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        DECISION DU COMMISSAIRE

 

     Art. 2 Traitement médical: Des revendications visant une

     méthode non médicale de ocalisation des tumeurs chez un sujet

     au moyen d'anticorps radiomarqués présentatn une grande

     spécificité pour les antigènes carcino-embryonnaires et de

     détection de la fixation des anticorps au moyen d'un disposi-

     tif de photoscintigraphie ont été considérées comme se

     rapportant à un traitement diagnostique.

     Rejet retiré.

 

     La présente décision fait suite à la requête soumise par le demandeur au

     commissaire des brevets pour que soit révisée la décision finale rendue à

     l'égard de la demande de brevet no 372,2.33 (classe 167-40) déposée le 3 mars

     1981. La demande en question s'intitule "LOCALISATION ET TRAITEMENT DE TUMEURS

     AU MOYEN D'ANTICORPS ET DE FRAGMENTS D'ANTICORPS MARQUES, SPECIFIQUES DE

     MARQUEURS DE TUMEURS. L'inventeur est Milton D. Goldenberg. Le 3 juillet

     1984, l'examinateur a rendu sa décision finale dans laquelle il refusait

     d'approuver les revendications de la demande. A l'audience tenue le 3 juin

     1987, M.D. Watson, agent des brevets canadien, a représenté le demandeur, et le

     Dr. B.D. Saxe, avocat de brevets américain, a fait la présentation technique de

     l'invention. A la suite de l'audience, l'agent a soumis une lettre qui

     renvoyait à certaines affaires judiciaires et qui était accompagnée des

     exemplaires des brevets canadiens qu'il avait évoqués à l'audience, ainsi qu'un

     affidavit du Dr Saxe.

 

     La demande se rapporte à une méthode qui consiste à injecter dans un organisme

     vivant certains types de substances provenant d'anticorps, qui possèdent une

     grande activité spécifique et une grande spécificité pour les antigènes

     carcino-embryonnaires, qui sont radiomarquées afin qu'on puisse les détecter

     par scintigraphpie et qui sont spécifiques d'une variété de tumeurs et au

     traitement des tumeurs.

 

     En rejetant l'ensemble des revendications dans sa décision finale,

     l'examinateur a essentiellement fait valoir ce qui suit:

 

. . .

     ... elles visent une méthode qui modifie le métabolisme du

     corps humain et qui est l'équivalent d'une méthode de traite-

     ment médical qui échappe à la définition du terme invention

     donnée à l'article 2 de la Loi sur les brevets et a été

     déclarée non brevetable par la Cour dans l'affaire Tennessee

     Eastman c. Le Commissaire des brevets (1974) R.C.S. 111.

 

     Le demandeur prétend que la méthode revendiquée n'est pas un

     traitement médical. Je rejette cet argument, parce que la

     revendication décrit l'opération qui consiste à injecter des

     réagents immunologiques dans un organisme vivant (p. ex., le

     corps humain). Il est évident que toute substance qui est

     injectée dans le corps humain en modifiera le métabolisme et

     agira sur lui d'une façon ou d'une autre.

 

Dans la décision rendue par la Cour dans l'affaire Tennessee Eastman Co, c.

le Commissaire des brevets 62 (C.P.R. 117) p. 130, 154, le juge a donné les

motifs suivants lorsqu'il a affirmé qu'une méthode de traitement n'est pas

brevetable:

 

Au moment où commençait à s'établir le droit des brevets, en

Angleterre, il était accepté qu'un nouveau mode de

fabrication pouvait être un produit ou un procédé qui pouvait

servir à fabriquer quelque chose qui avait ou qui pouvait

avoir une valeur commerciale, c'est-à-dire un produit

vendable. En même temps que ce concept, prévalait le

principe selon lequel une méthode de traitement d'une partie

quelconque du corps humain ne pouvait faire l'objet d'un

brevet ... (le soulignement est ajouté),

 

A mon avis, la présente méthode n'entre pas dans le domaine

des réalisations manuelles ou de production et, lorsqu'on

l'applique au corps humain, elle ne produit pas un résultat

qui se rattache aux affaires, au commerce ou à l'industrie,

ni à un résultat qui est essentiellement (sic) économique.

L'adhésif lui-même peut faire l'objet d'un commerce, et le

brevet pour le procédé, s'il est concédé, peut aussi être

vendu et la licence de son emploi peut être vendue contre une

rémunération en argent, mais il ne s'ensuit pas que la

méthode et ses résultats se rattachent au commerce ou sont

essentiellement économiques su sens dans lequel on a employé

cette expression dans des jugements en matière de brevets.

