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Décision du commissaire no 1273

Commissioner’s Decision # 1273

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : C00, B00

TOPIC: C00, B00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2,017,025

Application No.: 2,017,025

                                                   

 


 

 

 

                                                   

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

D.C. 1273   Demande no 2,017,025

 

 

Étayage insuffisant (C00), imprécision (B00)

 

La demande portait sur une protéine inhibitrice du facteur de nécrose des tumeurs isolée à partir d’urine humaine et inhibant les effets cytotoxiques du facteur de nécrose des tumeurs. La demande contenait des revendications à l’égard de molécules d’ADN recombinant codant cette protéine. La demande a été refusée par l’examinateur aux motifs que la description ne fournissait pas une séquence complète des acides aminés de la protéine et que l’isolement ou la production d’une molécule d’ADN codant la protéine nécessiterait des expérimentations excessives. L’examinateur a également refusé certaines revendications à l’égard de la protéine aux motifs que celle‑ci n’était pas définie de façon complète et explicite. La Commission s’est déclarée d’accord avec la demanderesse sur la question de l’imprécision, mais a partagé l’avis de l’examinateur sur la question de l’étayage, jugeant que la description ne faisait simplement qu’indiquer à une personne versée dans l’art la voie qui pourrait être suivie pour obtenir éventuellement les produits d’ADN souhaités. La Commission a donc recommandé que la demanderesse puisse supprimer les revendications à l’égard des molécules d’ADN, recommandation qui a été acceptée par le commissaire, à défaut de quoi, la Commission recommandait le rejet de la demande en entier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU DES BREVETS DU CANADA

 

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet no 2,017,025 ayant été refusée en application du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, la demanderesse a demandé la révision de la « décision finale » de l’examinateur. La Commission d’appel des brevets et le commissaire aux brevets ont examiné la décision de l’examinateur. Voici les conclusions de la Commission et la décision du commissaire.

 

 

 

 

 

 

 

Représentant de la demanderesse

 

Borden Ladner Gervais s.r.l.

100, rue Queen

Bureau 1100

Ottawa (Ontario)

K1P 1J9


La présente décision porte sur une demande présentée au commissaire aux brevets lui enjoignant de revoir la décision finale de l’examinateur relativement à la demande de brevet no 2,017,025, qui avait été déposée le 17 mai 1990 pour une invention intitulée « TUMOR NECROSIS FACTOR BINDING PROTEIN II, ITS PURIFICATION AND ANTIBODIES THERETO » (PROTÉINE DE LIAISON II DU FACTEUR DE NÉCROSE DES TUMEURS, SA PURIFICATION ET LES ANTICORPS DIRIGÉS CONTRE ELLE). La demanderesse est Yeda Research and Development Company Limited, représentante des inventeurs David Wallach, Hartmut Engelmann, Dan Aderka, Daniela Novick et Menachem Rubinstein.

 

Dans sa décision finale rendue le 26 juin 2002, l’examinateur a refusé les revendications 1 à 6, 13, 16, 17, 19 à 35, 38 à 53 et 56 aux termes du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets en raison de leur imprécision et les revendications 19 à 35, 38 à 50, 54 et 56 aux termes du paragraphe 138(2) des Règles sur les brevets en raison de leur étayage insuffisant dans la description.

 

Dans sa réponse datée du 20 décembre 2002, la demanderesse a allégué que la décision finale devrait être annulée. L’examinateur n’a pas été convaincu par les arguments invoqués. À l’instance de la demanderesse, la Commission d’appel des brevets a tenu une audience le 24 mars 2004, au cours de laquelle la demanderesse était représentée par le Dr David Conn, Mme Susan Beaubien et le Dr David Barrans, tous du cabinet Borden Ladner Gervais s.r.l., et par M. Henry Einav. Le Bureau des brevets était représenté par le Dr Daniel Bégin, examinateur responsable de la demande, la Dre Linda Brewer et la Dre Holly Notman.

 

L’invention vise une protéine de liaison II du facteur de nécrose des tumeurs (TNF) [ci‑après TBP-II] isolée à partir d’urine humaine. La protéine se lie au TNF et en inhibe les effets cytotoxiques.

