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                                    Commissioner's Decision #1213

                                                                                                      Décision du Commissaire no 1213

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOPIC: K11

SUJET: K11

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Application No: 559,960 (Class 167-220)

Demande N: 559,960 (Classe 167-220)

 

 

 

 

 

 


                                                                             

                                                        D.C. 1213

 

 

 

 

 

 

 

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE

 

 

 

D.C. 1213 ....Demande No 559,960 (K11)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Revendications rejetées au motif qu'elles visent des méthodes de traitement médical

 

 

La demande renfermait des revendications visant des méthodes pour améliorer les effets néfastes du vieillissement sur les cellules de mammifères par contact entre les cellules et une composition contenant une quantité efficace de la cytokinine purine aminosubstituée en 6. Les revendications ont été rejetées par l'examinateur au motif qu'elles visaient des méthodes de traitement médical. La Commission a recommandé que le rejet soit annulé, étant donné qu'il ne s'agit pas de méthodes de traitement médical au sens strict, telles que le conçoivent les tribunaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

                  BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

 

              DÉCISION DU COMMISSAIRE DES BREVETS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La demande de brevet no 559,960 ayant été rejetée en vertu du paragraphe 47(2) des Règles sur les brevets, le demandeur a réclamé que la décision finale de l'examinateur soit révisée. Le rejet a été examiné par la Commission d'appel des brevets et par le Commissaire des brevets. Les conclusions de la Commission et la décision du Commissaire s'énoncent comme suit :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agent du demandeur

 

MacRae & Co.

B.P. 806, Station B

Ottawa, Ontario

K1P 5T4


 

La présente décision fait suite à la requête du demandeur qui souhaite faire réviser par le Commissaire des brevets la décision finale de l'examinateur à l'égard de la demande de brevet no 559,960 (classe 167-220), déposée le 26 février 1988. Le demandeur est Senentek PLC, cessionnaire de l'inventeur Suresh I.S. Rattan, et l'invention porte comme titre « MÉTHODE ET COMPOSITION POUR CORRIGER LES EFFETS NÉFASTES DU VIEILLISSEMENT ». L'examinateur responsable a rendu, le 27 novembre 1992, une décision finale par laquelle il rejetait les revendications 1, 3 à 9 et 11 à 13 et le demandeur a réclamé, le 2 mai 1993, que le rejet soit réexaminé par le Commissaire des brevets.

 

L'invention vise des méthodes et compositions pour corriger les effets néfastes du vieillissement dans les cellules de mammifères sans accroître le taux de croissance des cellules ni leur capacité proliférative totale. Ainsi, les cytokinines purines aminosubstituées en 6, parmi lesquelles figure la kinétine, ont été découvertes pour corriger les effets néfastes du vieillissement de telles cellules à la fois en culture et in vivo. Parmi les applications de choix de l'invention figurent la conservation de la santé des cellules de mammifères en culture et, par application sur la peau humaine de lotions, d'onguents ou de crèmes contenant de la kinétine, la santé et l'apparence jeune de la peau.

 

La demande renferme 19 revendications, dont les revendications 1 à 13 visant des méthodes pour corriger les effets néfastes du vieillissement sur les cellules de mammifères et les revendications 14 à 19 visant des compositions servant aux mêmes fins, les revendications 2 et 10 étant limitées au traitement de cellules de mammifères cultivées in vitro. Dans sa décision finale, l'examinateur a rejeté les revendications 1, 3 à 9 et 11 à 13 au motif qu'elles visaient des matières non brevetables, soit des méthodes de traitement médical. Il précisait dans ses motifs :

 

Le rejet des revendications 1, 3 à 9 et 11 à 13 est confirmé. Les revendications restantes sont admissibles.

 

Les arguments du demandeur contre le rejet des revendications 1, 3 à 9 et 11 à 13 sont notées; cependant, il a été décidé qu'ils ne réfutaient pas l'objection.

 

Le demandeur affirme d'abord que toute méthode qui n'est pas une méthode de traitement médical peut être perçue comme une méthode de traitement médical. Il cite deux exemples de procédés pour illustrer son point de vue. Un exemple est une méthode d'enrobage des semences dans le but de produire une plante saine et, ainsi, un meilleur rendement de la culture, et l'autre exemple : le démarrage d'une voiture en hiver pour la réchauffer. Le demandeur fait valoir que les deux procédés finissent par avoir un même résultat final qui est d'améliorer la santé d'une personne, à savoir une santé nutritionnelle améliorée dans le premier cas et la protection contre l'hypothermie dans le second. La raison pour laquelle ces types de procédés sont d'ordre non médical, c'est que les résultats primaires de ces méthodes ne sont pas de nature médicale. Non seulement cet argument ne réfute-il pas l'objection, mais il vient renforcer l'argument qui veut que le procédé en question soit une méthode de traitement médical. L'effet primaire de l'application d'une cytokinine purine aminosubstituée en 6 est de rétablir ou de conserver la santé de la peau. L'effet cosmétique est l'effet secondaire du procédé, à savoir, le résultat d'une peau en meilleure santé.

