BUREAU CANADIEN DES BREVETS
DÉCISION DU COMMISSAIRE DES BREVETS
La demande de brevet no 502 082 ayant été rejetée en vertu de
l'article 47(2) des Règles sur les brevets, le demandeur a demandé
que soit révisée la décision finale de l'examinateur. Par
conséquent, la Commission d'appel des brevets et le commissaire des
brevets ont examiné le rejet. Les conclusions de la Commission et
la décision du commissaire sont énoncées ci-après.
Agent du demandeur
Swabey Ogilvy Renault
Bureau 800
1001, boul. de Maisonneuve ouest
Montréal (Québec)
H3A 3C8
RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DU COMMISSAIRE
C.D. 1172...Demande no 502 082 (B00),(J00)
Caractère indéterminé des revendications et manque de valeur
industrielle
Les revendications comprennent «une manoeuvre imposant un
effort cardiaque», mais le dispositif revendiqué ne dépend pas de
cette manoeuvre et la mention de la manoeuvre dans les
revendications ne les rend pas indéterminées. En outre, le critère
d'évaluation des méthodes diagnostiques devrait être que les
méthodes, et leurs résultats, ont une valeur pour la collectivité
visée, que les méthodes peuvent être reproduites par toute personne
versée dans l'art, et qu'elles peuvent procurer un avantage
financier à un praticien, plutôt que l'utilisation ayant une pure
valeur commerciale. Rejet annulé.
La présente décision fait suite à la requête formulée par le demandeur auprès
du commissaire des brevets pour qu'il révise la décision finale de
l'examinateur concernant la demande de brevet no 502 082 (classe 326-13.5),
pour une invention intitulée «évaluation du rendement mécanique du coeur»
déposée le 18 février 1986. Kevin M. McIntyre en est l'inventeur. Le 11 mai
1990, l'examinateur chargé du dossier a rendu une décision finale par
laquelle il rejetait la demande. Une audience a été tenue le 6 janvier 1992
et des arguments ont été présentés par l'agent de brevets du demandeur,
M. R. Mitchell.
La demande concerne un dispositif et une méthode permettant d'évaluer la
fonction cardiaque d'un sujet en surveillant le changement d'impulsions
artérielles pendant que le sujet effectue une manoeuvre imposant un effort
cardiaque.
Dans sa décision finale, l'examinateur a rejeté toute les revendications de
la demande pour le motif qu'elles étaient indéterminées et qu'elles n'avaient
s de valeur industrielle et commerciale. Voici des extraits de la décision
de l'examinateur et de la réponse du demandeur.
En ce qui concerne le premier motif de rejet, fondé sur le caractère
déterminé, l'examinateur a déclaré ceci:
[TRADUCTION)
En particulier, la revendication 1 est contestable parce que la clause
«des éléments pour détecter les changements...» s'appuie sur une étape
implicite de la méthode dans laquelle «une manoeuvre imposant un effort
cardiaque» est effectuée, ce qui, bien sûr, ne peut pas être considéré
comme un dispositif parce qu'il faut que le sujet fasse un effort
volontaire ou que l'utilisateur de la méthode effectue une opération,
...
Des objections similaires s'appliquent aux revendications de procédé; le
caractère indéterminé prend une autre forme en ce sens que les
revendications 4 et 5 visent à «évaluer l'état mécanique d'un coeur» en
«décelant un signal pulsé», c'est-à-dire sans même «une manoeuvre
imposant un effort cardiaque»... Autrement dit, la promesse qui est
faite dans le préambule n'est pas respectée compte tenu de la portée des
étapes revendiquées. De fait, les étapes expressément revendiquées
consistent en fait simplement à prendre la tension artérielle.
Dans sa réponse écrite, M. Mitchell s'est opposé comme suit au rejet fondé
sur le caractère indéterminé:
[TRADUCTION]
... l'examinateur déclare que la revendication 1 est contestable parce
qu'elle s'appuie sur une étape implicite de la méthode dans laquelle
«une manoeuvre imposant un effort cardiaque» est effectuée. Le
demandeur réfute avec véhémence cette objection. Les revendications
définissent une structure qui est clairement énoncée sans s'appuyer sur
la méthode qui consiste à faire une manoeuvre imposant un effort
cardiaque. Le fait qu'on peut utiliser ce dispositif pour déceler
différents signaux pulsés donnés par un sujet à différents stades d'une
activité ne veut pas dire que le dispositif dépend de la manoeuvre
imposant un effort cardiaque. Le dispositif doit être considéré
isolément, et les éléments mentionnés dans une revendication doivent
être tenus pour ce qu'ils paraissent être. En particulier, la
revendication 1 qui est faite dans le nouvel ensemble de revendications
est clairement déterminée lorsqu'elle énonce la combinaison d'éléments
structurels, et le fait qu'elle peut mentionner des éléments qui
viennent s'ajouter au dispositif vise simplement à clarifier la fonction
du dispositif.
