Décision du commissaire #1254
Commissioner's Decision #1254
SUJET : A-40, F-00
TOPIC: A-40, F-00
Demande no : 2,045,105 (Classe IPC A01K-001/015)
Application No: 2,045,105 (Class IPC A01K-001/015)
RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE
D.C. 1254 Demande no : 2,045,105
Dépôt d’une demande suivant l’octroi d’un brevet étranger
L’examinatrice a refusé la présente demande au motif qu’un brevet couvrant la même invention a été octroyé au demandeur aux États‑Unis avant la date de dépôt de la demande présentée au Canada, contrevenant ainsi au paragraphe 27(2) de la Loi sur les brevets en vigueur au moment du dépôt de la demande. La Commission partage l’avis de l’examinatrice.
La demande a été refusée par le commissaire aux brevets.
BUREAU DES BREVETS CANADIENS
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
La demande de brevet no 2,045,105 ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, le demandeur a sollicité la révision de la décision finale. Le refus a donc été examiné par la Commission d’appel des brevets et par le commissaire aux brevets. Les conclusions de la Commission et du commissaire sont exposées dans les pages qui suivent.
Agent du demandeur
Smart and Biggar
Boîte postale 2999
Station D
Ottawa (Ontario)
K1P 5Y6
La présente décision concerne la demande présentée par le demandeur visant la révision par le commissaire aux brevets de la décision finale de l’examinatrice relativement à la demande de brevet no 2,045,105 (CIB A01K-001/015) déposée le 20 juin 1991 par la société American Colloid. L’inventeur est John Hughes et la demande s’intitule « Animal Dross Absorbent and Method ». Le 25 juillet 1997, l’examinatrice saisie a refusé la demande dans sa décision finale. À la requête du demandeur, la Commission d’appel des brevets, formée de M. Peter Davies, président et de M. Murray Wilson, membre, a tenu une audience le 27 juin 2001, au cours de laquelle le demandeur était représenté par MM. Solomon Gold et James Baker du cabinet Smart and Biggar. M. Don Eisenhower, employé du demandeur, était également présent. Mme Shirley Arpin représentait le bureau des brevets.
La demande concerne un bac de litière, un mélange servant à absorber les excréments des animaux et une méthode d’élimination des excréments liquides du bac.
La figure 1 de la demande montre un bac de litière contenant le mélange absorbant.
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L’examinatrice a cité le dossier d’antériorité suivant dans la décision finale :
Brevet américain
5,000,115 19 mars 1991 Hughes déposé le 13 janvier 1989
Dans sa décision finale, l’examinatrice a indiqué :
[traduction] La présente demande n’est pas conforme au paragraphe 27(2) de la Loi sur les brevets dans sa version antérieure au 1er octobre 1996. Le brevet américain a été octroyé le 19 mars 1991, date antérieure au dépôt de la demande présentée au Canada couvrant la même invention. En outre, la demande canadienne n’a pas été déposée dans un délai de douze mois à compter de la date à laquelle elle a été déposée en premier lieu à l’étranger, soit le 13 janvier 1989 aux États‑Unis, relativement à la même invention.
Les revendications 1 à 20 concernent la même invention que celle visée dans le brevet américain cité précédemment.
...
Dans le brevet américain 5,000,115, nous trouvons des revendications visant un bac de litière, un mélange absorbant et une méthode. Les revendications générales concernent notamment l’utilisation de mélanges absorbants composés de particules d’argile bentonite gonflante à l’eau, dont la taille approximative est de 50 à 3350 microns. Lorsqu’on les mouille, ces particules peuvent s’agglomérer en une boulette d’une taille et d’une solidité suffisantes pour être éliminée du bac.
Dans la colonne 5, lignes 62 à 66, du brevet, il est précisé que l’argile gonflante peut être de l’argile bentonite de sodium. Dans la colonne 6, lignes 60‑62, on peut lire que l’argile gonflante équivaut à au moins 65 % du poids du mélange. Cette propriété est également mentionnée dans la revendication 6 du brevet. Dans la revendication 4, on nous dit que les petites particules ont une taille de l’ordre de 50 à 600 microns.
...
Dans sa réponse en date du 26 janvier 1998, le demandeur a indiqué, notamment :
[traduction] L’examinatrice a rejeté les revendications 1 à 20 suivant le paragraphe 27(2) de la Loi sur les brevets, parce qu’elles couvrent la même invention que celle dans le brevet américain no 5,000,115 octroyé au demandeur.
