Commissioner's Décision #1251
Décision du Commissaire #1251
TOPIC: O
SUJET: O
Application No: 2,149,244 (Class E21B-021/00)
Demande No: 2,149,244 (Classe E21B-021/00)
C.D. #1251
SOMMAIRE DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE
DC 1251 Demande 2,149,244
Publication antérieure
L’examinateur a rejeté cette demande sur la base que l’invention était clairement une copie de l’état antérieur de la technique. La Commission partage l’avis de l’examinateur comme quoi un technicien adroit en manque d’imagination serait arrivé directement et sans difficulté à l’invention présumée.
La demande a été rejetée par le Commissaire aux brevets.
DANS LE BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
La demande de brevet no 2,149,244 ayant été refusée en vertu du paragraphe 30(4) des Règles sur les brevets, le demandeur a demandé la révision de la décision finale de l’examinateur. Le
rejet de la demande a donc été examiné par la Commission d’appel des brevets et par le Commissaire aux brevets. Suivent les conclusions de la Commission et la décision du
Commissaire.
Agent du demandeur
David J. French
225, rue Metcalfe
Bureau 7000
Ottawa (Ontario)
K2P 1P9
La présente décision porte sur la requête du demandeur en vue d’obtenir la révision de la décision finale de l’examinateur relativement à la demande de brevet no 2,149,244 (Classification
internationale E21B-021/00), déposée le 14 juin 1994 et concernant une invention intitulée « Production non cryogène d'azote destiné à être injecté sur place au fond du puits de forage ». L’inventeur est Keith Michael et la demande a été assignée à International Nitrogen Service, Inc.
À la demande du demandeur, la Commission d’appel des brevets a tenu une audience le 25 juillet 2001 où le demandeur était représenté par M. David French, agent du demandeur, et M. Gregory Carr de la firme Carr & Storm, L.L.P. de Dallas (Texas), États-Unis. Le Bureau des brevets était représenté par M. David Kerr, l’examinateur chargé de la demande de brevet, et M. Paul Fitzner, chef de section.
La demande vise une méthode de forage des puits de pétrole, de gaz et géothermiques utilisant un gaz inerte comme fluide de forage pour retirer les déblais de forage d’autour du trépan. Le gaz inerte retenu de préférence est l’azote produit sur place au moyen d’une source non cryogène telle qu’un système de séparation par membrane.
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Reproduite ci‑dessous, la figure 2 de la demande représente une unité de séparation par membrane produisant de l’azote qui est ensuite acheminé au trépan. La figure 5 montre une coupe de puits de forage.
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À la figure 1, l’air entre dans le système par l’orifice d'admission 4 et est comprimé par le compresseur 6. Il emprunte ensuite le conduit 8 jusqu’à l’unité de séparation par membrane 10 où il est séparé en un écoulement riche en azote et un écoulement riche en oxygène déchargés du système. L’écoulement riche en azote emprunte le conduit 12 jusqu’au compresseur 14 pour ensuite atteindre l’installation 18 en tête de puits. L’azote passe ensuite de l’intérieur du train de forage 124 au trépan 138 et revient en surface avec les déblais de forage par la voie de passage 126.
La revendication 1 de la demande est la suivante :
Une méthode de forage pour les puits de pétrole, de gaz ou géothermiques dans laquelle un gaz comprimé est envoyé au trépan dans le fond du puits, l’amélioration comprenant :
a) le retrait d’au moins une portion substantielle de l’oxygène contenue dans un écoulement d’air au site dudit forage pour produire un gaz inerte à forte teneur et un gaz résiduaire enrichi d’oxygène;
b) l’acheminement du gaz inerte à forte teneur autour dudit trépan dans le fond du puits en un volume suffisant pour éliminer du trépan les déblais de forage,
l’étape « a » comprenant le passage d’un écoulement d’air au travers d’une membrane qui sépare sélectivement l’azote des autres composants gazeux de l’air.
Dans sa décision finale, l’examinateur en rejetant la demande, a invoqué les références suivantes pour rejeter toutes les revendications, de même que la demande même :
Brevet britannique
2,186,682 19 août 1987 SPAC et al
Publications
« Membrane Séparation Offers Low-Cost Inert Gas Safety », Ocean Industry, Juillet 1990
Catalogue 1991-1992 de Stewart and Stevenson Petroleum Products
« Nitrogen Generators », Power News, Vol 31, No. 1, Printemps 1991
Ces références ont été portées à l’attention de l’examinateur à l’appui d’une contestation déposée le 19 mars1996.