 

Les revendications 1, 19 à 24 et 51 à 54 sont représentatives des revendications visées par le refus et se lisent comme suit :

 

[TRADUCTION]

1.      Une protéine de liaison II du facteur de nécrose des tumeurs (TNF) [TBP-II] et ses sels, ses dérivés fonctionnels, ses précurseurs, ses fractions actives ainsi que tout mélange de ces éléments ayant la capacité d’inhiber l’effet cytotoxique du TNF et renfermant la séquence d’acides aminés suivante  :

Thr-Pro-Tyr-Ala-Pro-Glu-Pro-Gly-Ser-Thr.

 

19.     La TBP-II visée aux revendications 1, 2, 9, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 17 ou 18, qui est une protéine recombinante.

 

20.    La TBP-II visée à la revendication 19, qui est produite dans un hôte de type procaryote ou eucaryote.

 


21.     Une molécule d’ADN qui renferme une séquence de nucléotides codant pour la TBP-II visée aux revendications 1 ou 2.

 

22.    Un véhicule d’expression réplicable renfermant la molécule d’ADN de la revendication 21 et capable, dans une cellule hôte transformée, d’exprimer la TBP-II définie aux revendications 1, 2, 9, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 17, 18 ou 20.

 

23.    Une cellule hôte sélectionnée à partir d’une cellule procaryote et d’une cellule eucaryote transformées avec le véhicule d’expression réplicable décrit à la revendication 22.

 

24.    Un procédé de production de TBP-II recombinante comportant les étapes suivantes :

a) culture dans un milieu de culture adéquat d’une cellule hôte transformée décrite à la revendication 23;

b) isolement de la dite protéine de liaison du TNF (TBP-II).

 

51.     Une protéine de liaison du facteur de nécrose des tumeurs (TNF) [TBP‑II] isolée et purifiée possédant les caractéristiques suivantes :

i.       séquence d’acides aminés de l’extrémité N-terminale : Xaa-Pro-Tyr-Ala-Pro-Glu-Pro-Gly-Ser-Thr, où Xaa correspond aux séquences d’acides aminés suivantes : Thr, Val-Ala-Phe-Thr- et Phe-Thr;

ii.      capacité d’inhiber l’effet cytotoxique du TNF-α sur les cellules murines A9;

iii.      poids moléculaire d’environ 30 kd déterminé par SDS‑PAGE après réduction.

 

52.    Une protéine de liaison du facteur de nécrose des tumeurs (TNF) [TBP‑II] isolée et purifiée possédant les caractéristiques suivantes :

i.       séquence d’acides aminés de l’extrémité N-terminale : Xaa-Pro-Tyr-Ala-Pro-Glu-Pro-Gly-Ser-Thr, où Xaa correspond aux séquences d’acides aminés suivantes : Thr, Val-Ala-Phe-Thr- et Phe-Thr;

ii.      capacité d’inhiber l’effet cytotoxique du TNF-α sur les cellules murines A9.

 

53.    Une protéine isolée qui se lie spécifiquement au TNF, la dite protéine possédant la séquence d’acides aminés d’une glycoprotéine pouvant être isolée à partir d’urine et renfermant la séquence d’acides aminés suivantes : Xaa-Pro-Tyr-Ala-Pro-Glu-Pro-Gly-Ser-Thr, où Xaa est sélectionné à partir du groupe des séquences d’acides aminés suivantes : Thr, Val-Ala-Phe-Thr- et Phe-Thr.

 

54.    Une protéine visée à la revendication 53, obtenue par le procédé qui consiste en :


une culture d’une cellule procaryote hôte transformée avec un véhicule d’expression réplicable qui renferme de l’ADN possédant une séquence nucléotidique codant une protéine qui se lie spécifiquement au TNF, la dite protéine possédant la séquence d’acides aminés d’une protéine pouvant être isolée à partir d’urine humaine et possédant la séquence d’acides aminés suivante : Xaa-Pro-Tyr-Ala-Pro-Glu-Pro-Gly-Ser-Thr, où Xaa est sélectionné à partir du groupe des séquences d’acides aminés suivantes : Thr, Val-Ala-Phe-Thr- et Phe-Thr.

