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Décision du Commissaire no 1272

Commissioner’s Decision # 1272

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SUJET : J00, O

TOPIC: J00, O

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Demande no : 2,298,467

Application No. 2,298,467


 

 

 

 

 

 

                                                   

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

 

 

D.C.1272 demande 2,298,467

 

 

Caractère évident, indétermination et absence d’objet [article 2]

 

L’examinateur a rejeté la demande au motif que l’invention revendiquée était évidente à la date de la revendication eu égard aux antériorités citées, à savoir une demande PCT, un brevet américain et des renseignements affichés sur deux sites web. L’examinateur a rejeté également la revendication no 1 au motif qu’elle était indéterminée. La demande a été rejetée au motif que l’objet sur lequel elle porte ne relève pas de la définition d’invention. La Commission est arrivée à la conclusion que la demanderesse revendique une invention qui n’est pas évidente eu égard aux antériorités citées, que les revendications ne sont pas indéterminées et que l’objet relève de la définition d’invention.

 

 

La demande a été renvoyée à l’examinateur aux fins de poursuite de la demande.

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE DES BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet 2,298,467 ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, la demanderesse a demandé que la décision finale de l’examinateur soit révisée. La Commission d’appel des brevets et le commissaire des brevets ont donc examiné la décision de l’examinateur. Leurs conclusions suivent :

 

 

 

 

 

 

Agent de la demanderesse

 

Marks & Clerk

B. P. 957

Succursale B

Ottawa (Ontario)

K1P 5S7

 


La présente décision porte sur la requête, présentée par la demanderesse, visant à faire réviser par le commissaire des brevets la décision finale de l’examinateur, datée du 11 février 2004, à l’égard de la demande 2,298,467, déposée le 23 juillet 1998, et intitulée [traduction] « SYSTÈME DE TRAITEMENT DES DONNÉES FACILITANT LES TRANSACTIONS DIAMANTAIRES ». L’inventeur est Sergio Borgato et la demanderesse, Diamonds.net, une société à responsabilité limitée.

 

Une audience a été tenue devant la Commission d’appel des brevets le 18 mai 2005.  M. Mark Budd, du cabinet Marks & Clerk, a comparu pour le compte de la demanderesse. Le Bureau des brevets était représenté par M. Leigh Matheson, l’examinateur chargé de la demande, et par M. Peter Ebsen, chef de section.

 

La demande porte sur un système qui facilite l’achat et la vente de diamants à partir d’endroits éloignés.

 

L’illustration no 1 donne un aperçu général du système.

 

Illustration no 1

Display : Écran

Host Processor : Processeur hôte

Wt : Poids

Shape : Forme

First Data Structure : Première structure de données

Grade : Teneur

Array : Tableau

 

 

 

Le système est composé d’un processeur hôte 12, qui est relié aux terminaux à distance 26a, 26b et 26c. L’entité qui souhaite vendre un diamant entre, à l’un des terminaux à distance, des renseignements sur des caractéristiques particulières, dont le prix du diamant, et ces renseignements sont ensuite transmis au processeur hôte. L’acheteur peut accéder au processeur hôte au moyen d’un autre terminal à distance et peut faire afficher à l’écran des renseignements sur un ou plusieurs diamants. Le logiciel dont le système est assorti affiche les renseignements sur le diamant dans un format établi. L’acheteur peut alors faire une offre et, si le prix offert correspond au prix demandé, la vente est conclue.

 

La demande contient neuf revendications, la revendication no 1 étant la seule qui soit indépendante.

