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Commissioner’s Decision #1263

Décision du Commissaire #1263

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPIC: FO1, O

SUJET: FO1, O

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No : 2,166,001

Demande no : 2,166,001


 

D.C. 1263

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SOMMAIRE DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

 

 

D.C. 1263 Demande no 2,166,001

 

 

 

 

L’examinatrice a rejeté cette demande en considérant que l’invention revendiquée manquait de nouveauté et était évidente, à la date de la revendication, en vertu de l’antériorité citée, qui comprenait la demande de brevet canadien, un brevet américain, une demande de brevet présentée dans le cadre du PCT et diverses publications. La Commission a estimé que le demandeur revendiquait une invention qui était nouvelle et non évidente.

 

La demande a été renvoyée à l’examinatrice par le commissaire aux brevets.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet 2,166,001 ayant été rejetée en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, le demandeur a sollicité une révision de la décision finale de l’examinatrice. Le rejet a donc été étudié par la Commission d’appel des brevets et par le commissaire aux brevets. Les conclusions de la Commission et la décision du commissaire sont les suivantes :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur

 

Ivor M. Hughes

175 Commerce Valley Drive West, bureau 200

Thornhill (Ontario)

L3T 7P6


 

 

La présente décision fait suite à une demande visant l’examen, par le commissaire aux brevets, de la décision finale de l’examinatrice, en date du 23 octobre 2000, portant sur la demande 2,166,001 (classification internationale A61K-38/05), déposée le 22 décembre 1995 et intitulée « Formulation solide stable d’un sel d’énalapril et méthode de préparation ». L’inventeur est Bernard Charles Sherman.

 

Une audience a été tenue devant la Commission d’appel des brevets le 20 août 2003. M. Harry Radomsky et M. Ivor Hughes ont comparu au nom du demandeur. Le Bureau des brevets était représenté par Mme Holly Notman, examinatrice responsable de la demande, et M. Tony Neppel.

 

Avant l’audience, M. Alexander Macklin, du cabinet Gowling, Lafleur et Henderson, représentant Merck & Co. et Merck Frosst Canada & Co., a demandé la permission d’intervenir à l’audience au nom de ses clientes. Cette permission lui a été refusée, mais la Commission lui a fait savoir qu’un observateur pouvait assister à l’audience. M. Emmanuel Manolakis, de Gowling, Lafleur et Henderson était présent à l’audience à titre d’observateur.

 

La demande concerne une méthode de production d’une formulation stable d’un sel d’énalapril

 

Les revendications 1 et 2 de la demande se lisent comme suit :

 

[traduction]

1. Procédé de fabrication dune composition pharmaceutique solide comprenant de lénalapril sodique, ledit procédé comportant les étapes suivantes :

i)        a)       le mélange du maléate dénalapril avec un composé sodique alcalin et au moins un autre excipient, lajout dune quantité suffisante deau pour humidifier la préparation et le mélange de cette dernière pour obtenir une masse humide, ou

 

b)       le mélange de maléate dénalapril avec au moins un autre excipient quun composé sodique alcalin, lajout dune solution dun composé sodique alcalin dans leau, en quantité suffisante pour humidifier la préparation, et le mélange de cette dernière pour obtenir une masse humide; ce qui permet dobtenir une réaction sans transformation du maléate dénalapril en une solution claire dénalapril sodique et de sodium dacide maléique dans leau;

 

ii)       lassèchement de la masse humide,

 

iii)       le traitement ultérieur du matériel séché pour en arriver à une composition pharmaceutique solide.