 

La Commission a d’abord examiné les motifs invoqués par l’examinateur pour refuser des recommandations aux termes du paragraphe 27(4). Les revendications refusées se classent en deux groupes : celles qui sont indépendantes (revendications 1 et 51 à 53) et celles qui ont été refusées parce qu’elles sont liées à la revendication 1 (telles qu’elles sont énumérées dans la décision finale). La Commission n’a examiné que les revendications indépendantes étant donné qu’elles sont à la base du refus de l’examinateur.

 

L’examinateur a indiqué dans sa décision finale que la TBP-II revendiquée [TRADUCTION] « n’est pas définie de manière complète et explicite » et que « au minimum, lorsqu’une protéine censément nouvelle a été partiellement caractérisée, il faut également indiquer sa source (humaine), son poids moléculaire (30 kDa) et sa fonction pour éviter les revendications à l’égard d’un objet non envisagé par la demanderesse ».

 

La réponse de la demanderesse à la décision finale mentionnait notamment ce qui suit :

[TRADUCTION] Il est étonnant quau même moment où le Bureau des brevets, au chapitre 11-08 de son Recueil des pratiques du Bureau des brevets, précise que les produits doivent être définis dune des trois façons mentionnées, notamment la structure, lexaminateur exige que le composé soit défini (moins clairement, cependant) selon sa source et son poids moléculaire. Le Recueil des pratiques du Bureau des brevets, bien quil ne constitue, il est vrai, quun guide, indique à la section 11.08 que : « La définition par la structure est la plus précise et la plus explicite des formes de revendication dun produit. » La demanderesse a satisfait à cette exigence en fournissant à la revendication 1 une structure unique définissant lobjet. La structure est incomplète, mais un calcul rapide montre quelle est suffisante aux fins du paragraphe 27(4). Il est généralement reconnu quil existe 20 « acides aminés naturels ». Toutes choses étant égales par ailleurs, chaque acide aminé a une chance sur vingt (0,05) de se trouver dans une position donnée. Un simple calcul mathématique montre que la probabilité que la séquence de 10 acides aminés de la demanderesse apparaisse au hasard, si lon présume dune fréquence égale de chaque acide aminé, est de (0,05)10. La probabilité est donc infinitésimale et est encore plus faible si la fréquence de nimporte quel acide aminé dévie de 0,05 (pour chaque acide aminé plus fréquent, un ou plusieurs autres acides aminés doivent être moins fréquents). Le chiffre de (0,05)10 constitue la probabilité maximale que cette séquence apparaisse au hasard. Ces calculs visent à montrer quune personne versée dans lart qui dispose dun polypeptide renfermant cette séquence avec lutilité mentionnée est aussi certain quon puisse lêtre de posséder linvention et de le savoir. La position de lexaminateur soulève la question de savoir si un composé autre que celui faisant lobjet de la revendication peut avoir ou non les caractéristiques revendiquées (fonction et séquence partielle dacides aminés). Contrairement à lopinion de lexaminateur, la seule chose qui ajouterait à la précision serait la divulgation dune plus grande partie de la même séquence qui, dans le contexte des probabilités susmentionnées, serait un effort superflu et inutile dobtenir une plus grande précision. Le paragraphe 27(4) précise que les revendications doivent définir distinctement et en des termes explicites lobjet de linvention. La demanderesse soutient respectueusement que la séquence dacides aminés est à la fois précise et explicite.

 

La demanderesse a allégué que le même raisonnement s’appliquait aux revendications indépendantes 51 à 53.

 


Dans son mémoire présenté à la Commission (« résumé des motifs », dont une copie a été envoyée à la demanderesse avant l’audience), l’examinateur résumait les objections présentées dans sa décision finale et la réponse de la demanderesse à ces objections. L’examinateur mentionnait également que [TRADUCTION] « la revendication 1 est libellée de façon à englober des dérivés fonctionnels et des fractions actives qui pourraient ne pas renfermer la séquence d’acides aminés Thr-Pro-Tyr-Ala-Pro-Glu-Pro-Glu-Pro-Gly-Ser-Thr ». Il n’est pas clair s’il s’agit là d’un nouvel argument soulevé mal à propos pour la première fois dans le résumé de l’examinateur ou s’il s’agit simplement d’un exemple « d’objet non envisagé par la demanderesse », selon les termes de la décision finale. Néanmoins, la demanderesse a abordé la notion du « libellé » de la revendication lors de l’audience, et la Commission a pris en considération cette question.

