BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS
La demande de brevet no 496 903 ayant été rejetée en vertu du
paragraphe 47(2) du Règlement sur les brevets, le demandeur a
demandé que la décision finale de l'examinateur soit révisée. Le
rejet a donc été examiné par la Commission d'appel des brevets et
par le Commissaire aux brevets. Les conclusions de la Commission
et la décision du Commissaire sont ci-après énoncées :
Demandeur :
M. William R. Cruikshank
YMCA - Halifax
1565, rue South Pk., pièce 313
Halifax (Nouvelle-Écosse)
B3J 3H1
Le demandeur a demandé que le Commissaire aux brevets révise la
décision finale de l'examinateur relative à la demande de brevet
no 496 903 (catégorie 310-63) déposée le 5 décembre 1985 et
intitulée «dispositif de force magnétique . L'inventeur, William
R. Cruikshank, a préparé, déposé et présenté sa demande sans
l'aide d'un agent de brevets enregistré. En réponse à la demande
de l'examinateur concernant la présentation d'un modèle de
travail de l'invention, M. Cruikshank a déposé une réplique de
petite taille en papier de l'une des variantes de son dispositif.
La demande décrit un dispositif de sustentation et de propulsion
de machines de toutes sortes : avions, machines spatiaux, sous-
marins, navires, véhicules routiers et véhicules guidés sur rail,
censé pouvoir utiliser la force d'attraction entre des pôles
aimantés de noms contraires en vue de créer une poussée.
La demande comprend douze dessins, desquels la figure 1 montre la
coupe d'une variante capable de créer une poussée dans une
direction. La figure 4 montre une variante du dispositif capable
de créer une poussée dans deux directions, alors que la variante
de la figure 6 est censée, elles, pouvoir créer une poussée dans
quatre directions.
La prétendue invention est la mieux illustrée à la figure 1
montrant les pôles de l'aimant supérieur 1 et les pôles de
l'aimant inférieur 2 séparés par des entrefers en forme de coin.
L'aimant supérieur est fixé à une structure 1D tandis que
l'aimant inférieur est fixé à la structure 2D, ce dernier étant
un électro-aimant. Bien que la figure 6 ne le précise pas, il
semble que les structures 1D et 2D soient fixes l'une par rapport
à l'autre. La figure 1 est présentée ci-dessous :
<IMG>
La demande comporte 22 revendications, et les revendications
indépendantes nos 1 et 22 se lisent comme suit :
1) Une machine comportant un ou plusieurs dispositifs créant une force
magnétomotrice, chacun composé de deux aimants ou plus séparés l'un de
l'autre par deux entrefers en forme de coin ou plus, les pôles se faisant
face de part et d'autre des entrefers étant de noms contraires, lesdits
aimants étant fixés à un support ou plus, l'un ou plusieurs de ces aimants
étant un électro-aimant, dont la face aimantée est orientée par rapport à
l'axe du dispositif de manière à créer, lorsqu'un courant traverse cet
électro-aimant ou ces électro-aimants, une poussée dans une direction ou
plus le long du ou des axes principaux de la machine
22) Une machine comportant un système d'alimentation et de commande pour la
propulsion et le guidage en translation et en rotation le long d'un ou de
plusieurs axes et comprenant une direction et un guidage dans le plan
horizontal, une commande de sustentation, d'inclinaison et de réglage
d'assiette, une commande de hauteur et de vol stationnaire, une commande
d'accélération, une commande de vitesse, un appareillage pour la commande
d'un ou de plusieurs groupes convertisseurs à courant continu; des
dispositifs distribués dans le véhicule en un ou plusieurs groupes ou
sections de manière à créer des forces magnétomotrices agissant le long de
l'axe principal, où les commandes de direction sont asservies aux commandes
d'accélération et de vitesse dans une ou plusieurs directions et faisant
appel à la rétroaction ainsi qu'à la rétroaction des divers organes de
commande des groupes convertisseurs, auxquels s'ajoutent les réglages
imposés par l'opérateur et d'astres externes venant d'équipements connexes
Le 10 mars 1992, l'examinateur a rendu une décision finale
rejetant toutes les revendications de la demande ainsi que cette
dernière. Les motifs de ce rejet sont triples : absence de
nouveauté à la lumière des références citées et de ce que disent
les divers ouvrages consulté; traitant des forces magnétiques;
absence d'utilité et enfin imprécision des revendications.
La décision finale rendue cite les références suivantes :
Brevets déposés aux États-Unis
4 259 908 7 avril 1981 Feistkorn et al
3 842 748 22 octobre 1974 Schwarzler et al
Références bibliographiques
Principles of Electricity
Page and Adams
Van Nostrand, 1949
Pages 116 et 117
Elements of Electrical Machineeering
Cook and Carr
John Wiley, 1947
Pages 28 et 29
Principles of Electrical Machineeering
Timbie et al
John Wiley, 1951
Pages 328 à 330
En rejetant les revendications ainsi que la demande, l'examina-
teur a notamment déclaré :
Les revendications nos 1 à 22 ainsi que le reste de la demande sont rejetées pour
motif d'absence de nouveauté par rapport aux brevets accordés à Feistkorn et al
et à Schwarzler et al, et à la lumière de ce que disent les trois traités cités
sur les forces magnétiques.