....
L’article vise la demande de brevet au Canada « pour une invention à l’égard de laquelle une demande de brevet a été faite dans tout autre pays » et il indique que le demandeur « n’a pas le droit d’obtenir au Canada un brevet couvrant cette invention » à moins de satisfaire à deux conditions. Les deux conditions sont énoncées aux alinéas a) et b). L’alinéa a) mentionne l’octroi d’un brevet « couvrant cette même invention » et l’alinéa b), le dépôt d’une demande « de brevet pour une invention ». Le critère est donc de savoir s’il s’agit d’une demande de brevet couvrant la même invention. Il ne s’agit pas de savoir, dans cet article, s’il existe un esprit inventif, mais plutôt si l’invention est la même. L’article vise un caractère de nouveauté très particulier. Rien dans l’article ne justifie des arguments fondés sur l’absence d’invention ou d’évidence. Selon le demandeur, la seule question visée au paragraphe 27(2) devrait donc être de savoir si la présente demande couvre la même invention que celle dans le brevet américain.
Selon le demandeur, pour répondre à la question de savoir si la demande couvre la même invention, il faut examiner les revendications. Ce sont les revendications qui définissent l’invention dans une demande ou un brevet. Elles précisent sa portée. Il est bien établi en droit que pour déterminer la portée d’une revendication, il n’est pas permis de consulter la divulgation à moins que la teneur même de la revendication ne soit pas claire. Par conséquent, selon le demandeur, la seule question à trancher suivant le paragraphe 27(2) est de savoir si la portée des revendications contenues dans le brevet américain est la même que celle contenue dans les présentes revendications. Nous soutenons que la portée des revendications est nettement différente dans les deux documents.
Le brevet américain et la présente demande concernent des litières pour chat et le mélange qui compose ces litières. Vu que les deux inventions proviennent du même inventeur, il n’est pas étonnant qu’elles possèdent plusieurs caractéristiques communes. Toutefois, aucune des revendications contenues dans le brevet américain ne mentionne le bentonite de sodium. Par contre, toutes les revendications contenues dans la présente demande canadienne exigent le bentonite de sodium. Le demandeur soutient que cette différence devrait clore la discussion. La seule question à laquelle on devrait répondre est de savoir si les revendications sont les mêmes, si elles ont la même portée. Il est clair qu’elles ne sont pas les mêmes.
Dans Xerox of Canada Ltd. c. IBM Canada Ltd., 33 C.P.R. (2d) 24, la Cour fédérale a examiné la question concernant la délivrance antérieure ou le double brevet. Cette question porte sur la comparaison de la portée des revendications contenues dans deux documents et, ainsi, présente une question semblable à celle qui doit être tranchée en l’espèce. Aux pages 57 et 58, la Cour a adopté, en l’approuvant, le commentaire de Harold G. Fox c.r. dans son sommaire de l’arrêt Lovell Manufacturing Co. et al c. Beatty Bros. Ltd., lequel commentaire comprenait la déclaration suivante :
[traduction] « Mais pour ce faire, l’objet des deux brevets doit être identique. Une revendication subséquente ne devient pas nulle au motif qu’il existe une revendication antérieure à moins que les deux revendications ne soient exactement les mêmes. »
Aucune des revendications contenues dans le brevet américain ne se rapporte à un mélange de litière pour chat dans laquelle le bentonite de sodium est requis. En fait, aucune des revendications faites aux États‑Unis n’a la moindre mention de bentonite de sodium. Cette différence à elle seule met fin à toute discussion. Les revendications ne sont clairement pas « exactement les mêmes.
Au cours de l’audience tenue devant la Commission, M. Gold a fait valoir trois arguments distincts favorables à la thèse de son client. En voici le résumé :
1. Le paragraphe 27(2) de la Loi sur les brevets ne peut s’appliquer en l’espèce parce que le brevet américain en cause a été octroyé après la date de priorité conventionnelle revendiquée précisée dans la présente demande et la jurisprudence récente indiquent qu’on devrait tenir compte de la date de priorité;
2. La présente demande n’est pas liée à la même invention que celle qui est contenue dans le brevet américain parce que les revendications ne sont pas exactement les mêmes dans les deux cas;
3. L’invention divulguée et revendiquée dans la présente demande constitue une amélioration par rapport à celle qui est revendiquée dans le brevet américain.
