d’accorder un brevet où l’on revendiquait un anticorps monoclonal et un hybridome. Dans sa décision, il déclare entre autres :
[TRADUCTION] .... le demandeur ne démontre pas au moyen d’exemples ou d’énoncés généraux les étapes qu’il a suivies pour produire des hybridomes qui sécrètent des anticorps monoclonaux pouvant se fixer uniquement à l’antigène spécifique. Si un hybridome et un anticorps monoclonal contre certains antigènes avaient été préparés, il aurait été possible de juger admissibles d’autres hybridomes et anticorps monoclonaux revendiqués, mais non préparés, ou préparés mais non testés, compte tenu du principe de la « prédiction valable ». En l’espèce, la divulgation ne contient aucun renseignement sur un anticorps monoclonal de sorte qu’il n’existe aucun élément pouvant étayer une prédiction valable. La Commission arrive à la conclusion qu’il n’existe pas suffisamment de renseignements concernant la méthode fondamentale à utiliser et les modifications pouvant être apportées à la méthode de base à l’égard des antigènes spécifiques divulgués.
La demande « Pasteur » ne décrit pas d’hybridomes ni de « méthode de base » pour la préparation de ces hybridomes. Par contre, la demande qui nous occupe décrit un procédé détaillé pour la préparation d’un hybridome humain‑humain sécrétant un anticorps monoclonal. L’exemple 1 décrit la préparation d’une suspension de cellules tumorales/splénocytes humains, la sensibilisation de ces splénocytes avant leur fusion avec des lymphocytes B humains, les lignées de fusion des lymphocytes, l’étape de fusion, le tri des hybridomes et la production, la purification et la caractérisation des anticorps. Le procédé décrit dans l’exemple 1 est la « méthode de base » pour la préparation d’hybridomes ou d’anticorps monoclonaux.
L’exemple 2 décrit la préparation de l’hybridome NFS‑84B (déposée auprès de l’ATCC sous le no HB893) à l’aide de la méthode citée à l’exemple 1. Les exemples 3 à 57 divulguent la préparation de 55 autres hybridomes à partir de cette « méthode de base ».
De toute évidence, la demande qui nous occupe diffère de celle qui est à l’origine de la décision « Pasteur ». Toutefois, l’examinatrice a cité la décision « Pasteur » pour soutenir que les hybridomes qui ne sont pas accompagnés d’une « description spécifique » ne peuvent être revendiqués. L’examinatrice estime que seul l’hybridome NFS‑84B (exemple 2) est expressément décrit vu qu’il est nommé et « déposé »; ainsi, les revendications 10 et 11 doivent être limitées à l’anticorps monoclonal produit par cet hybridome.
Le paragraphe 34(1) de la Loi sur les brevets, dans sa version antérieure au 1er octobre 1989, dit ce qui suit :
Dans le mémoire descriptif, le demandeur doit
(a) ....
(b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;
(c ) ....
Au paragraphe 38.1de la Loi, il est question du dépôt d’un échantillon de matières biologiques qui doit faire partie du mémoire et il doit en être tenu compte lorsqu’on détermine si le paragraphe 34(1) de la Loi a été respecté. Un dépôt peut donc être utilisé pour compléter la description écrite de l’invention lorsqu’on ne peut se conformer aux exigences du paragraphe 34(1) de la Loi par des mots seulement.
Dans la présente demande, le demandeur a divulgué une méthode censément nouvelle de préparation d’hybridomes humains‑humains sécrétant des anticorps monoclonaux. Cinquante‑six exemples sont fournis où des hybridomes sont préparés conformément à la méthode. On décrit chaque hybridome en indiquant les cellules tumorales et les splénocytes qui sont mélangés ensemble, une lignée de fusion et une classe d’anticorps monoclonaux sécrétés. Chaque exemple mentionne que l’anticorps réagit contre un antigène de surface idiotypique. Chaque type de cellules tumorales énumérées à la revendication 7 est utilisé au moins dans un des exemples.
La Commission estime que le demandeur a décrit ses hybridomes et leur méthode de préparation de façon suffisamment détaillée pour qu’une personne versée dans l’art puisse appliquer l’invention sans référence à un dépôt de matières biologiques. La Commission ne reconnaît pas que les revendications 10 et 11 ont une portée plus large que le contenu de la description et qu’elles doivent être limitées à l’hybridome NFS‑84B.
La Commission recommande donc que le rejet des revendications 10 et 11 par l’examinatrice soit annulé et que la demande soit renvoyée à l’examinatrice pour instruction future.
M. Gillen M. Wilson J. Cavar
Président Membre Membre
Je souscris à la recommandation de la Commission d’annuler le rejet des revendications 10 et 11 par l’examinatrice et suis d’avis que la demande doit être renvoyée à l’examinatrice pour instruction future.
David Tobin
Commissaire aux brevets
Fait à Gatineau (Québec)
le 29 novembre 2006