DÉCISION DU COMMISSAIRE
Traitement médical: Les revendications visant le traitement médical ont été remplacées par des revendications
visant l'utilisation, ce qui a permis de renverser les motifs de rejet. Comme les revendications visant
l'utilisation n'étalent pas en question, la demande a été renvoyée à l'examinateur. Motifs de rejet modifiés.
La présente décision fait suite à la requête du demandeur que le
commissaire des brevets révise la décision finale de l'examinateur
concernant la demande de brevet n o 480 865 (catégorie n o 167-165)
déposée le 6 mai 1985. Cédée à Merck & Co. Inc., elle porte le titre
de CELLULES DE SOURIS ENCAPSULÉES TRANSFORMÉES PAR INJECTION D'ADN
D'HORMONE DE CROISSANCE BOVINE ET DE RETROVIRUS AVIEN ET MÉTHODE
D'ADMINISTRATION D'HCB IN VIVO. Les inventeurs en sont J.L.
Lopchick, F.C. Leung, T.J. Levelli et R.H. Malavarca. L'examinateur
responsable a publié le 7 octobre 1988 une décision définitive où il
rejetait la demande de brevet.
Dans sa réponse à la décision définitive, le demandeur a présenté un
nouvel ensemble de sept revendications remplaçant celles qui
apparaissaient au dossier. Dans une lettre ultérieure datée du 5
avril 1990, qui faisait suite à une conversation avec l'agent des
brevets, le demandeur a ajouté d'autres modifications aux
revendications 1 à 3 de l'ensemble en question.
La demande concerne l'utilisation de certaines molécules de
recombinant d'ADN porteuses d'une séquence répétitive longue de
rétrovirus avien ligaturé avec une hormone de croissance bovine (HCB)
qui sont cotransformées en culture de cellules de mammifère pour
produire une culture de cellules stable sécrétant une HCB. Pour
qu'il y ait sécrétion, les cellules de mammifères transformées sont
fixées dans des ensembles de fibres creuses et implantées dans des
animaux.
Dans l'exposé des motifs de rejet des revendications 1 à 3 en vertu
de l'article 2 de la Loi sur les brevets, l'examinateur a déclaré, en
partie, ce qui suit :
(...)
Les revendications 1 à 3 sont rejetées au motif
qu'elles se rapportent à une méthode de traitement
médical qui n'entre pas dans la définition du terme
«invention» selon l'article 2 de la Loi sur les brevets
(voir Tennessee Eastman c. Commissaire des brevets
(1974) R.C.S. 111). L'objet des revendications 1 à 3
du demandeur visent un procédé d'implantation in vivo
dans des animaux dans le but d'améliorer la croissance
ou la production laitière de ces animaux.
L'implantation entraîne une modification des fonctions
organiques de l'animal et à ce titre entre dans la
définition du terme général «traitement médical».
L'objet de la revendication 1 concerne la «méthode
d'accroissement de la production de lait des vaches par
implantation in vivo dans lesdites vaches d'un volume
suffisant d'une lignée cellulaire encapsulée». Les
revendications 2 et 3 se rapportent à la «méthode
d'accélération de la croissance animale par
implantation in vivo dans lesdits animaux d'un volume
suffisant d'une lignée cellulaire encapsulée.» Ces
deux méthodes d'implantation entrent dans la définition
du terme général «traitement médical» et sont rejetées
n'entrant pas dans la définition du terme «invention»
selon l'article 2 de la Loi sur les brevets.
Dans sa lettre du 25 juillet 1988, le demandeur
soutient que «les revendications 1 à 3 de la présente
invention ne visent pas un traitement médical,
contrairement à la revendication exposée dans la
décision Tennessee Eastman. Ni la production laitière,
ni l'accroissement de la production laitière ne sont
des maladies. Le traitement en question ne concerne
donc pas une maladie et n'est donc pas un traitement
médical.» L'examinateur se permet de ne pas partager
cet avis. Les revendications 1 à 3 concernent une
méthode d'«implantation in vivo» ayant pour effet
d'améliorer la production laitière ou la croissance de
l'animal. L'implantation in vivo est un traitement
entraînant une modification du métabolisme de l'animal.