 

Lors de l’audience, la demanderesse s’est d’abord dite d’avis que l’examinateur avait mal interprété le « libellé » de la revendication 1, puis a soutenu qu’il n’était pas nécessaire qu’une revendication visant une protéine partiellement caractérisée précise la source, le poids moléculaire et la fonction de cette protéine. Dans le mémoire qu’elle a présenté à la Commission, la demanderesse indique que :

[TRADUCTION]

15.    Le libellé de la revendication 1 est clair et non ambigu. À la lecture de la revendication, il est clair que la séquence particulière d’acides aminés, soit Thr-Pro-Tyr-Ala-Pro-Glu-Pro-Gly-Ser-Thr, doit être présente non seulement dans la protéine TBP‑II, mais également dans chaque sel, dérivé fonctionnel, précurseur et fraction active de la protéine et dans tout mélange de ces éléments. Ainsi, la séquence d’acides aminés est une caractéristique essentielle et limitative de l’objet de l’invention revendiquée.

.....

 

20.    En l’espèce, les éléments essentiels de la protéine TBP-II sont de deux ordres :

1) un élément structural, soit la présence de la séquence d’acides aminés Thr-Pro-Tyr-Ala-Pro-Glu-Pro-Gly-Ser-Thr;

2) l’élément fonctionnel, soit la capacité d’inhiber l’effet cytotoxique du TNF.

 

21.        Les deux conditions doivent être remplies pour qu’une protéine soit visée par la revendication 1.

 

En ce qui concerne la question du « libellé » de la revendication 1, la Commission est d’accord avec la demanderesse et est persuadée que la revendication ne vise pas des protéines ne renfermant pas l’élément structural qui y est décrit.

 

Pour ce qui est de la deuxième question, c’est‑à‑dire que les revendications doivent mentionner la source, le poids moléculaire et la fonction, la demanderesse a prétendu qu’il s’agit de caractéristiques non essentielles dont l’inclusion ne ferait que restreindre la portée des revendications.

 

Au paragraphe 27(4) de la Loi, on peut lire que : « Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif. »

 


Le demandeur a l’obligation d’indiquer clairement dans ses revendications la portée du monopole qu’il revendique et d’utiliser, dans ses revendications, des termes clairs et précis. La Cour de l’échiquier, dans Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines, Ltd., [1947] R.C.É. 306, utilise de façon analogique les termes « clôture » et « champs » (à la page 352) pour parler des revendications d’un brevet :

 

[TRADUCTION] En formulant ses revendications, linventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner lavertissement nécessaire, et seule la propriété de linventeur doit être clôturée. La teneur dune revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

 

Aux revendications 1 et 51 à 53, la TBP-II est définie au moins par sa fonction et par une séquence partielle d’acides aminés, c’est‑à‑dire une structure chimique partielle. La section 11.08 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets précise que : « La définition par la structure est la plus précise et la plus explicite des formes de revendication d’un produit. » Bien que la structure décrite dans les revendications ne soit qu’une structure partielle, comme l’a souligné la demanderesse dans sa réponse à la décision finale, la probabilité qu’il existe d’autres protéines contenant la même structure est « infinitésimale ». Néanmoins, les revendications comportent une autre caractéristique, soit que la protéine doit inhiber l’effet cytotoxique du TNF. Rien n’est ambigu ni imprécis au sujet de cette « condition », et lorsqu’elle la lit en y ajoutant l’élément structural, la Commission comprend clairement ce que la demanderesse tente de protéger. La Commission n’est pas d’accord avec l’examinateur lorsqu’il soutient que les revendications sont imprécises parce que la source de la protéine et le poids moléculaire de cette dernière ne sont pas définis.

