BUREAU DES BREVETS DU CANADA
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
La demande de brevet no 550,479 ayant été rejetée en application
du paragraphe 47(2) des Règles sur les brevets, le demandeur a
demandé la révision de la décision finale de l'examinateur. La
Commission d'appel des brevets et le Commissaire aux brevets ont
donc examiné le rejet. Voici les conclusions de la Commission et
la décision du Commissaire.
Agent du demandeur
Riches, McKenzie & Herbert
2, rue Bloor est, pièce 2900
Toronto (Ontario)
M4W 3J5
La présente décision porte sur la demande faite au Commissaire aux
brevets de réviser la décision finale de l'examinateur relativement à
la demande de brevet no 550,479 (classe 260-452), qui avait été
présentée le 28 octobre 1987 pour une invention intitulée «GLYCOLATES
ESTERS PRÉCURSEURS DE PERACIDES». Les inventeurs sont Ronald A. Fong
Sheldon N. Lewis, Richard J. Wiersema et Alfred G. Zielske, et la
demande a été cédée à la Clorox Company. L'examinateur compétent a
rendu la décision finale le 15 novembre 1991, rejetant les
revendications 1, 9, 13, 23, 25, 34 et 45 pour divers motifs. Le
15 mai 1992, le demandeur a répondu en demandant une révision par le
Commissaire aux brevets ainsi qu'une audience devant la Commission
d'appel des brevets. Le 13 juillet 1994, une audience a donc eu lieu
à laquelle M. B. Latham, de Riches, McKenzie & Herbert, représentait
le demandeur et MM. R.B. Price et H. Koenig, la Direction de l'examen
des brevets; la Commission était composée de M. Peter Davies,
président, et de M. M. Wilson et du Dr M. Howarth, membres.
L'objet divulgué dans la demande concerne une nouvelle classe de
précurseurs de peracides et de compositions, utiles pour le
blanchiment efficace de matières textiles dans un grand intervalle de
température de lavage, et particulièrement à des températures basses,
soit moins de 50 ÀC. Lorsque l'un des précurseurs des peracides de
l'invention est combiné avec une source de peroxyde d'hydrogène, il y
réaction et formation d'un peracide et, dans certaines conditions
propres à l'invention, d'un mélange de peracides. La structure et la
réactivité particulières des composés permettent d'obtenir des
rendements plus élevés en peracides dans un plus grand intervalle de
pH et de température, comparativement aux activateurs de blanchiment
classiques, à base d'acides gras. Lesdits précurseurs sont également
supérieurs aux composés utilisés antérieurement, du fait que leur
efficacité n'est pas aussi étroitement liée au rapport molaire
peroxyde d'hydrogène/précurseur.
La demande contient les revendications 1 à 46, visant (i) de nouvelles
compositions de blanchiment renfermant des précurseurs de peracides
définis, (ii) des précurseurs de peracides nouveaux, (iii) des
peracides nouveaux et (iv) des sels alcalins et alcalino-terreux des
nouveaux peracides. Voici le texte des revendications 1, 9, 13, 23,
25, 34 et 45, qui ont été rejetées :
1. Une composition de blanchiment renfermant:
a) un précurseur de peracide possédant la structure générale :
<IMG>
où R est un alkyle C1-20 linéaire ou ramifié, un alkyle alcoxylé, un cycloalkyle, un
aryle, un alkylaryle, un aryle substitué; R' et R" sont indépendamment H, un alkyle C1-20, un
aryle, un alkylaryle C1-20, un aryle substitué, et NR3a+, où Ra est un alkyle C1-30; L est un
groupe qui se sépare, sélectionné à partir du groupe consistant en :
<IMG>
où Y et Z, qui peuvent être identiques ou différents, sont H, SO3M, CO2M,
SO4M, OH, un substituant halogéné, OR2, R3, NR3 4X, où M est un ion de métal
alcalin ou alcalino-terreux de charge opposée, R2 de OR2 est un alkyle C1-20, R3 est un
alkyle C1-6, R4 de NR3 4 est un alkyle C1-30 et X est la contrepartie ionique;
(ii) halogénure;
(iii) -ONR6, où R6 renferme au moins un carbone lié directement à N par une
(iv) <IMG> wherein R18 is C1-10 alkyl; and ; où R18 est un alkyle C1-10;
b) une quantité d'une source de peroxyde d'hydrogène, efficace pour le
blanchiment.
9. La composition de blanchiment de la revendication 1 où L est -O-N-R6, où R6
renferme au moins un atome de carbone lié directement à N par une liaison simple ou
double.
13. Une composition de blanchiment renfermant
a) un précurseur de peracide possédant la structure
<IMGS>
où R est un alkyle C1-20, et L un groupe qui se sépare, sélectionné à partir du
groupe constitué principalement d'un dérivé de substitution de phénol, d'oxime,
d'oxyde d'amine et d'oxyimide;
b) une quantité d'une source de peroxyde d'hydrogène, efficace pour le
blanchiment.
23. Une composition de blanchiment renfermant :
a) un composé incluant le substituant
<IMG>
où R est un alkyle C4-17 linéaire ou ramifié, un alkylaryle, un alkyle alcoxylé,
un aryle ou un aryle substitué; R' et R" sont indépendamment H, un alkyle C1-20, un
aryle, un alkylaryle C1-20, un aryle substitué, et NR3a+, où Ra est un alkyle C1-30;
b) une quantité d'une source de peroxyde d'hydrogène, efficace pour le
blanchiment; ladite composition fournissant environ 0,5 à 100 ppm de peracide A.O.
en milieu aqueux, ledit peracide A.O. étant obtenu à partir d'un mélange comportant
les structures suivantes :
<IMG>
25. Un peracide de structure
<IMG>
où R est un alkyle C1-20 linéaire ou ramifié, un alkyle alcoxylé, un cycloalkyle,
un aryle, un dérivé de substitution alkylique d'aryle; et R' et R" sont
indépendamment H, un alkyle C1-20, un aryle, un alkylaryle C1-20, un aryle substitué,
et NR3 a+, où Ra est un alkyle C1-30.