 

 

 

 

2. Procédé de fabrication dune composition pharmaceutique solide comprenant de lénalapril sodique, ledit procédé comportant les étapes suivantes :

i)        a)       le mélange de maléate dénalapril avec un composé sodique alcalin et au moins un autre excipient, lajout dune quantité suffisante deau pour obtenir une masse très humide et le mélange de la préparation pour obtenir une masse humide, ou


b)       le mélange de maléate dénalapril avec au moins un autre excipient quun composé sodique alcalin, lajout dune solution dun composé sodique alcalin dans leau, en quantité suffisante pour obtenir une masse très humide, et le mélange de la préparation pour obtenir une masse humide; ce qui permet dobtenir une réaction complète pour la conversion du maléate dénalapril en énalapril sodique, sans transformation du maléate dénalapril en une solution claire dénalapril sodique et de sodium dacide maléique dans leau;

 

ii)       lassèchement de la masse humide et

 

iii)       le traitement ultérieur du matériel séché pour en arriver à une composition pharmaceutique solide.

 

 

 

Dans la décision finale, l’examinatrice a cité les références suivantes à l’appui du rejet de toutes les revendications et de la demande elle‑même :

 

Demande de brevet canadien                                                       

2,083,683            déposée le 26 mai 1993             Merslavic et al.

 

Brevet américain

4,743,450            10 mai 1988                         Harris et al.

 

Demande dans le cadre du PCT

WO 94/01093       20 janvier 1994                      Rork et Haslam

 

Publications diverses

Remington, Pharmaceutical Sciences, 18th édition,  page 1642

(A.R. Gennaro et al., éditeurs).  Mack Pub. Co. 1990

 

Monographie de VASOTECMD; Merck Frosst Canada Inc., 1992

 

Cour fédérale, Section de première instance, dossier T-2408-91

Merck & Co. et al. c. Apotex Inc.           28 mars 1994

 

Dans la décision finale, l’examinatrice a également fait référence à l’avis et à l’ordonnance du juge Matthew F. Kennelly, de la Cour fédérale de district américaine, dans l’affaire no 96 C 7375, où Apotex USA, Inc. avait intenté une action contre Merck & Co., Inc. pour contrefaçon d’un brevet se rapportant à une méthode de préparation de l’énalapril sodique.

 

Dans sa décision finale, l’examinatrice a déclaré en partie ce qui suit :

 

[traduction]


Harris et coll. ont divulgué des formulations stables dinhibiteurs de lECA. Au nombre de ces formulations figuraient linhibiteur de lECA, p. ex. lénalapril; un stabilisateur alcalin, p. ex. un sel de sodium; un saccharide, p. ex. le lactose; un agent désintégrant, p. ex. un amidon; et un lubrifiant, p. ex. le stéarate de magnésium. Les composés ont été combinés à laide de la méthode de granulation humide pour la fabrication de comprimés.

 

Merslavic et coll. ont divulgué des formulations de sel dénalapril. Le maléate dénalapril a été mis en suspension dans leau, une solution dhydroxyde de sodium, dhydrogénocarbonate de sodium a été ajoutée, et du lactose a été ajouté à la solution claire finale de sel dénalapril sodique. À des fins de comparaison, des comprimés ont également été préparés par prémélange de tous les ingrédients secs. Les deux méthodes ont produit de lénalapril sodique, bien que la première ait donné un comprimé plus stable.

 

Rork et Haslam ont divulgué une pompe osmotique pour la libération contrôlée dénalapril. Lexemple 1 décrit un processus où le maléate dénalapril a été mélangé à une bouillie de bicarbonate de sodium et deau et où on la laissé tourner le mélange jusquà ce que la neutralisation soit complète; dautres ingrédients secs ont alors été ajoutés. Lexemple 7 décrit un processus où des noyaux dénalapril ont été préparés à laide de la méthode de granulation humide.

 

Remington a décrit une méthode générale de préparation de comprimés par granulation humide.

 

La monographie de VASOTECmd énumérait les composants des comprimés dénalapril de Merck Frosst.

 

Dans le dossier de la cour T2408-91 est versée la procédure dune action en contrefaçon intentée par Merck & Co. et coll. à lencontre dApotex Inc. La transcription contient une description du procédé de granulation humide pour la fabrication des comprimés dénalapril (voir pages 124 à 128, procédure du 28 mars 1994).

 

[...]

