DÉCISION DU COMMISSAIRE
Évidence :
Les caractéristiques de vision et les circuits d'un réseau de
lignes à encre métallique, appliqué sur une visière de casque à
lentille double en vue d'obtenir un écran de désembuage et de
dégivrage sont considérés comme étant un progrès technique, et
les revendications modifiées sont acceptées. Rejet modifié.
La présente décision fait suite à la requête formulée par le
demandeur auprès du Commissaire des brevets pour qu'il révise la
décision finale de l'examinateur concernant la demande de brevet
n o 514 732 (classe 309-5), déposée le 25 juillet 1986 et
intitulée STRUCTURE D'UN ÉCRAN DE DÉSEMBUAGE ET DE DÉGIVRAGE.
James M. Hollander en est l'inventeur.
L'examinateur chargé du dossier a rendu sa décision finale le 3
mai 1989, rejetant la demande de brevet.
Pour réviser la demande, la Commission d'appel des brevets a tenu
une audience le 24 janvier 1989. Le demandeur y était représenté
par M. Kevin P. Murphy, agent de brevets. Après l'audience, le
demandeur a soumis des revendications révisées dans une lettre
datée du 26 janvier 1990.
L'invention concerne un dispositif de dégivrage pour une visière
de casque, à lentille double en plastique. Comme le montre la
figure 3 ci-dessous, la visière se compose d'une partie
supérieure 17, et de parois latérales, non illustrées, toutes
dotées de rainures ou cannelures 23 et 24 permettant de loger les
extrémités et la surface de deux lentilles, une lentille
extérieure 13 et une lentille faciale 14, dont les sections
inférieures sont jointes de la façon indiquée à 26. La face
interne 25 de la lentille 14, comporte un réseau de lignes 27
imprimé au moyen d'une encre métallique afin de fournir la
résistance et la puissances désirées, ainsi que les
caractéristiques de vision. La figure 1 montre la visière fixée
au casque.
<IMG>
Dans la décision finale, 7.'examinateur citait les références
suivantes :
Brevets
États-Unis
3 027 561 Le 3 avril 1962 Senne
Canada
1 011 792 Le 7 juin 1977 Plumat et al
(qui correspond au brevet 3 900 634 aux États-Unis)
Publications
Écran "Vari-Shield" à lentille double
Snowmobiler's Race & Rally, Hiver 1977-1978, page 12
Fiche de présentation de produit
Encres conductrices à l'argent Hysol; Bulletin SP-140
(n o 140-18-Q)
Hysol Division, The Dexter Corporation, septembre 1981
L'examinateur a tenu compte comme suit de ces références :
Senne utilise une plaque faciale pour la plongée
sous-marine, avec une glace externe 16, faite, de
préférence, de verre trempé, et une glace interne 17 en
plastique transparent. La glace interne comporte des
fils chauffants 70 pour éliminer la condensation
(figure 2 ci-dessous).
<IMG>
L'écran "VARI-SHIELD" à lentille double est un écran
facial bombé, en plastique moulé par injection, pour
motoneigistes. Les lentilles externe et interne sont
séparées par un espace mort (illustré ci-dessous).
ÉCRAN "VARI-SHIELD" A LENTILLE DOUBLE
Une innovation dans le domaine des
écrans faciaux permet d'éliminer
l'embuage et le givrage. Utilise une
adaptation inédite du principe des
contre-fenêtres à l'aide de deux
lentilles séparées par un espace mort.
Offert avec lentilles normales ou
longues de couleur ambre, fumé ou
translucide.
LENTILLE EXTERNE
ESPACE MORT
<IMG>
LENTILLE INTERNE
SUPER SEER CORPORATION
P.O. Box 700, Evergreen, Col 80439
303-674-6663
SEER INDUSTRIES LTD
Case postale 577, Fenelon Falls Ont, Can
705-887-2306
L'Hysol, une encre conductrice à l'argent, est conçue
pour sécher à l'air et peut être utilisée sur diverses
matières plastiques. Elle est conçue principalement
pour la sérigraphie (aucune illustration).