 

Le demandeur présente d'autres arguments en donnant diverses définitions d'une méthode de traitement médical et, à la page 3, il pose une question.


 

[TRADUCTION] « Est-ce que la méthode en question vise la gestion ou le soin d'un patient dans le but de combattre toute anomalie ou interruption touchant la structure ou la fonction normale d'une partie, d'un organe ou d'un système quelconque de l'organisme ? »

 

Il ajoute que si la réponse à cette question est « oui », il s'agit clairement d'une méthode de traitement médical.

 

La réponse à la question ci-dessus, dans l'opinion de l'examinateur, est nettement « oui » et, par conséquent, il s'agit d'un traitement médical. Le procédé en question vise principalement à maintenir ou à rétablir la santé de la peau; par conséquent, il s'agit d'un traitement dans le but de combattre une anomalie quelconque de la structure normale de l'organisme.

 

La revendication 1, qui est représentative des revendications rejetée, est formulée comme suit :

 

1.                     [TRADUCTION] Une méthode pour corriger les effets néfastes du vieillissement sur les cellules de mammifères, comprenant le contact des cellules de mammifères avec une composition cosmétique qui contient une concentration efficace d'une cytokinine purine aminosubstituée en 6, dans laquelle :

les cellules sont à la surface d'un animal vivant; et

la concentration est suffisante pour corriger les effets néfastes du vieillissement desdites cellules, par lequel la taux de développement des caractéristiques desdites cellules qui sont associées au vieillissement cellulaire est inversé ou ralenti, et le taux de croissance et la capacité proliférative totale des cellules ultérieurement audit contact sont substantiellement les mêmes qu'avant ledit contact.

 

La Commission a donc à déterminer si les revendications 1, 3 à 9 et 11 à 13 visent des méthodes de traitement médical, donc des matières non brevetables.

 

Dans sa réponse, le demandeur a fait valoir que les revendications en question ne visent pas des méthodes de traitement médical telles que le définissent la plupart des dictionnaires médicaux. Ainsi, selon le demandeur, une définition appropriée de « traitement médical » est une méthode relevant de l'art et de la science du diagnostic de la maladie et le traitement et le soin d'un patient dans le but de combattre une maladie ou un trouble. Le demandeur affirme que les mots essentiels dans cette définition sont maladie et trouble où trouble signifie un dérèglement ou une anomalie de fonction. Ce qui combat la maladie ou une anomalie biologique de cette nature est une méthode de traitement médical. En l'absence de maladie ou de trouble, une méthode de traitement est non médicale.

 

En expliquant son point de vue, le demandeur a affirmé, à la page 3 de sa présentation, que :

 


Le demandeur soutient que le vieillissement n'est pas une maladie ou un trouble. Selon le Dorland's Illustrated Medical Dictionary, le vieillissement est une transformation graduelle qui ne résulte pas d'une maladie ou d'autres accidents évidents. Le demandeur soutient que le vieillissement est indéniablement un processus naturel normal. Chez l'être humain, ce processus finira par entraîner la formation de rides sur la peau. Ces rides ne constituent pas non plus une maladie ni un trouble. Par conséquent, une méthode pour corriger les effets néfastes du vieillissement, une méthode qui réduit les rides de la peau, est une méthode visant le traitement d'un état normal de l'être humain et non une méthode visant le traitement d'une maladie ou d'un trouble. Par conséquent, une telle méthode n'est pas une méthode de traitement médical.

