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      BUREAU CANADIEN DES BREVETS

 

   DÉCISION DU COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

La demande de brevet n o 616 196 ayant été rejetée en vertu du

paragraphe 47 (2) des Règles sur les brevets, le demandeur a

demandé que soit révisée la décision finale de l'examinateur. Par

conséquent, la Commission d'appel des brevets et le commissaire aux

brevets ont examiné le rejet. Les conclusions de la Commission et

la décision du commissaire sont énoncées ci-après.

 

Agent du demandeur

 

M. Murray Thrift

Ade & Company

1700 Winnipeg Square

360, rue Main

Winnipeg (Manitoba)

R3C 3Z3

 

La présente décision porte sur la demande d'examen déposée par le

demandeur pour que le commissaire aux brevets examine la décision

finale de l'examinateur, rendue le 23 juin 1992, relativement à la

demande n o 616 196 (catégorie 166-26), déposée le 18 octobre 1991

et intitulée "Outil anti-rotation". L'inventeur est James L. Weber

et la cessionnaire, Halbrite Well Services Co. Ltd. La demande n o

616 196 porte sur la redélivrance du brevet n o 1 274 470, délivré

le 25 septembre 1990.

 

Le 16 décembre 1992, une audience a eu lieu devant la Commission

d'appel des brevets, composée de M. Frank Adams, président, et de

MM. Vic Duy et Murray Wilson; à l'audience, le demandeur était

représenté par M. James L. Weber, l'inventeur de l'outil précité,

et M. Murray Thrift, agent de brevets auprès du cabinet Ade &

Company.

 

Le brevet original et la présente demande ont trait à un outil

anti-rotation et son application à de l'équipement de tête de

puits. La figure 3 est une vue de l'avant en élévation de l'outil

anti-rotation, la figure 4 représente une coupe partielle et la

figure 6 une coupe transversale de l'outil en position de

fonctionnement.

 

<IMGS>

 

L'outil anti-rotation est destiné à être fixé à la base d'une pompe

rotative qui est reliée à la partie inférieure de la colonne de

production d'un puits de pétrole. Comme cela est indiqué sur ces

figures, l'outil 18 se compose d'un tubage mince 20, d'un tubage

épais 21 et d'un mandrin interne 23. Les blocs d'accrochage 31 se

bloquent contre la surface intérieure du tubage du puits, le

mandrin intérieur tourne dans le sens anti-horaire, la came 61

pousse la cale 47 vers l'extérieur de façon qu'elle soit bien

jointive avec le tubage du puits, ce qui empêche la rotation du

tubage et du tubage de production qui est fixé à la partie

supérieure du mandrin intérieur. L'outil peut être dégagé en

faisant tourner le mandrin dans le sens opposé. Si on ne peut pas

faire tourner le mandrin pour dégager l'outil, on peut le remonter

en exerçant une force verticale sur la surface du puits de sorte

que l'anneau 64 peut cisailler les goupilles de cisaillement 65 et

en continuant à exercer un mouvement vertical, la came se dégagera

de la cale, permettant à cette dernière de se rabattre à

l'intérieur et de ne plus être en contact avec le tubage du puits.

 

Dans la partie 3) de la demande de redélivrance, le demandeur

déclare que le brevet est jugé défectueux ou inopérant :

 

[TRADUCTION] "A la revendication 1 du brevet, on fait

état d'une combinaison d'éléments, dont l'un est défini

comme «un dispositif d'engagement du tubage entraîné par

le dispositif fixe et pouvant être actionné pour engager

le tubage de façon à empêcher la rotation vers la droite

du dispositif fixe dans le tubage tout en permettant un

mouvement vertical du dispositif fixe dans le tubages». Le

fait que le dispositif d'engagement du tubage permette le

déplacement vertical du dispositif fixe dans le tubage ne

constitue pas une caractéristique essentielle de

l'invention. Cette limite ne figure pas à la nouvelle

revendication 1."

 

A la partie 4) de la demande, le demandeur signale certains

événements qui ont eu lieu pendant la procédure d'examen de la

demande originale n o 586 660, pour laquelle le brevet n o 1 274 470

a été délivré, et qui, selon le demandeur, ont occasionné l'erreur

prétendue. Plus particulièrement, l'examinateur a rejeté la

principale revendication relative à une combinaison d'éléments et

voulant que l'invention vise un résultat précis. Cette

revendication a aussi été rejetée dans un second rapport d'examen

et dans la décision finale. Il fallait obtenir un brevet assez

rapidement et on avait procédé à l'examen de la demande de façon

anticipée. En réponse à la décision finale, le demandeur et son

agent ont décidé de limiter la portée de la revendication, sans

toutefois restreindre celle-ci excessivement, pour que la demande

soit reçue.