Le paragraphe 27(2) de la Loi sur les brevets, dans sa version antérieure au 1er octobre 1996, indique :
Un inventeur ou représentant légal d’un inventeur, qui a fait une demande de brevet au Canada pour une invention à l’égard de laquelle une demande de brevet a été faite dans tout autre pays par cet inventeur ou son représentant légal avant le dépôt de sa demande au Canada, n’a pas le droit d’obtenir au Canada un brevet couvrant cette invention sauf si sa demande au Canada est déposée, soit
a) avant la délivrance de quelque brevet à cet inventeur ou à son représentant légal couvrant cette même invention dans tout autre pays, soit,
b) si un brevet a été délivré dans un autre pays, dans un délai de douze mois à compter du dépôt de la première demande, par cet inventeur ou son représentant légal, d’un brevet pour une invention dans tout autre pays.
Voici le texte de la revendication 1 contenue dans la présente demande :
Un bac de litière comprenant un récipient hydrofuge dans lequel on a mis un mélange absorbant capable de s’agglomérer lorsqu’il est mouillé et de former une boulette d’une taille et d’une solidité suffisantes pour qu’il soit possible de l’éliminer du bac après l’avoir laissée sécher à la température de la pièce pendant une période allant d’une heure à environ 24 heures; le poids du mélange absorbant est constitué dans une proportion d’au moins 65 % des particules d’argile bentonite de sodium non compactée, dont la taille approximative est de 50 à 3350 microns, ce qui comprend une quantité suffisante de petites particules pour l’agglomération du mélange absorbant en ladite boulette lorsqu’on le mouille, la taille approximative des particules allant de 50 à 600 microns.
Voici le texte de la revendication 1 contenue dans le brevet américain no 5,000,115 :
Un bac de litière comprenant un récipient hyrdrofuge dans lequel on a mis un mélange absorbant capable de s’agglomérer lorsqu’il est mouillé et de former une boulette d’une taille et d’une solidité suffisantes pour qu’il soit possible de l’éliminer du bac; le mélange absorbant est constitué de particules d’argile bentonite non compactée gonflante à l’eau, dont la taille approximative est de 50 à 3350 microns, et qui comprennent une quantité suffisante de petites particules pour qu’une bonne quantité de l’argile s’agglomère lorsqu’on la mouille.
Le premier argument du demandeur est fondé sur la décision Bayer AG c. Apotex 84 C.P.R.(3d) 23, rendue par la Cour fédérale. À la page 38 de cette décision, le juge Gibson dit :
[55] ...... Vu ma conclusion concernant l’interprétation du paragraphe 28(2) de la Loi, il n’est pas nécessaire que j’examine cette question. Toutefois, très succinctement, à l’issue d’un tel examen, je dirais que je suis convaincu que les paragraphes 28(2) et 29(1) doivent être rapprochés de manière à ce que les mentions relatives au « dépôt » d’une demande au Canada au paragraphe 28(2) ne visent pas simplement le dépôt réel, mais toute date où prend effet le dépôt ou date prioritaire à laquelle a droit le requérant en vertu du paragraphe 29(1)......
La Commission fait observer que, dans cette décision, la Cour comparait les paragraphes 28(2) et 29(1) de la Loi sur les brevets dans sa version antérieure au 1er octobre 1989. Dans les modifications à la Loi sur les brevets entrées en vigueur à cette date, le paragraphe 28(2) est devenu le paragraphe 27(2), alors que le paragraphe 29(1) a été abrogé et remplacé par l’article 28.4.
Le paragraphe 27(2) de la Loi s’applique en corrélation avec l’article 11. L’article 11 autorise toute personne à demander au commissaire si une demande de brevet couvrant la même invention que celle contenue dans un brevet accordé dans un autre pays est en instance au Bureau des brevets. Dans la négative, la personne peut être certaine que cette invention ne pourra être brevetée au Canada à cause des dispositions du paragraphe 27(2).
