Décision du commissaire
Informatique, Article 2, Evidence
Le système pour obtenir des signaux ayant différent angles de
réflexion au moyen d'un appareil qui produit des impulsions
à partir de plusieurs points également espacés est recevable
en vertu de l'article 2. Les revendications ne définissaient
pas l'appareil dans l'art. cité. Rejet en vertu de l'article
2 retiré. Revendication rejetée. Rejet modifié.
Cette décision est rendue à la suite de l'appel interjeté par le demandeur à
l'encontre de la décision finale portant sur la demande 294,139 (classe
349-20) cédée à Chevron Research Company et intitulée METHOD FOR
INTERPRETATION OF SEISMIC RECORDS TO YIELD INDICATIONS OF GASEOUS
HYDROCARBONS. L'auteur de l'invention est W. J. Ostrander. L'examinateur
responsable a, dans sa décision finale rendue le 24 décembre 1981, rejeté la
demande. Lors de l'audience, qui a eu lieu le 22 octobre 1986, l'appelant
était représenté par son agent de brevets, M. D. Cameron.
Cette demande porte sur une méthode sismique permettant d'obtenir pour un
point sous une surface une série de signaux sonores ayant différents angles de
réflexion, comme l'indique le dessin ci-dessous. Un point commun sous la
surface, CDP, est choisi, et sa projection sur la surface suivant la
verticale, le point Z, est définie. De part et d'autre du point Z, sont
disposés sur une droite la série de points sources également espacés sur la
surface, par exemple SP1 à SP5, et la série de géophones G1 à G5 qui sont
également espacés sur la surface, de la même façon que les points sources.
L'impulsion émise par SP1 est reçue en G1, celle émise par SP2 est reçue en
G2, etc. Les angles successifs décrits par les impulsions dans la formation
géologique se rapportant au même CDP, comme l'indique, le croquis ci-dessous,
produisent différentes composantes horizontales des signaux reçus.
<IMG>
La méthode représente ensuite, pour chaque CDP, ses multiples signaux de
réflexion sismique, côte à côte, en fonction des composantes horizontales qui
varient progressivement. En observant l'augmentation des valeurs des
composantes horizontales pour un ensemble de points adjacents sous la surface,
on arrive à mieux connaître le contenu en gaz dans une zone à l'étude. Une
partie de la figure 13a est reproduite ci-dessous. L'augmentation de droite à
gauche des pointes des signaux, telle qu'elle est représentée au point milieu
des valeurs des signaux pour les deux points sources indiqués, est réputée
indiquer la présence de gaz dans une couche.
<IMG>
Dans sa décision finale, l'examinateur a fondé le rejet des revendications et
de la demande sur les éléments de référence suivants:
Brevets déposés aux États-Unis
3,354,985 le 28 novembre 1967 Sparks
3,381,266 le 30 avril 1968 Harris
Publication
"Seismic Signal Processing", Wood et al, Proc. IEEE, Vol. 63, N~ 4, avril
1975, pages 649-661.
L'examinateur a évalué ces éléments comme suit:
Sparks enseigne une méthode de prospection sismique de localisation d'une
faille présumée.
Harris décrit une méthode de superposition de traces sismiques présentant
des espacements communs.
La publication renferme une analyse du traitement des signaux enregistrés
lors d'une étude sismique.
L'examinateur a rejeté les revendications et la demande en vertu de l'article 2
de la Loi sur les brevets en soutenant, entre autres que:
L'article 28(3) de la loi sur les brevets interdit l'octroi d'un
brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions
théorique L'objet de la découverte, selon les revendications de
l'appelant, consiste en des calculs permettant de transformer des
données sismiques en informations utiles sous forme intellegible.
Si les calculs n'étaient pas effectués par ordinateur, ils
consisteraient manifestement en une série d'opérations mentales
ayant pour but de résoudre des formules mathémathiques pouvant
être considérées comme de simples principes scientifiques ou
conceptions théoriques.
Afin de déterminer si l'object de l'invention revendiquée est
régi par l'article 2 de la Loi sur les brevets, nous avons
consulté les principes directeurs et le recueil de jurisprudence
du Bureau des brevets. Les critères de brevetabilité établis
pour les inventions programmables, communément appelées
"programmes informatiques", ont été publiés le 1er août 1978
dans la Gazette des brevets et, par la suite, adoptée par le
Commissaire des brevets.
