Commissioner's Decision #1220
Décision du Commissaire #1220
TOPIC: OO
SUJET: OO
Application No: 2,041,167
Demande no : 2,041,167)
D.C. 1220
RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE
D.C. 1220 ....Demande no 2,041,167 (OO)
Les revendications sont rejetées car elles sont évidentes pour des spécialistes de la technique susmentionnée.
La demande divulguait des produits à couches multiples fabriqués et préparés en insérant une couche de bentonite entre des couches de membrane souple. Les produits conviennent bien aux surfaces d’étanchéité qu’on trouve par exemple dans les étangs d’épuration et dans les zones de confinement de déchets dangereux ou toxiques. L’examinateur a rejeté les 40 revendications car elles ne comportent pas de différences brevetables si l’on considère les deux antériorités seules ou conjuguées. La recommandation de la Commission que le refus soit renversé a été acceptée par le Commissaire des brevets.
BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE DES BREVETS
Comme la demande de brevet no 2,041,167 a été rejetée en vertu du paragraphe 47(2) des Règles sur les brevets, le demandeur a demandé une révision de la décision finale rendue par l’examinateur. Le rejet a été examiné par la Commission d’appel des brevets et par le Commissaire des brevets. Voici les conclusions de la Commission d’appel et la décision rendue par le Commissaire :
Mandataire du demandeur
Fetherstonhaugh & Co.
B. P. 2999, poste D
55, rue Metcalfe, pièce 900
Ottawa (Ontario)
K1P 5Y6
La présente décision a trait à la demande de révision, par le Commissaire des brevets, de la décision finale rendue par l’examinateur relativement à la demande de brevet no 2,041,167 déposée le 24 avril 1991. Le demandeur est l’American Colloid Company, cessionnaire de l’inventeur Alec W. White; l’invention porte le titre BARRIÈRE À EAU CONSTITUÉE DE BOUE GONFLABLE À L’EAU INSÉRÉE ENTRE DES COUCHES INTERRELIÉES DE MEMBRANE SOUPLE AIGUILLETÉES EN UTILISANT UN LUBRIFIANT. L’examinateur responsable a rendu une décision finale le 1er novembre 1993 en rejetant toutes les revendications parce que l’objet de l’invention était considéré comme n’étant pas de conception originale d’après les deux antériorités et le demandeur a demandé le 2 mai 1994 que le Commissaire des brevets revoie le refus qui lui a été opposé.
L’invention a trait à un produit à couches multiples fabriqué pouvant servir de membrane hydrofuge pour des surfaces d’étanchéité comme le sol, les plateformes, les composantes des constructions hydrofuges et les structures de sol telles que les étangs d’épuration, les zones de confinement des déchets dangereux ou toxiques et autres zones semblables. Plus particulièrement, l’invention a trait à un produit hydrofuge à couches multiples fabriqué qui comprend une couche d’argile en poudre ou granulaire pouvant être gonflée par l’eau comme la bentonite, entourée de deux couches de membrane souple, par exemple des membranes géotextiles dont les fibres sont emmêlées à intervalles réguliers après lubrification de la couche de boue, par aiguilletage notamment, pour permettre un espacement de structure solide et une liaison entre les couches de membrane souple.
La demande renferme 40 revendications visant les produits fabriqués en soi, les procédés de fabrication des produits et les méthodes permettant d’éviter que l’eau ne pénètre dans les structures lors de l’installation du produit contre les structures. Voici les revendications 1 et 19 de la demande, qui sont représentatives des revendications :
1. Un produit à couches multiples fabriqué pouvant servir de matériau hydrofuge et constitué d’une paire de couches de membrane souple entre lesquelles se trouve insérée une couche de boue bentonitique en poudre ou granulaire, les membranes de ladite paire liées structurellement l’une à l’autre; elles sont assemblées par piquage ou par aiguilletage dans le but d’emmêler les fibres de la membrane souple aux fibres de l’autre membrane souple, emprisonnant ainsi la couche de boue entre elles après l’avoir d’abord mouillé à l’aide d’un lubrifiant dont la quantité se situe entre 0,1 % et environ 40 % de lubrifiant selon le poids sec de la couche de boue.