La méthode fait essentiellement partie du domaine

professionnel du traitement chirurgical et médical du corps

humain, même si à l'occasion elle peut être appliquée par des

gens qui n'oeuvrent pas dans ce domaine. En conséquence, je

conclus que, dans l'état actuel de la Loi sur les brevets du

Canada et de l'étendue de ce qui est sujet a un brevet, comme

l'indique la jurisprudence que j'ai citée, et qui fait

autorité, la méthode ne constitue pas une réalisation, un

procédé ou le perfectionnement d'une réalisation ou d'un

procédé au sens du paragraphe d) de l'article 2 de la Loi sur

les breevets.

 

En réponse au rejet de l'examinateur, le demandeur soutient ce qui suit (extrait):

 

... seuls doivent être exclus les brevets visant des

traitements médicaux au sens strict. Cela a amené

l'examinateur à rejeter les présentes revendications, même si

celles-ci ont trait à une méthode de diagnostic qui ne

comprend pas le traitement thérapeutique des maladies.

 

L'examinateur a adopté le point de vue selon lequel le fait

que des méthodes de traitement médical ne soient pas

brevetables conformément à la décision Tennessee Eastman

s'applique non seulement à des méthodes de traitement

médical, mais aussi à des méthodes qui sont considérées par

l'examinateur comme étant "équivalentes à une méthode de

traitement médical". ... Cette extension, qui ne repose sur

aucun fondement juridique, va clairement à l'encontre de la

décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Tennessee

Eastman.

 

L'examinateur a également adopté le point de vue selon lequel

lorsqu'une substance est injectée dans un corps humain, il se

produit un changement quelconque dans son métabolisme et il y

a donc traitement du corps humain. Apparemment, ce principe

doit être appliqué, que la substance injectée ait un effet

thérapeutique ou non. ... Ce point de vue n'est pas étayé

par le droit jurisprudentiel et va à l'encontre de la

décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Tennessee

Eastman.

 

L'examinateur a voulu démontrer son point de vue en se

fondant sur un passage tiré de la décision de la Cour de

première instance dans l'affaire Tennessee Eastman. ...Le

passage, qui est cité hors contexte, est particulièrement

trompeur parce qu'il ne comprend pas le paragraphe précédent

qui précise qu'il ne s'agit que d'une observation relative à

l'interprétation donnée en Angleterre de termes qui ne

figurent pas dans la loi canadienne.

 

L'examinateur s'est fondé sur un passage tiré de la décision

d'un tribunal de première instance qui est non seulement hors

contexte, comme il est indiqué ci-dessus, mais qui va

également à l'encontre du raisonnement tenu par la Cour

suprême du Canada dans le' même arrêt... ... La jurisprudence

dont le commissaire doit tenir compte en ce qui concerne

l'article 42 de la Loi sur les brevets est celle qui a été

établie par la Cour suprême, et non la décision rendue par la

Cour de première instance dans la même affaire.

 

L'examinateur a adopté un point de vue qui n'est pas conforme

à celui d'autres examinateurs... ... Le demandeur ne doit

pas se voir refuser la protection que confère un brevet,

alors que d'autres se voient délivrer un brevet pour le même

genre d'invention.

 

Dans l'arrêt rendu par la Cour suprême dans l'affaire

Tennessee Eastman (1974) R.C.S, aux pages 21 et 22, le juge

Pigeon, qui a rendu le jugement de la Cour, a passé en revue

certaines décisions britanniques antérieures. Voici ce qu'il

a déclaré:

 

On peut remarquer que dans le dernier arrêt publié

qui a été porté à notre attention, Re Schering

A.G.'s Application, (1971) R.P.C. 337, une cause

concernant une méthode contraceptive par la

gestagène, le Patents Appeal Tribunal a conclu (à

la p. 345):

 