En réponse au dernier rapport de l'examinateur, le demandeur affirme dans sa
lettre du 13 avril 1989 que son invention exige que les aimants utilisés aient
une forme précise et que leur agencement obéisse à une géométrie particulière
L'inventivité réside dans la géométrie du concept et fait appel à un système
novateur de sustentation magnétique
La «construction géométrique» revendiquée par le demandeur n'améliore guère
l'état de l'art, étant donné crue les entrefers séparant les pôles se faisant face
sont augmentés ce qui intensifie les pertes de flux magnétique Dans la figure
les faces contiguës (pôles Nord et Sud) des aimants ne sont pas parallèles
Or, comme le dit l'ouvrage de Page et Adams, l'interaction magnétique entre deux
pôles de noms contraires est inversement proportionnelle au carré de la distance
qui les sépare. Timbie et al, quant à eux, disent que dans un circuit magnétique
comportant des entrefers, ces derniers absorbent la plus grande partie de la
force magnétomotrice Contrairement à ces principes bien établis et à la loi de
physique bien connue, citée précédemment, la demande montre une configuration où
la partie supérieure du pôle Nord est séparée de celle du pôle Sud (figure 1) par
une distance D2 qui est très grande est qui entraîne des pertes élevées du flux
magnétique C'est pour atténuer ces pertes, et optimiser le couplage magnétique
créé, que les entrefers séparant les pôles des aimants en vis-à-vis doivent être
normalement aussi faibles que possible
La divulgation est rejetée aussi aux termes de l'alinéa 34(1) de la Loi sur les
brevets pour le motif d'imprécision La demande en effet comporte plusieurs
énoncés ambigus A la page 4, par exemple, on y lit que l'aimant supérieur est
fixé à la structure 1D et l'aimant inférieur à la structure 2D et qu'il n'y a
entre ces deux structures aucun mouvement relatif alors qu'à la page 1 on y lit
que la force magnétomotrice créée peut servir à la sustentation et a la
propulsion de machines de toute sortes compris avions engins spatiaux,
véhicules routiers et crue à la page 10, le dispositif peut se maintenir a
n'importe quelle altitude, voire au-dessus de l'atmosphère (dans l'espace)
Aux pages 1 et 10 de la demande, le demandeur affirme que son invention peut
servir à faire du vol stationnaire à n'importe quelle altitude et même au-dessus
de l'atmosphère (dans l'espace), ce qui contrevient aux principes de la
sustentation magnétique, cités ci-dessus, qui exigent que les entrefers doivent
être très réduits L'invention est donc rejetée aux termes de l'article 2 de la
Loi sur les brevets, pour le motif d'être inopérante (absence d'utilité)
puisqu'elle ne peut pas produire le résultat revendiqué (vol stationnaire dans
l'espace)
La Commission, après avoir passé en revue les ouvrages cités
relativement à la demande, remarque qu'il s'agit d'ouvrages
portant sur les principes élémentaires d'électricité et de
magnétisme. Ces ouvrages semblent avoir été cités simplement pour
fournir des renseignements généraux et ne concernent pas
directement le dispositif du demandeur. Par conséquent, la
Commission ne les a pas analysés en détail.
Les brevets 4 259 908 et 3 842 748 accordés aux États-Unis
décrivent chacun un système de sustentation magnétique pour
véhicules, comprenant un électro-aimant en forme de U fixé à un
véhicule et dont les pôles sont prolongés vers un autre aimant
fixé, lui, à un support.
L'entrefer séparant les pôles en vis-à-vis est étroit, la face de
ces pôles étant plate et parallèle. La figure 3 du brevet 3 842
748 montre une variante où on voit un entrefer en forme de coin
séparant les pôles d'aimants en vis-à-vis. Or ces aimants se
déplacent les uns par rapport aux autres à mesure que se déplace
le véhicule par rapport au support.
La Commission est d'avis que chacun des ouvrages cités montre
tous les éléments que le demandeur fait valoir dans la
revendication no 1 de la présente demande. Toutefois, le
demandeur a souligné une différence fondamentale entre son
dispositif et les dispositifs déjà existants. Dans les ouvrages,
les aimants se déplacent les uns par rapport aux autres alors
que, dans le dispositif du demandeur, les aimants demeurent
immobiles les uns par rapport aux autres. Parce que les
dispositifs figurant dans le dossier d'antériorité servent
spécifiquement à des systèmes de transport pour lesquels il est
essentiel qu'il y ait un certain mouvement des aimants les uns
par rapport aux autres -- c'est là la caractéristique fondamen-
tale des dispositifs --, le demandeur soutient qu'il ne serait
pas évident de modifier ces dispositifs de façon à empêcher le
déplacement des aimants les uns par rapport aux autres.
La Commission accepte l'argument du demandeur selon lequel les
deux brevets délivrés aux États-Unis couvrent des inventions
différentes de celle qu'il revendique. Le demandeur fait valoir
que les deux aimants (montrés dans la figure 1, par exemple)
constituent un dispositif unitaire, alors que les structures 1D
et 2D sont des parties intégrantes de tout le dispositif. La
Commission conclut donc que le dispositif du demandeur diffère
des dispositifs existant cités par l'examinateur.