Plumat et autres utilisent un panneau de verre, doté de
bandelettes conductrices pour empêcher le panneau de
s'embuer et de se givrer. Les bandelettes sont
appliquées par cérographie. Le panneau de verre peut
comprendre une ou plusieurs feuilles de verre entre-
lesquelles se trouvent les bandelettes (figure 1
ci-dessous).
<IMG>
Étant donné l'écran Vari-Shield à lentille double et les
connaissances courantes sur les résistances et les conducteurs,
l'examinateur a rejeté les revendications 1 à 49, en partie dans
les termes suivants :
...
Tel qu'énoncé dans la décision précédente, Senne
utilisait des fils chauffants incorporés à une glace en
plastique, étant donné que les lignes conductrices
serigraphiées, technique qui existait à l'époque,
nécessitaient une température de durcissement élevée
inappropriée aux matières plastiques. Depuis la mise au
point des encres Hysol, conçues pour sécher à l'air sur
diverses matières plastiques, on peut remplacer les
fils chauffants par la nouvelle substance. Il est
réputé que le remplacement d'un matériau pour un usage
pour lequel il a été conçu ne constitue pas une
invention.
Le demandeur a notamment répondu à la décision
précédente ne pas avoir remplacé un matériau ancien par
un autre plus récent dans un écran facial chauffé par
résistance. Les mélanges conducteurs à l'argent ne
sont pas nouveaux, comme le prouve la publication
technique de DuPont soumise ici. Ils existent depuis
plus de 20 ans et, en dépit de leur disponibilité,
n'ont jamais été utilisés de la manière préconisée par
cette invention.
Si les encres conductrices à l'argent représentent une
solution si évidente, il est pour le moins étonnant
qu'elles n'aient jamais été utilisées de la manière
avancée par cette invention, bien qu'il y ait eu des
progrès importants dans le domaine des écrans faciaux
protecteurs, et plus particulièrement pour ce qui est
du désembuage et du dégivrage. La raison en est
naturellement qu'il y a eu invention lors du
développement, cette invention étant le sujet de la
présente demande.
Dans la décision précédente, l'examinateur mentionnait
aussi que les fils chauffants horizontaux sérigraphiés
étaient en usage sur la lunette arrière des automobiles
depuis le milieu des années 70. Par conséquent, l'idée
d'employer des conducteurs sérigraphiés pour éliminer
l'embuage était généralement connue à cause de
l'utilisation très répandue de l'automobile. La
référence Plumat et al n'est pas citée en tant que
nouveau motif d'objection mais bien pour étayer
l'exposé de la décision précédente. A la page 8 de la
référence Plumat, on y décrit une défaillance courante
des premiers conducteurs sérigraphiés, causée par une
surchauffe locale qui provoquait une défaillance des
conducteurs.
Le demandeur déclare que le mélange DuPont est
disponible depuis plus de 20 ans. Il en conclut que
l'utilisation de conducteurs sérigraphiés sur les
écrans faciaux ne peut être évidente, puisque de telles
encres existent depuis longtemps mais n'ont encore
jamais été utilisées sur des écrans faciaux.
Cela peut aussi s'expliquer par le fait que les encres
à séchage à air qui étaient disponibles ne convenaient
pas à l'application particulière prônée par le
demandeur. Plumat et al font part de problèmes de
fiabilité présentés par les premiers mélanges. La
Déclaration de l'inventeur reçue le 9 novembre 1987
stipule qu'une période de 6 mois a été nécessaire pour
évaluer les produits de divers fabricants. La fiche
d'information sur le produit Hysol recommande
clairement l'utilisation de cette encre pour le
plastique.
En résumé, comme l'indiquent les références, des écrans
de plastique à lentille double sont utilisés depuis
quelque temps. Senne a prôné l'utilité des fils de
résistance pour éviter l'embuage des écrans. Lorsque
le produit Hysol, spécifiquement destiné au plastique,
est arrivé sur le marché, il est devenu très facile de
se servir de l'encre pour perfectionner ce qui avait
été trouvé auparavant avec des matériaux plus
complexes. Ainsi, les efforts du demandeur ne font pas
preuve d'ingéniosité et devraient plutôt être qualifiés
de perfectionnements en atelier.