En outre, le Canada a l’obligation, en raison de son adhésion à la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle de 1883, modifiée, d’autoriser le demandeur à déposer une demande au Canada dans les douze mois suivant le dépôt d’une demande prioritaire dans un autre pays membre de la convention. Cette obligation peut être incompatible avec les dispositions de l’alinéa 27(2)a), mais l’alinéa 27(2)b) concilie cette incompatibilité parce qu’il permet de déposer une demande de brevet au Canada même après qu’un brevet couvrant la même invention ait été accordé dans un autre pays, pourvu que la demande soit déposée au Canada dans les douze mois suivant le dépôt de la première demande de brevet pour cette invention dans un autre pays.
Si l’interprétation donnée au paragraphe 27(2) dans la décision Bayer AG c. Apotex est exacte (la date de dépôt mentionnée est la date de priorité), alors les conditions requises par les dispositions de l’alinéa 27(2)b) ne seront jamais réunies parce que le brevet ne peut être délivré avant sa date de dépôt prioritaire. La Commission arrive donc à la conclusion que cette interprétation est inexacte et que la date de dépôt à laquelle le paragraphe 27(2) renvoie est la date de dépôt réelle au Canada, le 20 juin 1991 en l’espèce.
De toute manière, la Commission fait également remarquer qu’il s’agit dans cet extrait des remarques incidentes prononcées par le juge Gibson.
Pour étayer son deuxième argument, le demandeur a porté à l’attention de la Commission la décision Xerox of Canada Ltd. c. IBM Canada Ltd., 33 C.P.R. (2d) 24, dans laquelle la Cour a examiné, particulièrement au paragraphe qui relie les pages 57 et 58, la question de l’invalidation fondée sur la délivrance antérieure d’un autre brevet canadien ou le double brevet.
En l’espèce, la demande n’est pas refusée parce qu’elle revendique la même invention qu’un brevet canadien antérieur, mais parce qu’il s’agit d’une demande « couvrant la même invention » pour laquelle l’inventeur a déjà obtenu un brevet dans un autre pays. Il est donc nécessaire d’étudier à la fois les revendications et la divulgation relative à chaque document pour déterminer si le brevet américain et la présente demande couvrent la même invention. Les revendications contenues dans la demande établissent les limites du monopole, mais le mémoire descriptif décrit l’invention : il est donc nécessaire d’examiner d’abord en quoi consiste l’invention qui est décrite et, ensuite, d’examiner les limites que les revendications apportent à l’invention qui a été décrite.
Dans l’arrêt Refrigerating Equipment Limited vs W. A. Drummond and Waltham System Incorporated (1930) R.C. de l’É. 154, le juge McLean a examiné le sens du paragraphe 27(2) (à cette époque, le paragraphe 8(2)) de la Loi sur les brevets :
[traduction] L’invention est décrite en l’espèce comme étant une méthode de réfrigération; elle est, à tous égards, pareille au brevet en cause. Pourtant, elle n’est pas exactement la même, le texte de ce dernier est quelque peu différent, les dessins le sont également et d’infimes changements structurels dans la façon d’appliquer la méthode sont proposés. La demande concernant ce brevet a été faite aux États‑Unis, le 7 décembre 1923. Le demandeur prétend que le brevet en cause est essentiellement le même que le brevet américain délivré en novembre 1927 et que, dans la mesure où la demande au Canada n’a pas été faite dans un délai de douze mois à compter de la date où la demande a été présentée aux États‑Unis, le brevet est donc nul en vertu du paragraphe 8(2) de la Loi sur les brevets. Je reconnais que les deux brevets décrivent pratiquement le même objet, mais ils présentent tout de même des différences quant aux aspects que j’ai déjà mentionnés. Je ne crois pas que la demande de brevet en cause puisse être traitée comme une demande qui relève de l’application de la convention. Dans ce cas, la demande doit couvrir la même invention que celle qui fait l’objet de la demande à l’étranger, et les revendications ne doivent rien englober qui ne soit compris dans la demande faite à l’étranger. Aucune modification ni aucun agrandissement, aussi infimes soient‑ils, ne sont possibles puisqu’ils ne sauraient alors s’appliquer à l’invention faisant l’objet de la demande à l’étranger. Je suis donc d’avis que le demandeur n’a pas raison sur ce point et que le brevet en cause ne peut être annulé pour ce motif.