Ces critères ont également été énoncés dans la décision no 441
rendue par le Commissaire dans l'affaire Schlumberger c.
Commissaire des brevets (Cour d'appel fédérale, le 15 juin 1981).
L'affaire en question avait trait à une méthode de traitement de
données de radiocarottage permettant de produire des paramètres
de sortie représentatifs des caractéristiques de la formation
géologique. Le tribunal avait conclu que l'objet de l'invention
revendiquée consistait en une série de calculs effectué selon
certaines formules, de manière à extraire des informations
utiles de certaines mesures. Le tribunal avait déclaré que si
les calculs ne sont pas des opérations mentales, mais plutôt des
opérations purement mécanique constituant les diverses étapes
du procédé, l'utilisation d'un ordinateur pour exécuter ces
calculs aurait pour effet de transformer en objet brevetable ce
qui, autrement, ne le serait pas du tout. L'emploi d'un ordinateur
en vue de l'application d'une découverte ne change donc en rien
la nature de cette dernière. Le procédé a été considéré comme
n'étant pas une invention au sens attribué à ce terme dans l'article
2 de la Loi.
Le demandeur soutient que ses revendications et sa demande sont admissibles en
vertu des références citées et de l'article 2, déclarant, entre autres, que:
...
En ce qui a trait à l'importance de l'obliquité, Wood et al
affirment que:
"Les équations complète pour l'incidence oblique
sont beaucoup plus complexes [28], parce qu'il faut
tenir compte de la conversion de mode. Néamoins,
les coefficients d'incidence normale sont très
utiles et relativement précis pour des traces
superposées dans des zones dont la structure.
géologique est simple" (Insistance)
Par conséquent, l'étude de Wood et coll. s'éloigne en effet de
l'invention de l'appelant en ce sens qu'elle donne à penser
que les équations approchées ,peuvent être résolues à l'aide des
coefficients de réflexion normale puisque ces coefficients sont
"très utiles et relativement précis" pour prévoir la présence
d'hydrocarbures gazeux, et que les équations d'incidence oblique
"sont beaucoup plus complexes parce qu'il faut tenir
compte de la conversion de mode."
En outre, les auteurs affirment que les anomalies d'amplitude
dans les renseignements sismique peuvent aussi être interprétées
à tort de sorte qu'il faut les utiliser avec stratigraphiques
particulières.
Harris renvoie à une méthode de cueillette et de représentation
de données sismiques visant à augmenter les valeurs de
déplacement estimées et à identifier les réflexions primaires
et multiples. La clé est de superposer les traces présentant
des espacements commun, c'est-à-dire combiner les traces qui
se présentent le long d'une ligne horizontale commune dans les
diagrammes des figures 2 et 3. A noter toutefois dans Harris
qu'il n'y a aucune analyse de dé-superposition d'ensemble
communs des données, suivie de la représentation des données
dé-superposées en fonction de la position d'un "point central
commun", permettant de déceler la présence dévènements associés
à des couches gazifières, comme on le prétend dans les reven-
dications 1 à 12 dossier.
...
Sparks renvoie à une méthode de prospection sismique de local-
isation d'une faille présumée qui serait basée sur des tech-
niques d'exploration suivant un "angle critique". La clé de la
méthode: chaque stratification sous la surface possède un angle
de réflexion et une distance critiques pouvant être déterminés à
l'aide de méthode connues. Cependant, lorsque de telles données
changent soudainement, la couche souterraine réfléchissante peut
être interprétée comme étant une zone de faille. Par conséquent,
en traçant la réponse d'amplitude "critique" en fonction de la
distance horizontale à mesure que le réseau se déplace en direction
et à l'intérieur de la zone de faille, cette dernière peut être
dégagée de l'enregistrement résultant...
...
A noter, toutefois, que dans Sparks il n'y a aucun enseignement
de la représentation d'ensembles communs de données suivant les
techniques de cueillette CDP conventionelles (intérieures aux
angles critiques) suivie de la représentation des données en
fonction d'un point central commun permettant de déceler la
présence de couches gazifières...