 

La Commission a ensuite examiné les motifs pour lesquels l’examinateur avait refusé les revendications 19 à 35, 38 à 50, 54 et 56 en application du paragraphe 138(2) des Règles sur les brevets. Ce paragraphe précise que : « Chaque revendication se fonde entièrement sur la description. »

 

Dans sa décision finale, l’examinateur mentionne notamment que :

[TRADUCTION] La demanderesse na pas divulgué ni préparé de véhicule dexpression dADN et dhôte transformé capable de produire la TBP-II recombinante et doit donc limiter ses revendications à lobjet quelle a effectivement divulgué. La demanderesse doit se rappeler quune molécule dADN est un composé chimique qui doit être défini comme tout autre composé chimique, cest‑à‑dire par sa structure, par ses propriétés physiques et chimiques et par son procédé de fabrication, ce procédé étant utilisé uniquement pour la production du composé revendiqué. Les commentaires détaillés de la demanderesse concernant les techniques adéquates qui pourraient être utilisées pour fabriquer les produits finaux revendiqués nétayent daucune façon ses  revendications. La demanderesse ne revendique en fait que des composés souhaités qui ne représentent rien de plus que des idées. Elle estime que lisolement dADNc ou dADN génomique codant la protéine TBP-II, la préparation dun véhicule dexpression et la transformation dun hôte convenable pour produire la TBP-II recombinante nécessiteraient des expérimentations excessives étant donné que la séquence dacides aminés de la TBP-II, telle quelle est fournie dans la description, nest quune séquence partielle. On ne pourrait pas en déduire facilement lADN qui code la TBP-II, et aucune information sur la séquence de nucléotides na été divulguée de quelque façon que ce soit.

 

La demanderesse a répondu comme suit à la décision finale :


[TRADUCTION] ...LADN codant pour la TBP-II, son vecteur dexpression et une cellule hôte transformée pouvaient être obtenus par une technique classique à la date du dépôt de la demande (ou, plus précisément, à la date de la priorité conventionnelle). Lorsquon connaît la séquence du polypeptide, il est facile de trouver dautres séquences dADN codant... Il existe une progression simple et logique de la possession du polypeptide à lanalyse de sa séquence partielle dacides aminés (étape à laquelle la demande de brevet a été déposée), puis à lanalyse de sa séquence complète dacides aminés et à une séquence dADN codant. Dans ce cas, le présent mémoire descriptif déposé décrivait lADN revendiqué avec assez de détails pour établir que la demanderesse était en possession du genre dADN, dont chaque élément code la TBP-II.... Comme la demanderesse a indiqué dans sa demande quelle considérait que cette séquence dADN faisait partie de son invention, comme elle a expliqué comment déduire cette séquence dADN du code génétique, et comme la séquence complète dacides aminés (à partir de laquelle le genre des séquences dADN codant pouvait être déduit) faisait partie inhérente du présent mémoire descriptif, cest tout comme si la séquence nucléotidique était totalement connue.

 

La réponse à la décision finale comportait une déclaration du professeur William Brammar concernant la fabrication et l’utilisation de sondes de nucléotides basées sur la séquence du polypeptide divulgué, afin de cribler des ADNc ou des banques génomiques pour découvrir l’ADN codant la TBP-II. La demanderesse a aussi soutenu que le refus de l’examinateur au motif d’un étayage insuffisant devrait être annulé parce que l’objet des revendications refusées satisfait à la règle de « prédiction valable » établie par la Cour suprême dans Apotex et al. c. Wellcome Foundation Limited et al., [2002] 4 R.C.S 153 (ci-après « Apotex »).

 

Les revendications refusées se classent en deux groupes : celles qui visent des produits recombinants et des procédés de recombinaison (revendications 19 à 24, 49, 50 et54) et celles qui ont été refusées parce qu'elles sont directement ou indirectement liées à ces premières revendications (revendications 25 à 35, 38 à 48 et 56). La Commission ne s’est penchée que sur le premier groupe de revendications.