 

La revendication no 1 est libellée dans les termes suivants :


[traduction] Un processeur hôte destiné à faciliter les transactions diamantaires à partir de terminaux à distance par transmission de données au processeur hôte, chaque terminal étant doté d’un écran, et le processeur hôte étant formé des composantes suivantes :

a) une structure de données pour chaque pierre (au moins une) offerte en vente, chaque structure de données renfermant des données sur le poids de la pierre, le prix offert, l’identité du vendeur et au moins l’une des autres caractéristiques du diamant; les structures de données sont disposées en des catégories de tableaux selon le poids, et les pierres possédant des caractéristiques semblables dans chaque catégorie de tableaux forment des sous‑catégories de tableaux; les données pour chaque catégorie sont disposées en fonction du prix;

b) un moyen de recevoir des données à partir des terminaux à distance pour permettre à un vendeur d’entrer des données sur la pierre sous forme de structure de données et d’affecter la structure de données en question au tableau approprié;

c) un moyen de contrôler les écrans des terminaux de manière à afficher le tableau sur les données concernant la pierre et à tout le moins des données pour la pierre de chaque catégorie occupant la position d’affichage principale;

d) un moyen de recevoir des signaux de données des terminaux à distance en vue d’appeler les données sur la pierre en question pour toute pierre figurant dans le tableau;

e) un moyen de recevoir des signaux de données d’un acheteur qui fait une offre à l’égard de n’importe quelle pierre sélectionnée dans le tableau et, (i) si l’offre correspond aux données sur le prix de la pierre sélectionnée, émettre des signaux au vendeur et à l’acheteur indiquant l’existence d’une vente, (ii) si l’offre ne correspond pas aux données sur le prix, mettre en mémoire les données sur l’offre dans le tableau en question avec les données sur le diamant pour la pierre à l’égard de laquelle l’offre a été présentée, et (iii) contrôler les écrans des terminaux pour afficher l’offre.

 

Le 11 février 2004, l’examinateur a rendu une décision finale, par laquelle il a rejeté toutes les revendications au motif qu’elles étaient évidentes eu égard aux antériorités citées et qu’elles étaient indéterminées. Toutes les revendications et la demande ont été rejetées parce qu’elles ne portent sur aucun objet brevetable.

 

Dans sa décision finale, l’examinateur a cité les références suivantes :

Demande PCT

93/12496            24 juin 1993          Ezzel et al.

 

Brevet américain

4,903,201            20 février 1990      Wagner

 

Adresses URL

http://www.terralycos.com/about/au_1_2_5_5.asp

http://pages.ebay.ca/education/bidding_1.html

 


Le site web de TERRALYCOS dresse l’historique de la société et décrit notamment, en un paragraphe, une entente conclue entre Terra Lycos et eBay ainsi que les activités de eBay.  D’après le document, eBay est, à l’échelle mondiale, la première communauté de transactions électroniques.

 

Le site web de eBay offre un tutoriel sur la manière d’utiliser eBay pour vendre ou acheter des articles.

 

Le brevet de Wagner porte sur les transactions à terme informatisées. Ces transactions nécessitent le recours à un ordinateur central et à des terminaux à distance. Les parties aux transactions peuvent entrer leurs offres dans un terminal qui est en communication avec l’ordinateur central. Celui‑ci compare les offres, trouve des correspondances et complète les transactions. Il surveille également les transactions pour assurer le respect des règles qui s’appliquent à cet égard.

 

La demande d’Ezzel et al. porte sur un système facilitant le commerce des pierres précieuses. Le vendeur entre des données sur une pierre précieuse et une photo de celle‑­ci à un terminal à distance. Ces renseignements sont ensuite transmis à un ordinateur central, où ils sont mis en mémoire dans une base de données qui contient des renseignements semblables sur d’autres pierres précieuses. Toute personne intéressée à acheter des pierres précieuses peut accéder, à partir d’un terminal à distance, aux renseignements mis en mémoire dans la base de données, examiner ces renseignements et effectuer une commande.

 

Caractère évident

 

En ce qui concerne le rejet fondé sur l’évidence, l’examinateur s’est exprimé dans les termes suivants dans sa décision finale :

[traduction] L’on a soutenu, dans la correspondance, que l’objet revendiqué se distingue du système qu’offre eBay, car ce dernier n’utilise pas un « processeur hôte ni une structure de données aux fins de transactions diamantaires ». On considère aujourd’hui évident que eBay utilise au moins un processeur hôte et au moins une structure de données ou un tableau de données portant sur les articles achetés et vendus au moyen du système. La question de savoir si les transactions portent précisément sur des diamants n’a aucun effet manifeste sur la structure de données ou le fonctionnement du système. Le système lui‑même demeure inchangé peu importe l’objet des transactions qu’il permet d’effectuer. Le contraire reviendrait à dire qu’un réseau téléphonique est manifestement différent selon le sujet de la conversation qu’on y tient.