La politique du Bureau est d'interpréter le terme
«médicament» au sens large, à savoir de l'entendre en
tant que «science et art de guérir, d'atténuer et de
prévenir les maladies et de rétablir et de protéger la
santé». Dans les décisions publiées dans la Gazette du
Bureau des brevets du 20 décembre 1977 et du 23 mai
1978, le commissaire a soutenu que le traitement des
animaux n'était pas brevetable.
(...)
Dans sa réponse à la décision définitive de l'examinateur, le
demandeur a soutenu, en partie, ce qui suit :
(...)
L'examinateur sait parfaitement que les politiques du
Bureau des brevets ne sont pas coulées dans le béton et
qu'elles peuvent donc changer. A titre d'exemple, rappelons
le fait que la définition du terme «médicament» englobe les
«agents diagnostiques», et il s'ensuit donc que l'on peut
considérer une méthode d'administration d'un agent
diagnostique en vue de localiser une tumeur dans un corps
humain comme une méthode de traitement et la juger non
brevetable. Pourtant l'examinateur doit connaître la
décision rendue par la Commission d'appel relativement à la
demande de brevet de Goldenberg, qui a mené à la délivrance
du brevet canadien n o 1 244 344.
Concernant le brevet de Goldenberg, l'examinateur avait
également soutenu que tout élément injecté dans le corps
humain modifiera son métabolisme et constitue donc un
traitement médical (...), mais depuis la décision Goldenberg
(...) cet argument n'est plus valable.
(...)
Ce qu'il faut évaluer ici, c'est la question de savoir
si les revendications 1 à 3 mènent à la production d'un
produit commercialisable. Le juge Morton a clairement
exposé certaines règles qui s'appliquent à la brevetabilité
de méthodes de traitement dans l'arrêt In Re Application for
a Patent by G.E.C. (1942) 60 R.P.C. 1, où il soutient ce qui
suit (page 4) :
«(...) Selon moi, une méthode ou un procédé est un
moyen de fabrication si 1) il entraîne la production
d'un produit commercialisable ou si 2) il améliore
ou rétablit dans sa situation antérieure un produit
commercialisable ou si 3) il a pour effet d'empêcher
la détérioration d'un produit commercialisable
auquel on l'applique. Je n'essaie pas ici
d'englober tous les cas qui pourraient se présenter
dans une règle pure et dure.» (C'est nous qui
soulignons.)
(...)
Le produit commercialisable amélioré est en
l'occurrence une vache qui produira plus de lait ou un boeuf
pesant plus lourd lorsqu'on le mènera à l'abattoir.
Depuis la décision Tennessee, toutes les méthodes de
traitement consistant à administrer un produit quelconque à
un corps humain ou animal est considérée comme un traitement
et à ce titre exclue de la définition du terme «invention»
selon l'article 2 de la Loi sur les brevets.
L'administration d'un produit quelconque entrant dans la
définition du terme «médicament» selon le raisonnement
exposé dans l'affaire ICI est rejetée en tant que
«traitement médical».
(...)
(...) dans une décision récente (...) une méthode
comportant l'injection d'un anticorps en vue de la détection
et de la localisation d'une tumeur a été autorisée dans le
cadre du brevet canadien n o 1 244 344. La décision (...)
est datée du 13 mai 1988, soit environ cinq mois avant la
publication de la décision définitive concernant la présente
demande.
(...)
L'examinateur a renvoyé aux décisions du commissaire
publiées dans la Gazette du Bureau des brevets du 20
décembre 1977 et du 23 mai 1978 pour soutenir son allégation
que le «traitement des animaux n'est pas brevetable» (...)
Dans la décision du 20 décembre 1977, le (...) résumé
(...) se lit comme suit :
(...)