 

Les revendications 1 à 9 ne respectent pas larticle 28.3 de la Loi sur les brevets parce quà la date de leur dépôt, elles auraient été évidentes pour une personne versée dans lart en question, compte tenu de leurs liens avec les divulgations de Harris et coll., Merslavic et coll. ou Rork et Haslam ou compte tenu de la divulgation faite durant la procédure le 28 mars 1994 concernant la monographie de Vasotecmd.

 

Le demandeur a divulgué et revendiqué un procédé de préparation de comprimés dénalapril sodique à laide dune méthode de granulation humide. Harris et coll. de même que Rork et Haslam ont utilisé un procédé apparent de granulation humide pour produire des comprimés dénalapril. Le demandeur connaissait les ingrédients des comprimés de Vasotecmd qui étaient décrits dans la monographie du produit. Il aurait alors été évident pour une personne versée dans lart que les comprimés dénalapril contenant les ingrédients publiés dans la monographie pouvaient être fabriqués par granulation humide.

 

[...]

 

Les revendications 1 à 9 ne respectent pas non plus lalinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets parce que lobjet de ces revendications se heurte à lantériorité des formulations, de lutilisation et de la vente des comprimés de Vasotecmd par Merck & Co., qui ont précédé le dépôt de la présente demande.

 

En ce qui concerne les revendications du demandeur touchant la nouveauté du procédé revendiqué, le demandeur revendique un procédé qui comporte le mélange de certains ingrédients, leur soumission à un procédé de granulation humide et lobtention de comprimés contenant un sel sodique stable dénalapril. Les ingrédients existent depuis longtemps et sont connus. Le procédé de granulation humide est ancien et connu. Les sels de sodium dénalapril sont anciens et connus (voir Merslavic et coll., cité ci-dessus).

 


Le demandeur a soutenu que lessentiel de linvention alléguée réside dans la conception dune méthode permettant la formation dune formulation stable dénalapril sodique durant le procédé de granulation humide. Le demandeur ajoute quil ny a aucun enseignement dans les références citées montrant que la méthode de granulation humide permet la survenue dune réaction entre lénalapril et lagent alcalifiant (sel de sodium), ou quune composition stable dénalapril peut être obtenue grâce à lutilisation de la méthode de granulation humide pour obtenir une réaction entre le médicament et le composé alcalin. Ce procédé diffère donc, selon lui, de celui utilisé par Merck parce que Merck a déclaré que les comprimés de Vasotecmd contiennent du maléate dénalapril. Le demandeur ajoute que ce procédé nest pas évident par rapport à la technique citée parce quune personne versée dans lart ne se serait pas attendue à ce quune réaction chimique survienne durant le procédé de granulation humide. Le demandeur a fourni des affidavits dexperts dans le domaine de la chimie et de la pharmacie pour étayer ses arguments.

 

Lexaminatrice a étudié soigneusement les affidavits fournis par la demanderesse. Les témoins experts consultés par cette dernière déclarent tous que dans les références citées dans la présente décision et dans des décisions antérieures du Bureau, aucune mention nest faite dune réaction entre le maléate dénalapril et le composé sodique durant le procédé de granulation humide. Les témoins ont également déclaré quune personne versée dans lart ne sattendrait pas à ce quune réaction chimique (par opposition à une réaction physique) survienne durant la granulation humide. Les témoins ont réitéré que Merck & Co. déclare que ses comprimés de Vasotecmd contiennent du maléate dénalapril, et non de lénalapril sodique.

 

Lexaminatrice ne conteste pas ces conclusions des témoins experts de la demanderesse. Elle ne croit pas cependant que ces conclusions aient quelque chose à voir avec létude de la présente demande, pour les raisons présentées ci-dessous.

 

Si le procédé de granulation humide décrit par M. McLeod dans son témoignage du 28 mars 1994 (Merck c. Apotex, dossier de la cour T-2408-91) et utilisé par Merck a permis en fait de produire des comprimés de maléate dénalapril, alors la manipulation du procédé par la demanderesse pour produire des comprimés dénalapril sodique serait en effet inventive. Le demandeur na ménagé toutefois aucun effort pour montrer que le procédé utilisé par Merck produit effectivement des comprimés dénalapril sodique, et non de maléate dénalapril.