 

Dans l'étude de cette question, la Commission s'est penchée sur plusieurs cas de jurisprudence ayant un lien avec la matière à l'étude. Premièrement, l'arrêt Imperial Chemical Industries Ltd. c. Commissaire des brevets [9 R.C.S. (3d) 289], cité à la fois par l'examinateur et le demandeur dans une affaire antérieure, l'invention avait trait à une méthode pour enlever la plaque dentaire ou les taches, y compris les taches dues au tabac, présentes sur les dents humaines par l'application sur les dents d'une composition aqueuse contenant des cations lanthane sous forme de sel hydrosoluble dissous dans une concentration définie.  Le Commissaire a estimé que la méthode était une méthode de traitement médical du fait que l'enlèvement de la plaque et des taches sur les dents éliminait des lieux de multiplication potentiels des bactéries, menant ainsi à une amélioration de la santé de l'utilisateur.  Le juge Heald de la Cour d'appel fédérale a statué que le Commissaire avait fait une erreur en droit en considérant que la méthode était une méthode de traitement médical, affirmant, à la page 293, que :

 

La divulgation de l'invention met en relief deux avantages principaux de l'invention:

(i)  la valeur cosmétique; et

(ii) la réduction de l'incidence de la carie et/ou de la maladie parodontale.

 

Les données consignées montrent qu'un très petit pourcentage de la population dans les pays industrialisés est exempte de carie ou de maladie parodontale (aux États-Unis, environ 0.1 % de la population). À partir de ces données, je pense qu'il y avait suffisamment de preuve pour que le commissaire puisse conclure qu'une des fonctions principales de l'invention était d'ordre médical. Je pense également qu'un produit peut avoir plus qu'un but principal. Les données présentées ici donnent à entendre que ce produit avait deux buts principaux, un médical et l'autre cosmétique. En conséquence, je ne vois pas d'erreur en droit par le commissaire en caractérisant l'invention comme ayant une fonction médicale simplement parce qu'elle pourrait également avoir une autre fonction importante, à savoir une fonction cosmétique.

 

En d'autres termes, le juge J. n'a pas trouvé de raisons pour modifier la conclusion de fait du commissaire selon lequel la méthode revendiquée par I.C.I. était une méthode de traitement médical et, par conséquent, non brevetable.

 

Dans le jugement rendu par la Cour suprême dans Tennessee-Eastman c. Commissaire des brevets 62 C.P.R. 117; 8 C.P.R. (2d) 202, la Cour a décidé qu'une méthode visant à réunir les bords d'une plaie ou d'une incision avec des adhésifs spéciaux était une méthode de traitement médical et, conséquemment, non brevetable.  Dans son analyse, la Cour a pris en considération le jugement rendu au R.-U. dans Re: Schering A.G.'s application (1971) R.P.C. 337, qui portait sur une méthode contraceptive à l'aide de la gestagène.  La Cour a signalé à la page 209, relativement au jugement Schering :

 


On peut remarquer que dans le dernier arrêt publié qui a été porté à notre attention, Re Schering A.G.'s Application, [1971] R.P.C. 337, une cause concernant une méthode contraceptive par la gestagène, le Patents Appeal Tribunal a conclu (à la p. 345) :

 

[TRADUCTION] Cependant, bien qu'il semble , après examen minutieux de la question, qu'en vertu de la présente Loi il faille exclure les brevets couvrant un traitement médical au sens strict, les revendications faisant l'objet de la demande ne paraissent pas s'insérer dans cette interdiction et, la loi étant ce qu'elle est aujourd'hui, il faudrait, au moins à ce stade de notre jugement, leur permettre de suivre leur cours. Comme la Divisional Court of the Queen's Bench Division l'a clairement établi dans Swift's Application (1962) R.P.C. 37, le Bureau et le Patents Appeal Tribunal ne tranchent pas à ce stade la question de la « brevetabilité effective  », selon l'expression utilisée dans cette affaire-là, et sauf s'il y a, sans aucun doute raisonnable, absence de revendication d'un mode de fabrication ou si la demande est manifestement injustifiable, ils ont le devoir de faire droit à la revendication. Les demandeurs auront ensuite l'occasion en temps et lieu, le cas échéant, de faire trancher par la High Court la question de la « brevetabilité effective  ».

(Italiques ajoutés par l'auteur)

 

Par conséquent, ce jugement milite en faveur de l'idée que seules les méthodes qui sont des méthodes de traitement médical au sens strict ne sont pas brevetables et, conséquemment, que les méthodes qui ne visent pas à traiter des états pathologiques ou des maladies sont brevetables.  Ce raisonnement de la Cour suprême a été reconnu par le Commissaire des brevets dans la décision dans Re Application for Patent of Goldenberg 22 C.P.R. (3d) 159, où il est dit, à la page 169, que :

 

Nous estimons que la Cour suprême, dans l'affaire Tennessee Eastman, a voulu, en citant l'affaire Schering, insister sur le fait que les brevets visant un traitement médical au sens strict doivent être exclus en vertu de la Loi sur les brevets.