... l'examinateur s'oppose à la revendication 4 pour le motif qu'elle
porte sur une évaluation de l'état mécanique d'un coeur et qu'une
manoeuvre imposant un effort cardiaque n'est mentionnée que dans la
revendication 7. De fait, la revendication 4 décrit les étapes
permettant de fournir un signal pulsé en plaçant des éléments
transducteurs sensibles à la pression pour fournir un signal électrique
représentatif de la pression en contact avec la peau d'un sujet, tout en
appliquant une pression au moins en partie par l'intermédiaire des
éléments transducteurs sensibles à la pression à la peau adjacente à une
pression contrôlée dans une étendue qui se situe effectivement tout
juste au-dessus de la pression diastolique dudit sujet et une pression
d'à peu près la moitié de ladite pression diastolique, puis en décelant
le signal pulsé. A coup sûr, cette revendication respecte la promesse
qui est faite dans le préambule de la revendication, à savoir évaluer
l'état mécanique d'un coeur. La revendication 4 du présent ensemble de
revendications ne vise pas simplement la prise de la tension artérielle
comme le laisse entendre l'examinateur, mais la prise de l'impulsion
artérielle et l'application de la pression à une pression contrôlée dans
une étendue qui se situe effectivement tout juste au-dessus de la
pression diastolique du sujet et une pression d'à peu près la moitié de
ladite pression diastolique.
Le second motif de rejet de l'examinateur était fondé sur le manque de valeur
industrielle ou commerciale:
[TRADUCTION]
L'objection fondamentale aux revendications de procédé est qu'étant
donné qu'elles doivent essentiellement être mises en oeuvre sur un sujet
individuel, elles ne peuvent pas définir un procédé industriel. Le
résultat, soit un sujet dont le rendement cardiaque est évalué, n'est
pas un produit commercialisable.
En outre, même une phase du procédé consistant en une «manoeuvre
imposant un effort cardiaque» non effractive exige un certain degré de
compétence et de jugement de la part de l'utilisateur, et ce, qu'il
s'agisse d'un médecin ou d'un technicien qualifié. L'inventeur lui-même
saura que la manoeuvre Valsalva mentionnée dans la revendication 8 est
contre-indiquée dans le cas des sujets atteints d'une infection des
voies aériennes supérieures comme une rhinite, une sinusite ou autre
infection de ce genre.
Il ressort de ces considérations que tout résultat économique (ou tout
argent qui change de mains) sera de la nature d'un honoraire pour un
service personnel individuel et le procédé dans l'ensemble ne peut pas
être appelé une «exploitation sur une échelle commerciale» sans
grossièrement fausser le sens de cette expression.
Ces considérations pour le moins sémantiques donnent lieu à une
objection commune, en ce sens que le procédé ou la méthode revendiqués
ne peuvent pas être entièrement reproduits comme il le faut pour qu'un
procédé soit susceptible d'être breveté. Puisque la matière de départ
est physiologique, elle n'est pas de la même qualité uniforme que, par
exemple, de la pâte dans le cas d'une usine de pâte à papier. Ainsi,
l'étape qui consiste à «assujettir le sujet à une manoeuvre imposant un
effort cardiaque» réputée essentielle à l'«évaluation de l'état
mécanique d'un coeur» nécessitera un jugement, en ce qui concerne le
choix et le temps, et ne sera absolument pas appropriée pour certains
sujets.