 

Le demandeur a fait référence à son exposé des faits quelle a rédigé pour la Cour fédérale du Canada (Merck c. Apotex, 1994) et a également soumis à la U.S. District Court for the Northern District of Illinois dans Apotex U.S.A. c. Merck & Co. Inc. Dans cet exposé, le demandeur déclare ce qui suit :

 

1) il a vu pour la première fois la monographie de Vasotecmd le 30 mars 1994;

2) il savait que les comprimés de Vasotecmd étaient fabriqués au moyen dun procédé de granulation humide;

3) il lui est immédiatement venu à lesprit que le maléate dénalapril et le bicarbonate de sodium utilisés par Merck réagiraient lun avec lautre dans le procédé de granulation humide, de sorte que le produit final contiendrait non pas du maléate dénalapril et du bicarbonate de sodium mais plutôt de lénalapril sodique;

4) pour confirmer cette réaction, il a mené à bien une série dexpériences qui ont montré quune mole de maléate dénalapril avait subi la réaction acide-base prévue avec trois moles de bicarbonate de sodium;

5) des comprimés de Vasotecmd ont été analysés et ils ne contenaient aucun maléate dénalapril inaltéré ni aucun bicarbonate de sodium inaltéré, et une analyse indépendante de la teneur en sodium des comprimés de Vasotecmd a confirmé quenviron trois moles de bicarbonate de sodium étaient utilisés par mole de maléate dénalapril;

6) une analyse spectrale du rayonnement infrarouge des comprimés de Vasotecmd a révélé que les comprimés contenaient de lénalapril sodique plutôt que du maléate dénalapril.

 

Le demandeur a ainsi démontré que les comprimés de Vasotecmd de Merck étaient identiques à ceux quApotex produit au moyen de la méthode divulguée dans la présente demande. Comme le demandeur a utilisé du maléate dénalapril et du bicarbonate de sodium (avec dautres composés non réactifs) dans le cadre dun procédé de granulation humide, il semble que le procédé du demandeur soit identique à celui de Merck. Comme Merck employait ce procédé bien longtemps avant le dépôt de la présente demande et comme les deux ingrédients et le procédé de granulation humide ont été divulgués par Merck avant ce dépôt, il sensuit que le procédé revendiqué dans la présente demande nest pas inventif parce quil a été devancé par celui de Merck.     

 

 


Le 23 avril 2001, le demandeur a répondu à la décision finale. Dans sa réponse, le demandeur a proposé l’annulation de la série de neuf revendications qui étaient soumises à l’examinatrice et a présenté une nouvelle série de 12 revendications. Les revendications demeurent les mêmes, sauf que le demandeur a ajouté trois revendications additionnelles. Les trois nouvelles revendications proposées se lisent comme suit :

 

[traduction]

Procédé de fabrication dune composition pharmaceutique solide comprenant de lénalapril sodique, ledit procédé comportant les étapes suivantes :

i)        a)       le mélange de maléate dénalapril avec un composé sodique alcalin solide et au moins un autre excipient, lajout deau en quantité suffisante pour humidifier la préparation et le mélange de cette dernière pour obtenir une masse humide, ou

 

b)       le mélange de maléate dénalapril solide avec au moins un autre excipient quun composé sodique alcalin, lajout dune solution dun composé sodique alcalin dans leau, en quantité suffisante pour humidifier la préparation, et le mélange de cette dernière pour obtenir une masse humide; ce qui permet dobtenir une réaction complète sans transformation du maléate dénalapril en une solution claire dénalapril sodique et de sodium dacide maléique dans leau;

 

ii)       lassèchement de la masse humide et

 

iii)       la transformation ultérieure du matériel séché en comprimés.