34. Un précurseur de peracide, de structure
<IMG>
où R est un alkyle C1-20 linéaire ou ramifié, un alkyle alcoxylé, un cycloalkyle,
un aryle, un dérivé de substitution alkylique d'aryle; R' et R" étant indépendamment
H, un alkyle C1-20, un aryle, un alkylaryle C1-20, un aryle substitué, et NR3a+, où Ra
est un alkyle C1-30; L est un groupe qui se sépare, sélectionné à partir de :
<IMG>
où Y et Z sont individuellement H, SO3M, CO2M, SO4M, OH, un halogène,
-OR2, R3 ou NR34X, où M est un ion de métal alcalin ou alcalino-terreux de charge
opposée, R2 de OR2 est un alkyle C1-20, R3 est un alkyle C1-6, R4 de NR3 4 est un alkyle
C1-30 et X est la contrepartie ionique, Y et Z pouvant être identiques ou différents;
b) -ONR6, où R6 renferme au moins un carbone lié directement à N par une
liaison simple ou double;
c) O
-O-C-R18; où R18 est un alkyle C1-10.
45. Les sels de métal alcalin ou alcalino-terreux du peracide
R' O
HO-C-C-OOH
R"
où R' et R" sont indépendamment H, un alkyle C1-20, un aryle, un alkylaryle
C1-20, un aryle substitué, et NR3a+, où Ra est un alkyle C1-30.
Dans la décision finale, les revendications 1, 9, 13, 23, 25, 34 et 45
ont été rejetées, et les autres revendications, jugées admissibles.
Les extraits suivants de la décision finale contiennent les objections
soulevées par l'examinateur aux revendications :
[TRADUCTION]
Les revendications 1, 13, 23, 25, 34 et 45 demeurent rejetées en vertu du paragraphe 34(2)
de la Loi sur les brevets, parce qu'elles sont indéterminées. L'emploi des termes
[TRADUCTION] «substitué» et [TRADUCTION] «de substitution» sans indication de ce que
peut être le substituant ne permet pas de déterminer avec précision ce que le demandeur a
divulgué.
[...]
La revendication 23 demeure rejetée en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets,
parce qu'elle est indéterminée, l'expression [TRADUCTION) «un composé incluant le
substituant
<IMG>
étant vague et indéterminée. La portée de cette expression ne peut être déterminée avec
certitude si l'on ne se reporte pas à la divulgation. En outre, cette expression est si générale
qu'elle vise chaque possibilité de liaison de ce radical avec n'importe quel composé que le
demandeur n'a pu, dans un grand nombre de cas, ni indiquer ni prévoir avec certitude.
[...]
Les revendications 1, 9 et 34 demeurent rejetées en vertu du paragraphe 34(2) de la Loi sur
les brevets, parce qu'elles sont indéterminées, la portée de l'expression [TRADUCTION] «R6
renferme au moins un carbone lié directement à N par une liaison simple ou double» ne
pouvant être déterminée. On en est réduit aux conjectures pour ce qui est de la structure
complète du radical, parce que l'expression ne contient pas suffisamment d'éléments pour en
déterminer convenablement la portée. En outre, cette expression est si générale qu'elle vise
tous les moyens possibles sans réserve, et elle est donc d'une portée plus générale que les
faits exposés dans la divulgation (voir page 16).
Les revendications rejetées soulèvent donc trois objections, plus
d'une objection s'appliquant à plus d'une revendication dans certains
cas. Par exemple, les revendications 1 et 34 sont rejetées parce
qu'elles contiennent toutes deux les termes (TRADUCTION] «substitué»
ou [TRADUCTION] «de substitution» ainsi que l'expression «ONR6». La
Commission souligne également que, même si les autres revendications
ont été jugées admissibles, certaines contiennent néanmoins les
expressions auxquelles l'examinateur s'est opposé dans la décision
finale, en ce sens qu'elles dépendent des revendications rejetées;
ainsi, les revendications 2, 3, 9 et 46 contiennent l'expression
«ONR6», alors que les revendications 4 à 12, 24, 30, 39 et 46
contiennent toutes les autres termes en cause. La Commission
considérera donc que les objections soulevées par l'examinateur
s'appliquent également à ces revendications.
A la fin de la décision finale, l'examinateur a attiré l'attention du
demandeur sur des erreurs mineures dans les revendications 13 et 34,
qu'il a proposé de corriger, c'est-à-dire que la présence du mot
[TRADUCTION] «principalement» dans la revendication 13 rend celle-ci
ambiguë et qu'une correction mineure de la version anglaise de la
revendication 34 pourrait être apportée. Dans une réponse distincte
déposée le 15 mai 1992, le demandeur a présenté de nouvelles
revendications avec les corrections susmentionnées. A l'audience, il
a également proposé d'autres corrections d'erreurs typographiques (de
la version anglaise] dans les revendications 24 et 46, qui n'avaient
pas été signalées :
[TRADUCTION]
Revendication 24, ligne 2 : remplacer «butter» par --buffer-- et remplacer «impact» par
--impart--, et
revendication 46, ligne 2 : remplacer «substituted aryl» par --R' and R"--
Comme il s'agit de modifications mineures, la Commission ne voit pas
pourquoi celles-ci ne devraient pas être apportées, et elle recommande
donc d'accepter les nouvelles pages de revendications présentées par
le demandeur.
Passons maintenant au fond de la décision finale. La Commission doit
se prononcer sur trois questions, à savoir (1) si les termes
[TRADUCTION] «substitué» et [TRADUCTION] «de substitution» employés
dans les revendications sont généraux et indéterminés, (2) si
l'expression [TRADUCTION] «R6 renferme au moins un carbone lié
directement à N par une liaison simple ou double» est de portée
indéterminée et (3) si l'emploi de l'expression [TRADUCTION] «un
composé incluant le substituant
<IMG>
dans la revendication 23 est vague et indéterminée.
