DEVANT LE BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
La demande de brevet numéro 592,357 ayant été rejetée, en vertu
du paragraphe 47(2) des Règles sur les brevets, le demandeur a
demandé que la décision finale de l'examinateur soit révisée. Le
rejet a donc été examiné par la Commission d'appel des brevets et
par le commissaire aux brevets. Les conclusions de la Commission
et la décision du commissaire portent :
Mandataire du demandeur
Sim & McBurney
Local 701,
330, avenue University
Toronto (Ontario)
M5G 1R7
La présente décision porte sur la requête du demandeur sollicitant que
soit révisée par le commissaire aux brevets la décision finale rendue
par l'examinateur à l'égard de la demande de brevet numéro 592,357
(catégorie 182-9) déposée le 28 février 1989 par le demandeur et
inventeur Ernst F. Hark relativement à une invention intitulée
(TRADUCTION «Méthode améliorée de filtrage de l'eau». L'examinateur
responsable a rendu la décision finale le 27 novembre 1992 portant
refus de la demande en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi sur les
brevets. Le demandeur a produit une réponse écrite le 26 mai 1993 et
demandé que la décision soit révisée par le commissaire aux brevets.
La demande de brevet porte sur un procédé et un dispositif de
traitement de l'eau à partir de l'approvisionnement en eau des villes.
Cela suppose diverses étapes, y compris le préfiltrage, le filtrage
par charbon activé, le filtrage par dispositif secondaire de même
qu'une étape d'osmose inversée double. Le but visé par le demandeur
est de produire une eau d'une extrême pureté, de l'ordre de 16
mégohms-cm3 ou plus.
Le demandeur avait aussi déposé une demande de brevet couvrant des
objets identiques aux États-Unis le 21 décembre 1987, laquelle a
entraîné la délivrance du brevet américain n o 4,808,287, le 28 février
1989. Comme la date du 28 février 1989 est la même que la date du
dépôt de la demande au Canada, l'examinateur a rejeté la demande en
invoquant le paragraphe 27(2) de la Loi sur les brevets, qui porte :
Un inventeur ou représentant légal d'un inventeur, qui a
fait une demande de brevet au Canada pour une invention à
l'égard de laquelle une demande de brevet a été faite dans
tout autre pays par cet inventeur ou par son représentant
légal avant le dépôt de sa demande au Canada, n'a pas le
droit d'obtenir au Canada un brevet couvrant cette invention
sauf si sa demande au Canada est déposée :
a) soit avant la délivrance d'un brevet à cet inventeur ou
à son représentant légal couvrant cette même invention dans
tout autre pays;
b) soit, si un brevet a été délivré dans un autre pays,
dans un délai de douze mois à compter du dépôt de la
première demande, par cet inventeur ou son représentant
légal, d'un brevet pour cette invention dans tout autre
pays.
L'examinateur était d'avis que la demande de brevet n'avait pas été
déposée au Canada avant la délivrance du brevet américain
susmentionné, de sorte que l'alinéa 27(2)a) de la Loi sur les brevets
constitue un empêchement à l'obtention d'un brevet au Canada. En
adoptant cette position, l'examinateur suit la politique établie par
le Bureau des brevets dans le Recueil des pratiques du Bureau des
brevets.
La Commission note que le Bureau des brevets a cherché à plusieurs
occasions à résoudre la question du dépôt d'une demande de brevet
canadien le même jour que la date de délivrance d'un brevet étranger.
Dans une décision du commissaire aux brevets datée du 28 mai 1957, il
fut décidé de ne pas s'opposer à la délivrance d'un brevet dont la
demande avait été déposée au Canada le même jour que la date de
délivrance d'un brevet étranger correspondant. Cette décision n'était
pas motivée, mais elle a infirmé les décisions antérieures rendues par
le Commissaire le 24 juin 1954 et le 14 juin 1956. Telle fut dès lors
la pratique du Bureau des brevets jusqu'en juillet 1989, lorsqu'une
modification a été apportée au Recueil des pratiques du Bureau des
brevets. La pratique a été changée à la suite d'une autre décision du
Commissaire rendue en 1989 à l'égard d'une demande complémentaire qui
avait été déposée le jour de la délivrance d'un brevet canadien à
l'égard de la demande principale.