Cependant, bien qu'il semble, après un examen

minutieux de la question, qu'en vertu de la

présente Loi il faille exclure les brevets

couvrant un traitement médical au sens strict,

les revendications faisant l'objet de la

demande ne paraissent pas s'insérer dans cette

interdiction et, la loi étant ce qu'elle est

aujourd'hui, il faudrait, au moins à ce stade

de notre jugement, leur permettre de suivre

leur cours. Comme la Divisional Court de la

Queen's Bench Division l'a clairement établi

dans Swift's Application (1962) R.P.C. 37, le

Bureau et le Patients Appeal Tribunal ne

tranchent pas à ce stade la question de la

"brevetabilité effective", selon l'expression

utilisée en cette affaire-là, et sauf s'il y a,

sans aucun doute raisonnable, absence de

revendicaion d'un mode de fabrication ou si la

demande est manifestement injustifiable, ils

ont le devoir de faire droit à la

revendication. Les demandeurs auront ensuite

l'occasion en temps et lieu, le cas échéant, de

faire trancher par la High Court la question de

la "brevetabilité effective". (J'ai mis des

mots en italiques).

 

Dans cette citation, les mots ont été mis en italiques par la

Cour suprême pour faire ressortir la proposition suivant

laquelle seuls les brevets couvrant un traitement médical au

sens strict doivent être exclus. Ainsi, une méthode de

contraception reposant sur l'administration de la gestagène

a été considérée comme ne constituant pas une méthode de

traitement médical su sens strict. L'administration d'un tel

produit, qui influerait sans nul doute sur le métabolisme de

l'organisme, n'équivaudrait cependant pas au traitement

thérapeutique d'une maladie et ne constituerait donc pas un

traitement médical au sens strict. Il est donc clair que

seules les méthodes de traitement médical au sens strict sont

exclues.

 

Le demandeur renvoit à l'affaire Burton-Parson c. Hewlett Packard (1975) 17

C.P.R. (2d) 97, aux pages 109-110, et soutient (extrait):

 

... On pouvait lire, dans la décision: "Il est clair que

cette crème sert principalement à la prise

d'électrocardiogrammes lors d'examens routiniers, et non pas

nécessairement ou principalement su traitement des

maladies." Cela indique que le terme "médication" doit être

interprété comme étant limité au traitement des maladies et

qu'il n'inclut pas les substances ou les méthodes utilisées

dans les procédures de diagnostic.

 

Cela vient étayer l'argument soulevé ci-dessus suivant lequel

la Cour suprême, dans son analyse de décisions antérieures, a

mis à part les décisions relatives à des méthodes qui ne

comportaient pas de traitement médical au sens strict.

L'examinateur applique l'interdiction non pas à des méthodes

médicales dans un sens strict et encore moins à des méthodes

médicales dans un sens large: il les applique à des méthodes

qui ne sont même pas des méthodes de traitement médicales,

mais qui, pour l'examinateur, sont "l'équivalent d'une

méthode de traitement médical". Notre thèse est que,

l'examinateur, en admettant un tel point de vue, ne se

conforme pas au raisonnement tenu par la Cour suprême.

 

Le demandeur renvoie de nouveau à l'affaire Tennessee Eastman dans les termes

suivants:

 

.., au bas de la page 208, le juge Pigeon, qui a rendu le

jugement de la Cour, fait les réflexions suivantes au sujet

de certaines décisions britanniques:

 

En second lieu, ce qui a réellement été décidé dans ces

affaires-là n'a pas trait à une méthode médicale ou

chirurgicale. La demande Swift portait sur une méthode

d'attendrir la viande en injectant des enzymes à

l'animal avant l'abattage."

 

Il apparaît donc clairement que, bien que des substances

fussent injectées à un animal vivant, ce qui affectait son

métabolisme, il ne fallait pas considérer cette pratique

comme une méthode de traitement médical. C'est un fait bien

établi que les méthodes de traitement médical incluent non

seulement la médecine humaine, mais aussi la médecine

vétérinaire. Par conséquent, la seule différence qui existe

est que, dans la demande Swift, l'absence de tout effet

thérapeutique empêchait le traitement d'être considéré comme

une méthode médicale.

 

       La Commission doit déterminer si les revendications visent des méthodes

       brevetables au sens de l'article 2 de la Loi sur les brevets. La revendication

       1 se lit comme suit:

 

       Une méthode non médicale de détection et de localisation

       de tumeurs qui produit un marqueur cytoplasmique,

       intracellulaire ou de surface, ou qui est liée à un tel

       marqueur, sans traitement médical de ladite tumeur. La

       méthode comporte l'un des procédés suivants:

 

       a) injection parentérale d'un anticorps spécifique d'un

       marqueur de surface cellulaire, marqué par un

       radioisotope inerte sur le plan pharmacologique et

       décelable par un dispositif de photoscintigraphie;

       injection concomitante d'une immunoglobuline normale

       provenant de la même ou d'une autre espèce que celle qui

       a été utilisée pour préparer l'anticorps spécifique;

       ladite immunoglobuline normale est marquée par un

       radioisotope inerte sur le plan pharmacologique qui

       diffère du radioisotope utilisé pour marquer l'anticorps

       spécifique et émet un rayonnement pouvant être détecté

       distinctement par le dispositif de photoscintigraphie;

       l'immunoglobuline normale marquée a sensiblement les

       mêmes propriétés cinétiques de fixation et de

       distribution et le même métabolisme que l'anticorps

       spécifique marqué. Après l'injection, on procède à la

       scintigraphie au moyen dudit dispositif, et le niveau

       d'activité de l'immunoglobuline normale marquée sert à

       déterminer la distribution de l'activité de fond que aux

       anticorps spécifiques non ciblés, ladite distribution de

       fond étant soustraite de l'activité totale de

       l'anticorps spécifique, ce qui permet d'évaluer

       l'activité et la localisation propres de l'anticorps

       ciblé lié à la tumeur; ou

 

       b) injection parentérale d'un anticorps spécifique des

       antigènes carcino-embryonnaires (ACE), marqué par un

       radioisotope inerte sur le plan pharmcologique et

       décelable par un dispositif de photoscintigraphie.

       Après l'injection, on procède à la scintigraphie au

       moyen dudit dispositif afin de localiser la fixation

       résultante de l'anticorps marqué sur la tumeur.

       L'anticorps anti-ACE est essentiellement monospécifique

       et présente, avant le marquage, une immunoréactivité

       spécifique des ACE d'au moins 70% et une réactivité

       croisée envers d'autres antigènes de moins de 15%, le

       radiomarquage dudit anticorps réduisant de 5 à 33% son

       immunoréactivité spécifique des ACE; ou

 

c) injection parentérale d'un anticorps spécifique d'un

       marqueur intracellulaire, marqué par un radioisotope

       inerte sur le plan pharmacologique et décelable par un

       dispositif de photoscintigraphie. Après l'injection, on

       procède à la scintigraphie au moyen dudit dispositif

       afin de détecter et de localiser le ou les sites de

       fixation de l'anticorps marqué sur la tumeur; ou

 

       d) injection parentérale d'au moins un fragment

       spécifique d'un marqueur, obtenu par clivage d'un

       anticorps spécifique d'un marqueur cytoplasmique,

       intracellulaire ou de surface, et marqué par un

       radioisotope inerte sur le plan pharmacologique et

       décelable par un dispositif de photoscintigraphie.

       Après l'injection, on procède à la scintigraphie au

       moyen dudit dispositif afin de détecter et de localiser

       le ou les sites de fixation du fragment d'anticorps

       marqué sur la tumeur; ou

e) injection parentérale d'au joins deux

fragments d'anticorps spécifiques de marqueurs; au

moins un des fragments est obtenu par clivage d'un

premier anticorps spécifique d'un premier marqueur

de tumeur et au moins un autre fragment est obtenu

par clivage d'un second anticorps spécifique d'un

second marqueur de tumeur, et chacun des fragments

est marque par un radioisotope inerte sur le plan

pharmacologique et décelable par un dispositif de

photoscintigraphie. Après l'injection, on procède

à la scintigraphie au moyen dudit dispositif afin

de détecter et de localiser le ou les sites de

fixation d'au moins un des fragments d'anticorps

marqués sur au moins. une tumeur; ou

 

f) injection parentérale d'un hybride multivalent

renfermant une combinaison chimique d'au moins un

fragment spécifique d'un marqueur, obtenu par

clivage d'un anticorps spécifique d'un premier

marqueur de tumeur, et d'au moins un second

fragment différent spécifique d'un marqueur,

obtenu par clivage d'un anticorps spécifique du

même ou d'un autre marqueur de tumeur. L'hybride

est marque par un radioisotope inerte sur le plan

pharmacologique et décelable par un dispositif de

photoscintigraphie. Après l'injection, on procède

à la scintigraphie au moyen dudit dispositif afin

de détecter et de localiser le ou les sites de

fixation de l'hybride marqué sur au moins un type

de tumeur.