 

Par suite des discussions entre le demandeur et son agent, la

revendication 1 a été modifiée comme suit :

 

«Appareillage permettant de pomper du pétrole d'un puits de

pétrole renfermant un tubage, ledit dispositif combinant une

colonne de production avec tubage fixe, un mécanisme

d'entraînement de pompe rotative dans le tubage fixe, une

pompe du type à vis sans fin en partie inférieure de la

colonne de production, ladite pompe comportant un stator et un

rotor de type à vis tournant à l'intérieur, et un outil anti-

rotation fixé à la partie inférieure dudit stator pour

empêcher la rotation vers la droite dudit stator et dudit

tubage de production, ledit outil anti-rotation comportant un

dispositif fixe fixé au stator, un dispositif d'engagement du

tubage entraîné par le dispositif fixe et permettant

d'engager le tubage de façon à empêcher la rotation vers la

droite du dispositif fixe dans le tubage tout en permettant un

mouvement vertical du dispositif fixe dans le tubage.»

 

Le segment de la revendication qui est souligné ci-dessus a été

ajouté à la revendication initiale par suite des discussions entre

le demandeur et son agent. Un brevet, portant le numéro 1 274 470,

a été délivré relativement à la demande modifiée le 25 septembre

1990.

 

Dans la partie 5) de la demande de redélivrance, le demandeur

déclare ce qui suit :

 

[TRADUCTION] "Le 10 juin 1991, au cours d'un entretien,

le demandeur et son agent ont conclu, après avoir analysé

de nouveau l'invention revendiquée, que, pour ce qui est

de certaines applications de l'outil anti-rotation, la

possibilité de déplacer l'outil verticalement dans le

tubage était inutile. Il a donc été conclu que d'autres

parties pouvaient fabriquer et utiliser des outils anti-

rotation sans empiéter sur des droits en fabriquant ces

outils de façon qu'ils ne puissent se déplacer

verticalement à l'intérieur du tubage.»

 

Le 10 juin 1991, le demandeur et son agent ont déduit de ce qui

précède que le segment de la revendication qui est souligné ci-

dessus, et qui avait été ajouté pendant la procédure d'examen de la

demande, était trop limité; ils ont alors déposé la demande de

redélivrance dont il est question aux présentes, laquelle contient

une revendication plus large.

 

Dans la demande de redélivrance, le demandeur propose de rayer le

segment suivant de la revendication 1 du brevet : «tout en

permettant le déplacement vertical du dispositif fixe dans le

tubage», ce qui donne une revendication plus large que la

revendication originale, puisqu'on omet l'énoncé fonctionnel sur le

mouvement vertical du dispositif fixe.

 

L'examinateur a rejeté la demande de redélivrance et a rendu sa

décision finale le 23 juin 1992. En résumé, il a donné trois motifs

pour étayer son rejet; la Commission passera chacun d'eux en revue,

séparément.

 

La Commission estime que le premier motif de rejet fourni par

l'examinateur est le plus important des trois. Ce motif se lit

comme suit :

 

[TRADUCTION] "(...) à la lumière de la jurisprudence

canadienne dont il a été question, l'erreur n'a pas été

commise par inadvertance, accident ou méprise, au sens du

paragraphe 47 (1) de la Loi sur les brevets."

 

En réponse à la décision finale, le demandeur affirme en partie ce

qui suit :

 

[TRADUCTION] "Dans sa décision officielle du 25 mars 1992,

l'examinateur déclare que la demande de redélivrance doit être

rejetée parce qu'il n'y a aucune "inadvertance, accident ou

méprise dans le brevet original". Cette allégation est

apparemment fondée sur le fait que, selon l'examinateur, une

mesure prise intentionnellement ou en prévision d'un événement

particulier ne peut, par définition, comporter un élément

"d'inadvertance, d'accident ou de méprise". Si on part de ce

principe, il semble qu'il serait impossible de redélivrer un

brevet ni, très certainement, d'élargir la portée d'une

revendication au moyen d'une redélivrance de brevet. Voilà qui

est clairement erroné puisque, en vertu de l'article 47 de la

Loi sur les brevets, un breveté est habilité à se faire

délivrer un nouveau brevet."