En rejetant les revendications 1 à 6 et la demande même, l’Examinateur déclare notamment que :
Chacune des références invoquées démontre que le gaz inerte riche en azote peut être produit et fourni en grandes quantités sur place pour effectuer des opérations dans les champs pétroliers. Les trois documents de référence (publications) traitent de l’utilisation de la technologie de séparation par membrane pour la production d’azote (N2).
Le demandeur a soutenu que dans la décision en date du 29 octobre 1996, la technique présentée utilisait l’azote produit par cette méthode connue pour éliminer les déblais de forage du trépan. Le demandeur a ensuite prétendu que les références invoquées traitent certes de nombreuses utilisations de l’azote dans les champs pétrolifères mais qu’il n’y est pas suggéré de l’utiliser pour les opérations de forage.
L’utilisation de gaz comprimés pour éliminer les déblais de forage est bien connue dans l’industrie du forage. La publication d’Ocean Industry traite des avantages sécuritaires de l’utilisation de gaz inerte plutôt que de l’air comprimé dans l’industrie pétrolière. On peut y lire à la page 28 :
Le N2 hautement inerte semblerait offrir des avantages évidents en matière de sécurité et de respect de l’environnement par rapport à l’air comprimé et au méthane. Il n’augmente pas le potentiel d’incendie ou d’explosion déjà présent dans les opérations de forage et de production, pas plus qu’il n’entraîne de dangers pour l’environnement devant ensuite être atténués. De plus, l’utilisation du N2 plutôt que de l’air comprimé réduit la corrosion du matériel utilisé.
Dans sa réponse du 19 juin 1998 suite à la décision finale de l’examinateur, le demandeur a déclaré notamment que :
Selon l’article extrait d’Ocean Industry, la seule référence analysée en détail par l’examinateur, l’azote produit par membrane de séparation de gaz peut être utilisée près des plates-formes de forage. Mais il n’explique pas plus qu’il ne suggère l’utilisation d’azote produit par membrane de séparation comme fluide de forage. La référence suggère que l’azote produit par membrane peut être utilisé pour des tâches telles que le dégazage des réservoirs ou toute autre « utilisation classique de gaz inerte » des plate-formes de forage. Bien que l’article soutienne qu’il existe de nombreuses utilisations pour le gaz inerte sur une plate-forme de forage, il ne parle pas de la possibilité d’utiliser de l’azote produit par membrane de séparation comme fluide de forage.
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La référence [Brevet britannique 2,186,682] montre un appareil permettant d’acheminer l’azote jusqu’à la tête d’un puits de forage au moyen d’un système d’adsorption modulée
en pression. Selon cette référence, il existe un besoin pour la production d’azote sur le site de forage. Une liste de diverses utilisations de l’azote dans de tels environnements est comprise, notamment pour l’utilisation d’un transporteur permettant d’introduire des fluides dans les formations pétrolifères : acidifiants, traitements au solvant, aux surfactifs et/ou aux détergents, et pour la division des formations de puits et l’amélioration de la récupération. Mais la référence ne traite pas de l’utilisation de l’azote comme fluide de forage. Une fois de plus, si une telle utilisation était connue, elle aurait sûrement été comprise dans la liste des autres utilisations. Le fait que la référence ne mentionne pas cette utilisation de l’azote non-cryogénique produit comme fluide de forage démontre encore plus la non-évidence de la présente invention revendiquée.
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Le catalogue Stewart and Stevenson mentionne également de nombreuses utilisations de l’azote dans le domaine des puits de pétrole. La référence mentionne l’utilisation de l’azote pour les opérations de cimentage, afin de débarrasser les puits au moyen de serpentins et l’inondation artificielle des puits de pétrole pour améliorer la récupération du pétrole de réservoirs épuisés. La référence décrit même l’utilisation de systèmes de séparation membranaire des gaz et d’adsorption modulée en pression pour produire de l’azote. Mais jamais il n’est fait mention de l’utilisation de l’azote comme fluide de forage.
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L’article extrait de Power News reprend essentiellement ce qui est écrit dans le catalogue Stewart and Stevenson. Selon l’article, l’azote produit par membrane de séparation des gaz ou par adsorption modulée en pression peut être utilisé dans un puits de pétrole. Mais il ne mentionne pas les utilisations données dans le catalogue Stewart and Stevenson, pas plus que l’azote puisse être utilisé comme fluide de forage.
Le demandeur a également soumis un dossier à la Commission d'appel des brevets dans lequel il soulignait plusieurs facteurs devant être examinés avec la question de la brevetabilité. Ces facteurs comprennent le standard d’un succès évident et commercial.