19. Un procédé de fabrication pour la barrière hydrofuge à couches multiples constituée d’une couche inférieure en toile, d’une couche supérieure en toile et d’une couche intermédiaire faite de bentonite en poudre ou granulaire gonflable à l’eau et prise en serre entre les couches de toile par aiguilletage ou par piquage, l’amélioration consistant à appliquer environ 0,1 % à environ 40 % de lubrifiant sur la couche de boue bentonitique (en proportion du poids sec de bentonite) afin de faciliter la pénétration de l’aiguille qui traversera la couche de boue pour joindre les deux couches de membrane souple en emmêlant leurs fibres, réduisant ainsi l’usure et le frottement auxquels seraient soumise les aiguilles et réduisant également le risque que survienne une rupture des aiguilles; ledit procédé offre une protection uniforme et efficace des couches de membranes supérieure et inférieure qui bordent la couche de boue bentonitique dont l’épaisseur est uniforme.
Dans sa décision finale, l’examinateur a rejeté les revendications parce qu’elles ne comportaient pas de différence brevetable si l’on tient compte de la description du brevet anglais no 2,202,185 - Heerten et al. et du brevet canadien no 1,247,347 - Tesch, dans lequel on affirme notamment :
À la page 3 de la divulgation de la présente demande de brevet, le demandeur explique :
«La demande de brevet GB 2,0202185A émise au R.-U. divulgue une couche de bentonite gonflable à l’eau entre des couches de membrane souple qui ont été aiguilletées ensemble au moyen d’une aiguilleteuse dans le but d’assurer l’emmêlement des fibres textiles de la couche supérieure de membrane non tissée et de la couche inférieure de membrane non tissée.»
Il est évident que le demandeur est familier avec les explications de Heerten et al. La seule différence entre l’objet revendiqué de la présente demande et celui de Heerten et al. est l’application d’un lubrifiant sur la couche intermédiaire dans le but de faciliter la pénétration de l’aiguille tout en réduisant l’usure et le risque de rupture des aiguilles.
Toutefois, cette différence unique est expliquée par Tesch. L’antériorité Tesch a trait à un procédé relatif à la préparation de panneaux plats renforcés par des fibres.À la page 5 de l’antériorité Tesch, on peut lire :
«L’eau présente dans la couche intermédiaire sert d’agent de gonflement pour la masse de la couche intermédiaire, qui peut prendre la forme de bandes de papier ou de papier déchiqueté, ou d’une substance de protection naturelle médicinale comme une pâte de boue, de terre protectrice ou de fange, d’une autre boue semblable, ou d’une bande de céramique brute; ces substances sont gonflées et très souples. L’eau sert de lubrifiant pour les aiguilles insérées par liage et des fibres de retenues qui doivent y être insérées. Des expériences ont démontré que pour le liage par aiguilles de membranes à travers des bandes de papiers sèches ou des bandes de papier déchiqueté sèches placées les unes sur les autres (il peut s’agir également de particules de tourbe sèches), la couche intermédiaire doit être extrêmement mince parce que dans le cas de couches épaisses, il est difficile de faire pénétrer les aiguilles dans la couche intermédiaire car elles se brisent très rapidement. Ainsi, les aiguilles insérées dans des masses qui contiennent de l’eau ne se brisent presque jamais, alors que dans l’industrie du textile elle se brisent parfois.» (n’était pas souligné dans le texte original)
À la lumière des explications de Tesch, on ne fournit pas la preuve que la différence qui distingue l’objet revendiqué du demandeur de celui d’Heerten et al. soit de conception originale.
Le demandeur soutient que «Tesch, par conséquent, n’a pas envisagé l’utilisation d’argile gonflable à l’eau comme couche intermédiaire et, en fait, que ce dernier conseille de ne pas utiliser d’argile gonflable à l’eau comme couche intermédiaire puisqu’il affirme que les couches intermédiaires épaisses posent des problèmes au moment du liage par aiguilles».