Il a été soutenu qu'un produit servant à accroître
le poids d'animaux est un «médicament» au sens que
donne à ce terme l'article 41 de la Loi sur les
brevets. (C'est nous qui soulignons.)
Dans la décision du 23 mai 1978, le (...) résumé se lit
comme suit :
(...)
Un produit servant à accroître le poids d'animaux est un
«médicament» au sens que donne à ce terme l'article 41 de la
Loi sur les brevets. (C'est nous qui soulignons.)
Nous faisons valoir que depuis l'abrogation du
paragraphe 41(1) ces deux décisions ne peuvent faire foi. Il
faut ajouter que depuis la décision Goldenberg, rendue
récemment, le terme «médicament» n'inclut plus certains des
produits énumérés dans la définition de ce terme selon la
décision ICI. Il n'y a donc aucune raison que ce terme
continue d'être interprété comme définissant tous les produits
administrés par voie buccale ou par injection à des animaux à
des fins autres que médicales.
(...)
A la suite de sa réponse à la décision définitive, le demandeur a
modifié les revendications 1 à 3 pour soutenir, en partie, ce qui
suit :
(...)
Les nouvelles revendications 1 à 3 visent maintenant
l'utilisation de certaines lignées cellulaires en vue de
l'augmentation de la production laitière des vaches
(revendications 1 et 3) et de l'augmentation de la croissance
animale (revendications 2 et 3). Les nouvelles
revendications, qui renvoient à l'utilisation, sont désormais
acceptables selon la nouvelle perspective du Bureau des
brevets.
A la suite d'une conversation téléphonique entre l'agent des brevets
et la Commission, d'autres modifications ont été apportées aux
revendications 1 à 3 dans une lettre datée du 5 avril 1990, où
l'agent fait valoir entre autres ce qui suit :
(...)
Dans une conversation téléphonique subséquente avec le
président intérimaire de la Commission d'appel, celui-ci a
estimé que les revendications 1 et 2 relatives à l'utilisation
devraient viser l'utilisation des fibres creuses énumérées et
décrites dans les revendications 4 et 5. Le demandeur se
permet de ne pas partager cet avis et ne croit pas que les
revendications relatives à l'utilisation devraient être
limitées à l'utilisation des fibres creuses énumérées dans les
revendications 4 et 5 pour les raisons suivantes :
Nous faisons valoir que deux aspects de la présente
invention sont désormais revendiqués comme suit :
1. l'utilisation d'une lignée cellulaire décrite dans
les revendications 1 et 2 sous forme encapsulée; et
2. un type de fibre creuse spécifique contenant
certaines cellules de souris d'un recombinant d'ADN
(revendications 4 à 7).
Le premier aspect de la présente invention est
clairement exposé aux lignes 7 à 13 de la page 1, où ladite
invention est définie comme «l'utilisation de nouvelles
molécules de recombinant d'ADN»; le second aspect est
également décrit aux lignes 7 à 13 de la page 1, où l'on
indique que les cellules de souris peuvent être fixées dans
des fibres creuses. Ces deux éléments sont également
exposés clairement dans le RÉSUMÉ DE L'INVENTION, à la
page 2.
Nous faisons valoir que si l'utilisation de lignées
cellulaires encapsulées exposée dans les revendications 1 et
2 était limitée à l'implantation au moyen des fibres creuses
énumérées dans les revendications 4 et 5, cela constituerait
une limitation injustifiée et pourrait être préjudiciable au
demandeur si une autre partie pouvait implanter ces lignées
cellulaires spéciales par d'autres moyens que les fibres
creuses énumérées dans les revendications 4 et 5. De plus,
les fibres creuses contenant une lignée cellulaire
encapsulée pourraient très bien n'être pas le seul moyen
d'implantation de lignées cellulaires encapsulées.
En conséquence, étant donné que les lignées cellulaires
restreintes énumérées dans les revendications 1 et 2 pour
les utilisations revendiquées ne se heurtent à aucune
antériorité, on devrait accepter les revendications
restreintes visant une lignée cellulaire encapsulée pour
implantation in vivo dans des vaches ou d'autres animaux,
afin d'offrir au demandeur une protection suffisante.