 

Examinons d'abord la demande pour mieux comprendre l'invention. On y

mentionne certaines substances radiomarquées émettant un rayonnement

de faible intensité et qui sont destinées à l'injection parentérale

dans un organisme dans le seul but de faciliter la détection et la

localisation des tumeurs. On décrit d'autres types d'isotopes

radiomarqués qui se fixent sur les tumeurs et émettent un rayonnement

d'intensité suffisante pour traiter les tumeurs. On donne plusieurs

exemples des substances qui ont été radiomarquées, et on dresse un

tableau des substances qui peuvent servir à la fois à la détection et

au traitement. On mentionne également des combinaisons d'anticorps

radiomarqués, spécifiques d'antigènes, qui pourraient faciliter la

détection, la localisation et/ou le traitement. On énonce précisément

que des anticorps ou des fragments d'anticorps radiomarqués

spécifiques de marqueurs de tumeurs permettent de traiter les

tumeurs. On note que les anticorps dotés d'une grande

immunoréactivité spécifique de marqueurs sont généralement dirigés sur

les tumeurs et que l'aspect thérapeutique de l'invention découle de

l'action de ces anticorps hautement spécifiques de marqueurs. On

énumère aussi divers radionucléides qui, à certaines concentrations,

peuvent servir au traitement.

 

M. Watson souligne l'importance de l'arrêt rendu par la Cour suprême dans

l'affaire Tennessee Eastman. Il soutient que c'est cet arrêt qui établit le

droit en réglant une question semblable à celle soulevée par son client, et non

les extraits de la décision du tribunal de première instance dont est parsemé

l'arrêt. A la lecture de l'affaire Tennessee Eastman, nous croyons que la Cour

suprême, dans ses observations relatives à l'évaluation de la Cour de

l'Echiquier, ne s'est pas prononcée contre ces déclarations ou toute autre

déclaration du tribunal de première instance. Par exemple, la Cour suprême,

(1974) R.C.S. aux pages 114 et 115, reprend une observation formulée par le

juge Kerr de première instance, qui se lit comme suit (extrait):

 

... La méthode fait essentiellement partie du domaine

professionnel du traitement chirurgical et médical du corps

humain, même si à l'occasion elle peut être appliquée par des

gens qui n oeuvrent pas dans ce domaine. En conséquence, je

conclus que, dans l'état actuel de la Loi sur les brevets du

Canada et de l'étendue de ce qui est sujet a un brevet, comme

l'indique la jurisprudence que j'ai citée, et qui fait

autorité, la méthode ne constitue pas une réalisation, un

procédé ou le perfectionnement d'une réalisation ou d'un

procédé au sens du paragraphe d) de l'article 2 de la Loi sur

les brevets

 

Nous comparons l'opinion ci-dessus à l'opinion exprimée par le juge Pigeon de

la Cour suprême, à la page 119:

 

Etant arrivé à la conclusion que les méthodes de traitement

médicales ne sont pas visées comme "procédés" par définition

d'"invention", le même raisonnement doit, pour les mêmes

motifs, s'appliquer aux méthodes de traitement chirurgical.

 

Nous ne constatons aucune divergence d'opinions dans les passages ci-dessus.

Les conclusions des deux Cours sont que les traitements médicaux et

chirurgicaux ne doivent pas bénéficier de la protection que confèrent les

brevets en vertu de l'article 2 de la Loi, qui se lit comme suit:

 

"invention" signifie toute réalisation, tout procédé, toute

machine, fabrication ou composition de matières, ainsi qu'un

perfectionnement quelconque de l'un des susdits, présentant

le caractère de la nouveauté et de l'utilité;

 

Dans la récente affaire Imperial Chemical Industries Ltd, c. Commissaire des

brevets (1986) 3 C.P., ci-après ICI, l'interprétation donnée par la Cour

fédérale de l'affaire Tennessee Eastman nous paraît particulièrement

intéressante. A la page 50 de ICI, le juge Heald expose les conclusions qu'il

a tirées de la décision rendue par le juge Pigeon, que voici:

 

Venons-en maintenant à l'arrêt de la Cour suprême

du Canada; c'est le juge Pigeon qui a rendu cette

décision au nom de la Cour. Il commence ses

motifs en énonçant l'exposé conjoint des faits et

des questions. Aux pages 114 et 115 R.C.S.; à la

page 204 du C.P.R., il reproduit, en l'approuvant,

la partie des motifs du juge Kerr citée plus

haut. Il est vrai qu'il parle de l'incidence de

l'article 41, probablement parce que cette affaire

est fondée sur le paragraphe 41(1). Toutefois,

après avoir traité ode ce sujet, il dit à la

page 119 R.C.S.; à la page 207 du C.P.R. :

 

Étant arrivé à la conclusion que les méthodes

de traitement médical ne sont pas visées comme

"procédés" par définition d'"invention", le

même raisonnement doit, pour les mêmes motifs,

s'appliquer aux méthodes de traitement

chirurgicales.

