Décision du commissaire n° 1231
Commissioner's Decision #1231
SUJET : J-10
TOPIC: J-10
Demande n° 2,085,228
(Classification internationale : G06F-007/556)
Application No: 2,085,228
(International Classification: G06F-007/556)
D.C. n° 1231
SOMMAIRE DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE
D.C. n° 1231 Demande n° 2,085,228
Objet non brevetable
L’examinateur a rejeté la demande sur le fondement de l’article 2 et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets au motif que l’invention revendiquée n’est qu’un ordinateur à vocation universelle programmé pour calculer des exponentielles. La Commission a décidé que la demande divulgue et revendique un appareil conçu spécifiquement pour exécuter la nouvelle méthode de la demanderesse pour le calcul des exponentielles.
La demande a été renvoyée à l’examinateur pour qu’il en poursuive l’instruction.
D.C. 1231
BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE
La demande n° 2,085,228 ayant été rejetée en vertu de la règle 47(2) du Règlement sur les brevets, la demanderesse a demandé la révision de la décision finale de l’examinateur. Le rejet a ensuite été examiné par la Commission d’appel des brevets et par le commissaire. Les conclusions de la Commission et la décision du commissaire ont la teneur suivante :
Représentant de la demanderesse
Gowling Strathy and Henderson
C.P. 466, Succursale D
Ottawa (Ontario)
K1P 1C3
Il s’agit d’une demande de révision par le commissaire de la décision finale de l’examinateur datée du 4 août 1995 et portant sur la demande de brevet n° 2,085,228 (classification internationale G06F-007/556) déposée le 24 juin 1991 et intitulée « DISPOSITIF ET MÉTHODE POUR ÉVALUER LES EXPONENTIELLES ». La demanderesse est Motorola Inc., cessionnaire de l’inventeur Brett L. Lindsley. Dans la décision finale, l’examinateur a rejeté toutes les revendications de la demande, ainsi que la demande au complet, pour absence d’objet brevetable sur le fondement de l’article 2 et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Une audience a eu lieu le 26 novembre 1997; la demanderesse était alors représentée par M. Gary O’Neil, de Gowling, Strathy & Henderson.
La demande porte sur une méthode et un dispositif pour évaluer de manière efficace les fonctions exponentielles. La figure 1A donnée ci-dessous présente un schéma fonctionnel de la réalisation dans un matériel informatique de l’invention.
La revendication 1 est ainsi conçue :
Un dispositif servant à traiter une valeur d’entrée pour produire la valeur de sortie exponentielle d’une base désirée élevée à la puissance de cette valeur d’entrée, ce dispositif comprenant :
A) un premier dispositif d’ajustement couplé de façon à recevoir la valeur d’entrée, une base prédéterminée d’une première valeur exponentielle et la base désirée, qui sert à obtenir une première valeur transposée;
B) un dispositif de modification couplé de façon à recevoir la première valeur transposée, qui sert à engendrer une valeur d’approximation;
C) une mémoire morte (ROM) couplée au dispositif de modification, qui sert à déterminer la première valeur exponentielle ayant la base prédéterminée;
D) un dispositif d’ajustement des erreurs couplé au premier dispositif d’ajustement et au dispositif de modification, qui sert à engendrer une valeur d’ajustement d’erreur;
E) un dispositif générateur de corrections couplé au dispositif d’ajustement des erreurs, qui sert à déterminer une valeur de correction; et
F) un dispositif combinateur couplé à la mémoire morte et au dispositif générateur de corrections, qui sert à obtenir substantiellement la valeur de sortie exponentielle définie par la base désirée élevée à la puissance de la valeur d’entrée.
Dans sa décision finale, l’examinateur a rejeté toutes les revendications, ainsi que la demande elle-même, en disant notamment :
[TRADUCTION]Le rejet de toutes les revendications ainsi que du reste de la demande est confirmé au motif de l’absence d’objet brevetable sur le fondement de l’article 2 et du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.
L’application enseigne une technique mathématique pour l’évaluation des exponentielles.
Ce qui est revendiqué, c’est un appareil de calcul numérique qui ne fait que réaliser une fonction particulière d’un ordinateur à vocation universelle avec le but de calculer des exponentielles.
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Il est jugé qu’une méthode de calcul numérique n’est pas un objet brevetable, qu’elle soit réalisée dans un matériel informatique ou dans un logiciel.
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L’appareil revendiqué ne fait que résoudre des formules mathématiques, lesquelles sont assimilées à « de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques ».
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Il est évident pour tout homme du métier que l’enseignement de l’invention alléguée consiste en un algorithme mathématique qui est revendiqué comme dispositif. C’est cet algorithme mathématique que la demande enseigne et qui a de fait été découvert. Qu’il soit revendiqué comme dispositif - ou peut-être comme programme d’ordinateur - n’est pas pertinent pour répondre à la question « Qu’est-ce qui, selon la demande, a été découvert ... »
Dans sa réponse à la décision finale, la demanderesse passe en revue de façon détaillée l’évolution du droit concernant la brevetabilité des inventions reliées à l’ordinateur tel qu’il ressort des décisions de divers tribunaux américains. Il a été relevé que la seule décision de la jurisprudence canadienne portant sur les inventions reliées à l’ordinateur, l’arrêt Schlumberger c. Commissaire des brevets, 56 C.P.R. 2d (p. 204), n’est pas pertinente dans la présente affaire.
