DECISION DU COMMISSAIRE
Evidence : la simplification, par le breveté, de son appareil brevet
en éliminant un mécanisme d'engrenage, antérieurement jugé essentiel,
qui passait pour la norme dans la technique de l'imprimerie, tout en
gardant les résultats efficaces a été tenue pour acceptable. Rejet
annulé.
La présente décision fait suite à la requête formulée par le demandeur
auprès du commissaire des brevets pour qu'il révise la décision finale
de l'examinateur concernant la demande de brevet no 397 246 (classe
101-80.1) déposée le 26 février 1982 par Heidelberger Druckmaschinen
Aktiengesellschaft pour une invention intitulée ENTRAINEMENT PRINCIPAL
POUR PRESSES D'IMPRIMERIE OFFSET. L'inventeur est Willi Jeschke.
L'examinateur chargé du dossier a rendu une décision finale le
23 juillet 1985, refusant d'accueillir les revendications. Le
12 octobre 1988 s'est tenue une audience à laquelle l'agent des
brevets, M. Warren Hall, représentant le demandeur, a soumis une
modification à la revendication 1. La modification a été confirmée
par lettre datée du 17 octobre 1988. Les modifications ultérieures
aux revendications 5 et 6 ont été apportées par lettre datée du
2 novembre 1988.
L'invention porte sur une machine d'imprimerie rotative offset formée
de plusieurs presses identiques, en ligne, qui s'engrènent et qui
constituent un système déposé en série pouvant imprimer des deux côtés
d'une bande de papier se déplaçant horizontalement entre elles, comme
l'illustrent les figures 1 et 2 reproduites ci-dessous .
<IMGS>
Chaque machine comporte deux pignons d'entraînement cylindriques
principaux (10) et (11). Le pignon (10) entraîne le pignon (9),
fournissant ainsi le seul mécanisme d'entraînement aux pignons
secondaires (13) et (17) qui sont rattachés à deux cylindres
porte-plaques distincts (7) et (8), respectivement. Les deux
cylindres porte-blanchets (5) et (6) agissent en contre-pression et
permettent à la bande de papier de passer entre eux; chaque cylindre
comporte un pignon primaire (14) et (15) qui s'engrène sur les pignons
(13) et (17), respectivement.
Les revendications ont été refusées eu égard su brevet états-unien
suivant :
4,154,165 15 mai 1979 Jeschke
Le brevet Jeschke révèle un mécanisme en ligne pour les presses
servant à imprimer une bande de papier se déplaçant horizontalement.
Comme l'illustre la figure (4) reproduite ci-dessous, les pignons
d'entraînement principaux (12) et (13), par l'intermédiaire des
pignons d'entraînement des cylindres porte-plaques (10) et (11),
actionnent un train d'engrenages fermé. Chaque pignon (10) et (11)
comporte un engrenage droit décalé (17). Lorsque les différents
mécanismes de commande (30) engrènent les pignons (10) et (11) à leurs
pignons d'entra¯nement respectifs, les pignons (17) entraînent les
cylindres porte-plaques (8) et (9) et engrènent aussi les engrenages
droits (18), formant ainsi le jeu d'engrenages fermé et activant les
cylindres porte-blanchets (6) et (7), entre lesquels se déplace la
bande de papier. Afin d'assurer le soutien ou la tension correcte des
pignons durant la rotation, un mécanisme de réglage (33) est prévu.
<IMG>
Dans sa décision finale, l'examinateur a déclaré ce qui suit (extrait):
La présumée invention porte sur une rotative offsett, et plus
particulièrement sur une conception simplifiée de l'engrenage
d'entraînement cylindrique principal et de l'entraînement
principal. Comme l'indique le rejet de la revendication 1, le
but de la présumée invention était d'améliorer
"le mécanisme d'engrenage afin d'assurer le seul lien entre
un pignon d'entraînement primaire déterminé et un pignon
d'entraînement secondaire prédéterminé par lequel les
diamètres prédéterminés peuvent être sélectionnés afin
d'établir la séparation souhaitée entre des presses
individuelles assujetties à des diamètres prédéterminés
tout en maintenant les mêmes pignons primaires et
secondaires."