 

A mon sens, il s'agit d'une affirmation claire et

sans équivoque selon laquelle "les méthodes de

traitement médical ne sont pas visées comme

"procédés" par définition d'"invention". C'était

là la seule question soumise à la Cour, et il y

est répondu de façon claire et sans équivoque. En

conséquence, j'estime que la portée de cette

affirmation ne peut se limiter uniquement aux

situations de faits visées par le paragraphe 41(1)

de la Loi. Il s'ensuit donc que le commissaire

n'a pas commis d'erreur en se considérant lié par

le principe énoncé clans l'errêt Tennessee

Eastman. (Le soulignement est de nous).

 

M. Watson traite d'autres passages tirés de l'affaire Tennessee

Eastman. Entre autres, il évoque une citation tirée de la décision

britannique Re Schering, notamment : "les brevets couvrant un

traitement médical au sens strict doivent être exclus", citation que

la Cour suprême met en italiques. Il affirme que l'interprétation

donnée par la Cour à l'affaire Schering est que l'administration de la

gestagène, un agent de contraception, bien que cette substance affecte

le métabolisme du corps humain, ne correspondrait pas au traitement

thérapeutique d'une maladie ni, par conséquent, à un traitement

médical au sens strict.

 

M. Watson effectue une comparaison entre les commentaires formulés par

la Cour suprême dans l'arrêt Tennessee Eastman au sujet de la demande

Swift et la méthode de localisation des tumeurs du demandeur, en se

fondant sur les passages suivants, à la page 121 R.C.S. :

 

En second lieu, ce qui a réellement été décidé

dans ces affaires ~-là n'a pas trait à une méthode

médicale ou chirurgicale. La demande Swift

portait sur une méthode d'attendrir la viande en

injectant des enzymes à l'animal avant l'abattage.

 

M. Watson prétend que la méthode de localisation des tumeurs

revendiquée par le demandeur n'était pas un traitement médical, tout

comme la méthode d'injection d'enzymes sur laquelle portait l'affaire

Swift n'était pas un traitement médical. A son avis, l'affaire

Tennessee Eastman établit que, comme il n'y a pas d'effet

thérapeutique, la méthode du demandeur ne doit pas être considérée

comme une méthode médicale.

 

Nous croyons comprendre, à la lecture de la demande, qu'on injecte des

anticorps marqués par des radioisotopes dans un organisme afin qu'ils

se fixent à des antigènes présents su siège de la tumeur. Le médecin

peut décider d'injecter une substance radioactive soit pour détecter

une tumeur par photoscintigraphie, soit pour réduire la taille de la

tumeur suspectée. M. Watson affirme que les revendications rejetées

se rapportent uniquement à la détection, tandis que les revendications

annulées en vertu de la modification B, telle que la revendication

originale 69, visent le traitement.

 

Le demandeur évoque la conclusion à laquelle est parvenue la Cour

dans l'affaire Burton-Parsons précitée suivant laquelle la crème

conductrice servait "principalement à la prise d'électrocardiogrammes

lors d'examens routiniers, et non pas nécessairement ou principalement

au traitement des maladies".

 

Le Dr Saxe croit que les revendications refusées se rapportent à une

méthode diagnostique et ne fort aucune référence au traitement d'un

malade. Il explique que l'anticorps utilisé a deux caractéristiques :