 

Dans sa réponse, le demandeur a déclaré notamment ce qui suit :

[traduction]

En toute déférence, le demandeur soutient que lanalyse précédente de lexaminatrice est déficiente sur le plan du droit et des faits pour les motifs suivants :

1.        Lexaminatrice a appliqué une norme subjective au lieu dune norme objective au critère dantériorité comme lexige la Loi sur les brevets.  

2.       Lexaminatrice a panaché lantériorité.

3.       Lexaminatrice a mal interprété lenseignement des antériorités. Dabord, le demandeur aimerait clarifier un point au sujet de la protestation déposée par Merck & Co., un concurrent du demandeur dans le marché de lénalapril. Merck & Co. a essayé de créer limpression que lobjet de la demande de brevet Sherman lui a été dérobé, quelle est prétendument le premier inventeur et que, en conséquence, personne dautre na le droit dobtenir un brevet pour cet objet. Considérant les motifs de lexaminatrice dans sa décision finale, le demandeur croit quelle a été influencée par ce raisonnement de Merck. Toutefois, le demandeur aimerait faire remarquer que la Loi sur les brevets nest plus fondée sur le principe du premier inventeur mais bien sur celui du premier déposant. Lalinéa 27(1)a) de lancienne loi (version antérieure au 1er octobre 1989) qui privait un demandeur du droit de revendiquer une invention sil nétait pas le premier à linventer ne sapplique plus. La jurisprudence fondée sur lancien régime, en particulier Fox et les arrêts de la Cour suprême du Canada de 1933, doit être lue avec réserve et à la lumière des changements apportés au système de délivrance des brevets. Par conséquent, les allégations, les suppositions et les insinuations concernant ce que le demandeur « savait ou aurait dû savoir » et les allégations de premier utilisateur ou inventeur de Merck ne sont pas pertinentes. La seule question pertinente qui se pose en vertu de lalinéa 28.2(1)b) est de savoir si lobjet était accessible au public avant le dépôt de la demande de brevet Sherman.  Le demandeur, en toute déférence, soutient et maintient que la réponse à cette question est « non ».

 

[]

 


Il ressort clairement du libellé de lalinéa 28.2(1)b) de la Loi sur les brevets que ce critère dantériorité ne concerne pas « ce que linventeur savait » (une norme subjective), mais bien « ce qui était accessible au public au Canada ou ailleurs » (une norme objective).

 

Le demandeur affirme de nouveau que le témoignage de M. McLeod devant le tribunal, le 28 mars 1994, ne constitue pas une publication antérieure puisquelle nétait pas accessible au public à lépoque pertinente. Ni Merck ni lexaminatrice nont démontré que la transcription était accessible au public avant la date de la revendication de la demande de brevet Sherman. De plus, il ne serait pas logique de présumer que la personne versée dans lart de la formulation pharmaceutique était présente dans la salle daudience le 28 mars 1994 ou a eu connaissance de cette poursuite. Lexaminatrice admet que pareille publication ne constituerait pas une antériorité opposable à tout autre demandeur.

 

[]

 

Lexaminatrice a déclaré que la formulation, lutilisation et la vente des comprimés de VasotecMD par Merck & Co. constituent une antériorité. Le demandeur ne souscrit pas à cette conclusion pour les motifs énoncés ci‑dessous.

 

Mosaïque des antériorités

À la lecture de ses motifs, il est évident que lexaminatrice a constitué une mosaïque des antériorités en combinant la formulation (la fabrication) avec lutilisation et la vente.

 

[]

 

Puisque M. McLeod na jamais fait état de la présence de bicarbonate de sodium dans un comprimé de VasotecMD durant son témoignage et que la monographie de ce produit ne mentionne pas la méthode de préparation du comprimé, il est évident que lexaminatrice a combiné une fausse interprétation de ce que nous apprennent les ingrédients du comprimé de VasotecMD énumérés dans la monographie avec le témoignage de M. McLeod où il dit que VasotecMD est fabriqué par granulation humide. La monographie de VasotecMD indique la présence de maléate dénalapril dans le comprimé mais non comme un ingrédient utilisé dans une méthode de fabrication du comprimé. Même si la monographie du produit mentionnait la présence dénalapril sodique (ce qui nest pas le cas), il nest pas possible en vertu du droit canadien de combiner les références pour conclure à lantériorité. Pareille approche nest pas autorisée en droit des brevets au Canada. À cet égard, lexaminatrice est invitée à consulter larrêt faisant autorité (une décision de la Chambre des lords) concernant la constitution dune mosaïque et lantériorité, à savoir Pope Appliances Corporation v. Spanish River Pulp and Paper Mills Ltd. [1929] 46 R.P.C.26 :