 

La Commission doit trancher la question suivante : le demandeur a-

t-il satisfait aux dispositions qui figurent à la Loi sur les

brevets et qui portent sur la redélivrance des brevets? Aux termes

de ces dispositions, il est clairement reconnu que le breveté qui

souhaite se faire redélivrer un brevet doit démontrer que le brevet

délivré ne reflète pas exactement l'objet que l'inventeur avait

l'intention de protéger, lequel objet est visé par la redélivrance

de brevet, et que cet état de choses résulte d'une méprise, selon

ce qui est envisagé à l'article 47 de la Loi précitée.

 

Dans l'arrêt Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister

Lucius & Bruning c. Le commissaire aux brevets, (1966) R.C.S., 604,

à la page 615, la Cour suprême s'est prononcée sur l'exigence

voulant qu'un inventeur doive, dès le début, avoir eu l'intention

de protéger l'invention qui fait l'objet de la redélivrance de

brevet. Voici ce qu'elle a déclaré :

 

[TRADUCTION] "En supposant, comme pure hypothèse, qu'une

erreur de droit pourrait constituer le type de méprise

envisagé à l'article 50 (devenu depuis l'article 47), il

reste, à mon sens, que cet article ne peut s'appliquer que si

le breveté peut démontrer au commissaire qu'en raison de cette

méprise l'objet du brevet n'est pas celui que l'inventeur

avait véritablement l'intention de viser et de protécter."

(Souligné et note au sujet de l'art. 47 ajoutés par les

rédacteurs de la présente décision).

 

En outre, lorsqu'il s'agit de savoir si un acte délibéré peut être

considéré comme une erreur au sens de l'article 47 de la Loi sur

les brevets, la décision Paul Moore Co. Ltd. c. Commissaire aux

brevets, (1980) 46 C.P.R. (2d), page 5, nous est utile; voici ce

qu'on peut lire à la page 9 de cette décision :

 

[TRADUCTION] "L'avocat de l'appelant a aussi soutenu que la

décision du commissaires était fondée sur l'opinion erronée

selon laquelle tout acte intentionnel ne peut être posé par

erreur. Cet argument n'est pas totalement dépourvu de

fondement. Dans un extrait des motifs à l'appui de sa

décision, le commissaire semble être d'avis qu'un acte

délibéré ne peut avoir été posé par erreur, ce qui est

clairement faux. Cependant, à mon sens, l'observation du

commissaire doit être interprétée autrement. Ce qu'il voulait

dire, c'est tout simplement qu'on ne peut soutenir que le

demandeur a été victime d'une erreur s'il est possible de

démontrer que le renvoi à la paire de panneaux raccordés dont

il est question aux revendications 1 et 4 a été fait

intentionnellement, en sachant pleinement à quelles

conséquences il fallait s'attendre. (Le souligné n'est pas

dans le texte original.)"

 

Le demandeur soutient qu'une erreur s'est glissée dans l'examen de

la demande originale puisqu'il n'était peut-être pas nécessaire

d'inclure l'énoncé fonctionnel relatif au mouvement vertical du

dispositif fixe. L' examen attentif de la demande de redélivrance ne

démontre pas que le demandeur ait eu l'intention de revendiquer

dans sa demande de brevet l'invention qui est visée par la demande

de redélivrance. En fait, la Commission est portée à conclure, en

fonction de la demande de redélivrance, que le demandeur croyait

que la revendication inclus>e dans le brevet n o 1 274 470 était

aussi large que possible au moment où le brevet a été délivré. Le

demandeur a fait face à une procédure d'examen compliquée et fort

longue dans le but d'obtenir le brevet; cette procédure s'est

terminée par la décision finale de l'examinateur. Dans la partie 4)

de la demande de redélivrance, le demandeur indique avoir étudié

avec soin les limites à préciser pour prévenir le rejet de la

demande par l'examinateur et déclare avoir ajouté des restrictions

qui permettaient une certaine marge de manoeuvre. Lors de

l'audience, l'agent du demandeur a aussi fait mention des

entretiens téléphoniques qu'il avait eus avec l'examinateur à ce

sujet.