 

Les revendications 19, 20, 49, 50 et 54 visent la TBP-II, définie comme « recombinante » ou produite par un procédé de recombinaison. Les revendications 21 à 24 visent des produits recombinants (molécule d’ADN, véhicule d’expression et cellule hôte) et un procédé de recombinaison.

 

Les revendications 21 à 24 visent une séquence de nucléotides qui code la protéine TBP-II. La structure chimique (formule) et les propriétés physiques et chimiques de cette séquence ne sont pas divulguées dans la demande. La demanderesse décrit plutôt les procédés, connus aux personnes versées dans l’art, qui pourraient être utilisés pour obtenir la séquence de nucléotides et prédit qu’une personne versée dans l’art réussirait à obtenir cette séquence. La déclaration du professeur William Brammar a été soumise à l’appui de cette prédiction.

 


Essentiellement, la demande décrit la façon dont l’ARNm pourrait être extrait des cellules productrices de TBP-II et converti en ADNc au moyen de transcriptase inverse. L’ADNc pourrait ensuite être mis sous forme double brin et inséré dans un vecteur en vue de la transformation d’une cellule hôte adéquate. Une sonde d’oligonucléotides codant la séquence d’acides aminés du fragment de la TBP-II divulgué dans la demande pourrait ensuite être fabriquée et utilisée pour le criblage de clones qui contiennent l’ADNc codant la TBP-II. Si de l’ADNc codant la TBP‑II était trouvé, il pourrait ensuite être inséré dans un vecteur d’expression en vue de la transformation d’une cellule hôte qui, à son tour, pourrait être cultivée dans des conditions où la TBP-II pourrait être produite dans la cellule. Toutefois, il n’existe aucune preuve, présentée dans la demande ou durant l’audience, qu’au moment du dépôt de la demande, un ADNc codant la TBP-II avait été isolé et caractérisé ou qu’un tel ADNc avait été inséré dans un vecteur d’expression ou dans des cellules hôtes transformées capables d’exprimer la TBP-II. La demanderesse prédit plutôt que ces produits pourraient être fabriqués.

 

Durant l’audience, la demanderesse a soutenu que les revendications à l’égard des produits définis comme une séquence de nucléotides codant la TBP-II, revendications qui ont été refusées au motif d’étayage insuffisant, satisfaisaient à la règle de la « prédiction valable » que la Cour suprême a établie dans « Apotex » et qui comporte trois éléments : 1) la prédiction doit avoir un fondement factuel; 2) l’inventeur doit avoir un raisonnement clair et « valable » qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité; 3) il doit y avoir une divulgation suffisante.

 

Dans « Apotex », le breveté prédisait que l’AZT serait utile pour le traitement et la prophylaxie contre le VIH/sida chez les humains, et la règle en trois parties établie par la Cour était un test pour prédire « l’utilité ». Le breveté ne prédisait pas, comme dans la présente demande, qu’un composé chimique (séquence d’oligonucléotides) qui n’avait pas été divulgué pouvait être obtenu en suivant une méthode prescrite. De même, dans une décision antérieure de la Cour suprême, Monsanto Co. c. Commissaire aux brevets, [1979] 2 R.C.S. 1108, l’ « utilité » d’un groupe de composés tels que des inhibiteurs de la vulcanisation du caoutchouc était « prédite valablement ». Même si plusieurs membres du groupe avaient été préparés et testés, la structure chimique de tous les composés était totalement divulguée.

 