 

[]

 

Lexaminatrice a mentionné que lutilisation et la vente des comprimés de VasotecMD (maléate dénalapril) constituaient une antériorité du procédé de fabrication des comprimés dénalapril sodique du demandeur. Lexaminatrice a en outre cité le passage suivant de Fox : [TRADUCTION] « Si la dissection ou lexamen révélait la méthode de fabrication dun produit, la fabrication et la vente de ce produit équivaudraient à une antériorité. »

 

Le demandeur nest pas daccord avec lexaminatrice lorsquelle conclut quil est possible de déduire, à partir dune analyse de la composition dun comprimé de VasotecMD, le procédé suivant lequel ce comprimé a été préparé. Lanalyse dun comprimé de VasotecMD peut révéler le contenu ou la composition de ce comprimé, mais elle ne peut confirmer le procédé suivant lequel le comprimé a été préparé ou si une réaction sest produite durant le procédé.

 

[]

 


Lexaminatrice a également appliqué erronément les enseignements des antériorités sur ce point. Elle est arrivée à la conclusion que les comprimés de VasotecMD contiennent en fait de lénalapril sodique et non du maléate dénalapril. Toutefois, il nexiste absolument aucune publication antérieure, à laquelle lexaminatrice peut faire référence, qui révèle : a) quun comprimé de VasotecMD est quelque chose dautre que ce quil indique, à savoir un comprimé de maléate dénalapril; b) que lanalyse dun comprimé de VasotecMD nous informe sur lobjet de la demande de brevet Sherman; et c) quune analyse démontrant quun comprimé de VasotecMD est de lénalapril sodique a déjà été rendue public antérieurement.

 

[]

 

Lexaminatrice semble considérer quune personne versée dans lart serait tout simplement arrivée à lobjet de la demande de brevet Sherman en prenant les ingrédients énumérés dans la monographie du VasotecMD et en les mélangeant suivant le procédé bien connu de granulation humide. Autrement dit, si lon mélangeait simplement du maléate dénalapril avec du bicarbonate de sodium dans un procédé de granulation humide, il est inévitable et entendu quune réaction surviendrait pour donner de lénalapril sodique. Le demandeur ne souscrit pas à cette conclusion pour trois raisons.

 

Premièrement, et ce qui est le plus important, le demandeur fait valoir que lantériorité révèle précisément que la combinaison des ingrédients du comprimé de VasotecMD dans un procédé de granulation humide ne donne pas lieu à une réaction et, par conséquent, ne produit pas de lénalapril sodique.

 

[]

 

Deuxièmement, la méthode faisant lobjet de la demande de brevet Sherman repose essentiellement sur la production dune réaction chimique durant le procédé de granulation humide. Le fait quune base de sodium (par ex., du bicarbonate de sodium) soit présente pour réagir avec efficacité avec le maléate dénalapril est implicite dans cette méthode. Lexaminatrice na pas fourni, dans les enseignements des antériorités quelle a combinés, de référence démontrant quune réaction surviendra durant un procédé de granulation humide. Cet élément est exigé dans la méthode revendiquée par M. Sherman dans sa demande de brevet et est expressément mentionné dans toutes les revendications. Il faut savoir quune réaction chimique se produira durant la granulation humide, sinon il est impossible de dire que les antériorités mènent « directement et facilement » à la méthode Sherman.