Cette décision fait ressortir l’existence de différences importantes entre l’appareil décrit aux États‑Unis et celui décrit au Canada. Elle ne se voulait pas uniquement un exercice de comparaison entre les deux ensembles de revendications, comme celui auquel le demandeur voudrait que la Commission se livre dans la présente demande. M. le juge Maclean a examiné la véritable invention, décrite et illustrée dans le mémoire descriptif. Lorsqu’il a conclu à l’existence de différences importantes entre les deux appareils, lesquelles différences entraînaient des changements structurels dans la façon d’appliquer la méthode, il n’a pas conclu à une interdiction imposée par la loi. Toutefois, rien ne porte à croire que le paragraphe 27(2) impose une interdiction uniquement lorsque les dossiers contiennent des revendications identiques.
Dans l’évaluation de l’invention, la demande et le brevet américain décrivent et revendiquent un bac de litière et une matière pouvant être mise dans le bac pour absorber les excréments des animaux. Dans les deux documents, au moins 65 % du poids de la matière équivaut à des particules d’argile bentonite, dont la taille est de l’ordre de 50 à 3350 microns; la taille des particules fines est de l’ordre de 50 à 600 microns.
Le choix de l’argile bentonite est le premier point en litige. Dans le brevet américain, l’argile bentonite est dite « gonflante à l’eau » et il est divulgué à la colonne 5, lignes 58 et ss., que cette argile provient d’un « groupe composé de bentonite de sodium, de bentonite de potassium, de bentonite de lithium, de bentonite de calcium et de bentonite de magnésium ou d’une combinaison de ces matières ». Dans la présente demande, la deuxième phrase se lit comme suit : « plus particulièrement, la présente invention a trait à un mélange composé d’argile bentonite gonflante, comme de la bentonite de sodium et/ou de calcium ». La Commission peut seulement conclure que l’expression « argile bentonite gonflante à l’eau » utilisée dans le brevet et que l’expression « argile bentonite de sodium » figurant dans la demande font toutes deux référence à l’argile bentonite de sodium.
Le deuxième point en litige a trait à l’expression « non compactée » que l’on trouve dans les revendications contenues dans la demande mais pas dans celles contenues dans le brevet. Apparemment, dans la fabrication de certaines sortes de litières pour animaux, de fines particules de matière sont comprimées afin de former de plus grandes particules. Cette matière est décrite comme étant compactée. Celle de la présente demande est non compactée. L’examen attentif du brevet américain ne révèle aucune mention des expressions compacté or non compacté. Vu que le compactage requiert l’accomplissement d’un acte particulier et que le non compactage n’en requiert aucun, la Commission arrive à la conclusion que les particules d’argile mentionnées dans le brevet américain sont non compactées. La Commission n’est donc pas convaincue que l’emploi de l’expression « non compacté » dans la demande représente une différence importante entre les deux, particulièrement après être arrivée à la conclusion que l’argile utilisée dans le brevet était également non compactée.
Ce raisonnement amène la Commission à examiner le troisième argument du demandeur, selon lequel l’invention divulguée et revendiquée dans la présente demande constitue une amélioration par rapport à l’invention revendiquée dans le brevet américain.
Le déposant ne précise nulle part dans sa demande de brevet que « l’utilisation d’argile bentonite de sodium non compactée » représente une amélioration par rapport à ce qui est divulgué dans le brevet américain. La présente divulgation indique que la présumée invention vise à offrir une argile bentonite gonflante à l’eau capable de bien absorber les excréments des animaux et de s’agglomérer simultanément en une boulette solide pouvant être séparée des particules non mouillées et être éliminée du bac, même après que l’argile a séché en partie ou complètement, sans adhérer aux pattes ou à la fourrure de l’animal.
Dans la demande, le déposant donne deux exemples de l’utilisation de l’invention. Dans le premier cas, le propriétaire de deux chats a utilisé 454 grammes de particules d’argile bentonite de sodium non compactée, dont la taille était de l’ordre de 600 à 3350 microns. On a obtenu des boulettes suffisamment grosses et solides pour qu’il soit possible de les éliminer du bac au moins une fois par jour. Le bac de litière n’a dégagé aucune odeur désagréable pendant 14 jours. Le déposant fait également une comparaison entre la performance de cette matière et celle de particules d’argile compactée, dont la taille était de l’ordre de 710 à 4000 microns; l’argile avait été compactée en billes d’un demi‑pouce après la divulgation du brevet américain 4,657, 881 à Crampton. L’argile non compactée de la présente demande a montré une tendance bien moindre à adhérer aux pattes ou à la fourrure de l’animal.