À l’appui de l’affirmation du demandeur selon laquelle la présumée invention a bénéficié d’un succès commercial, une déclaration signée par un employé du demandeur, M. C. Robin Young, a été présentée. Cette déclaration porte sur le total des ventes annuelles des services décrits dans la présente demande entre 1993 et 1997 effectuées par le demandeur.
Le paragraphe 28.3 de la Loi sur les brevets stipule les exigences permettant de déterminer la non-évidence :
L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l'art ou la science dont relève l'objet, eu égard à toute communication :
a) qui a été faite, plus d'un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l'information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu'elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;
b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu'elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.
Au fil des années, de nombreux cas de jurisprudence ont fait appel à des tests pour déterminer l’évidence d’une invention. L’un des tests les plus brefs est celui de l’affaire Beecham Canada Ltd c. Proctor & Gamble (1982), 61 CPR (2d), 1 à 27 par Urie JA :
La question qui est posée est de savoir, si à la date d’invention (août-septembre 1964), un technicien qualifié et en manque d’imagination, à la lumière de ses connaissances générales et de la documentation et de l’information disponibles alors sur le sujet, serait arrivé directement et sans difficulté à l’invention de Gaiser.
Pour commencer le test d’évidence, la Commission devait d’abord déterminer quel était l’état de la technique dans le domaine du forage de puits lorsque la revendication a été déposée (le 14 juin 1994). Le demandeur soutient que l’utilisation de l’azote comme fluide de forage était connu (voir page 2, lignes 16 à 25 de la divulgation du demandeur). Apparemment, l’azote liquide était transporté au site de forage. Bien entendu, le transport de l’azote liquide jusqu’au site de forage présentait des problèmes logistiques lorsque le puits se trouvait en région éloignée. Des tentatives ont alors été faites pour obtenir d’autres sources fiables d’azote. Mais ces autres sources présentaient toutes sortes de problèmes, en plus d’être trop coûteuses ou trop corrosives (ou même les deux).
Avec le temps, plusieurs procédés non-cryogéniques permettant de séparer l’air en composants riches en azote et en composants riches en oxygène ont été développés, notamment la séparation par membrane, l’adsorption modulée en pression, l’adsorption modulée sous vide et les piles à combustible. En 1990, la technologie de séparation par membrane était développée au niveau indiqué par l’article d’Ocean Industry, l’azote produit par séparation par membrane ayant été utilisé dans de nombreuses applications. Le catalogue Stewart and Stevenson prouve que cette technologie était donc déjà disponible sur le marché et qu’une unité pouvait produire jusqu’à 96 000 pi³ normalisés d’azote par heure.
Il est donc nécessaire de revenir à notre technicien qualifié et en manque d’imagination et d’évaluer quelles connaissances lui étaient disponibles à la date de la revendication. Il devait savoir qu’on peut utiliser un gaz plutôt que de la boue de forage pour dégager le trou de forage. Un technicien aurait été au courant du risque d’explosion à partir d’étincelles créées par le trépan attaquant la roche. Il ou elle aurait su à la lecture des revues techniques que la nature inerte de l’azote en faisait un gaz acceptable. L’article d’Ocean Industry aurait emmené notre technicien au concept d’utilisation de la séparation par membrane dans un puits de forage. Cet article met l’accent sur la transportabilité et l’utilisabilité de ce système sur les sites éloignés. Le catalogue Stewart and Stevenson a une section appelée « Nitrogen Pumping Systems » qui traite des avantages de l’azote dans l’industrie pétrolière et gazière et dirige le lecteur vers leurs générateurs transportables d’azote à séparation membranaire. L’article informe notre technicien des spécifications techniques des générateurs de ce type disponibles. Ces spécifications l’informent sur la transportabilité des unités et sur la production d’azote. Le technicien n’a plus qu’à choisir l’unité appropriée pour le travail à faire.
À la lumière de ces renseignements, la Commission considère que le technicien aurait abouti directement et sans difficulté à la présumée invention présentée et revendiquée dans la présente demande. Il en résulte que la Commission en vient à conclure que la présumée invention était évidente à la date de la revendication et qu’elle ne se conforme pas aux exigences du paragraphe 28(3) de la Loi sur les brevets.
Bref, la Commission recommande le rejet de la présente demande par l’examinateur soit maintenu.
P. J. Davies M. Wilson
Président Membre
Je corrobore les conclusions de la Commission d'appel des brevets et refuse d’enregistrer cette demande.
David Tobin
Commissaire aux brevets
Signé à Gatineau (Québec) ce 21e jour de mars 2002