d'une part, il se fixe à un antigène spécifique et, d'autre part, il

transporte une substance de ciblage, plus précisément un

radioisotope. On sait que les antigènes spécifiques sont situés à la

surface des tumeurs dans l'organisme. L'anticorps injecté circule

dans l'organisme jusqu'à ce qu'il rencontre un antigène, auquel il se

fine. Le signal émis par le radiosotope permet ensuite la

localisation de la tumeur par un dispositif externe de détection. Le

Dr Saxe considère que le faible rayonnement gamma émis par l'isotope

permettant la visualisation n'a aucun effet thérapeutique. Il ajoute

que si on utilisait des isotopes de l'iode, la dose en serait très

faible; l'émission de rayons bêta serait donc fortuite et l'effet

thérapeutique, négligeable. La méthode mise au point par le

demandeur, dit-il, est appliquée préalablement à un traitement, par

exemple une intervention chirurgicale. La méthode permet de repérer

des tumeurs qui ne peuvent être localisées par radiographie ou par

tomographie axiale assistée par ordinateur (CAT-scan), par exemple les

tumeurs masquées par un organe; d'autre part, dans les cas de

métastases, la méthode permet de repérer les petites tumeurs qui se

sont disséminées à partir de la tumeur principale. Le Dr Saxe note

qu'avant l'avènement de la médecine nucléaire, il n'était pas possible

de localiser de telles tumeur... Il ajoute que si l'anticorps ne

rencontre pas d'antigène, il est excrété par l'organisme et aucune

image n'est produite.

Le Dr Saxe explique que, lorsque l'iode-131 est utilisé comme

marqueur pour la visualisation de parties du corps autres que la

thyroïde, on administre au sujet une substance qui prévient la

fixation de l'iode-131 par la thyroide. Dans la demande, on propose à

cet effet la solution Lugol. Il note que la quantité à administrer

pour chacun des radiomarqueurs est déterminée par des spécialistes en

médecine nucléaire au cours d'essais cliniques portant sur divers

agents diagnostiques. Ils déterminent ainsi la stabilité de

l'anticorps, l'aptitude du radiomarqueur à rester fixé à la surface de

l'antigène et non à d'autres surfaces, le taux d'excrétion du

radiomarqueur par l'organisme (pour s'assurer d'une bonne

visualisation), l'affinité sélective de l'anticorps en circulation et

l'effet du radiomarqueur sur les tissus. Il ajoute que, par la suite,

les anticorps radiomarqués sont administrés par les services

d'oncologie chirurgicale ou de médecine nucléaire des hôpitaux, qui

s'occupent du diagnostic et du traitement.

 

M. Watson fait état de la décision rendue par le commissaire au sujet

de la demande de H. Brilliant (no 880,719) publiée le 16 avril 1974

dans la Gazette des brevets. Il fait observer que l'objet de

l'invention avait trait à des techniques diagnostiques et que celui-ci

avait été approuvé été approuvé par le commissaire (brevet 944,693

délivré à H. Brilliant, le 2 avril 1974). Il assimile la méthode du

demandeur à celle décrite dans la demande ci-dessus qui avait été

jurée contrôlable et reproductible. Le Dr Saxe fait observer que,

dans le cas du demandeur, les essais cliniques permettent de savoir

quel genre et quelle quantité d'anticorps radiomarqués doivent être

administrés, compte tenu du genre de tumeur dont il s'agit. Ainsi,

déclare le Dr Saxe dans son affidavit, les résultats obtenus par le

demandeur sont contrôlables et reproductibles, et la nature non

invasive de la méthode du demandeur fournit uniquement de

l'information diagnostique.

 

M. Watson invoque les brevets canadiens suivants, tous accordés pour

la mise au point de méthodes diagnostiques. Le brevet 944,693

(accordé à Brilliant, mentionné plus haut) a trait à l'application de

substances fluorescentes sur les dents et le brevet 1,087,981, à

l'application de substances colorées sur les dents, deux méthodes

servant à mettre en évidence toute substance pathogène. Le brevet

1,071,102 vise une méthode qui consiste à introduire des particules

enrobées de polymères et dotées d'un centre radioactif échangeur

d'ions dans le système circulatoire d'un animal, puis à localiser les

particules après avoir sacrifié l'animal. Le brevet 1,075,154 décrit

une méthode permettant de détecter des tumeurs en appliquant d'abord

sur la peau un liquide thermosensible, puis de la chaleur, et en

observant les changements de coloration induits. Le brevet 1,075,601

présente une méthode permettant de déterminer l'étendue et le singe

d'un infarctus du myocarde en injectant dans la circulation un

anticorps radiomarqué et en mesurant le rayonnement émis par les

tissus auxquels se fixe l'anticorps. Le brevet 1,171,952 porte sur la

détection de tumeurs su moyen d'images produites par des ultrasons qui

révèlent, su siège suspecté de la tumeur, les concentrations de

microbulles introduites dans la circulation. M. Watson croit que si

l'invention n'engendre aucun effet thérapeutique, le demandeur a droit

à un brevet.