La Commission estime toutefois qu'une décision portant sur la
délivrance de brevets à l'égard de demandes complémentaires n'est pas
nécessairement concluante en la présente espèce, laquelle porte sur la
date de délivrance d'un brevet dans un pays étranger, puisqu'il faut
tenir compte des faits et des principes juridiques applicables dans le
pays où le brevet a été délivré.
La Commission doit donc examiner la question de savoir si une demande
de brevet canadien déposée à une date précise peut être considérée
comme ayant été déposée avant la délivrance du brevet américain
correspondant portant la même date, ou encore si l'on peut dire que la
présente demande, déposée le 28 février 1989, a été déposée avant la
délivrance du brevet américain correspondant indiquant le 28 février
1989 comme date de la délivrance.
La Commission a examiné les dispositions législatives américaines
applicables à la délivrance d'un brevet, en particulier celles de 35
U.S.C. 154, qui portent sur le contenu et la durée d'un brevet, mais
qui ne donnent aucune précision au sujet de la date de la délivrance.
Les règles applicables aux brevets font bien mention d'une date, au
paragraphe 1.315 intitulé [TRADUCTION] «Délivrance des brevets», en ces
termes :
[TRADUCTION] Le brevet sera délivré ou posté le jour de sa date au
procureur ou au mandataire...
Cela ne permet toutefois pas de clarifier la question en cause.
La Commission note qu'un ouvrage, rédigé au siècle dernier par
Robinson et intitulé The Law of Patents (Boston : Little, Brown and
Company 1890), établit le calcul de la durée d'un brevet américain qui
n'était pas touchée par celle d'un brevet étranger antérieur, au
paragraphe 625 du volume II du livre III, à la p. 263 :
[TRADUCTION] Dans le calcul du terme d'un brevet dont la durée n'est
pas touchée par celle d'un brevet étranger, il faut exclure le jour
de sa date, et tenir compte du fait qu'il expirera à la dernière
heure du même jour et du même mois, dix-sept ans après sa
délivrance.
Le demandeur a référé la Commission à une décision rendue par la Cour
d'appel de circuit des États-Unis, septième circuit, dans l'affaire
Standard Oil Co, v. Commissionner of Internal Revenue (1942), 129
F.(2d) 363. Cette affaire fiscale portait sur le calcul de
l'allocation pour amortissement d'un brevet. Le brevet américain en
question avait été délivré le 7 janvier 1913, tandis que la loi
fiscale fédérale applicable était entrée en vigueur le 1er mars 1913
(tous les calculs figurent à la page 373 du jugement). La Cour a
accepté le fait qu'en 1930, il restait sept jours, au lieu de six,
avant l'expiration du brevet. En outre, la cour a conclu qu'à compter
du 1er mars 1913 inclusivement, il restait 16 ans et 313 jours avant
que le brevet n'arrive à terme. Le demandeur fait valoir que ce
jugement appuie la prétention selon laquelle un brevet américain est
délivré à la fin du jour correspondant à la date qui y est apposée.
A l'appui de cette prétention, le demandeur a aussi invoqué le
chapitre 201.11 du Manual of Patent Examining Procedure publié par le
bureau américain des brevets et des marques de commerce, qui définit
la coinstance de la façon suivante :
(TRADUCTION Si la première demande entraîne la délivrance d' un
brevet, il suffit que la deuxième demande soit en coinstance avec
elle si la deuxième demande est déposée à la même date...
Compte tenu de ce qui précède, la Commission accepte qu'un brevet des
États-Unis qui porte la date du 28 février 1989 (un mardi) comme date
de la délivrance a été délivré à la fin de ce jour, c'est-à-dire à
minuit entre mardi et mercredi. Par conséquent, la demande de brevet
canadien déposée par le demandeur le 28 février 1989 a été déposée
avant la délivrance du brevet américain correspondant du demandeur, de
sorte que l'alinéa 27(2)a) de la loi ne constitue pas un empêchement
légal. La Commission recommande donc que soit infirmée la décision de
rejeter la demande.
Michael Howarth Murray Wilson
Membre de la Membre de la
Commission d'appel des brevets Commission d'appel des brevets
Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission
et, par conséquent, je retire le rejet de la présente demande.
Peter J. Davies
Commissaire aux brevets (par intérim).
Fait à Hull (Québec)
ce 16 août 1995