...
En réaction à la décision finale, le demandeur a avancé, entre
autres, les arguments suivants en faveur de son invention :
L'invention, au sens le plus large, porte sur un écran
facial amélioré comprenant au moins deux lentilles en
plastique espacées, la surface d'une des lentilles
comportant un circuit conducteur d'électicité
sérigraphié, sous forme d'un réseau de lignes continues
et espacées généralement parallèles. La résistance
électrique du circuit suffit pour produire de la
chaleur capable d'empêcher la formation de buée, de
glace ou de givre sur la surface de l'écran.
...
...
On revendique une incorporation particulière en ce que
la largeur et l'espacement des lignes sont tels que les
lignes n'occupent pas plus que 8 % par unité de surface
du champ de vision afin d'assurer le dégagement du
champ de vision et on revendique un circuit ayant une
plage de puissance de 0,3 à 0,60 watt par pouce carré
de la plaque faciale.
...
L'effet de chauffage de l'encre Hysol décrite est
évalué dans la déclaration sous serment de James M.
Hollander, en particulier dans les paragraphes 9 et 10
d'après lesquels il est évident que les renseignements
fournis par la publication de Hysol ne sont d'aucune
utilité pour la présente invention. L'utilisation des
critères indiquées dans la publication sur l'Hysol, par
exemple la valeur de la résistance en ohms par pouce,
provoquerait une chaleur qui ferait fondre le plastique
ou qui mettrait immédiatement la ligne encrée en
"circuit ouvert".
...
...Les mélanges utilisés par Plumat comprennent une
pâte composée de petites particules de verre mélangées
à des métaux conducteurs pour la sérigraphie sur les
substrats de verre, où le verre est "chauffé" afin de
faire fondre les particules de verre de la pâte pour
qu'elles se fusionnent au substrat de verre. Les
problèmes décelés par Plumat à la page 2 sont la
difficulté d'assurer l'uniformité et la
reproductibilité dans la production de masse sans avoir
recours à des modes de production aussi complexes
qu'onéreux. Plumat n'utilise pas du tout d'encres à
séchage à l'air et les problèmes liés aux pâtes du type
de ceux auxquels Plumat s'est heurté ne concernent pas
les encres telles que celles de Dupont et Hysol.
...
Le demandeur a en outre affirmé dans son exposé lors de
l'audience que les références citées n'étaient pas liées à
l'invention, notamment dans les termes suivants :
...
Il n'y a aucun fondement à la position de l'examinateur
à l'effet que Senne utilisait des fils chauffants
incorporés au panneau parce que les lignes conductrices
sérigraphiées connues à l'époque nécessitaient une
température de durcissement élevée inappropriée aux
plastiques.
...
... Dans une précédente déclaration sous serment, le
demandeur a également fait part de ses discussions avec
John Jandrey, responsable du développement des marchés
à la division des matériaux électroniques de la Dexter
Corporation, qui fabrique et vend les encres
conductrices Hysol. Au cours de ces discussion, M.
Jandrey avait déclaré que les encres n'étaient pas
conçues pour les applications de chauffage par
résistance à basse température, mais qu'elles étaient
conçues pour l'industrie de l'électronique où l'on fait
appel à une couche conductrice en polymère, comme pour
la réparation des pistes de cuivre sur les cartes de
circuit imprimé. M. Jandrey a également affirmé que
l'application envisagée sur un écran facial semblait
étrange et tout à fait inadaptée aux encres Hysol. Cet
élément contredit directement les "hypothèses" posées
par l'examinateur.
La question que la Commission doit trancher est la suivante : la
demande vise-t-elle un objet brevetable à la lumière de la
technique connue.
Au cours de l'audience, M. Murphy a présenté un vidéo illustrant
les effets sur un viseur de plastique comportant des lignes de la
petite dimension et du matériau préconisés par le demandeur.