La Commission examinera maintenant le refus de l'examinateur
fondé sur l'absence d'utilité du dispositif. L'article 2 de la
Loi sur les brevets prévoit que, pour être brevetable, une
invention doit être utile. Dans l'affaire Mineral Separation v.
Noranda Mines Ltd. (1947), Ex. C.R. 306, le juge Thorson, de la
Cour de l'Échiquier, a déclaré, à la p. 316 :
Deux choses doivent être décrites dans un mémoire descriptif l'invention
elle-même et son application ou exploitation, telles que les a conçues
l'inventeur De plus, cette description doit être exacte et complète. Cette
exigence a pour but de permettre au public, à l'aide seulement du mémoire
descriptif, d'utiliser l'invention, une fois terminée la période de
monopole, aussi efficacement que l'inventeur pouvait le faire au moment de
la demande de brevet. La description doit être à la fois claire et précise
Essentiellement, le dispositif décrit dans la revendication no 1
(figure 1) comporte deux aimants fixés chacun à une structure
dans une variante, et comporte plusieurs paires d'aimants, dans
d'autres variantes. Ces paires d'aimants sont orientés les uns
par rapport aux autres à un angle varié, de manière à créer des
forces censées-agir dans des directions variées.
Lors de l'instruction de la demande, le demandeur a clairement
précisé qu'il n'y a aucun mouvement relatif entre les structures
et que, en conséquence, il ne peut y avoir de mouvement relatif
entre les aimants. Le demandeur prétend que son dispositif peut
servir à la sustentation et à la propulsion de machines de toutes
sortes, mais sans expliquer comment il réagit avec celles-ci.
Fait-il partie de cette machine ou bien s'agit-il d'un mécanisme
distinct? Le demandeur a consacré une part considérable de son
exposé à des équations permettant de calculer divers paramètres
dimensionnants, tels que taille des aimants, puissance requise,
etc., mais il n'a donné aucune indication sur l'utilité pratique
de son dispositif. Le Commission estime que le demandeur semble
confondre forces magnétiques et poussée, c'est-à-dire force
d'attraction entre deux pôles aimantés de noms contraires, d'une
part, et poussée permettant de faire avancer un véhicule, d'autre
part.
Un travailleur dans ce domaine de technologie devrait être en
mesure d'utiliser l'invention en ayant recours à l'information
donnée dans l'exposé de la demande. L'information fournie dans
l'exposé de la présente demande ne satisfait toutefois pas à
cette exigence. Avant de tenter de mettre en exploitation la
prétendue invention, un travailleur compétent dans le domaine des
transports devrait d'abord déterminer comment construire une
variante exploitable du dispositif du demandeur. Il ne s'agit pas
là d'un simple détail, mais d'un élément qui repose au coeur même
de ce que le demandeur pense avoir inventé.
La Commission estime, que, dans sa demande, le demandeur n'expose
pas en termes clairs et de façon concise de quelle façon peut
être construite une variante exploitable de son dispositif, et
qu'il ne respect pas, en conséquence, les dispositions de
l'article 34 de la Loi sur legs brevets.
La Commission est d'avis que ce manque d'explications du mode de
fonctionnement pratique du dispositif de levier peut avoir nui à
la compréhension, par l'examinateur, de ce que le demandeur
considère comme une invention, et a entraîné le rejet de la
demande pour ambiguïté. Il en est ainsi pour ce qui est de la
revendication no 1. Le demandeur a décrit les éléments du
dispositif, mais n'a pas expliqué clairement comment, dans le
dispositif, la force magnétique produite le long de l'axe
principal de la machine se transformait en mouvement. La
revendication no 22 soulève un problème semblable. Cette
revendication parle de systèmes de contrôle des mouvements du
véhicule utilisant la force magnétique produite le long de l'axe
principal (par exemple). La revendication est ambiguë et
imprécise en ce sens qu'elle ne précise pas comment la force
magnétique créée par les deux. aimants immobiles l'un par rapport
à l'autre génère la poussée nécessaire pour propulser un
véhicule. C'est pour ces motifs que la Commission approuve
l'évaluation faite par l'examinateur selon laquelle la demande
est imprécise.
En conclusion, la Commission est d'avis que le rejet de toutes
les revendications pour manque de nouveauté n'est pas justifié,
mais recommande que la demande soit rejetée parce que le
demandeur n'a pas exposé une invention exploitable et n'a pas
satisfait aux exigences de l'article 34 de la Loi sur les
brevets.
P. J. Davies M. Wilson
Président Membre
Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la
Commission d'appel dés brevets. En conséquence, je refuse de
délivrer un brevet pour cette demande. En vertu des dispositions
de l'article 41 de la Loi sur les brevets, le demandeur dispose
de six mois pour interjeter appel de cette décision auprès de la
Cour fédérale du Canada.
M. Leesti
Commissaire aux brevets
Fait à Hull (Québec),
ce 30e jour de novembre 1994.