 


L’on a soutenu également, dans la correspondance, que les enseignements du brevet de Wagner diffèrent du système exposé dans la revendication no 1 en ce que le brevet de Wagner ne divulgue aucune structure de données mettant en mémoire les caractéristiques des diamants selon le poids, ni ne permet aux acheteurs de sélectionner et d’acheter des articles individuels exclusifs. La structure de données décrite dans la revendication no 1 n’est pas une structure de données brevetable, mais simplement un tableau ou un groupement de données disposées et classées d’une manière donnée. Ce sont par conséquent des données descriptives non fonctionnelles qui ne confèrent au système aucune différence brevetable. La différence entre l’achat de lots d’articles et l’achat d’articles individuels ressortit à un détail de nature administrative qui relève des personnes qui font fonctionner le mécanisme commercial; elle ne constitue pas une différence brevetable dans le système.

 

L’on a fait valoir en outre, dans la correspondance, que les enseignements de la demande d’Ezzel et al. diffèrent de l’objet de la revendication no 1, car Ezzel et al. n’enseigne pas à disposer les diamants en catégories en fonction de caractéristiques, en affichant un dossier historique des prix de certaines catégories de diamants, ou en permettant  que des diamants uniques soient achetés individuellement. En fait, le système dont il est question dans la demande d’Ezzel et al. permet aux utilisateurs de voir et d’acheter des pierres précieuses individuelles (page 4). Le système met bien en mémoire les caractéristiques de chaque pierre et permet aux utilisateurs de regarder toutes les pierres qui appartiennent à une certaine catégorie de poids pour déterminer les écarts dans l’établissement des prix. Quoi qu’il en soit, le régime de classification utilisé pour catégoriser les pierres, et les renseignements sur les prix mis en mémoire et présentés aux utilisateurs, sont des détails de nature administrative qui relèvent des personnes qui dirigent l’entreprise; ces détails n’ont aucune incidence sur la structure ou le fonctionnement du système lui‑même.

 

Les revendications nos 2 à 9 dépendent de la revendication no 1, et elles ne permettent pas d’écarter les objections soulevées à l’égard de cette revendication.

 

L’objet des revendications nos 1 à 9 aurait été évident aux yeux d’une personne versée dans le domaine eu égard au système offert sur eBay, ou à celui dont il est question dans le brevet de Wagner ou dans la demande d’Ezzel et al. Par conséquent, aucune des revendications au dossier n’est conforme à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets.

 

 

En réponse, la demanderesse a déclaré ceci :

[traduction] Dans la première demande, l’examinateur s’est opposé aux revendications aux motifs qu’elles étaient évidentes eu égard aux références citées, et apparemment compte tenu des connaissances générales. En réponse à ces objections, la demanderesse a modifié les revendications et présenté des arguments sur la question de savoir pourquoi les revendications modifiées n’étaient pas évidentes eu égard aux références citées; à cet égard, elle a mis en évidence des éléments des revendications modifiées qui ne sont pas enseignés ni suggérés dans les références citées.

 

Dans sa décision finale, l’examinateur a rejeté les arguments de la demanderesse relatifs au brevet de Wagner, indiquant que la structure de données décrite dans la revendication no 1 n’est pas une structure de données brevetable. C’est un argument qui n’a pas été soulevé par l’examinateur dans la première requête. L’examinateur n’a pas examiné non plus la déclaration de la demanderesse selon laquelle le brevet de Wagner ne divulgue pas l’établissement de sous‑catégories énoncées dans les revendications.

 


L’examinateur a rejeté également les arguments de la demanderesse concernant la demande d’Ezzel. Il a déclaré que le régime de classification utilisé pour catégoriser les pierres était un détail de nature administrative qui relevait des personnes qui sont à la tête de l’entreprise. C’est un argument qui n’a pas été soulevé par l’examinateur dans la première requête.