Pour ce qui est du premier motif d'opposition, c'est-à-dire l'emploi
des termes [TRADUCTION] «substitué» et [TRADUCTION] «de substitution»,
la Commission souligne qu'ils sont employés dans plusieurs contextes
différents, dans les revendications. Aux revendications 1, 13 et 23
relatives aux compositions de blanchiment renfermant deux
constituants, ils sont utilisés dans la définition des groupes R, R'
et R" qui font partie du précurseur de peracide qui est l'un des
constituants de la composition de blanchiment revendiquée, à la
revendication 25, dans la définition des peracides précis revendiqués,
à la revendication 34, dans la définition des précurseurs des
peracides précis revendiqués, et à la revendication 45, dans la
définition des sels de métal alcalins ou alcalino-terreux des
peracides revendiqués. L'examinateur semble donc estimer que les
termes en cause sont généraux et indéterminés en soi chaque fois
qu'ils sont employés dans les revendications et quel que soit l'objet
de ces dernières, composé ou composition chimique. Comme l'a souligné
le demandeur, d'autres expressions utilisées dans les revendications
auraient pu soulever des objections pour les mêmes motifs, comme
l'expression alkyle C1-20. Toutefois, l'examinateur s'est attaché aux
termes [TRADUCTION] «substitué» et [TRADUCTION] «de substitution»
parce qu'ils sont indéterminés en soi.
Dans la décision finale, l'examinateur a soutenu qu'un homme de l'art
ne serait pas capable de préciser la portée des termes sans se
reporter à la divulgation pour en connaître le sens complet et clair.
Il a mentionné ce qui suit :
(TRADUCTION]
A la page 2 de sa réponse du 13 août 1991, le demandeur précise en partie ce qui suit
[TRADUCTION]
«en raison des faits complets exposés dans la divulgation, en particulier en ce qui
concerne l'emploi des termes «substitué» et [TRADUCTION] «de substitution»,
l'homme de l'art ayant les connaissances présumées saurait ce que ces termes veulent
dire et connaîtrait les substituants appropriés [paragraphe 1; c'est moi qui souligne].»
Selon le demandeur, afin de déterminer la portée des termes en cause, un homme de l'art
doit se reporter à la divulgation pour savoir de quels substituants il s'agit. Cette
interprétation s'appuie sur la déclaration du demandeur, au paragraphe 2, où il dit en partie
que [TRADUCTION] «les faits exposés aident l'homme de l'art à sélectionner les
substituants appropriés». Le demandeur a donc soutenu qu'il est possible de consulter la
divulgation pour obtenir des renseignements complets et clairs, mais l'examinateur juge qu'il
ne peut en être ainsi. Les revendications doivent être précises, distinctes et indépendantes de
la divulgation, ainsi que l'exige le paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets.
Dans sa réponse en date du 15 mai 1992, le demandeur a allégué que
l'examinateur reprend de façon inexacte ses déclarations, en ce qu'il
ne soutient pas qu'il est nécessaire de se reporter à la divulgation
pour déterminer la portée des termes en cause, mais plutôt que la
divulgation ou les revendications ne contiennent aucun élément
contraire à ce qu'un homme de l'art, ayant les connaissances
présumées, entendrait par ces termes.
Pour interpréter les termes en cause, on peut se reporter aux
définitions qu'en donnent les dictionnaires; le Webster's Third New
International Dictionary de 1968 définit le terme substituted
(substitué) de la façon suivante :
[TRADUCTION]
mis à la place d'un autre; nommé par une personne pour prendre sa place ou celle d'un
autre, ou celle d'une autre chose, en particulier pour agir en son nom ou pour agir, à la
place d'un autre, si un fait particulier survient; nommé par substitution; ayant fait l'objet
d'une réaction de substitution ou dont l'une des parties a été remplacée <l'alcool est un
dérivé de substitution de l'eau> <la méthylamine est un dérivé de substitution de
l'ammoniac>.
L'International Encyclopedias of Chemical Science de 1964 définit ainsi
le substituted compound (composé substitué) :
[TRADUCTION]
Un composé dérivé d'un composé parent par substitution, p. ex. le toluène dérivé du benzène
par remplacement d'un hydrogène par un méthyle. Ces dérivés sont souvent appelés dérivés
de substitution du benzène, du naphtalène, du phénol, d'amines, etc.
alors que le Condensed Chemical Dictionary définit la substitution
ainsi :
[TRADUCTION]
Toute réaction chimique dans laquelle un élément en remplace un autre à l'intérieur d'un
composé. La chloration du benzène pour l'obtention du chlorobenzène est un exemple
typique; dans ce cas le chlore remplace l'hydrogène dans la molécule de benzène.
D'après ces définitions, il semble que les termes en cause ont un sens
très général et, de la façon dont ils sont utilisés notamment dans
l'expression [TRADUCTION] «un aryle substitué», on peut considérer de
toute évidence qu'ils visent tout substituant pouvant être lié à un
cycle arylique, ce qui, évidemment, viserait un nombre en théorie
incalculable de réalisations précises; toutefois, selon la Commission,
cela ne rend pas le terme nécessairement indéterminé en soi. Comme le
demandeur l'a fait remarquer à l'audience, l'homme de l'art saurait
facilement si un groupe particulier est visé par la portée de
l'(TRADUCTION] «aryle substitué» de sorte que l'expression n'est pas
en fait de portée indéterminée. La Commission juge donc que les
termes en cause ne sont pas indéterminés en soi puisqu'ils ont, pour
homme de l'art, un sens clair et précis. Compte tenu de ce sens clair
pour un spécialiste, il n'est donc pas nécessaire de se reporter à la
divulgation pour connaître la définition du terme.
