Articles 2, 28(3)
La méthode de filtrage des réflexions multiples à partir de
sismogrammes a été jugée brevetable et ne pas se résumer à
de simples calculs. Rejet annulé.
La présente décision fait suite à la requête formulée par le demandeur
auprès du commissaire des brevets pour qu'il révise la décision
finale de l'examinateur concernant la demande de brevet nÀ 385 965
(classe 349-16), déposée le 15 septembre 1981. Cédée à la Mobil Oil
Corporation, la méthode a pour titre : FILTRAGE F-K DE RÉFLEXIONS
MULTIPLES A PARTIR D'UNE COUPE SISMIQUE. L'inventeur est W.H.
Ruehle. L'examinateur chargé du dossier a rendu sa décision finale le
25 novembre 1983, rejetant la demande de brevet. Dans une lettre
datée du 25 mars 1988, le demandeur a retiré sa demande d'audition.
L'invention a trait à un système, illustré à la figure 1, permettant
d'obtenir un coupe sismique à partir d'ensembles de réflexions
sismiques à point commun de réflexion (P.C.R.) qui sont représentés en
fonction de la distance (X) et du temps (T) sous forme de tableaux
(X-T), et plus particulièrement d'accentuer les réflexions primaires
et de supprimer la distorsion causée par les réflexions multiples dans
les tableaux X-T.
1. Ensemble à PCR
2. DN avec V D <IMG>
3. Empilement
4. Décalage du temps variant avec le temps
5. Transform. (réelle)
6. Transform. (imaginaire)
7. Inverse
8. Filtre/DR/DI
9. Transform.
Une correction est effectuée à l'étape 18 afin d'aligner les
réflexions multiples dans les ensembles g P.C.R. (11). Elle est
suivie d'un empilement de l'ensemble corrigé (22) en vue d'obtenir une
estimation des réflexions multiples. L'inverse de la correction de
l'étape 18 est effectué afin de produire un décalage du temps variant
avec le temps (26) des réflections multiples de l'ensemble à P.C.R.
L'ensemble est ensuite transformé en 30 et 30A en parties réelles et
imaginaires, puis en un tableau de fréquences et de nombres d'ondes
(f-k). Ce tableau est inversé en 31 afin de donner des valeurs
inversement proportionnelles à l'amplitude des réflexions multiples.
La coupe sismique elle-même est divisée en parties réelles et
imaginaires par les transformations (f-k) des étapes 34 et 35 : la
coupe sismique est convertie en un tableau S(f-k) des parties réelles
et imaginaires par la transformation (f-k) réelle 34 et la
transformation (f-k) imaginaire 35. Les parties réelles de 30 et 34
sont passées au filtre 32, les parties imaginaires de 30A et 35 sont
passées au filtre 33. Dans les filtres 32 et 33, chaque échantillon
des tableaux S9f-k) est pondéré par un facteur inversement
proportionnel pa l'amplitude de l'échantillon correspondant dans la
transformation (f-k) des réflexions multiples afin que les réflexions
multiples soient supprimées. Le tableau filtré (f-k) est ensuite
converti en un tableau X-T normal à l'étape 36 et cette conversion se
traduit par une suppression des réflexions multiples.
Dans sa décision finale, l'examinateur a, notamment, déclaré ce qui
suit :
...
Dans le cas Schlumberger, l'opération comprenait
la transformation de signaux sismiques
représentatifs de données de diagraphie en données
plus utiles représentatives des caractéristiques
des formations géologiques. La méthode
d'établissemnt d'un lien, par transformation
mathématique, entre les données sismiques et le
résultat physique des caractéristiques des
formations n'a pas été retenue comme brevetable.
Le présent cas se rapproche du cas Schlumberger en
ce que l'adjonction d'une série de transformations
mathématiques sur un sismogramme permet
d'améliorer celui-ci. Si l'on en juge d'après le
cas Schlumberger, de telles découvertes ne sont
absolument pas brevetables. L'affaire Re Johnson
et al à laquelle fait allusion le demandeur ne
s'appuie pas sur le droit canadien.
Les lignes directrices nos 2 et 3 du bureau
(R.B.B. 01.08.78, p. 26) portent que :
2. Les demandes portant sur une nouvelle façon de
programmer un ordinateur ne sont pas
brevetables.
3. Les demandes ayant trait à la programmation
inédite d'un ordinateur, s'exprimant dans un
ou plusieurs modes, dont la nouveauté réside
seulement dans le programme ou l'algorithme,
ne sont pas jugées brevetables aux termes de
l'article 2 de la Loi sur les brevets.
L'invention à l'étude, qui consiste à soumettre un
sismogramme à une série d'opérations destinées â
en filtrer les données et à fournir une coupe
sismique plus utile, s'appuie sur des calculs ou
une programmation aux termes où l'entendent les
lignes directrices susmentionnées. Comme aucune
structure concrète inédite n'en résulte,
l'invention n'est pas brevetable.
...