 

La Commission ne peut déterminer avec certitude la raison pour laquelle l’examinateur a cité l’adresse URL de Terras Lycos dans sa décision finale, car elle ne contient aucune analyse de ses enseignements et ne paraît montrer rien qui se rapporte au refus pour cause d’évidence.

 

Chacune des trois autres références se rapporte au concept général de la mise en place d’un système qui permet aux gens d’offrir des articles en vente à distance et qui permet à d’autres personnes d’être informées des articles à partir d’autres endroits éloignés et de présenter des offres d’achat à l’égard de ces articles. Les vendeurs utilisent des terminaux d’ordinateur pour faire parvenir des renseignements à un ordinateur central via un réseau de communication de données. Les acheteurs utilisent eux aussi des terminaux d’ordinateur pour accéder aux renseignements et pour faire des offres à l’égard des articles. L’ordinateur central met en mémoire les renseignements sur chaque article, sur les vendeurs et sur les offres et les ventes. Le système dont il est question dans la demande d’Ezzel est conçu précisément pour permettre l’achat et la vente de pierres précieuses.

 

Il semble que l’examinateur soit arrivé à la conclusion que le système exposé dans la présente demande utilise le même matériel informatique que celui qui est utilisé dans les références appliquées, et que les seules différences entre le système de la demanderesse et les systèmes dont il est question dans les antériorités tient dans la manière dont l’information est mise en mémoire dans l’ordinateur central et la manière dont elle est affichée sur les terminaux à distance. 

 

La demanderesse semble admettre que le gros du matériel est identique à celui qui est utilisé dans les antériorités et que les différences tiennent dans les « structures de données » et dans les « sous‑catégories de tableaux ». L’examinateur a rejeté ces différences au motif qu’elles sont des « détails de nature administrative qui relèvent des personnes qui dirigent l’entreprise ». 

 


La présente demande décrit un système qui a été précisément et exclusivement conçu pour faciliter les transactions diamantaires. L’information qui est mise en mémoire et affichée se rapporte aux caractéristiques des diamants, dont la plupart semblent être bien connues. L’objet de la demande en l’espèce consiste en la description d’un système qui permet l’achat et la vente à distance de diamants d’une manière ordonnée. La cueillette de renseignements sur chaque diamant et l’affichage ordonné et structuré de ces renseignements permettent d’atteindre cet objectif. Cela semble être l’essence de l’invention, et la Commission ne peut souscrire à l’opinion de l’examinateur selon laquelle ces différences très marquées par rapport aux antériorités ne sont que des détails de nature administrative. Rien dans les antériorités n’indique que les articles offerts en vente seraient classés en fonction du poids de la pierre, du prix, de l’identité du vendeur et d’au moins une autre caractéristique du diamant.

 

La référence relative à la demande d’Ezzel est la seule antériorité qui se rapporte à l’achat et à la vente du même type d’articles. Toutefois, la demande d’Ezzel porte sur un système qui permet de saisir et d’afficher des images des pierres précieuses. D’autres renseignements sur chaque pierre sont aussi disponibles, mais il semble que l’acheteur éventuel obtienne une image d’une pierre précieuse et soit en mesure d’accéder aux renseignements qui touchent cette pierre en particulier. On n’y mentionne pas les structures de données ni les catégories de tableaux.

 

La Commission arrive à la conclusion que le système revendiqué dans la présente demande possède des caractéristiques que l’on ne retrouve pas dans les références citées et que ce système n’aurait pas été évident aux yeux d’une personne versée dans le domaine à la date de la revendication.