Ce mécanisme avait été. rejeté dans la décision du 18 janvier
1985 comme étant une évidence pour toute personne du métier qui
est au courant des énoncés du dossier d'antériorité. La
caractéristique la plus importante de la présumée invention que
le demandeur indique dans sa lettre du 17 mai 1985 est
l'engrenage à deux points des contact le premier étant celui
entre les pignons (10) et (11), qui se distingue de la
référence, laquelle montre le même mécanisme ayant trois points
de contact, le troisième étant les pignons (11) et (13), (figure
2 de la référence). Il est vrai que le "nouveau mécanisme"
présenté est différent du premier et qu'il lui est supérieur,
simplement parce que tout engrenage à trois points de contact
est coûteux et difficile à aligner et à régler et que cela est
notoire. Le "nouveau" a été obtenu par l'amélioration de
l'ancien en enlevant le pignon (11) et le mécanisme de commande
(figure 4 de la référence). Il diffère du précédent uniquement
par la simplification de son fonctionnement.
Le demandeur n'est pas d'accord et réplique en ces termes (extrait):
...
Les revendications de la pressente demande se distinguent de la
technique existante en ce que les diamètres des pignons (11) et
(13) peuvent être choisis à l'avance afin d'obtenir un
espacement particulier entre diverses presses disposées en série
sans varier le mécanisme d'entraînement des cylindres
porte-plaques (7) et (8) et des cylindres porte-blanchets (5) et
(6). Cela est rendu possible parce que les pignons cylindriques
principaux (10) et (11) s'engrènent seulement l'un sur l'autre
et sur un pignon de cylindre porte-plaque et ne constituent en
fait qu'un engrenage "à deux points de contact". Quantité
d'autres pignons cylindriques principaux de diamètres variés
peuvent être utilisés et maintenir un engrenage à deux points de
contact, permettant ainsi une variation de l'espacement effectif
entre des presses installées en série, procédé qui nécessitait
antérieurement un engrenage "à trois points de contact". Le
mécanisme d'entraînement des cylindres porte-plaques et des
cylindres porte-blanchets ne comprend qu'un seul point
d'engrenage direct avec les pignons cylindriques principaux; de
cette faon, une force d'entraînement précise est transmise par
l'intermédiaire des pignons cylindriques, ce qui ne se retrouve
pas dans la technique existante.
L'entraînement des cylindres peut être dégagé en désolidarisant
un simple accouplement, réduisant ainsi de beaucoup les dépenses
d'investissement.
La presse d'imprimerie améliorée est plus adaptable aux
installations sur place, requiert moins d'engrenages et de
commandes et produit quand même la qualité d'impression
souhaitée.
L'inventeur détient actuellement le brevet américain 4,154,165
(...) Deux réalisations sont révélées dans la description
détaillée: l'une est montrée aux figures 1 à 3, et l'autre à la
figure 4. La première réalisation ne porte pas sur le mécanisme
d'entraînement d'engrenage nécessaire entre les cylindres
porte-blanchets (6) et (7) est requiert la présence du pignon
d'entraînement (11) solidaire de l'engrenage droit (13) du
mécanisme d'entraînement principal. Le pignon (11) du mécanisme
illustré aux figures 1 à 3 ne peut ête éliminé, sinon le
cylindre porte-blanchet (7) ne serait pas entraîné par un tel
dispositif. En outre, il est essentiel pour le mécanisme
Jeschke de maintenir cette relation d'entraînement qu'indiquent
les lignes 24 à 44, colonne 2, de la proposition, qui sont ainsi
rédigées:
Vu ce que dessus et d'autres facteurs, l'invention
s'applique à une rotative à plusieurs presses disposées en
série, chacune comprenant deux cylindres porte-blanchets en
contre-pression et deux cylindres porte-plaques
respectivement soidaires d'un des cylindres
porte-blanchets, et un dispositif d'entraînement principal
qui entraîne individuellement chacun des cylindres
porte-plaques. Le dispositif d'entraînement principal de
chaque machine comprrend deux engrenages droits solidaires
l'un de l'autre et de l'engrenage droit du dispositif
d'entraînement principal de la presse immédiatement
adjacente. Chacun des cylindres porte-plaques possède un
pignon d'entraînement .qui s'engrène sur l'un des engrenages
droits et, conjointement au dispositif d'entraînement
principal, sur un mécanisme d'entraînement en série qui lui
est propre; celui-ci se compose de deux engrenages droits
additionnels qui entraînent chacun des cylindres
porte-plaques sur un cylindre porte-blanchet. Des
engrenages droits additionnels sont adjacents aux
dispositifs d'entraînement principal, dans un axe
d'engrenage différent de celui du dispositif d'entraînement
principal. (Non souligné dans le texte).
...
Le brevet Jeschke, pria dans son ensemble, montre qu'un
engrenage à trois points de contact est essentiel au mécanisme
d'entraînement dans une presse d'imprimerie et que, par
conséquent, un "technicien sans imagination" qui prendrait
connaissance de l'antériorité n'envisagerait pas d'éliminer de
la presse d'imprimerie un de ses éléments essentiels.