Dans la demande relative au brevet canadien numéro 1,338,323 (voir Re Institut Pasteur Patent Application 76 C.P.R. (3d) 206) (ci­‑après nommé « Pasteur »), le commissaire aux brevets a refusé d’accorder un brevet revendiquant des anticorps monoclonaux parce qu’aucun anticorps monoclonal n’avait été divulgué et qu’il n’existait rien sur quoi s’appuyer pour faire une « prédiction valable ». La demande « Pasteur » renvoyait une personne versée dans l’art à des techniques qui pouvaient être utilisées pour obtenir des anticorps monoclonaux, sans cependant en divulguer aucune. Dans la présente demande, la Commission juge que la demanderesse, ou une personne versée dans l’art, aurait été capable d’utiliser la séquence d’acides aminés codant un fragment de la TBP-II en tant quoutil pour obtenir éventuellement une séquence de nucléotides codant la TBP-II et, par conséquent, les produits définis aux revendications 21 à 23, qui seraient utilisés dans le procédé de la revendication 24. Cependant, la demande ne divulgue pas la séquence de nucléotides qui forme la base des revendications. Elle décrit plutôt une voie ou un procédé à suivre pour obtenir une telle séquence et invite essentiellement les autres à suivre cette voie pour isoler la séquence. À cet égard, la demande est semblable à la demande « Pasteur ». La Commission estime qu’il n’y a pas eu « divulgation régulière » de la séquence de nucléotides codant la TBP-II et que, par conséquent, il n’y a pas étayage suffisant pour les produits et les procédés définis aux revendications 21 à 24. Selon le système des brevets, il faut divulguer une invention en échange des droits conférés par un brevet.

 


La Commission a ensuite examiné les revendications 19, 20, 49, 50 et 54 relatives à la TBP‑II. Ces revendications sont directement ou indirectement liées aux revendications 1 et 53 et définissent davantage la TBP‑II en tant que protéine « recombinante » ou protéine produite par un procédé de « recombinaison ». Essentiellement, dans les revendications 19, 20, 49, 50 et 54, la TBP-II est définie selon son mode de fabrication. Pour que la TBP-II soit « recombinante », comme dans la revendication 19, pour qu’elle soit produite dans une cellule procaryote ou eucaryote, comme aux revendications 20, 49 et 50, ou pour qu’elle soit produite par le procédé décrit à la revendication 54, une séquence de nucléotides codant la protéine est nécessaire. Comme la Commission a déjà décidé que rien dans la demande n’étayait une telle séquence, rien n’étaye donc non plus l’objet des revendications 19, 20, 49, 50 et 54.

 

En résumé, la Commission conclut que 1) les revendications 1 à 6, 13, 16, 17, 19 à 35, 38 à 53 et 56 sont conformes au paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets et n’auraient pas dû être refusées par l’examinateur et 2) que les revendications 19 à 24, 49 et 50 à 54 ne sont pas conformes au paragraphe 138(2) des Règles sur les brevets et que l’examinateur a refusé de bon droit ces revendications. La Commission recommande que l’examinateur :

 

1) informe la demanderesse que la décision par l’examinateur de refuser les revendications 1 à 6, 13, 16, 17, 19 à 35, 38 à 53 et 56 aux termes du paragraphe 27(4) de la Loi sur les brevets a été renversée;

 

2) informe la demanderesse que, conformément à l’alinéa 31c) des Règles sur les brevets, les modifications suivantes de la demande sont nécessaires pour que cette dernière soit conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets : a) la suppression des revendications 19 à 24, 49, 50 et 54; b) la modification des revendications 25, 28, 45 et 46 de telle façon que ces revendications ne soient pas liées à la revendication 20, c) la renumérotation des revendications 25 à 48 en tant que revendications 19 à 42, respectivement, avec une modification du numéro des revendications qui y sont liées, s’il y a lieu; la renumérotation des revendications 51 à 53 en tant que revendications 43 à 45, respectivement; et la renumérotation des revendications 55 et 56 en tant que revendications 46 et 47, respectivement, avec une modification du numéro des revendications liées à la revendication 56.

 

3) invite la demanderesse à apporter les modifications susmentionnées dans les trois (3) mois suivant la date de la décision du commissaire;

 

4) avise la demanderesse que, si les modifications susmentionnées ne sont pas apportées dans le délai prévu, le commissaire entend rejeter la demande.

 

 

 

 

M. Gillen                                                                                      M. Wilson                             J. Cavar

Président                                                                                      Membre                               Membre

 

 

 


Je partage les conclusions et les recommandations de la Commission d’appel des brevets. Par conséquent, j’invite la demanderesse à apporter les modifications susmentionnées dans les trois (3) mois suivant la date de la présente décision, à défaut de quoi, j’entends rejeter la demande.

 

 

 

 

David Tobin

Commissaire aux brevets

 

Fait à Gatineau (Québec)

le17 janvier 2007

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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