Lorsqu'il a présenté sa thèse, le demandeur s'est reporté à plusieurs
décision judiciaires, entre autres l'arrêt rendu par la Cour suprême
du Canada dans Burton Parsons Chemicals, Inc. et autre c. Hewlett-
Packard (Canada) Ltd. et autre, [1976] 1 R.C.S. 555, 17 C.P.R. (2d)
97. Dans cet arrêt, Burton Parsons avait breveté une crème servant à
la prise d'électrocardiogrammes, dont l'objet était d'assurer un bon
contact électrique entre les électrodes de l'appareil et le corps. La
crème a été revendiquée de la façon suivante : [...] une crème pour
électrocardiographes, à utiliser avec les électrodes de contact avec
la peau, qui soit compatible avec une peau normale, comprenant une
émulsion aqueuse stable, anionique, cationique ou non ionique, et
contenant suffisamment de sel très ionisable pour assurer une bonne
conductibilité électrique. En jugeant la revendication valide, le
juge Pigeon, au nom de la Cour, a déclaré ce qui suit (p. 563) :
A mon avis, on ne peut faire échec aux droits des titulaires de brevets par de telles
considérations. Même si la Cour doit interpréter un brevet comme tout autre document
juridique, cette interprétation doit se faire en tenant compte du fait que le destinataire est un
homme de l'art, et en tenant compte également du savoir que cet homme est censé posséder.
Il doit être évident pour l'homme de l'art, qu'une crème à utiliser avec des électrodes de
contact avec la peau ne peut pas être composée d'éléments qui seraient toxiques, irritants ou
susceptibles de tacher ou de décolorer la peau. L'homme de l'art apercevra tout aussi bien
cette nécessité que la crème soit décrite comme «compatible avec une peau normale» ou
qu'elle soit décrite comme ne contenant que des éléments compatibles avec une peau
normale. La présente situation est complètement différente de celles qu'on retrouve dans
Minerais Separation et dans Société des usines chimiques Rhône-Poulenc c. Jules R. Gilbert
Ltd., [1968] R.C.S. 950, (1968) 55 C.P.R. 207, 69 D.L.R. (2d) 353. Dans ces causes-là,
des produits de composition chimique définie faisaient l'objet des brevets : des xanthates dans
la première et des dérivés de diamines dans la seconde. Malheureusement pour les titulaires
de brevets, les revendications portaient également sur des xanthates qui ne produisaient pas
les résultats voulus dans le premier cas, alors que dans le second, certains isomères n'avaient
aucune valeur thérapeutique. C'est pourquoi ces brevets ont été déclarés invalides.
et plus loin (p. 565-566) :
Plusieurs arrêts signalent qu'un inventeur est libre de formuler ses revendications aussi
étroitement qu'il le juge à propos dans le but de se protéger de l'invalidité qui pourrait
résulter d'une formulation trop générale. En pratique, cette liberté est vraiment très limitée
car le brevet peut avoir aussi peu de valeur que s'il était invalide si, pour éviter toute
possibilité d'invalidité, il laisse un champ inoccupé entre ce que représente l'invention telle
que divulguée et ce qui est visé par les revendications. Tout chacun peut alors utiliser
l'invention dans les limites de ce champ laissé inoccupé. A mon avis, l'inventeur ne doit pas
être considéré comme un Shylock réclamant sa livre de chair. En l'espèce, ainsi qu'il a été
reconnu, il s'agit d'une invention méritoire et Hewlett-Packard, après avoir vainement tenté
d'en déprécier l'utilité, s'en est effrontément emparée. Elle n'a été d'aucune façon induite
en erreur, ni sur la véritable nature de la divulgation, ni sur les méthodes appropriées pour
fabriquer une crème concurrente. Les objections soulevées à l'encontre des revendications
sont à l'effet que, exception faite des revendications relatives à certaines réalisations de
l'invention, les autres sont formulées de façon à viser toute les réalisations d'ordre pratique,
laissant à l'homme de l'art la tâche d'éviter dans la fabrication du mélange l'emploi de
produits impropres, ce qu'un homme de l'art doit pouvoir faire de sa propre initiative
puisque tout ce qui rend certains produits impropres découle de caractéristiques notoires,
Aucun résultat indésirable imprévu ou généralement inconnu n'a été prouvé ou même
allégué; la présente cause est donc très différente de celles de Minerais Separation et de
Rhône-Poulenc.
Le demandeur s'est également reporté à la décision rendue par la
Section de première instance de la Cour fédérale, dans Lubrizol
Corporation et autre c. Imperial Oil Ltd., 33 C.P.R. (3d) 1, confirmé
par la Cour d'appel fédérale dans 45 C.P.R. (3d) 449, où la Cour s'est
reportée au raisonnement suivi dans l'arrêt Beecham Canada Ltd. c.
Proctor & Gamble Co., 61 C.P.R. (2d) 1. Cette affaire concerne la
contrefaçon d'un brevet visant des additifs dispersants améliorés à
base de succinimide pour la préparation d'huiles à moteur.
Lorsqu'elle a interprété les revendications du brevet et conclu
qu'elles étaient valides et avaient été contrefaites, la Cour a
précisé ce qui suit (p. 13-.L4) :
Lorsqu'on examine les revendications, il faut interpréter leur libellé de façon utilitaire
plutôt que littérale. En outre, les revendications ne doivent pas être interprétées de façon à
exclure des variantes mineures qui, à la connaissance de l'inventeur et des lecteurs du brevet,
seraient sans conséquences importantes sur le fonctionnement de l'invention.
Le mémoire descriptif d'un brevet doit recevoir une interprétation utilitaire plutôt qu'une
interprétation purement littérale résultant du genre de méticuleuse analyse verbale à laquelle
les avocats, en raison de leur formation, sont trop souvent enclins. La question qui se pose
dans chaque cas est de savoir si des personnes ayant des connaissances et une expérience
pratiques dans le domaine dans lequel l'invention est censé être employée, concluraient que le
breveté a voulu poser comme exigence fondamentale qu'on suive à la lettre telle phrase ou tel
mot descriptifs figurant dans une revendication, de sorte que toute variante échapperait au
monopole revendiqué, même si elle ne pouvait avoir aucune incidence importante sur le
fonctionnement de l'invention.
(Le juge Urie dans Beecham Canada Ltd. et autres c. Proctor & Gamble Co. (1982), 61
C.P.R. (2d) 1 à la page 10 citant Lord Diplock dans Catnic Components Ltd. et autres v.