La demanderesse a notamment fait valoir :
[TRADUCTION] L’examinateur cite la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Schlumberger c. Commissaire des brevets, 56 C.P.R. 2d (p. 204) et semble s’appuyer sur celle-ci. Ainsi qu’il sera exposé de façon plus détaillée, cette décision doit être considérée comme non pertinente en l’espèce en ce qu’elle ne porte que sur la question de la brevetabilité d’un programme informatique en soi.
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.... La première et jusqu’à maintenant la seule décision qui puisse nous servir de guide dans ce domaine est l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Schlumberger Canada Ltd. c. Commissaire des brevets, (56 C.P.R.) (2d) 204. La demande dans l’affaire Schlumberger portait d’abord sur la production de données utiles à l’exploration géologique. Selon ce procédé, les mesures d’entrée provenant des trous de forage étaient enregistrées sur des bandes magnétiques, puis transmises à un ordinateur programmé selon les formules mathématiques prévues. L’ordinateur convertissait ces informations en informations utiles sous forme de graphiques, figures ou tableaux qui pouvaient être lus par les géologues.
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Il est tout à fait évident, sur la base de ce qui précède, que la présente affaire est diamétralement opposée, en ce qui concerne les faits, à l’affaire Schlumberger citée plus haut, dans laquelle on cherchait à obtenir la protection pour une méthode d’utilisation d’un ordinateur d’une manière déterminée en vue d’accomplir certains calculs mathématiques, le résultat final consistant simplement en nombres utiles pour permettre à des géologues qualifiés de prendre certaines décisions. À l’opposé de l’affaire Schlumberger, la présente demande décrit et revendique un appareil qui, considéré comme un tout, est nouveau et utile, ainsi que l’exige l’article 2, et qui n’est pas un « simple principe scientifique ou conception théorique », pour reprendre les termes du paragraphe 27(3). Les revendications de la demanderesse ne font pas obstacle à l’utilisation par d’autres d’une forme quelconque de programme ou d’algorithme en soi; elles cherchent seulement à faire obstacle à l’utilisation du dispositif exposé dans les revendications.
La Commission doit donc décider si l’invention de la demanderesse est brevetable selon l’article 2 et le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets.
Le terme «invention» reçoit, à l’article 2 de la Loi sur les brevets, la définition suivante :
Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.
Le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets était, au moment de la décision finale, ainsi conçu :
Il ne peut être délivré de brevet pour une invention dont l’objet est illicite, non plus que pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques.
La Commission a revu l’ensemble de la demande pour déterminer ce qui a été découvert. Selon la divulgation de la demanderesse, l’invention alléguée porte sur une méthode et un dispositif permettant de traiter une valeur d’entrée pour obtenir de manière rapide et efficace une valeur de sortie qui est [la fonction trigonométrique inverse] l’exponentielle de la valeur d’entrée. Au cours de l’instruction, la demande a été modifiée pour retirer du titre le mot « méthode » et toutes les revendications se rapportent à un dispositif.
Au terme de cet examen, la Commission a décidé que la demanderesse a découvert un algorithme servant à l’évaluation de fonctions exponentielles, a converti cet algorithme en une série d’étapes et a finalement mis au point un dispositif permettant de réaliser cette série d’étapes.
Il est généralement accepté qu’il n’est pas possible d’obtenir un brevet contenant des revendications portant sur un algorithme en tant que tel. Une méthode qui ne fait rien qu’exposer les étapes nécessaires pour résoudre un algorithme n’est pas brevetable.
La revendication d’un appareil qui consiste exclusivement en une série d’énoncés dispositif et fonction est habituellement considérée comme n’étant rien de plus qu’une revendication de méthode « déguisée » et si la méthode elle-même n’est pas brevetable, ce type d’appareil n’est pas non plus brevetable.
Comme le montre la formulation de la revendication 1, l’appareil divulgué et revendiqué dans la demande est plus que simplement une série d’énoncés dispositif et fonction. Il comprend, dans la section C), une mémoire morte, couplée à un dispositif de modification. Il s’agit là d’un élément spécifique de matériel informatique et, en tant que telle, cette revendication est nécessairement limitée à une configuration spécifique d’au moins un élément physique ainsi que de certains éléments qui sont ordinairement des composantes ordinaires d’un ordinateur bien connu, programmés pour exécuter les fonctions désirées.
La Commission a conclu que la demanderesse a inventé un dispositif qui est spécifiquement adapté à exécuter la méthode de résolution des algorithmes qu’elle a élaborée. Ce dispositif, s’il contient beaucoup d’énoncés dispositif et fonction, comprend aussi au moins une pièce spécifique de matériel informatique qui est un élément physique réel. En conséquence, la Commission croit que les revendications de la demande ne portent pas que sur un simple principe scientifique ou conception théorique. La demanderesse ne cherche pas à empêcher d’autres personnes d’utiliser la méthode elle-même, mais à empêcher d’autres personnes d’utiliser le dispositif spécifique qui est revendiqué.
En résumé, la Commission recommande que le rejet de toutes les revendications et de la demande elle-même soit retiré et que la demande soit renvoyée à l’examinateur pour la poursuite de l’instruction.
P.J. Davies, M. Howarth, M. Wilson,
président membre membre
J’accepte les conclusions et la recommandation de la Commission d’appel des brevets. En conséquence, je renvoie la demande à l’examinateur pour la poursuite de l’instruction conformément à la présente décision.
S. Batchelor
Commissaire aux brevets
Hull (Québec),
le 3 novembre 1998