En réponse, M. Mitchell a notamment rétorqué ceci:
[TRADUCTION)
... la décision officielle dit que les revendications de méthode n'ont
aucune valeur industrielle... La question du manque de valeur
industrielle ou du défaut de résultat économique sur une échelle
commerciale de la méthode ou du procédé n'est pas comprise. Les
revendications doivent être utiles au point de vue économique, et elles
le sont. Il a été reconnu, et les tribunaux ont fait savoir au Bureau,
que les méthodes diagnostiques sont susceptibles d'être brevetées en
vertu de l'article 2 de la Loi canadienne sur les brevets. Récemment,
le 13 mai 1988, dans l'affaire Re Application for Patent Goldenberg, le
commissaire des brevets a rendu une décision annulant l'objection de
l'examinateur à ce qui était essentiellement une méthode diagnostique
permettant de déceler des tumeurs cancérigènes dans le corps en
injectant un certain type d'anticorps.
L'emploi de la méthode diagnostique exigera une certaine compétence,
mais pas plus que la compétence que possède la «personne versée dans
l'art» à laquelle le mémoire descriptif s'adresse. Toute question de
temps ou autre exigence enseignée dans le mémoire descriptif est
clairement susceptible d'être entièrement reproduite, et les résultats
des tests diagnostiques varieront, bien sûr, selon l'état physiologique
du sujet.
... l'examinateur compare la matière de départ d'un procédé à la qualité
uniforme de la pâte utilisée dans une usine de pâte à papier. A coup
sûr, l'examinateur ne croit pas sérieusement que la qualité de la pâte
utilisée dans pareille usine est uniforme. On doit constamment faire
des essais pour déterminer la qualité relative de la pâte de façon à
ajuster ensuite le procédé et le matériel. Toutefois, un diagnostic ou
une méthode de mise à l'essai dans une usine de pâte à papier sera
constant; seuls les résultats seront différents. De même, la méthode
diagnostique appliquée à un être humain sera constante et pourra être
reproduite, mais les résultats varieront.
Il incombe donc à la Commission de déterminer si les revendications relatives
au dispositif et à la méthode sont libellées d'une manière définie au sens du
paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, et si la
méthode revendiquée a une valeur industrielle.
La Commission doit ensuite examiner les revendications pour mieux comprendre
l'invention du demandeur. Les revendications 1 et 9 du nouvel ensemble de
revendications disent respectivement ceci :
Dispositif pour évaluer l'état mécanique du coeur d'un sujet, comprenant
des éléments transducteurs sensibles à la pression adaptés pour réagir
aux impulsions artérielles pour donner un signal pulsé,
des éléments permettant l'application d'une pression pour appliquer une
pression contrôlée par l'intermédiaire des éléments, y compris desdits
éléments transducteurs sensibles à la pression, sur la peau du sujet et
maintenir ladite pression contrôlée dans une étendue qui se situe
effectivement tout juste au-dessus de la pression diastolique dudit
sujet et une pression effectivement la moitié de ladite pression
diastolique,
et des éléments pour détecter les changements dudit signal pulsé pendant
et après une manoeuvre imposant une effort cardiaque par rapport audit
signal pulsé juste avant ladite manoeuvre imposant une effort cardiaque.
Une méthode pour évaluer l'état mécanique d'un coeur, comprenant les
étapes suivantes:
fournir de façon non effractive un signal pulsé représentatif de
l'impulsion artérielle en plaçant des éléments transducteurs sensibles
à la pression pour fournir un signal électrique représentatif de la
pression, en contact avec la peau d'un sujet, tout en appliquant une
pression au moins en partie par l'intermédiaire des éléments
transducteurs sensibles à la pression à la peau adjacente à une pression
contrôlée dans une étendue qui se situe effectivement tout juste au-
dessus de la pression diastolique dudit sujet et une pression
effectivement la moitié de ladite pression diastolique,
soumettre ledit sujet dont la tension artérielle est caractérisées par
ledit signal pulsé à une manoeuvre imposant une effort cardiaque,
et détecter le changement dudit signal pulsé durant une période de base
avant ladite manoeuvre.
Dans l'affaire Re Application for Patent of Goldenberg, 22 C.P.R. (3d) 159,
que M. Mitchell a citée dans l'argumentation orale et dans l'argumentation
écrite, il a clairement été jugé que les techniques diagnostiques sont
susceptibles d'être brevetées. Dans sa décision, la Commission d'appel des
brevets a notamment dit ceci :
[TRADUCTION]
... les brevets concernant un traitement médical au sens strict doivent
être exclus en vertu de la Loi sur les brevets.