L’examinateur convient que Tesch ne propose aucunement d’utiliser de l’argile gonflable à l’eau, mais n’est pas du même avis pour ce qui est de la conclusion du demandeur à l’effet que Tesch en déconseille l’utilisation. Tesch déconseille le liage par aiguilles dans les couches épaisses sèches.
Le demandeur soutient également que «Tout mouillage préalable de la boue gonflable à l’eau diminue la capacité d’aborption d’eau de la boue. Par conséquent, mouiller au préalable un matériau conçu pour absorber de l’eau va à l’encontre du but recherché. Dans cette proposition, Tesch déconseille également l’utilisation d’un lubrifiant dans un matériau conçu pour absorber de l’eau».
L’examinateur reconnaît, tout comme les spécialistes de cette technique, que le«mouillage préalable de la boue gonflable à l’eau diminue la capacité d’absorption d’eau de la boue».
Toutefois, les spécialistes de la technique qui ont lu Tesch soupèseraient l’avantage de réduire les coûts de production en raison du nombre moins élevé de rupture d’aiguilles en le comparant à toute réduction de la capacité d’absorption d’eau de la boue. On prévoit qu’ils trouveraient un avantage économique à l’invention sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’il s’agit d’une conception originale.
Par conséquent, les revendications 1 à 40 sont rejetées parce que l’objet de l’invention ne comporte pas de différence brevetable si l’on considère Heerten et al., puisque la différence susmentionnée est considérée comme évidente pour une personne qui connaît les fondements de l’invention présumée.
Au surplus, cette différence est évidente parce qu’il s’agit d’un fait de notoriété publique dans la technique analogue indiquée par Tesch.
La question devant la Commission est donc de savoir si le domaine de l’invention revendiquée dans les revendications 1 à 40 comporte ou non une différence brevetable à la lumière de la technique susmentionnée.
En réponse à la décision finale datée du 2 mai 1994, le demandeur s’oppose au rejet en faisant valoir que l’examinateur applique une démarche rétrospective ou procède à une analyse ex post facto afin de déterminer si l’invention est brevetable. Le demandeur soutient que l’invention présente des avantages autres que la réduction du risque de rupture des aiguilles, comme l’obtention d’un produit plus résistant, plus compact et dont les fibres des toiles opposées seront emmêlées de façon plus serrée. À titre de preuve, le demandeur compare les produits sans lubrification aux produits pour lesquels on a recours à la lubrification conformément à l’invention qui montre que les produits de l’invention sont clairement supérieurs.
Dans une autre communication datée du 14 juin 1994, le demandeur a présenté une déclaration sous serment de l’inventeur Alec C. White selon laquelle il est de notoriété publique que les spécialistes de la technique visant à utiliser de la boue bentonitique afin de disposer de l’argile la plus sèche possible avant l’installation ou l’utilisation dans le but de conserver le gonflement maximal après l’installation. Par conséquent, mouiller la boue avant d’installer les produits de l’invention irait à l’encontre des connaissances des spécialistes de cette technique.
L’inventeur soutient également que la lubrification qui facilite la pénétration de l’aiguille donne en outre un produit supérieur en ce sens qu’il est plus serré, plus compact et plus dense car la pénétration de l’aiguille a été facilitée. Cette amélioration, selon l’inventeur, n’aurait pu être prévue par l’information contenue dans l’une ou l’autre des antériorités invoquées. Les allégations de l’inventeurs sont également corroborées par la déclaration sous serment de Richard W. Carriker et James T. Olstra, deux ingénieurs oeuvrant au sein d’une division de la compagnie du demandeur, et ont été présentées par le demandeur le 26 mai 1997.
Comme dans les antériorités, l’invention de Heerten est divulguée comme étant la technique susmentionnée par le demandeur et dénote essentiellement la fabrication d’un produit de bentonite sans lubrification qui est à l’origine de l’invention du demandeur. Comme dans l’antériorité Tesch, le demandeur affirme que l’antériorité a trait à la production de panneaux plats fluidifiables renforcés par des fibres; on insère entre deux couches constituées de ces panneaux une couche intermédiaire au moyen d’un procédé de liage par aiguilles. Dans Tesch, la teneur en eau est telle que la couche intermédiaire constituée de boue est déjà à l’état gonflé, ce qui la distingue de l’invention du demandeur où la quantité d’eau ajoutée est considérablement moins élevée.