 

Objet non brevetable

Dans sa décision finale, l’examinateur s’est exprimé dans les termes suivants :

[traduction] L’objet de la présente demande consiste en un système de traitement des données conçu pour faciliter les transactions diamantaires. Plus précisément, la demande propose un régime de classification des diamants, de manière que ceux‑ci puissent être achetés et vendus sur l’internet. Le matériel informatique qui est mentionné est décrit comme un équipement connu connecté d’une manière conventionnelle. Les logiciels qui sont mentionnés sont décrits uniquement en fonction des résultats souhaités; la demande n’enseigne pas la manière de fabriquer un logiciel. Bien que le mémoire descriptif divulgue et recommande un tableau au moyen duquel les diamants peuvent être classifiés et triés selon leurs caractéristiques, aucune structure de données brevetable n’est enseignée. L’on n’y divulgue aucun nouveau matériel ou logiciel informatique, aucune structure de données (brevetable) ni aucune nouvelle technologie. Il s’ensuit que le régime de classification des diamants et de leur commerce sur l’internet est la découverte qui est au cœur de la présente demande.

 

Étant donné qu’il porte sur un mécanisme de classification et un mécanisme d’échange, l’objet n’est pas brevetable au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets parce qu’il s’apparente à une simple méthode pour faire des affaires, exclue de la définition d’invention. Le tableau de classification divulgué peut se révéler un moyen efficace de trier et de décrire les diamants pour les négociants, et le mécanisme peut constituer un moyen plus efficace de mener des activités appartenant à un secteur en particulier, mais il n’entraîne aucun avantage pratique, ni ne permet d’obtenir un produit matériel ou article de fabrication.

 


En outre, il appartient aux négociants en diamants de décider, sur le fondement de leurs compétences professionnelles, du système de classification à utiliser, des voies à emprunter pour mener leurs affaires, et de l’équipement couramment disponible à utiliser. Ainsi qu’il est bien établi, les compétences professionnelles ne sont pas l’objet d’un brevet. Voir, par exemple, Lawson v. Commissioner of Patent 62 C.P.R. (1st) 101.  Ainsi qu’il a été établi dans l’affaire Schlumberger v. Commissioner of Patents 63 C.P.R. (2nd) 261, l’on ne peut transformer l’objet non brevetable en un objet brevetable par la simple assertion que des ordinateurs sont ou devraient être utilisés pour mettre la découverte en œuvre. Ce sont les principes qui ont été appliqués dans l’affaire Re Application 564,175 to Atkins, 6 C.P.R. (4th) 385, où l’on a statué que l’on ne pouvait obtenir une compétence professionnelle brevetable en remplaçant par un ordinateur programmé la personne qui aurait utilisé les mêmes données pour arriver à la même décision. Cette décision s’applique directement au présent objet, et le régime de classification et de commerce des diamants proposé n’est pas brevetable au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

En outre, plutôt que de contribuer à la sagesse cumulative en matière de systèmes de traitement des données, la demande ne fait que proposer l’utilisation d’une infrastructure connue et existante aux fins du commerce des diamants. Aucune nouvelle technologie n’est décrite; cette divulgation n’équivaut pas à une méthode nouvelle et innovatrice d’application des compétences et des connaissances au sens que lui a donné la Cour suprême dans l’affaire Shell Oil c. Commissaire des brevets, 67 C.P.R. (2nd) 1, et que l’on a appliqué dans l’affaire Progressive Games v. Commissioner of Patents, 9 C.P.R. (4th) 479. En conséquence, l’objet de la présente demande ne peut être considéré comme étant une « réalisation » brevetable au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

En réponse, la demanderesse a dit ceci :

[traduction] La demanderesse fait valoir avec égards que la revendication no 1 modifiée de la présente demande vise un processeur hôte qui inclut notamment une structure de données composée de renseignements précisés. Sur la question de savoir pourquoi le processeur et sa structure de données ne sont pas brevetables, l’examinateur a déclaré qu’ils n’engendrent aucun avantage pratique, ni ne permettent d’obtenir un produit matériel ou un article de fabrication. La demanderesse soutient avec égards que le processeur et la structure de données décrits dans la revendication no 1 sont brevetables. Une invention ne doit pas nécessairement entraîner un avantage pratique ou permettre d’obtenir un produit matériel ou un article de fabrication pour être brevetable. En fait, l’article 2 de la Loi sur les brevets inclut dans sa définition d’« invention » la réalisation ou le procédé présentant le caractère de la nouveauté.