Hiel and Smith Ltd. (1980), 7 F.S.R. 60, aux pages 65-66. [C'est le juge Urie qui
souligne.]
Aussi, il faut interpréter les revendications en supposant que la personne à laquelle
elles sont destinées est versée dans l'art, et il faut tenir compte de la connaissance que cette
personne est censée posséder. (Burton Parsons Chemical Inc. et autres c. Hewlett Packard
(Canada) Ltd. et autres (1978), 39 C.P.R. (2d) 191.)
Selon le juge Urie, dans l'arrêt Beecham (précité) :
[ ] dans l'interprétation des revendications d'un brevet, a) on peut se reporter au reste
du mémoire descriptif seulement pour mieux comprendre les termes employés dans
les revendications, b) qu'il n'est pas nécessaire de se référer au reste du mémoire
descriptif lorsque l'énoncé de la revendication est clair et non équivoque; c) et que l'on
ne peut à bon droit y avoir recours pour modifier la portée des revendications.
Pour déterminer l'envergure de la protection à accorder à une invention dans un
brevet, il faut déterminer les revendications à la lumière du vocabulaire technique employé
dans le domaine de l'inventeur. Cette condition peut aider à l'analyse des revendications.
Comme le juge Rouleau l'a déclaré dans l'arrêt Kramer et autres c. Lindsay Speciality
Product Ltd. (1986), 9 C.P.R. (3d) 297 (C.F. 1re inst.), à la page 310 :
Les revendicateurs qui définissent la portée du monopole d'exploitation (voir Harrison
et al. v. Anderston Foundry Company, (1875-76) 1 App. Cas. 574 (H L.) 518), doivent
être interprétées en employant le vocabulaire usuel de la technique. A cette fin, le
langage du mémoire descriptif et les dessins peuvent être d'un certain secours mais
ne doivent pas être utilisés en vue de modifier les revendications ou d'en élargir la
portée, surtout si, comme le dit H G. Fox op. cit. supra, aux pages 217 et 218,
[TRADUCTION] [. ] une revendication est exprimée en langage simple et direct ou
dans des termes des portée large ou générale dont le sens est évident et sans
équivoque. Si le libellé de la revendication est clair et non ambigu, il ne sera pas
possible d'en étendre ou d'en restreindre la portée par renvoi au corps du mémoire
descriptif En pareil cas, «il n'est ni nécessaire ni légitime de chercher dans le corps
du mémoire descriptif une explication, une réserve ou une extension»
La Commission a examiné les décisions judiciaires citées par le
demandeur et convient qu'elles appuient la prétention de ce dernier
suivant laquelle le rejet des revendications par l'examinateur ne peut
être soutenu en droit.
La Commission ne croit pas que les termes en cause soient indéterminés
en soi, mais elle reconnaît qu'ils sont très généraux. Elle doit
alors se demander s'il convient d'autoriser le demandeur à formuler
des revendications aussi générales. Celui-ci soutient que oui afin de
pouvoir obtenir la protection à laquelle il prétend avoir droit.
Selon sa thèse, les revendications doivent être générales afin qu'une
autre partie ne puisse revendiquer des réalisations précises de son
invention qui ne sont pas visées par les revendications, et par
conséquent s'approprier son concept créateur. En l'espèce, le concept
créateur réside dans la structure chimique particulières divulguée
plutôt que dans les valeurs précises pour les groupes R, R' et R"
liées à cette structure, de sorte que si le demandeur est forcé de
restreindre la définition des groupes R à ceux divulgués dans la
partie descriptive de la divulgation ou dans les exemples
particuliers, il serait facile pour quelqu'un d'autre de chercher et
de revendiquer des valeurs pour les groupes R qui ne sont pas
revendiqués et donc de s'approprier l'essence de l'invention du
demandeur.
La Commission souligne ici que l'examinateur a refusé les termes en
cause mais sans indiquer ce qu'il considérait comme des termes de
remplacement acceptables. Le demandeur ne savait donc nullement ce
que l'examinateur considérant comme admissible. Soulignons également
qu'aucune antériorité n'a jamais été citée à l'encontre de l'une
quelconque des revendications et qu'il n'a pas été conclu non plus à
l'inutilité des réalisation:a revendiquées. Selon le demandeur, il
devrait être autorisé à une formulation aussi générale que possible en
l'absence de toute antériorité ou d'une conclusion d'inutilité,
faisant remarquer qu'il assumait les conséquences que pourrait
entraîner une formulation trop générale si la validité du brevet était
contestée. Il désire revendiquer son invention selon la formulation
la plus générale possible afin de bien la protéger, et il est disposé
à assumer les conséquences d'une formulation trop générale.
Cependant, l'examinateur estime que les revendications sont, de toute
évidence, trop larges et qu'elles doivent être restreintes.
Pour examiner cette question, la Commission doit analyser l'article 40
de la Loi sur les brevets, en vertu duquel la demande a été rejetée.
Voici le texte de l'article 40 :
Chaque fois que le commissaire s'est assuré que le demandeur n'est pas fondé en droit à
obtenir la concession d'un brevet, il rejette la demande et, par courrier recommandé adressé
au demandeur ou à son agent enregistré, notifie à ce demandeur le rejet de la demande, ainsi
que les motifs ou raisons du rejet.
Il appert donc que, avant de rejeter une demande, le Commissaire doit
être convaincu que le demandeur n'est pas fondé en droit à obtenir un
brevet, c'est-à-dire que le refus de concession du brevet doit
s'appuyer sur une raison fondamentale ayant son origine dans la Loi
sur les brevets elle-même ou dans la jurisprudence applicable. Ce
principe a été confirmé par la Cour suprême, dans l'arrêt Monsanto Co.
c. Commissaire des brevets, [1979] 2 R.C.S. 1108, 42 C.P.R. (2d) 161,
où elle a déclaré ce qui suit (p. 1118-1119-1120) :
Notons que tout ce qui est dit pour rejeter la revendication 9 parce qu'elle ne serait
pas fondée sur une prédiction valable est ceci :«Nous ne sommes pas convaincus que trois
exemples spécifiques soient suffisants pour justifier l'étendue de la revendication». Pourquoi
en serait-il ainsi? La Commission ne donne absolument aucune indication. S'il est possible
de justifier ainsi un refus, le droit d'appel que confère l'art. 44 de la Loi sur les brevets est
inutile en pareils cas.