L'affirmation de l'examinateur concernant l'engrenage à trois
points de contact est examinée indépendamment de l'énoncé de
l'antériorité qui, pris dans son ensemble, éloigne le lecteur
des revendications de l'inventeur. Pourquoi voudrait-on
envisager d'éliminer un élément jugé nécessaire à l'obtention du
résultat désiré?
La Commission doit établir si les revendications définissent un objet
brevetable eu égard à l'antériorité invoquée. La revendication 1 modifiée est
ainsi rédigée:
Une rotative offset, du type pouvant s'adapter à d'autres
machines à imprimer semblables pour former un ensemble de
presses identiques et disposées en série servant à imprimer une
bande de papier se déplaçant horizontalement et ayant un
mécanisme d'entraînement commun, comprend:
une paire de cylindres à imprimer, montés sur un axe,
parallèles et décalés horizontalement, qui agissent en
contre-pression et entre lesquels passe une bande de papier;
lesdits cylindres comprennent des pignons cylindriques primaires
qui s'engrènent l'un sur l'autre;
une paire de cylindres porte-plaques montés sur un axe,
séparés verticalement, et comprenant un pignon secondaire
qui s'engrène sur chacun des pignons primaires précités,
conjointement avec les cylindres d'imprimerie précités;
une paire d'engrenages d'entraînement cylindriques de
diamètre prédéterminé qui s'engrènent l'un sur l'autre et
capables de s'engrener sur l'un des engrenages
d'entraînement similaires de presses juxtaposées et
faisant partie de l'ensemble des presses disposées en
série; et
un mécanisme d'engrenage cylindrique qui assure la
seule liaison entre l'un des engrenages cylindriques et
un certain engrenage secondaire particulier par lequel
les diamètres prédéterminés peuvent être choisie afin
d'établir l'espacement souhaité entre lesdites presses,
l'espacement étant assujetti à des diamètres
prédéterminés, tout en continuant à entraîner les
engrenages cylindriques primaires et secondaires.
A l'audience, M. Hall a expliqué que l'invention du demandeur constate
fondamentalement qu'il n'était pas essentiel qu'un entraînement
constant s'applique aux deux bouts du jeu d'engrenages, comme le
montre le brevet Jeschke. A partir de ce nouveau concept, l'agent des
brevets dit que le demandeur a remarqué qu'une qualité d'impression
satisfaisante était obtenue en ne retenant qu'un seul mécanisme de
commande et qu'un seul mécanisme d'engrenage droit qui fonctionnait
avec un seul pignon d'entraînement et en éliminant le second mécanisme
de commande ainsi que le mécanisme de soutien ou de tension
précédemment tenu pour essentiel dans le brevet cité. L'agent a
souligné que l'engrenage à deux points de contact que le demandeur
décrit dans sa demande permet d'obtenir un produit de qualité, tandis
que le demandeur avait auparavant estimé essentiels un engrenage à
trois points de contact et le soutien de l'engrenage. En réponse aux
questions, l'agent a décrit comment des pignons d'entraînement
principaux de tailles différentes peuvent être rendus solidaires du
jeu d'engrenages fermé de l'invention exposée dans la demande sans
exiger un réaménagement des engrenages comme il faudrait le faire dans
le dispositif breveté. Il a signalé la simplification que le
demandeur réalise du fait qu'un seul point d'entraînement produit une
impression de qualité. En essayant de corriger le papillotage, il a
précisé comment chaque bande de papier était mise en contact des
deux côtés, ce qui permettait une impression satisfaisante sans que
l'on pût déceler un papillotage ou un maculage affectant la qualité.
M. Hall a remarqué que le demandeur en l'espèce était le breveté de
la référence invoquée, qui, pour ce brevet, s'intéressait à un
engrenage plus complexe et plus coûteux dans sa recherche de la
qualité et respectait les contraintes de ce qui était accepté à cette
époque. Il a souligné que la suppression d'un engrenage d'un bout du
jeu d'engrenages constituait un progrès important dans la technique de
l'imprimerie offset. M. Hall a avancé que le brevet cité ne disait
nulle part qu'un arrangement plus simple des parties connues pourrait
produire une impression de qualité acceptable et n'indiquait ni ne
donnait aucune raison pour penser qu'il serait possible d'éliminer
soit l'un des points d'engrenage, soit le soutien. Il s'est reporté
au jugement rendu en l'affaire Canadien General Electric Co. Ltd. v.