 

[]

 

Troisièmement, dans sa démarche relative à lévidence (son analyse de lévidence), lexaminatrice na pas expliqué pourquoi une personne versée dans lart qui veut fabriquer un comprimé dénalapril sodique utiliserait une liste dingrédients liés à la fabrication de comprimés de maléate dénalapril. Les antériorités (Merslavic, Harris, Rork, Gu et la décision du juge McKay) nous enseignent quil ny a pas de réaction durant le procédé de granulation humide, mais que celle‑ci doit plutôt sopérer avant la granulation humide. Il nexiste pas une seule publication faisant état de la production dune réaction durant le procédé de granulation humide. Par conséquent, si une personne versée dans lart devait utiliser les ingrédients de VasotecMD pour faire un comprimé dénalapril sodique, elle saurait quil faut produire une réaction pour transformer le maléate dénalapril en énalapril sodique. Le demandeur soutient respectueusement que cette personne aurait tout simplement fait ce que les antériorités avaient déjà enseigné pour produire cette réaction, soit lopérer dans une solution avant la granulation humide et non durant celle‑ci.

 

 

Deux questions ont été soulevées devant la Commission : 1. La méthode décrite dans les revendications a‑t‑elle été devancée par les antériorités citées? 2. La méthode décrite dans les revendications est‑elle évidente compte tenu des antériorités citées?

 


En ce qui a trait à la première question, l’un des nombreux critères de constatation de l’antériorité a été défini par le juge Gibson dans Reeves Bros. Inc. c. Toronto Quilting & Embroidery Ltd., 43 C.P.R. (2d), 145, à la page 157, comme suit :

Si je comprends bien, pour quil y ait constatation dantériorité, la technique courante doit : (1) avoir donné antérieurement une description exacte; (2) donner des directives qui ne conduisent quau résultat revendiqué; (3) indiquer clairement, sans erreur possible, une direction; (4) donner des renseignements qui, à toutes fins pratiques, valent ceux que donnent le brevet en cause; (5) informer celui qui est aux prises avec le même problème suffisamment pour quil puisse dire « cest ce que je cherche »; (6) informer suffisamment pour permettre à celui qui na que des connaissances ordinaires de percevoir immédiatement linvention; (7) en labsence de directives explicites, indiquer un [TRADUCTION] « résultat certain » qui [TRADUCTION] « ne sera vérifié que par lexpérience »; et (8) satisfaire à tous ces critères en un seul article, sans quil soit nécessaire de fabriquer une mosaïque.

 

L’examinatrice a estimé que la méthode revendiquée manquait de nouveauté par rapport à la formulation, l’utilisation et la vente des comprimés de VasotecMD, comme en fait foi la monographie de ce produit. La Commission conclut que les comprimés de VasotecMD contiennent du maléate d’énalapril, comme l’indique la monographie du produit. Le fait que l’énalapril sodique soit un composé connu mais qu’il ne figure pas dans les documents imprimés se rapportant au produit de Merck signifie que le rejet fondé sur le manque de nouveauté ne satisfait pas à la huitième exigence du critère d’antériorité énoncé précédemment. Aucune des références citées ne fait état d’un procédé comportant toutes les étapes suivantes : le mélange des ingrédients, notamment le maléate d’énalapril, un composé alcalin et l’eau, dans un procédé de granulation humide pour former une masse humide, l’assèchement de la masse humide et la transformation en comprimés contenant de l’énalapril sodique.

 

Dans Reeves Bros. Inc. c. Toronto Quilting & Embroidery Ltd., 43 C.P.R. (2d), 145, à la page 157, le juge Gibson a également énoncé le critère suivant pour établir l’évidence :

 

En outre si je comprends bien, puisque le moyen de défense fondé sur lévidence ne saurait être accueilli que si lon conclut à labsence détape inventive, la preuve apportée en défense doit établir que la solution recherchée qui a donné lieu à linvention présumée était « très évidente », manifeste aux yeux dun technicien dépourvu dimagination et ne devait pas reposer sur une analyse a posteriori.