44. Quiconque n'a pas réussi à obtenir un brevet en raison du refus ou de
l'opposition du commissaire peut, à tout moment dans les six mois qui suivent l'envoi
postal de l'avis, conformément aux articles 42 et 43, interjeter appel de la décision du
commissaire à la Cour fédérale, et cette cour a juridiction exclusive pour entendre et
décider cet appel.
Quoique le rapport de la Commission soit très long, en définitive tout ce qu'il dit au sujet de
la revendication 9, après avoir énoncé le principe avec lequel je suis d'accord, c'est qu'une
revendication doit se limiter à l'étendue de la prédiction valable et que «nous ne sommes pas
convaincus que trois exemples spécifiques soient suffisants». Rien ne dit pourquoi trois ne
suffisent pas. A mon avis, c'est là ne donner aucune raison dans un domaine qui n'en est
pas un de spéculation mais de science exacte. Nous ne sommes plus à l'époque où
l'architecture des composés chimiques était un mystère. Grâce aux techniques modernes, les
chimistes sont aujourd'hui capables de déterminer exactement la disposition de tous les
atomes dans des molécules très complexes. Il devient donc possible de préciser, comme cela
a été fait dans Olin Mathieson, la position exacte d'un radical donné, et de relier cette
position à une activité particulière. Il devient alors aussi possible de prévoir l'utilité d'une
substance renfermant un tel radical. Comme il s'agit là d'une question de connaissance
générale chez les savants, une personne compétente se rendra facilement compte que si un
brevet ne vise que quelques-unes des substances qui produisent le résultat désiré, elle n'a
qu'à en préparer une autre qui aura les mêmes propriétés. Le rapport de la Commission
indique qu'elle est consciente de cela. Cependant. elle ne donne aucune indication des motifs
pour lesquels elle n'était pas convaincue de la validité de la prédiction d'utilité du champ
entier visé par la revendication 9. Une preuve sous forme d'affidavits fondés sur des
principes scientifiques a été soumise, elle ne conteste pas ces principes, mais dit seulement:
«Nous ne sommes pas convaincus que cela soit suffisant». A mon avis, cela ne suffit pas,
car si on l'acceptait, le droit d'appel deviendrait illusoire. A cet égard, il importe de noter
que le texte de l'art. 42 de la Loi sur les brevets est le suivant:
42 Chaque fois que le commissaire s'est assuré que le demandeur n'est pas
fondé en droit à obtenir la concession d'un brevet, il doit rejeter la demande et, par
lettre recommandée, adressée au demandeur ou à son agent enregistré, notifier à ce
demandeur le rejet de la demande, ainsi que les motifs ou raisons du rejet.
J'ai souligné en droit pour faire ressortir que ce n'est pas une question de discrétion : le
commissaire doit justifier tout refus. Comme l'a déclaré le juge en chef Duff dans l'arrêt
Vanity Fair Silk Mills c. Commissaire des brevets, [1939] R.C.S. 245, [1938] 4 D.L.R. 657,
246 :
[TRADUCTION] «Il ne fait aucun doute que le commissaire des brevets ne doit pas
rejeter une demande de brevet à moins qu'elle ne soit clairement dépourvue de
fondement valable..»
et aux pages 1121-1122 :
........... Dans la présente espèce, la Commission, malgré l'absence totale de preuve que
la prédiction n'est pas valable, rejette les revendications et en définitive les limite au champ
d'utilité prouvée plutôt que de les accueillir dans la mesure de l'utilité prédite. A mon avis,
cela est contraire à l'art. 42 de la Loi sur les brevets.
En vertu de cet article, le commissaire doit refuser le brevet quand il «s'est assuré que
le demandeur n'est pas fondé en droit» à l'obtenir. Ce qu'il a dit en l'espèce en approuvant
la décision de la Commission est en fait «je ne suis pas assuré que vous y avez droit». A
mon avis, le commissaire ne peut refuser un brevet parce qu'un inventeur n'en a pas testé et
prouvé complètement tous les usages revendiqués. C'est ce qu'il a fait ici en refusant
d'accueillir les revendications 9 et 16 dans la mesure où elles vont au-delà de ce qui a été
testé et prouvé avant le dépôt de la demande. Si les inventeurs ont revendiqué plus que ce
qu'ils ont inventé et inclus des substances dépourvues d'utilité, leurs revendications pourront
être contestées. Mais pour que cette contestation réussisse, elle devra s'appuyer sur une
preuve d'inutilité. Pour l'instant, une telle preuve n'existe pas et il n'y a aucune preuve que
la prédiction d'utilité pour chaque composé mentionné n'est pas valable et raisonnable.
Si elle applique le principe précité à l'espèce, la Commission en
vient à la conclusion qu'il n'a pas été établi que le demandeur n'est
pas fondé en droit à obtenir la concession d'un brevet.