 

L'examinateur estime que la méthode du demandeur, qui consiste à

injecter à un patient une substance qui renferme une matière

radioactive, s'inscrit dans un traitement global effectué sous

surveillance médicale. Il soutient qu'un spécialiste en médecine

nucléaire qui utilise la méthode du demandeur se livre au traitement

médical a un patient, et que seule une partie du régime consiste à

trouver l'emplacement d'une tumeur, l'autre partie consistant à

prescrire la quantité et le genre de radioisotopes devant être

transportés par l'anticorps une fois que l'emplacement de la tumeur est déter-

miné. Il renvoit à l'affaire Imperial Chemical Industries Ltd, c. Commis saire

des brevets C.P.R. (1967) Vol. 51 102 à 107, ci-après ICI 1967, comme suit:

 

L"halothane" n'est ni un médicament ni un agent médical qui

peut guérir, mais plutôt un médicament ou un agent médical

utilisé en médecine pour traiter des patients ainsi qu'une

partie intégrante de la thérapie chirurgicale des maladies,

dans le cadre d'un régime thérapeutique.

 

Il fait observer que l'halothane, en tant qu'anesthésique, n'est pas un agent

diagnostic, mais plutôt, selon son utilisation actuelle, un élément d'un trai-

terrent médical parce qu'il procure une insensibilisation au cours du

traitement. Pour cette raison, il considère que le passage ci-dessus démontre

que la méthode du demandeur s'inscrit dans le traitement global d'un patient.

 

Nous rappelons que le Dr Saxe a traité de l'importance des doses permettant la

visualisation lors de l'étape diagnostique en ce qui concerne l'identification

d'anticorps radiomarqués logés d'ans certaines parties du corps humain. Il

insiste sur le fait que de telles doses sont prédéterminées grâce à des essais

établis afin de garantir qu'elles auront un comportement prévisible. Compte

tenu de cette information, il estime qu'aucun résultat thérapeutique bénéfique

ne serait obtenu. Ainsi, fait-il observer, la dose permettant la visualisation

est conque de facon à fournir seulement un signal mesurable su cours d'une pro-

cédure diagnostique. Il soutient que l'expression traitement non médical, dans

les revendications du demandeur, fait ressortir le fait que la seule chose qui

est définie est la dose permettant la visualisation.

 

Le Dr Saxe affirme que la méthode du demandeur s'apparente manifestement à un

diagnostic, bien que la substance diagnostique soit injectable. Il laisse

sous-entendre que conclure en raison du seul fait que quelque chose est injecté

dans le corps d'un patient ce qui donne donc lieu à un traitement thérapeutique

vient embrouiller le raisonnement qu'il faudrait adopter dans le cas du deman-

deur. Il fait remarquer que les revendications rejetées ont uniquement trait à

la détection des tumeurs.

 

Nous estimons que la Cour suprême, dans l'affaire Tennessee Eastman, a voulu,

en citant l'affaire Schering, insister sur le fait que les brevets visant un

traitement médical au sens strict doivent être exclus en vertu de la Loi sur

les brevets.

 

Dans notre examen de la question de savoir si la méthode du demandeur

est une méthode diagnostique et, par le fait même, si elle est

brevetable, nous n'arrivons pas à nous convaincre, dans le contexte de

la demande, à l'examen des revendications qui portent sur un

traitement non médical reposant sur l'utilisation de susbstances

inertes sur le plan pharmacologique, que les revendications ont trait

quelque chose de plus qu'un traitement diagnostique.

 

En résumé, nous croyons que les revendications rejetées peuvent fort

bien avoir trait à un traitement diagnostique. En conséquence, nous

recommandons que soit annulée la décision finale de l'examinateur qui

rejetait la demande pour cause de non brevetabilité de l'objet à la

lumière de l'article 2 de la Loi sur les brevets.

 

M.G. Brown.

Président intérimaire                     S.D. Kot

Commission d'appel des brevets            Membre

 

Je souscris aux conclusions et recommandations de la Commission

d'appel des brevets. Par conséquent, j'annule la décision finale de

l'examinateur qui avait refusé de délivrer un brevet comportant les

revendications de la présente demande et lui renvoie la demande pour

qu'il en reprenne l'examen en conformité de la présente décision.

 

J.H.A. Gariépy

Commissaire des brevets

 

fait à Hull (Québec)

ce 13e jour de mai 1988

 

Gowling & Henderson

B.P. 466, succursale A

Ottawa (Ontario)

K1N 8S3

 

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