Le demandeur a cité à l'appui de son cas plusieurs décisions
anciennes, dont le cas Schlumberger c. le Commissaire des brevets 56
C.P.R. (2d) 204, et In re Johnson, Parrack and Lundsford (1978) 200
USPQ 199.
En se reférant à l'arrêt Schlumberger, le demandeur a fait état de
certains passages, dont ceux-ci :
(traduction)
La nouveauté du présent cas tient aux calculs
divers qui doivent être faits et aux formules
mathématiques qui doivent être utilisées pour
effectuer ceux-ci. Si ces calculs ne devaient pas
être exécutés par un ordinateur, mais par un
cerveau humain, la demande aurait sans aucun doute
pour objet des formules mathématiques et une série
d'opérations purement mentales; elle ne serait par
conséquent pas brevetable.
et
Ce que l'appelante revendique à titre d'invention
en l'espèce, n'est que la découverte selon
laquelle certains calculs effectués conformément à
certaines formules permettraient d'extraire des
informations utiles de certaines mesures. Voilà
qui ne constitue pas une invention au sens de
l'article 2.
Le demandeur évalue l'arrêt In re Johnson en partie dans les termes
suivants :
... L'invention que le demandeur chercher à faire
breveter fait appel à des méthodes permettant de
supprimer des signaux sismiques ou des éléments
sonores indésirables de données sismiques
enregistrées. La suppression de ces parasites, en
simplifiant l'interprétation des données
sismiques, a facilité la détermination de la
structure souterraine.
La Cour a catégoriquement affirmé que, par suite
de l'arrêt Flook (Parker v. Flook (1978) 198 USPQ
1983), toute conclusion voulant qu'aucune
invention "ayant un caractère algorithmique" ne
puisse jouir de la protection des brevets devient
trop générale et erronée. Pour amorcer son
analyse, la Cour a déterminé si les revendications
relatives aux méthodes faisaient état de méthodes
de calcul, comme on le constatait dans l'arrêt
Flook. La Cour a constaté que deux faits
contribuaient à distinguer les revendications à
l'étude des revendications énoncées dans Flook. A
l'opposé du demandeur de l'arrêt Flook, le
demandeur concerné par les présents appels (sic)
ne revendiquait pas la paternité d'une formule
mathématique originale. En outre, les produits
découlant du procédé revendiqué par les demandeurs
(sic) consistaient en tracés sismiques nouveaux,
insonores, enregistrés sur un support enregis-
treur, et non en simples valeurs mathématiques.
Les contraintes appréciables associées à l'emploi
d'un tracé sismique' enregistré, ne comportant
aucune amélioration - contraintes exposées dans
les revendications - ont amené la Cour à statuer
que ces revendications énonçaient des procédés au
sens légal de ce terme, et non des méthodes de
calcul, en vertu du critère Flook.
La Cour a alors cherché à déterminer si les
revendications énonçaient strictement des
algorithmes mathématiques d'une façon non prévue
par la loi et a, pour ce faire, appliqué le test
Freeman (In re Freeman (1978) 197 USPQ 44) pour
effectuer l'enquêtes Benson (409 U.S. 63, USPQ 673
(1972)). Elle a constaté que les revendications,
y compris toutes leurs étapes, ne se bornaient pas
énoncer des formules mathématiques ou une simple
méthode de calcul. Une interprétation prudente de
chaque revendication, à l'aide des faits mis en
lumière, a été jugée nécessaire pour déterminer si
la revendication énonçait seulement une façon de
résoudre un problème mathématique. Dans le cas
contraire, elle énonçait un procédé et se révélait
donc brevetable au sens des dispositions
législatives.
Le demandeur explique que sa méthode vise à convertir un tracé
sismique en une version plus utile, notant en partie ce qui suit :
...
(traduction)
... L'auteur de la présente demande ne revendique
pas seulement à titre d'invention la découverte
qu'en faisant certains calculs à l'aide de
certaines formules, on puisse extraire des données
utiles de certaines mesures, ce qui était le cas
dans l'arrêt Schlumberger. Au contraire, la
présente demande s'appuie sur la production d'un
nouveau résultat, c'est-à-dire un sismogramme
original, amélioré grâce à la méthode décrite par
l'invention.
L'auteur soutient que les sismogrammes sont des
apparations physiques et que les opérations dont
ils font l'objet ont un caractère concret. Il
soutient de même que l'expression éventuelle de
ces apparitions physiques sous forme de formules
mathématiques demeure sans rapport avec la
question.
...