Dans le deuxième exemple, le propriétaire de deux chats a utilisé 454 grammes de particules d’argiles bentonites de sodium et de calcium, dont la taille était de l’ordre de 600 à 3350 microns. Les argiles de bentonite se sont agglomérées en boulettes suffisamment grosses et solides pour qu’il soit possible de les éliminer du bac une fois par jour. Le bac de litière n’a pas non plus dégagé d’odeur désagréable pendant 14 jours. Ce mélange de deux types d’argiles a démontré une capacité accrue de dispersion dans l’eau, ce qui permettait d’éliminer un agglomérat dans une toilette ménagère. Ce second exemple n’est pas revendiqué dans la présente demande.
Pendant l’audience, le demandeur a beaucoup insisté sur le fait que la matière revendiquée est de l’argile bentonitique sodique non compactée qui possède la particularité de ne pas adhérer aux pattes ou à la fourrure des animaux. Il a décrit cette caractéristique comme une amélioration non évidente, inattendue et surprenante à laquelle le brevet américain ne fait pas allusion.
La Commission n’est pas convaincue. La comparaison a été établie avec les billes compactées d’un demi‑pouce contenues dans le brevet de Crampton et non avec l’invention contenue dans le brevet américain en cause.
En outre, le fait que l’argile bentonitique sodique mentionnée dans la présente demande n’adhère pas à la fourrure des animaux est une caractéristique essentielle de la matière, présente dans celle qui compose le brevet américain même si elle n’y était pas expressément mentionnée. On ne peut le considérer comme une amélioration par rapport aux enseignements du brevet américain no 5,000,115.
La Commission a cherché des différences importantes entre l’invention décrite au Canada et celle décrite aux Étas‑Unis, et elle n’en a trouvé aucune. Le demandeur a tenté d’obtenir un brevet au Canada dans lequel il revendique un type d’argile en particulier parmi l’ensemble de types d’argile pour lequel il a obtenu un brevet aux États‑Unis. Le seul fait d’insister sur les propriétés essentielles de ce type d’argile en particulier ne constitue pas une invention et ne permet pas au demandeur de se soustraire à l’exigence du paragraphe 27(2) de la Loi sur les brevets.
La Commission fait également remarquer avec intérêt que la même demande a été instruite devant le U.S. Patent and Trademarks Office. Le demandeur a déposé sa demande originale le 13 janvier 1989, pour laquelle le brevet américain no 5,000,115 a été octroyé le 19 mars 1991, comme nous l’avons fait remarquer précédemment. La demande originale a été scindée le 18 octobre 1989 et une demande de continuation partielle de cette demande complémentaire, équivalente à la présente demande faite au Canada, a été déposée le 16 juillet 1990. Elle a donné lieu à l’octroi du brevet américain no 5,129,365 le 14 juillet 1992. Voici le texte de la revendication 1 contenue dans ce brevet :
Un bac de litière comprenant un hydrofuge à l’eau dans lequel on a mis un mélange absorbant capable de s’agglomérer, lorsqu’il est mouillé, et de former une boulette d’une taille et d’une solidité suffisantes pour qu’il soit possible de l’éliminer du bac, sans adhérer de façon importante à l’animal; ledit mélange absorbant est essentiellement composé de particules non compactées d’argile bentonite gonflante à l’eau.
Il est à noter que l’argile bentonite est définie comme étant « non compactée » et « gonflante à l’eau », alors que la revendication fait allusion à la caractéristique de non-adhérence sans toutefois qu’elle se limite à l’argile bentonitique sodique. De plus, le brevet comporte une renonciation à la portion de sa durée postérieure au 19 mars 2008 afin d’éviter qu’il y ait double brevet avec le brevet américain no 5,000,115 dont la date d’expiration est fixée au 19 mars 2008.
Par conséquent, la Commission recommande que le refus de la demande prononcé par l’examinatrice dans la demande finale soit confirmé.
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Peter J. Davies Murray Wilson
Président Membre
Commission d’appel des brevets
J’ai examiné le suivi donné à la demande et je souscris au raisonnement et aux conclusions de la Commission. Par conséquent, je refuse d’accorder la demande de brevet. En vertu des dispositions de l’article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur peut, dans un délai de six (6) mois, interjeter appel de la présente décision à la Cour fédérale du Canada.
David Tobin
Commissaire aux brevets
Fait à Hull (Québec),
le 16 août 2002