L'exposé mentionnait les courants plus élevés que nécessiteraient
les lignes si l'on utilisait les circuits connus présentement,
courants qui sont beaucoup plus élevés que le courant revendiqué
par le demandeur. On a démontré que lorsqu'on fait circuler un
courant plus élevé dans le circuit du demandeur, ce courant
déforme d'abord le plastique à cause de la chaleur produite, puis
détruit les lignes à encre métallique de faibles dimensions et
coupe le circuit.
M. Murphy a souligné les caractéristiques de l'invention du
demandeur, découlant de la réalisation d'un circuit employant de
l'encre métallique capable de n'absorber qu'un faible courant par
rapport aux circuits et courants auxquels fait appel la technique
antérieure. Citant des renseignements obtenus auprès de General
Electic en 1984 sur des travaux de cette entreprise portant sur
des fils électriques placés dans du plastique Lexan, il a décrit
que l'on avait découvert que le plastique se déformait quand du
courant passait dans les fils. Il a assimilé ces essais à la
tentative de créer une structure décrite dans le brevet Senne.
Il a attiré l'attention sur l'interruption des tests de General
Electric motivée par la distorsion, l'apparition de bulles et les
problèmes optiques causés par un courant intense. Pour ces
raisons, il a affirmé que l'invention du demandeur était en
avance sur la technique antérieure.
Ayant pris connaissance des renseignements présentés à
l'audience, la Commission a admis la présence d'une certaine
inventivité dans la demande, pour ce qui est des aspects relatifs
au circuit et à la vision apportés par l'encre métallique, puis a
discuté des revendications avec l'agent pour déterminer si elles
définissaient les caractéristiques de l'invention.
Nous avons constaté que certaines revendications présentent les
caractéristiques assurant une bonne vision, mais qu'aucune
revendication ne définit de circuit à encre métallique dont les
dimensions permettent d'obtenir les caractéristiques de vision et
de dégivrage décrites à la page 8 de la demande comme étant
l'invention, et montrées au cours de l'exposé. M. Murphy a
demandé du temps pour préparer un ensemble de réclamations
modifié reflétant la portée exacte des réclamations. La
Commission a accepté. Les revendications révisées ont été
soumises le 26 janvier 1990. L'énoncé de la première était le
suivant :
Dans un ensemble casque protecteur et visière doté
d'une attache permettant de fixer et d'enlever la
visière, et d'une charnière entre l'attache et la
visière permettant un certain déplacement entre la
visière et le casque, une visière améliorée comprenant:
au moins deux lentilles en plastique espacées, offrant
un champ de vision, une lentille étant la lentille
faciale et l'autre lentille étant la lentille
extérieure, la surface d'une des dites lentilles
comportant un circuit conducteur d'électricité à encre
métallique, imprimé sur une partie substantielle du
champ de vision, le dit circuit étant disposé sur la
dite surface en un réseau de lignes continues, espacées
et généralement parallèles, les dites lignes ayant une
largeur maximale et un espacement minimal n'occupant
pas plus qu'environ huit pour cent (8 %) par unité de
surface du dit champ de vision, la résistance
électrique du dit circuit étant suffisante pour
produire une chaleur capable d'empêcher la formation de
buée, de givre et de glace sur la visière, et le dit
réseau de lignes permettant la meilleure visibilité et
la transmission maximale de la lumière à travers la
dite visière.
La Commission estime que les revendications modifiées définissent
l'invention décrite dans la demande en des termes qui surpassent
la technologie antérieure. Nous recommandons donc l'acceptation
de la demande contenant les revendications modifiées après
l'audience.
M.G. Brown
Président intérimaire
Commission d'appel des brevets
Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la
Commission d'appel des brevets. Par conséquent, je renvoie la
demande à l'examinateur pour qu'il en reprenne l'instruction en
conformité de la présente décision.
J.H.A. Gariépy
Commissaire des brevets
Fait à Hull (Québec) ce
23eme jour de mars 1990