En outre, l'arrêt Monsanto, précité, établit également que le
demandeur d'un brevet peut présenter une revendication générale
relativement à un groupe de composés, qui est fondée sur un groupe
plus restreint d'exemples précis, s'il existe une prédiction valable
que les membres du groupe général présenteront les mêmes propriétés
que les membres du groupe restreint et si l'inutilité n'a pas été
prouvée. La citation suivante énonce les conclusions de la Cour à cet
égard (p. 1116-1117) :
.............Quant au paragraphe 2, je trouve qu'il va dans le sens des remarques faites dans
l'arrêt Burton Parsons c. Hewlett-Packard, de cette Cour, précité, (aux pp. 564 et 565). A
la suite d'un troisième paragraphe qui n'est pas pertinent en l'espèce puisqu'il traite des
licences obligatoires pour les brevets de médicaments, le juge Graham a dit (à la p. 193) :
[TRADUCTION] Où donc doit-on tracer la ligne entre une revendication qui va au-delà de
l'objet et une qui coîncide avec lui? A mon avis, sir Lionel a correctement tracé cette ligne
lorsqu'il a fort utilement déclaré, dans les termes cités plus haut, que cela dépend s'il est
possible de faire une prédiction valable. S'il est possible pour le breveté de faire une
prédiction valable et de formuler une revendication qui ne dépasse pas les limites à l'intérieur
desquelles la prédiction demeure valable, il en a alors le droit. Bien sûr, en agissant ainsi il
prend le risque qu'un défendeur soit en mesure de démontrer que sa prédiction n'est pas
valable ou que certains corps compris dans les termes qu'il a utilisés sont inutiles ou anciens
ou évidents ou qu'une promesse quelconque qu'il a faite dans son mémoire descriptif est
fausse sous un aspect important; mais si, devant une contestation, il échappe à ce risque, sa
revendication ne va pas au-delà de l'objet révélé par la divulgation, elle est honnêtement
fondée sur celle-ci sous cet aspect et elle est valide.
Si j'ai cité de nouveau le passage cité par la Commission, c'est que je suis d'avis que
la dernière phrase est importante parce qu'elle indique clairement ce que l'on entend par
«prédiction valable». Il ne peut s'agir d'une certitude puisqu'elle n'exclut pas tout risque
qu'une partie du domaine visé puisse se révéler inutile. Le critère formulé par le juge
Graham me paraît donc présenter seulement deux motifs possibles pour rejeter des
revendications comme celles en litige.
1. Il y a preuve de l'inutilité d'une partie du domaine visé;
2. Ce n'est pas une prédiction valable.
En l'espèce, l'examinateur n'a déposé aucune preuve de l'inutilité de
l'une ou l'autre des réalisations visées par les termes [TRADUCTION]
«substitué» et [TRADUCTION] «de substitution» et il n'a pas été prouvé
non plus que le fait de dire que toutes les réalisations visées par
les termes en cause auront les mêmes propriétés que celles décrites
dans les exemples précis ne constitue pas une prédiction valable. La
Commission estime donc que l'arrêt Monsanto appuie la thèse du
demandeur, suivant laquelle les revendications devraient être admises.
A l'audience, l'examinateur de la demande alors compétent s'est
reporté à la décision Noranda Mines Ltd. v. Mineral Separation North
American Corp., 10 C.P.R. 99, afin d'étayer son rejet des
revendications. Il croit que les termes en cause sont indéterminés en
soi, de sorte qu'il est nécessaire de se reporter à la divulgation
afin d'en définir correctement la portée dans les revendications.
Comme la divulgation, dans sa définition du type de groupes visés par
les termes en cause, serait indéterminée, les revendications le
seraient également. Cependant, puisque la Commission a jugé que ces
termes ne sont pas indéterminés en soi, elle conclut que la décision
Noranda Mines v. Mineral Separation ne s'applique pas à cet égard
particulier. Toutefois, la décision est pertinente à un autre égard,
en ce qu'elle confirme le fait qu'une revendication n'est pas valide
si elle vise des réalisations qui, de toute évidence, sont inutiles;
ainsi, les revendications en cause ont été jugées non valides parce
qu'elles comportaient des renvois aux xanthates dont l'inutilité de
certains dans le processus revendiqué était reconnu. En l'espèce,
l'inutilité des réalisations visées par les termes en cause n'a pas
été mentionnée de sorte que, de l'avis de la Commission, les
revendications ne peuvent être rejetées pour ces motifs.
En outre, aucune antériorité pouvant restreindre la portée des
revendications n'a été citée' et il n'a pas été conclu que le fait de
dire que tous les groupes visés par les termes en cause ne seront pas
utiles ne constitue pas une prédiction valable [voir Monsanto,
précité], qu'un homme de l'art ne serait pas capable de déterminer les
groupes à sélectionner afin de produire les combinaisons qui
fonctionneraient [voir Burton Parsons, précité] et que l'une
quelconque des réalisations est inutile [voir Noranda Mines, précité].
La Commission recommande donc le retrait du rejet des
revendications 1, 9, 13, 23, 25, 34 et 45, fondé sur le fait qu'elles
sont indéterminées en raison de l'emploi des termes [TRADUCTION]
«substitué» et [TRADUCTION] «de substitution» .
Dans sa forme actuelle, la revendication 13 définit le groupe qui se
sépare L comme, notamment, un [TRADUCTION] «dérivé de substitution du
phénol» et, à l'audience, le demandeur a indiqué qu'il désirait
remplacer cette définition par l'une des modifications suivantes
(page 8 des pages qu'il a déposées) :
[TRADUCTION]
B. «phénol, dérivé de substitution du phénol»
C. «phénol, phénoxyde, dérivé de substitution de phénoxyde» ou
D. «adopter le paragraphe de la revendication 1a)(i), soit :
<IMG>
où Y et Z, qui peuvent être identiques ou différents, sont H, SO3M, CO2M,
SO4M, OH, un substituant halogéné, OR2, R3, NR3 4X, où M est un ion de métal
alcalin ou alcalino-terreux de charge opposée, R2 de OR2 est un alkyle C1-20, R3 est un
alkyle C1-6, R4 de NR3 4 est un alkyle C1-30 et X est la contrepartie ionique.
Même si la Commission a décidé que les termes en cause ne peuvent être
rejetés en l'espèce, elle juge néanmoins que la solution D est la plus
souhaitable des trois, puisque c'est elle qui correspond le plus à la
définition du groupe qui se sépare L, dans la revendication 1. Selon
la Commission, les solutions B et C sont quelque peu inexactes, en ce
qu'elles mentionnent le [TRADUCTION] «phénol» ou le [TRADUCTION]
«phénoxyde», plutôt que le radical [TRADUCTION] «phénoxy», qui serait
le terme plus juste.