Lorsqu'il s'agit de déterminer si la méthode du demandeur est une
méthode diagnostique et est donc susceptible d'être brevetée, l'examen
des revendications se rapportant à un traitement non médical, dans
lequel sont utilisées des substances inertes sur le plan pharmacologique
dans le contexte de la demande, ne nous permet pas de conclure que
celles-ci visent plus qu'un traitement diagnostique.
~~ Webster's Third New International Dictionary définit ainsi le mot
diagnostic» (diagnostique): adapté à un diagnostic ou utilisé dans un
diagnostic; le mot «diagnosis» (diagnostic) est défini comme étant l'art ou
l'acte d'identifier une maladie par ses signes et symptômes. L'invention
divulguée dans la demande est une méthode et un dispositif permettant de
celer une fonction cardiaque anormale en enregistrant le changement
amplitude et de taux d'impulsions artérielles après que le sujet a effectué
une manoeuvre imposant un effort cardiaque, par exemple en expirant avec
force dans un espace restreint pendant une période déterminée à l'avance.
Les données ainsi recueillies permettent au praticien compétent d'évaluer la
fonction cardiaque du sujet et de déceler un état cardiaque anormal. La
Commission croit que cette demande divulgue une invention qui est purement
diagnostique; nous prononçant sur les deux objections soulevées par
l'examinateur, nous avons tenu compte de la nature diagnostique de l'objet
revendiqué.
Les dispositifs et méthodes diagnostiques, par leur nature même, exigent la
présence d'un être humain. Les revendications qui définissent la structure
du dispositif et la méthode de diagnostic sont susceptibles d'être brevetées,
à la condition que pareille utilisation ne constitue pas un traitement
médical. La manoeuvre imposant un effort cardiaque mentionnée par
l'examinateur peut constituer un effort volontaire de la part du sujet, mais
cette manoeuvre n'offre aucun avantage thérapeutique, et le fait d'expirer
n'exige pas de compétence ou de formation spéciale. Nous concluons que le
dispositif ne dépend pas de cette manoeuvre, et que le changement qui se
produit dans les impulsions artérielles est décelé au moyen de l'élément
transducteur sensible à la pression mentionné dans la revendication 1. Le
dispositif et la méthode produiront les résultats revendiqués lorsqu'ils
seront utilisés par un praticien possédant la compétence normale, dans
l'évaluation de divers sujets, à la condition que ces derniers soient en
~~~pure de respirer. Nous croyons donc que la mention de la manoeuvre
~~~posant un effort cardiaque dans les revendications ne rend pas celles-ci
indéterminées.
De même, nous annulons également le rejet fondé sur le manque de valeur
commerciale. Pour que les méthodes diagnostiques soient susceptibles d'être
brevetées, la valeur commerciale ne peut pas être déterminée comme s'il
s'agissait de procédés de fabrication de pâte. Le critère doit être que la
méthode, et son résultat, ont une valeur pour la collectivité visée, que la
méthode peut être reproduite par une personne versée dans l'art et que cette
méthode peut procurer un avantage financier à ses utilisateurs. Nous ne
voyons pas pourquoi il faudrait douter que la méthode revendiquée dans la
présente demande ne soit pas utile à la collectivité médicale. De même, nous
croyons que le diagnostic pourrait, être reproduit chez un sujet donné et ne
dépendrait pas du jugement de l'utilisateur de la méthode, mais de l'état du
coeur du sujet. La méthode peut être exploitée sur une échelle commerciale
qui est suffisante et raisonnable eu égard aux circonstances, et qui
procurera certainement un avantage financier quelconque au praticien.
En résumé, nous croyons que l.es revendications rejetées définissent
clairement l'invention du demandeur, conformément au paragraphe 34(2) de la
Loi sur les brevets, et que la méthode revendiquée a une valeur commerciale,
comme on pourrait s'y attendre dans le cas d'une méthode diagnostique. Nous
recommandons donc que le rejet des revendications soit annulé.
F.H. Adams M. Howarth A. Kinsman
Président Membre Membre
Commission d'appel Commission d'appel Commission d'appel
des brevets des brevets des brevets
Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission. Je
renvoie donc la demande à l'examinateur pour qu'il procède à l'instruction
conformément aux conclusions de la Commission.
J.H.A. Gariépy
Commissaire des brevets
Fait à Hull (Québec),
ce 7e jour de février 1992.
Swabey Ogilvy Renault
Bureau 800
~~~1, boul. de Maisonneuve ouest
Montréal (Québec)
H3A 3C8