 

La demanderesse s’oppose également à l’analogie qu’a appliquée l’examinateur sur le plan de la méthode commerciale. L’invention n’est pas analogue à un système commercial, à une méthode de comptabilité ou à un moyen de fournir des statistiques, des tests de personnalité ou de quotient intellectuel. L’invention est un système vendable qui permet à une entreprise qui fait le commerce des diamants d’acheter et de vendre des diamants d’une manière particulière. Que ce système permette d’exploiter une entreprise ne rend pas en soi l’objet des revendications non brevetable. Le processeur hôte dont il est question dans les revendications s’apparente davantage à un outil qui permet l’exploitation d’un type d’entreprise qu’à une méthode pour faire des affaires.

 


L’examinateur a soulevé une objection à l’égard de la demande dans son ensemble également, au motif que son objet est non brevetable compte tenu du fait que les compétences professionnelles ne peuvent faire l’objet d’un brevet. Toutefois, aucune compétence professionnelle n’est en cause dans l’exécution ou la mise en œuvre du processeur revendiqué ou de sa structure de données. Les revendications modifiées portent sur un outil qui permet aux négociants en diamants d’exécuter une tâche. L’objection de l’examinateur est analogue à l’objection qui serait soulevée à l’égard d’un nouveau type de scie au motif que le charpentier doit s’en remettre à ses compétences professionnelles pour sélectionner le type de scie à utiliser. Le renvoi à l’affaire Schlumberger n’a aucune pertinence, car la demanderesse ne se fonde pas sur la mise en œuvre de l’invention dans un ordinateur pour étayer son caractère brevetable. Le renvoi à l’affaire Re Application 564,175 est lui aussi sans pertinence, car aucune revendication relative à l’exercice d’une compétence professionnelle n’est faite sur le fondement du remplacement du spécialiste par un ordinateur.

 

L’examinateur s’est également opposé à la demande dans son ensemble parce qu’elle porte sur un objet non brevetable, au motif que la divulgation n’équivaut pas à une méthode nouvelle et innovatrice d’application des compétences et des connaissances au sens de l’affaire Progressive Games. La demanderesse n’est pas d’accord avec cette interprétation des affaires Progressive Games et Shell Oil, mais quoi qu’il en soit, elle est en désaccord, avec égards, avec l’affirmation de l’examinateur. Jusqu’à ce que l’inventeur ait mis au point le processeur et la structure de données revendiqués, le commerce des diamants fondé sur une pluralité de caractéristiques n’était pas possible. L’invention est un outil qui permet le commerce des diamants en fonction de caractéristiques simultanées, comme le poids, la couleur, la taille et la clarté. Il s’agit clairement d’une contribution aux « compétences et aux connaissances » nécessaires au commerce des diamants. Si l’examinateur souhaite soutenir que cette contribution aux « compétences et connaissances » n’est pas « nouvelle et innovatrice », il doit soulever une objection sur le fondement de la nouveauté et non sur le fondement de l’objet.

 

L’examinateur a rejeté les revendications et la demande pour un certain nombre de motifs divers sous la rubrique « objet non brevetable » mais, vu l’examen limité, il est difficile de distinguer ces motifs et de les apprécier individuellement. Toutefois, la Commission estime que l’examinateur avait l’intention de rejeter les revendications et la demande pour les motifs distincts suivants :

 

1. La demande porte sur un système de classification des diamants et ce type d’objet ne relève pas de la définition d’invention énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets parce qu’elle équivaut à une méthode pour faire des affaires.

2. La méthode exposée dans la demande fait appel à l’exercice de compétences professionnelles.

3. La demande n’expose aucune nouvelle technologie, de sorte que l’objet ne peut être considéré comme étant une « réalisation » brevetable au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets.

 

 

 


La Commission note que toutes les revendications qui figurent présentement dans la demande sont des revendications relatives à un appareil. Cela signifie que l’invention revendiquée tombe dans la catégorie « machine » au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets. La Commission ne connaît l’existence d’aucune restriction à l’égard de la brevetabilité des « machines ».