Examinons maintenant le rejet de la revendication 23, qui serait
indéterminée. Le demandeur a avancé que le rejet de l'examinateur
était davantage fondé sur le fait qu'il s'agissait d'une revendication
visant les composés eux-mêmes plutôt qu'un groupe de compositions
chimiques. Il prétend que, puisqu'il revendique une combinaison de
deux composantes, il peut définir la composante a) de façon plus
fonctionnelle que dans un cas habituel. Ainsi, en choisissant la
composante a), un homme de l'art pourrait faire une sélection
appropriée à partir des diverses possibilités et éviter les
réalisations inutiles ou qui ne fonctionnent pas. Selon la
Commission, l'espèce est fort semblable à l'arrêt Burton Parsons,
précité, et elle considère donc la revendication comme admissible. La
Commission note de nouveau qu'aucune antériorité n'a été citée à
l'encontre de la revendication et qu'il n'a pas été conclu à
l'inutilité, ni que le fait de dire qu'un composé ayant le substituant
désigné ne produira pas le résultat désiré ne constitue pas une
prédiction valable. A la revendication 23, tout ce qu'il faut de la
partie manquante du composé revendiqué est qu'il agisse à titre de
substrat pour le substituant de l'invention et qu'il n'interfère pas
dans la réaction de ce substituant avec la source du peroxyde
d'hydrogène. En outre, selon la Commission, si le demandeur est tenu
de limiter les revendications à des réalisations précises, il pourrait
permettre à d'autres de saisir l'essence de l'invention en choisissant
des groupes non visés effectivement par la revendication. En résumé,
comme il l'a dit lorsqu'il a discuté des termes en cause, il devrait
être autorisé à formuler sa revendication de façon aussi générale que
possible en l'absence de toute antériorité et de toute conclusion à
l'inutilité ou à l'absence d'une prédiction valable. Comme aucune des
conditions précitées ne s'applique à la revendication, la Commission
recommande le retrait du rejet de cette revendication. Compte tenu de
ce fait, il est inutile d'examiner les modifications de la
revendication proposées à l'audience.
Quant au rejet des revendications 1, 9 et 34 parce qu'elles seraient
indéterminées, la portée de l'expression [TRADUCTION] «R6 renferme au
moins un carbone lié directement à N par une liaison simple ou double»
ne pouvant être déterminée, la Commission estime que le rejet est
approprié pour la raison suivante. Par sa définition du groupe R6
dans le groupe ONR6, le demandeur a rendu la revendication
indéterminée en soi. Ainsi, lorsque R6 renferme un atome de carbone
lié par une simple liaison à N, le groupe ONR n'est que partiellement
défini, car il devrait y avoir un autre groupe lié à l'azote pour
satisfaire à la trivalence de ce dernier. En d'autres termes, il faut
deviner quel autre groupe est lié à l'azote, c.-à-d. qu'on a le groupe
<IMG>
où le ? est indéterminé et non défini dans la divulgation. Bien
que la Commission suppose que le demandeur veut probablement
revendiquer les groupes O-N=C et <IMG> divulgués, il ne s'agit pas
des groupes réellement revendiqués. Pour cette raison, la Commission
estime qu'il faut confirmer le rejet de l'examinateur. Cependant,
l'autre libellé proposé par le demandeur (p. 9), [TRADUCTION] «un
groupe qui se sépare, sélectionné à partir du groupe renfermant de
l'oxime, de l'oxyimide et de l'oxyde d'amine» évite cette
indétermination, et la Commission recommande donc de l'accepter.
En conclusion, la Commission recommande ce qui suit :
1. apporter les modifications mineures aux revendications 13, 24, 34
et 46 déjà discutées;
2. retirer le rejet des revendications 1, 9, 13, 23, 25, 34 et 45
parce qu'elles sont indéterminées en raison de l'emploi des termes
[TRADUCTION] «substitué» et [TRADUCTION] «de substitution»;
3. modifier la revendication 13 afin de remplacer la définition du
groupe qui se sépare, [TRADUCTION] «dérivé de substitution du phénol»,
par le libellé du paragraphe D, à la page 8 des modifications
proposées par le demandeur;
4. retirer le rejet de la revendication 23 en raison de sa
définition de la composante a) de la composition revendiquée;
5. modifier les revendications 1, 9 et 34 en remplaçant la
définition du groupe R6, dans le groupe ONR6, soit la présence d'au
moins un atome de carbone lié directement à l'azote par une liaison
simple ou double, par le libellé de la solution B, à la page 9 des
modifications proposées par le demandeur.
(signature) (signature) (signature)
P.J. Davies M. Howarth M. Wilson
président intérimaire membre membre
Commission d'appel des brevets Commission d'appel des brevets Commission d'appel des
brevets
Je souscris aux conclusions et aux recommandations de la Commission d'appel des brevets et, par
conséquent, j'ordonne de donner suite aux recommandations suivantes de la Commission:
1. apporter les modifications mineures aux revendications 13, 24, 34 et 46 déjà discutées;
2. retirer le rejet des revendications 1, 9, 13, 23, 25, 34 et 45 parce qu'elles sont indéterminées
en raison de l'emploi des termes [TRADUCTION] «substitué» et [TRADUCTION] «de substitution»;
3. modifier la revendication 13 afin de remplacer la définition du groupe qui se sépare,
[TRADUCTION] «dérivé de substitution du phénol», par le libellé du paragraphe D, à la page 8 des
modifications proposées par le demandeur;
4. retirer le rejet de la revendication 23 en raison de sa définition de la composante a) de la
composition revendiquée;
5. modifier les revendications 1, 9 et 34 en remplaçant la définition du groupe R6, dans le
groupe ONR6, soit la présence d'au moins un atome de carbone lié directement à l'azote par une
liaison simple ou double, par le libellé de la solution B, à la page 9 des modifications proposées par
le demandeur.
En venu de l'article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur a six mois pour interjeter appel de la
présente décision devant la Cour fédérale du Canada.
Le Commissaire aux brevets par intérim,
(signature)
A. McDonough
Fait à Hull (Québec),
le 16 février 1995