 

Dans l'affaire Goldenberg, l'invention visait une méthode de détection des tumeurs dans l'organisme humain, qui consistait à injecter certains anticorps radiomarqués ayant une forte activité spécifique et une spécificité élevée à l'égard des cellules cancéreuses, puis à utiliser un détecteur de radioactivité pour déterminer l'emplacement des tumeurs avant le traitement.  La recommandation de la Commission, que le Commissaire a acceptée, portait que le rejet des méthodes au motif qu'elles visaient un traitement médical devait être annulé, étant donné que ces méthodes n'étaient pas considérées comme étant des méthodes de traitement médical au sens strict.

 


Comme il ressort clairement de ce qui précède que les méthodes de traitement médical au sens strict, c'est-à-dire les méthodes qui visent la prévention ou la guérison d'états pathologiques, ne sont pas brevetables, la question qui se pose est de savoir si les méthodes pour corriger les effets normaux du vieillissement sont des méthodes de traitement médical au sens strict.  Certains éléments des présentes revendications pourraient permettre de considérer les méthodes en cause comme étant des méthodes de traitement médical.  Ainsi, il est indiqué dans la demande que l'application de purines aminosubstituées en 6 sur la peau cause des changements dans le métabolisme des cellules cutanées qui retardent le processus de vieillissement des cellules.  Par ailleurs, comme le demandeur le fait remarquer, le vieillissement est un état naturel de l'organisme humain et non une maladie, si bien que la méthode ne devrait pas être considérée comme une méthode de traitement médical, puisqu'aucun état pathologique n'est traité.  Dans son analyse de cette affaire, la Commission est d'avis que les méthodes divulguées dans la demande ne sont pas des méthodes de traitement médical au sens strict, conformément à ce qui a été déterminé dans l'arrêt Tennessee-Eastman et qu'elles devraient dont être jugées admissibles.

 

Pour tirer cette conclusion, la Commission a tenu compte du critère qui est imposé au Commissaire par l'article 40 de la Loi sur les brevets et qui est commenté dans Monsanto Co.v Commissaire des brevets 42 C.P.R. (2d) 161, à la page 17, en ces termes :

 

[...] Comme il s'agit là d'une question de connaissance générale chez les savants, une personne compétente se rendra facilement compte que si un brevet ne vise que quelques-unes des substances qui produisent le résultat désiré, elle n'a qu'à en préparer une autre qui aura les mêmes propriétés. Le rapport de la Commission indique qu'elle est consciente de cela. Cependant, elle ne donne aucune indication des motifs pour lesquels elle n'était pas convaincue de la validité de la prédiction d'utilité du champ entier visé par la revendication 9. Une preuve sous forme d'affidavits fondés sur des principes scientifiques a été soumise; elle ne conteste pas ces principes, mais dit seulement : « Nous ne sommes pas convaincus que cela soit suffisant ». À mon avis, cela ne suffit pas, car si on l'acceptait, le droit d'appel deviendrait illusoire. À cet égard, il importe de noter que le texte de l'art. 42 de la Loi sur les brevets est le suivant :

 

42.   Chaque fois que le commissaire s'est assuré que le demandeur n'est pas fondé en droit à obtenir la concession d'un brevet, il doit rejeter la demande et, par lettre recommandée, adressée au demandeur ou à son agent enregistré, notifier à ce demandeur le rejet de la demande, ainsi que les motifs ou raisons du rejet.

 

J'ai souligné en droit pour faire ressortir que ce n'est pas une question de discrétion : le commissaire doit justifier tout refus. Comme l'a déclaré le juge Duff dans l'arrêt Vanity Fair Silk Mills c. Commissaire des brevets, [1938] 4 D.L.R. 657, [1939] S.C.R. 245 à la page 246 :

 

Il ne fait aucun doute que le commissaire des brevets ne doit pas rejeter une demande de brevet à moins qu'elle soit clairement dépourvue de fondement valable.

 

En d'autres termes, la Commission considère que le demandeur n'est pas empêché en droit de faire des revendications concernant une méthode pour corriger les effets du vieillissement sur la peau humaine par l'administration des substances décrites dans la demande.

 

La Commission recommande donc que le rejet des revendications 1, 3 à 9 et 11 à 13 soit annulé et que la demande soit retournée à l'examinateur pour qu'il poursuive en conformité avec la recommandation.

 

 

 

 

P.J. Davies                                                                             M. Howarth

Président                                                                               Membre


 

Je souscris à la recommandation de la Commission et je retourne la demande à l'examinateur pour qu'il poursuive en conformité avec la recommandation de la Commission.

 

 

 

 

 

S. Batchelor

Commissaire aux brevets

 

Hull (Québec)

le 23 janvier 1997

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