(...)
La Commission doit donc trancher la question de savoir si les
nouvelles revendications 1 à 3 exposées dans la lettre du 5 avril
1990 renversent le rejet des revendications 1 à 3 selon la décision
définitive de l'examinateur, qui les avait considérées comme visant
un traitement médical. L'exposé des revendications présentées le 5
avril 1990 se lit comme suit :
1. L'utilisation d'une lignée cellulaire encapsulée
choisie dans un groupe composé de L-BHG-4-3, de ATCC CRL-
8537, de L-BHG-4-13 et de ATCC CRL-8536 en vue de
l'augmentation de la production laitière des vaches par
implantation in vivo de ladite lignée cellulaire dans
lesdites vaches.
2. L'utilisation d'une lignée cellulaire encapsulée
choisie dans un groupe composé de L-BHG-4-3, de ATCC CRL-
8537, de L-BHG-4-13 et de ATCC CRL-8536 en vue de
l'augmentation de la croissance d'animaux par implantation
in vivo de ladite lignée cellulaire dans lesdits animaux.
3. L'utilisation d'une lignée cellulaire encapsulée selon
les revendications 1 ou 2, par implantation sous-cutanée.
En modifiant ses revendications pour les diriger vers une demande
d'utilisation de certaines lignées cellulaires, le demandeur, dans sa
réponse à la décision définitive, a tenté de renverser le rejet de sa
demande, refusée au motif qu'il s'agissait d'un traitement médical.
La Commission a estimé que les nouvelles revendications ne
définissaient pas complètement l'objet exposé et en a informé l'agent
qui en a discuté avec le demandeur. Selon les modifications du 5
avril 1990, les revendications 1 à 3 visent l'utilisation des lignées
cellulaires sous forme encapsulée. L'agent a estimé que ces
dernières revendications ne visaient pas un traitement médical et
devraient être acceptables. Renvoyant à la description à la page 1,
il a soutenu que les fibres creuses «pourraient bien ne pas être le
seul mode d'implantation de lignées cellulaires encapsulées».
La Commission estime que les revendications 1 à 3 présentées le
5 avril 1990 ne sont pas touchées par les motifs de rejet de la
décision définitive. La Commission considère qu'elles visent un
objet qui trouve sa justification dans la demande et peut fonder des
revendications valables selon l'orientation de l'arrêt Shell Oil c.
Commissaire des brevets, R.C.S. (1982), vol. 11, p. 536. Dans la
demande qui lui est présentée, la Commission estime que la structure
du conducteur de la lignée cellulaire est une combinaison qui, comme
on l'expose dans l'arrêt Shell (supra), «(TRADUCTION) (...) est
nécessaire pour permettre cette utilisation particulière (...)» et
offre «(TRADUCTION) (...) les moyens de concrétiser le nouveau
potentiel découvert (...)» que décrivent les spécifications. Il se
peut que les arguments exposés par l'agent soient acceptables, mais
la Commission fait remarquer que les revendications du 5 avril 1990
n'étaient pas celles que l'examinateur avait devant lui lorsqu'il a
pris sa décision définitive.
La Commission recommande donc que le rejet des revendications 1 à 3
visant un traitement médical soit annulé et que la demande soit
renvoyée à l'examinateur pour qu'il étudie les revendications 1 à 3
présentées le 5 avril 1990, à la lumière des arguments exposés par
l'agent des brevets.
M. G. Brown
Président intérimaire
Commission d'appel des brevets
Je souscris aux conclusions et aux recommandations de la Commission
d'appel des brevets. Je renvoie donc la demande à l'examinateur pour
qu'il poursuive son évaluation.
J.H.A. Gariépy
Commissaire des brevets
Fait à Hull (Québec),
ce 13e jour d'août 1990
Goudreau, Gage, Dubuc & Martineau, Walker
3400, Tour de la Bourse
C.P. 242, Place Victoria
Montréal (Québec)
H4Z 1E9