Au demeurant, même si Tesch affirme également que l’eau contenue dans la couche du centre agit comme lubrifiant de telle manière que la rupture d’aiguilles est rarement observée, le demandeur estime que rien n’indique dans l’antériorité considérée seule ou conjuguée à Heerten que l’utilisation de certaines quantités d’eau divulguée par le demandeur entraînerait non seulement une réduction du nombre de ruptures des aiguilles mais également une production accrue d’un produit amélioré.
Le demandeur fait également remarquer que les produits de Tesch se rapportent, par exemple, à des tampons destinés à être appliqués sur le corps humain, utilisation très différente de celle à laquelle sont destinés les produits du demandeur et ce, dans une mesure telle que le demandeur estime que l’antériorité ne peut être invoquée à l’appui du rejet fondé sur une évidence. L’allégation du demandeur est que l’antériorité appartient à un domaine tellement peu apparenté à celui de son invention qu’elle ne pourrait être soulevée par un spécialiste de la technique de fabrication de membranes souples hydrofuges.
Après un examen approfondi des antériorités, la Commission accepte l’opinion du demandeur à l’effet qu’aucune antériorité seule ou conjuguée à une autre ne peut vraiment être utilisée comme preuves à l’appui du rejet des revendications relatives à la demande. Ainsi, l’antériorité Heerten fait simplement état de la technique mentionnée antérieurement concernant les membranes hydrofuges sans lubrification alors que l’antériorité Tesch peut être invoquée pour montrer simplement que l’utilisation d’un lubrifiant lors de l’aiguilletage des membranes réduit le risque que surviennent des ruptures que lorsqu’il n’y a aucune lubrification. Rien ne laisse croire dans Tesch que l’utilisation de certaines quantités d’eau divulguée par le demandeur mène non seulement à un moins grand nombre de ruptures mais également à un produit amélioré. Il n’est pas clair non plus que Tesch puisse être adéquatement cité comme antériorité aux fins de l’évidence puisque son invention relève d’un autre domaine et qu’ainsi on ne pourrait prévoir qu’un spécialiste de la technique de fabrication des membranes hydrofuges la soulève.
En formulant ces constatations de non-évidence, la Commission a tenu compte du recours aux antériorités jurisprudentielles à des fins d’évidence notées par le demandeur et invoquées dans la décision de la Division d’appel de la Cour fédérale dans Beloit Canada Ltd. et al. v. Valmet Oy 8 C.P.R. (3d) 289, à la page 294, à savoir :
La recherche d’évidences ne vise pas à déterminer ce que les inventeurs compétents ont fait ou ce qu’ils auraient fait pour résoudre le problème. Par définition, l’inventeur est inventif. Le spécialiste technique est la pierre de touche classique mais ne traite pas du sujet uniquement par inventivité ou imagination; il est un modèle de perfection en ce qui a trait à la déduction et à la dextérité et est entièrement dépourvu d’intuition; un triomphe de l’hémisphère gauche sur le droit. La question à poser est la suivante : cet individu mythique (celui du recueil Clapham de la loi sur les brevets), à la lumière des connaissances les plus récentes et des connaissances générales en date de l’invention, aurait-il pu en venir directement et sans difficultés à la solution présentée dans le brevet? Il est très difficile d’en fournir la preuve.
La Commission recommande donc que le rejet des revendications 1 à 40 soit retiré et que la demande soit envoyée de nouveau à l’examinateur en vue d’un nouvelle procédure d’examen conformément à la recommandation de la Commission.
P.J. Davies M. Howarth
Président Membre
Je suis d’accord avec la recommandation de la Commission que le rejet des revendications 1 à 40 soit retiré et que l’on retourne par conséquent la demande à l’examinateur en vue d’une nouvelle procédure d’examen conformément à la recommandation de la Commission.
S. Batchelor
Commissaire aux brevets
Daté à Hull (Québec)
ce 15e jour de juillet 1997