Fade Radio Ltd. XLVII R.P.C. (1930) 69, pp. 88 et 89.
"De l'avis de MM. les juges, le juge Maclean résume bien
la loi à ce chapitre dans sa décision. Il affirme ce qui
suit . "Il doit y avoir exercice considérable du pouvoir
inventif ou du génie inventif, même s'il peut être
parfois négligeable. De petites modifications ou
améliorations peuvent produire d'importants résultats et
être la marque d'une grande ingéniosité. Parfois, c'est
la combinaison qui constitue l'invention. Si l'invention
exige une réflexion, un.e ingéniosité et une aptitude
indépendantes, produisant sous une forme distincte un
résultat plus efficace, transformant un appareil
relativement défectueux. en un appareil utile et efficace,
rejetant ce qui est mauvais et inutile dans les
tentatives antérieures et retenant ce qui est utile et
les réunissant en un appareil qui, pris dans son
ensemble, est nouveau, il y a invention. Une nouvelle
combinaison de dispositifs bien connus et leur
application à un but nouveau et utile peuvent exiger un
esprit inventif et faire valablement l'objet d'un
brevet."
Les personnes chargées de l'examen se sont demandées si l'équilibre
des charges au point de pression entre les cylindres (5) et (6)
pendant l'impression pourrait être dû aux déséquilibres produits à
divers points du jeu d'engrenages avec un seul point d'entraînement.
Du fait de l'accumulation du maculage, elles doutaient que
l'alignement pendant l'impression serait acceptable. L'agent a
expliqué que le jeu d'engrenages à bout ouvert n'entraîne au plus
qu'un léger maculage et que le système du demandeur permet
l'impression sur les côtés opposés de la bande de papier. Par
conséquent, il a fait valoir que tout écart ne serait pas décelable
dans le produit final, car la synchronisation parfaite n'est pas
nécessaire lors de l'impression.
Les personnes chargées de l'examen ont jugé évidente la réduction du
nombre d'engrenages de 9 dans le brevet à 8 dans la demande et des
mécanismes de commande de 2 à 1. L'agent, quant à lui, a fait valoir
que la réduction des coûts par rapport aux avantages constitue un
facteur très important qu'il ne faut pas oublier dans l'évaluation du
progrès apporté dans la technique de l'imprimerie. Il a également
souligné que l'importance du concept ne doit pas être écartée à la
légère.
Les responsables de l'examen ont jugé que la nouvelle combinaison ne
représente qu'une simplification de la structure brevetée par la seule
suppression d'un engrenage et du mécanisme de commande. L'agent a
souligné l'importance du dispositif du demandeur en disant que le
concept de la suppression du besoin de soutien et d'entraînement pour
chaque bout de l'appareil breveté précédemment ne pourrait être
considéré comme une voie prévisible à emprunter, étant donné l'énoncé
du brevet selon lequel ces éléments étaient essentiels.
Vu la directive donnée par la décision rendue en l'affaire Canadian
General Electric Co. v. Fada Radio Ltd., ci-dessus, nous croyons que
le demandeur a fait preuve de réflexion et d'ingéniosité
indépendantes en produisant une combinaison qui donne des résultats
utiles. Nous croyons qu'il y a eu exercice de la faculté inventive
pour améliorer l'appareil connu en changeant ce qui était tenu pour la
norme dans la technique de l'imprimerie en un arrangement qui rend
superflus des éléments précédemment nécessaires pour atteindre des
résultats imprévus. En outre, la nouvelle combinaison donne des
résultats efficaces à des coûts moindres.
Nous sommes convaincus que le caractère distinctif du dispositif
d'engrenage du demandeur énoncé dans la demande et clairement défini
par les revendications modifiées 1, 5 et 6 et les modifications 2 à 4
et 7 justifient la protection par brevet. Nous recommandons
l'acceptation des revendications modifiées 1, 5 et 6 ainsi que des
revendications subordonnées 2 à 4 et 7.
M. G. Brown S.D. Kot
Président intérimaire Membre
Commission d'appel des brevets
Après avoir passé en revue l'instruction du dossier, je souscris aux
conclusions et à la recommandation de la Commission d'appel des
brevets. Par conséquent, j'accepte la modification apporte aux
revendications 1, 5 et 6 ainsi que les revendications qui en
dépendent. J'annule donc le rejet des revendications et je renvoie la
demande à l'examinateur pour qu'il en reprenne l'instruction en
conformité de la présente décision.
J.H.A. Gariépy
Commissaire des brevets
Fait à Hull (Québec)
le 10e jour de janvier 1989