La Commission doit décider si la demande comporte un objet légalement
brevetable compte tenu des articles 2 et 28(3) de la Loi sur les
brevets. La revendication 1 se lit comme suit :
Méthode de filtrage des réflexions multiples à
partir de sismogrammes représentant les formations
géologiques, comprenant :
a) production des sismogrammes premiers
représentant l'amplitude des réflexions
sismiques primaires et multiples en fonction
du temps et de la distance suivant une ligne
d'exploration;
b) transformation desdits sismogrammes premiers
en un tableau f-k de parties réelles premières
et imaginaires premières représentant
l'amplitude en fonction de la fréquence et du
nombre d'ondes;
c) correction dynamique desdits sismogrammes
premiers su moyen de la vitesse apparente
desdites réflexions multiples afin d'aligner
lesdites réflexions multiples;
d) empilement desdits sismogrammes premiers ayant
subi une correction dynamique et ayant des
réflexions multiples alignées;
e) correction dynamique inverse desdits
sismogrammes premiers empilés afin de produire
des sismogrammes seconds représentant des
réflexions multiples;
f) transformation desdits sismogrammes secondes
avec réflexions multiples alignées en un
tableau f-k de parties réelles seconds et
imaginaires secondes;
g) détermination de l'inverse desdites parties
réelles secondes et imaginaires secondes du
tableau f-k desdits sismogrammes seconds;
h) filtrage de ladite partie réelle première du
tableau f-k desdits sismogrammes premiers par
pondération de tous les échantillons de ladite
partie réelle première avec les échantillons
correspondants de l'inverse de ladite partie
réelle seconde du tableau f-k desdits
sismogrammes;
i) filtrage de ladite partie imaginaire première
du tableau f-k desdits sismogrammes premiers
par pondération de tous les échantillons de
ladite partie imaginaire première avec les
échantillons correspondants de l'inverse de
ladite partie imaginaire seonde du tableau f-k
desdits sismogrammes seconds;
j) transformation desdites parties réelles
premières et imaginaires premières filtrées en
sismogrammes troisièmes constituant une
représentation améliorée des formations
géologiques avec suppression des réflexions
multiples en fonction du temps et de la
distance suivant ladite ligne d'exploration.
L'examinateur et le demandeur ont tous deux fait ressortir la nature
de l'invention, nommément la conversion d'un sismogramme.
L'examinateur estime que cette conversion ne représente rien de plus
que des calculs. Le demandeur fait valoir qu'elle s'applique à un
travail grâce auquel on débarrasse les sismogrammes de caractères
indésirables qui sont attribuables à des réflexions multiples. Selon
le demandeur, les étapes successives de sa méthode permettent
d'obtenir un sismogramme amélioré dont sont absents tous signaux
indésirables. Alors que dans l'arrêt Schlumberger, la découverte
concernait l'opération de certains calculs pour extraire certaines
mesures, sa méthode, a prétendu le demandeur, pour supprimer des
caractéristiques indésirables des tracés sismiques ne se borne pas à
de simples calculs, puisqu'elle améliore les étapes concrètes qui
servent à produire un sismogramme amélioré.
L'examinateur a rejeté la demande et les revendications conformément à
l'article 28(3) de la Loi, qui se lit ainsi :
Il ne peut être délivré de brevet pour une
invention dont l'ojet est illicite, non plus que
pour de simples principes scientifiques ou
conception théoriques.
Nous reconnaissons que des calculs mathématiques peuvent former une
part intégrante du système conçu par le demandeur dans la mesure où
les réflexions sismiques sont emmagasinées sous la forme d'une série
d'échantillons dans un calculateur numérique, et que les
transformations de Fourier convertissent cette série en amplitude en
fonction de fréquences et d'un nombre d'ondes. Nous observons
cependant que les étapes de la méthode modifient le sismogramme
puisqu'elles y suppriment les réflexions multiples. A notre avis, ces
étapes apportent une nouvelle dimension à l'invention que le demandeur
a présentée. Nous estimons que son invention concerne un système
utile de filtrage des réflexions multiples des sismogrammes et qu'à
cet égard, elle fait intervenir autre chose que de simples calculs.
Nous estimons qu'en raison de sa nature, l'invention du demandeur ne
fait pas partie d'aucune des catégories désignées dans l'article 18(3)
et n'est donc pas uniquement de caractère algorithmique.
Ayant déclaré que le système du demandeur est utile et ne concerne pas
seulement des calculs ou des algorithmes, nous estimons de surcroît
que la méthode décrite et revendiquée par le demandeur appartient su
domaine des techniques utiles et est recevable aux termes de
l'article 2 de la Loi sur les brevets, lequel définit l'invention
ainsi :
"invention" Toute réalisation, tout procédé, toute
machine, fabrication ou composition de matières,
ainsi que tout perfectionnement de l'un d'eux,
présentant le caractère de la nouveauté et de
l'utilité.
Nous recommandons en conséquence que le rejet de la demande et des
revendications pour cause de non-brevetabilité de son objet aux termes
des articles 28(3) et 2 de la Loi sur les brevets soit annulé.
M.G. Brown S.D.Kot
Président p.i. Membre
Commission d'appel des brevets
Ayant passé en revue l'instruction de la demande, je souscris aux
conclusions et recommandations de la Commission d'appel des brevets.
Par conséquent, j'annule le rejet de la demande et des revendications
et je renvoie la demande à l'examinateur pour qu'il en reprenne
l'instruction en conformité de la recommandation.
J.H.A. Gariépy
Commissaire des brevets
Fait à Hull (Québec)
ce 19e jour de septembre 1988.
Gowling & Henderson
B.P. 466, Terminus A
Ottawa (Ontario)
K1N 8S3