 

Le critère du caractère évident de l’invention a été défini par la Cour dans Beloit Canada Ltd. c. Valmet OY, 8 C.P.R. (3d), 289, à la page 294, comme suit :

Pour établir si une invention est évidente, il ne sagit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. La pierre de touche classique de lévidence de linvention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle desprit inventif ou dimagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu dintuition; un triomphe de lhémisphère gauche sur le droit. Il sagit de se demander si, compte tenu de létat de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où linvention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout‑le‑monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. Cest un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

                                                    

 


Pour ce qui est du rejet fondé sur l’évidence, la Commission indique que la revendication 1 décrit un procédé de fabrication de l’énalapril sodique, y compris les étapes suivantes : le mélange des ingrédients, notamment du maléate d’énalapril, d’un composé sodique alcalin et de l’eau, pour former une masse humide, l’assèchement de la masse humide et la formation finale d’une composition solide comprenant de l’énalapril sodique.

 

L’examinatrice a inclus une très bonne analyse des réalisations antérieures dans sa décision finale et cette analyse est citée ci-dessus. Pour récapituler :

 

Harris et coll., USP 4,743,450, divulguent des formulations stables d’énalapril; un stabilisateur alcalin, un saccharide, un agent désintégrant et un lubrifiant, qui sont tous combinés dans la méthode de granulation humide. Jamais on ne mentionne que de l’énalapril sodique est formé par suite d’une réaction chimique durant l’étape de mélange.

 

Merslavic et coll. divulguent une formulation stable de sel d’énalapril. Le maléate d’énalapril est mis en suspension dans l’eau, une solution d’hydroxyde de sodium, de carbonate de sodium ou d’hydrogénocarbonate de sodium est ajoutée, puis  du lactose est ajouté à la solution claire obtenue de sel sodique d’énalapril. Le procédé de granulation humide n’est pas mentionné.

 

La demande de brevet de Rork et Haslam divulgue une pompe osmotique pour la libération contrôlée d’énalapril. Dans une des méthodes citées dans la demande, l’énalapril sodique est formé à partir de maléate d’énalapril dissout dans l’eau et, dans un autre exemple, les ingrédients sont mélangés avant l’addition d’eau. On ne mentionne pas la transformation de maléate d’énalapril en énalapril sodique durant le procédé de granulation humide.

 

Remington décrit une méthode générale de préparation de comprimés par granulation humide, qui n’est pas propre aux compositions divulguées dans la présente demande.

 

La monographie du VASOTECMD énumère les composants du comprimé d’énalapril de Merck Frosst. Dans ce document, ce produit est décrit comme étant composé de maléate d’énalapril. Aucune mention d’énalapril sodique n’y est faite.

 

Tout au long de l’instance dans Merck & Co. c Apotex Inc., ainsi que dans la décision rendue par la Cour fédérale, le produit en question est désigné comme étant du maléate d’énalapril. Aucune mention d’énalapril sodique n’y est faite. 

 


Il a été démontré que chacune des étapes de la méthode énoncée dans la présente demande est connue dans au moins une des références. Toutefois, dans chacune de ces références, il manque au moins une caractéristique essentielle de la méthode divulguée et revendiquée dans la présente demande et aucune d’elles ne comporte de directive qui rendrait leur combinaison très évidente ou manifeste aux yeux d’un « technicien dépourvu d’imagination ».

 

La Commission conclut donc que la méthode divulguée et revendiquée dans la présente demande est nouvelle et non évidente compte tenu des références.

 

La Commission recommande donc que le rejet de la demande soit infirmé et que la demande soit retournée à l’examinatrice pour un nouvel examen conformément aux présentes recommandations.

 

 

 

 

 

 

Michael Gillen                 John Cavar                           M. Wilson

Président                              Membre                               Membre

 

 

 

Je souscris à la recommandation de la Commission voulant que le rejet de la demande soit infirmé et que la demande soit retournée à l’examinatrice pour un nouvel examen conformément à la recommandation de la Commission.

 

 

 

 

David Tobin

commissaire aux brevets

 

Signé à Gatineau (Québec)

en ce 13e jour de juillet 2005

 

 


 

 

 

 

 

 

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