 

Donc, en ce qui concerne le rejet des revendications en particulier, la Commission note la comparaison de l’objet avec une méthode pour faire des affaires. Les méthodes commerciales s’apparent généralement à des méthodes faisant appel à la manipulation de sommes d’argent sous diverses formes, par exemple des actions, des obligations, des hypothèques, des pensions, etc. Le but des méthodes de ce type est de faire fructifier une somme d’argent. Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, les revendications ne sont pas des revendications relatives à la méthode, et la demande elle‑même n’a rien à voir avec le maniement de sommes d’argent, de sorte que la Commission ne peut se rallier à l’opinion de l’examinateur sur le point 1, susmentionné.

 

Les commentaires portant sur les compétences professionnelles laissent la Commission perplexe. L’examinateur indique qu’il faut se fonder sur des compétences professionnelles pour choisir les diverses pièces de l’appareil revendiqué dans la demande et que ce n’est pas l’objet d’un brevet. Évidemment, on a recours à des compétences professionnelles pour concevoir un système complexe tel que celui qui est revendiqué dans la présente demande. Toutefois, ce type de compétences professionnelles n’est pas interdit. Les compétences professionnelles qui sont exclues de la portée de la protection des brevets mettent en cause une étape dans une méthode revendiquée qui est exécutée par un être humain et qui repose sur l’intelligence et le raisonnement de ce dernier aux fins de prise d’une décision. La Commission ne peut accepter l’analyse de l’examinateur relative aux compétences professionnelles.

 

Enfin, la Commission ne comprend pas la prétention de l’examinateur selon laquelle, puisque l’invention revendiquée n’expose aucune nouvelle technologie, elle ne peut être considérée comme étant une « réalisation » brevetable sous le régime de la Loi sur les brevets. Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, le système revendiqué n’est pas une réalisation, mais une machine. Toutefois, l’examinateur semble dire également que, pour qu’une réalisation soit brevetable, elle doit être exécutée au moyen d’un appareil nouveau et innovateur. La Commission ne connaît l’existence d’aucune restriction de la sorte en matière de brevetabilité.

 

Caractère indéterminé

L’examinateur a rejeté également toutes les revendications qui figuraient dans la demande à la date de la décision finale comme étant indéterminées. Il a dit ceci :


[traduction] On peut lire dans le préambule de la revendication no 1 que la description porte sur un « processeur hôte et une structure de données », ce qui est ambigu puisque l’on ne précise pas clairement que l’objet est une « machine » au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets. En outre, l’on ne peut dire avec certitude comment un concept abstrait comme une structure de données peut constituer une pièce du processeur, ou à quel endroit exactement il se trouve dans le processeur.

 

En réponse, la demanderesse a abandonné ces revendications et les a remplacées par une nouvelle série de revendications qui, à son avis, permettent d’écarter l’objection fondée sur le caractère indéterminé.

 

En résumé, la Commission conclut que le système revendiqué n’est pas un objet non brevetable au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets et que le système revendiqué n’aurait pas été évident aux yeux d’une personne versée dans ce domaine technologique à la date de la revendication compte tenu des références citées dans la décision finale. La question du caractère indéterminé des revendications doit être résolue par la demanderesse et l’examinateur dans le cadre de la poursuite du traitement de la demande. 

 

La Commission recommande par conséquent que le rejet de la demande par l’examinateur soit infirmé et que la demande soit renvoyée à l’examinateur pour la poursuite de son traitement.

 

 

Michael Gillen                 John Cavar                   M. Wilson

Président                              Membre                       Membre

 

Je souscris à la recommandation de la Commission selon laquelle la décision de l’examinateur de rejeter la demande doit être infirmée et la demande, renvoyée à l’examinateur pour la poursuite de son traitement, en conformité avec la recommandation de la Commission.

 

 

 

David Tobin

Commissaire des brevets

 

Fait à Gatineau (Québec)

ce 11 décembre 2006.

 

 

 

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