 

La Commission estime que l'information fournie par le demandeur

dans la demande de redélivrance ne démontre pas de façon pertinente

que l'inventeur avait l'intention de revendiquer dans le brevet

original l'invention visée par la demande de redélivrance. A notre

avis, l'erreur invoquée par le demandeur ne correspond pas à ce

dont il est question dans l'article 47 de la Loi parce qu'elle n'a

pas été commise par inadvertance, accident ou méprise, si on se fie

à la preuve fournie. Par conséquent, la Commission déclare que les

motifs présentés par le demandeur à l'appui de la demande de

redélivrance, tels qu'ils figurent à la partie 5) de ce document,

ne sont pas convaincants.

 

En deuxième lieu, l'examinateur a justifié ainsi son rejet de la

demande de redélivrance :

 

[TRADUCTION) "(...) il s'agit de revendications dont la portée

est plus large que celle des revendications délibérément

annulées pendant l'examen de la demande de brevet originale en

raison d'une objection de la part de l'examinateur, en pleine

connaissance des faits pertinents et de la teneur de la partie

4) de la demande de redélivrance (à savoir, la décision finale

relativement à la demande originale)."

 

Il semble que l'examinateur se penche sur le fait que le demandeur

a tenté d'englober dans ses revendications un objet compris dans

une revendication délibérément annulée au cours de l'examen de la

demande originale. Si on compare la revendication 1 de la demande

n o 586 660, laquelle a été annulée pendant l'examen de cette

demande, et la revendication 1 de la présente demande, on voit que

cette dernière est d'une portée moins large. Voilà pourquoi la

Commission est en désaccord avec l'examinateur lorsqu'il déclare

que le demandeur tente dans la présente demande d' élargir la portée

de la revendication initiale.

 

En troisième lieu, l'examinateur a justifié ainsi son rejet de la

demande de redélivrance :

 

[TRADUCTION] "(...) les revendications sont modifiées parce

que des tiers tournaient le brevet."

 

D'après cette déclaration, semble-t-il, l'examinateur croyait que

le breveté savait que d'autres fabricants tournaient le brevet; le

demandeur tentait donc d'élargir la portée de ses revendications

pour faire prendre ceux qui empiétaient sur ses droits. Dans la

partie 5) de la demande de redélivrance, le demandeur déclare qu'il

s'est rendu compte qu'il y avait une erreur relativement à la

revendication 1 en procédant à une nouvelle analyse des

revendications le 10 juin 1991. Cette nouvelle analyse a démontré

que d'autres parties pouvaient fabriquer l'outil anti-rotation sans

qu'il y ait déplacement vertical du dispositif fixe, de sorte

qu'elles n'empiétaient pas sur les droits du demandeur. La

Commission estime toutefois que cette partie de la demande de

redélivrance ne signifie pas nécessairement que le demandeur entend

(ou entendait) empêcher la contrefaçon de l'invention,

puisqu'aucune preuve n'a été présentée pour démontrer qu'on a

effectivement tourné le brevet.

 

Il est communément reconnu qu'un brevet ne peut être redélivré dans

le simple but d'élargir la portée des revendications originales et

de faire obstacle aux contrefacteurs. Lors de l'audience, on a

soulevé la question de la contrefaçon de l'invention et M. Thrift

a déclaré qu'à sa connaissance, aucune infraction de ce genre

n'avait eu lieu. Toutefois, on n'a pas indiqué clairement si un

fabricant d'outil anti-rotation deviendrait contrefacteur si on

redélivrait un brevet dont les revendications auraient une portée

élargie.

 

       En résumé, en raison des conclusions auxquelles elle en arrive au

       sujet du premier motif invoqué par l'examinateur pour rejeter la

       requête de redélivrance, la Commission estime que le demandeur n'a

       pas satisfait aux exigences fondamentales en matière de

       redélivrance de brevets stipulées à l'article 47 de la Loi sur les

       brevets; par conséquent, elle recommande de rejeter la demande

       n o 616 196 qui porte sur la redélivrance du brevet n o 1 274 470.

 

F.H. Adams              V. Duy                  M. Wilson

       Président              Membre                  Membre

       Commission d'appel           Commission d'appel      Commission d'appel

       des brevets                  des brevets             des brevets

 

       Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission

       d'appel des brevets. En conséquence, je refuse de faire droit à

       cette demande et d'accorder un brevet. En vertu de l'article 41 de

       la Loi sur les brevets, le demandeur a six mois pour en appeler à

       la Cour fédérale du Canada.

 

       M. Leesti

       Commissaire aux brevets

 

       Fait à Hull (Québec)

       ce 27e jour de mai 1993.

 

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