(Sparks n'affiche que les valeurs de réponse maximales dans sa
représentation illustrée dans la figure 1B pour raison bien
précis Au-delà de l'angle critique, la phase de l'onde reçue
varie de manière non hyperbolique. Par conséquent, même dans
les régions où l'on trouve des sables à gaz, la métode de Sparks
ne permettrait pas d'obtenir les résultats précisés dans les
revendications.
Autrement dit, les réponses associés au point central commun de
Sparks n'auraient pas changé progressivement en fonction d'un
écartement horizontal, même si Sparks avait représenté tous les
signaux. Cela est dû au fait que les réponses "d'angle critique"
de Sparks interagiraient effectivement avec toute réponse due à
des sables à gaz d'une manière non hyperbolique inconnue qui
détruirait essentiellement la réponse d'amplitude.)
...
L'appelant ne fait que recueillir les traces dans la zone étudiée
à l'aide de méthode de cueillette CDP conventionnelles. A partir
de ce moment et jusqu'à la toute dernière étape de la méthode
de l'appelant, les traces recueillies ne sont pas traitées
mathématiquement ou augmentées d'une façon quelconque. En fait,
elles sont converties, c'est-à-dire reformatées, puis représentées
suivant une nouvelle disposition, conformément aux revendications
1 à 12 de l'appelant.
(Cela revient à dire que, si l'amplitude de l'évènement d'intérêt
varie progressivement avec l'écart des TRACES REPRÉSENTÉS, il est
alors plus vraisemblable que les réflecteurs d'énergie sismique
sous la surface étaient des sables à gaz.)
La question est donc de savoir si les revendications et la demande sont
effectivement admissibles en vertu de l'article 2 de la Loi sur les brevets
et si elles sont évidentes étant donné les références citées. Selon la
revendication 1:
Une méthode pour accroître la définition des événements d'amplitude
de haute intensité dans les renseignements sismiques dans le but
d'associer de tels événements à des couches gazifières dans le sol
comportant les étapes suivantes:
a) produire des données sismique, y compris un enregistrement
des signaux provenant de discontinuités acoustiques associés avec
lesdites couches d'intérêt en disposant et en utilisant un réseau
de sources et de détecteurs de façon que les points centraux de paires
sources-détecteurs choisies forment une série de points centraux sur
une ligne de sondage, lesdits signaux enregistrés étant captés par
lesdits détecteur;
b) au moyen de matériel de traitement automatisé, corriger
statiquement et dynamiquement lesdits signaux enregistrés pour
produire des traces corrigés, chacune desdites traces corrigés
étant associée à un point central situé sur un plan horizontal au
milieu d'une paire source-détecteur à partir de laquelle chaque
dite trace corrigée a été initialement établie;
c) au moyen de matériel de traitement automatisé, indexer
lesdites traces corrigées en deux dimensions, chacune desdites
traces corrigées étant identifiée par rapport aux traces voisines
en se basant sur les variations progressives des valeurs également
espacées à l'horizontale en fonction des changements progressifs de
position du point central commun.
d) représenter une série desdites traces de l'étape c), côte
à côte, en fonction des composantes horizontales qui varient
progressivement, les dites traces représentées étant toutes associés
au moins au même groupe commun de points centraux;
e) identifier le changement progressif d'un événement
d'amplitude de haute densité, d'une dite trace représenté à
l'autre, en fonction de la variation progressive des valeurs
également espacées à l'horizontale, ledit événement étant
vraisemblablement lié aux réflexions des impédances acoustiques
associées aux couches contenant des hydrocarbures gazeux.
Lors de l'audience, M. Cameron a expliqué que l'analyse basée sur des points
communs, en usage avant que l'appelant propose son invention, permettait de
recueillir des signaux dans une étape de sommation et de les présenter sur un
graphique sous forme de points. Il dit que les points qui ressortent
davantage, appelés points brillants, indiquaient des formations d'intérêt sous
la surface et que ces formations pouvaient renfermer des gaz. Il dit que les
nombreux puits secs forés dans ces zones dénotent les lacunes de la méthode
précédente. Il explique que la méthode de M. Ostrander ne consiste pas à
additionner les signaux, mais plutôt à les disposer suivant une certaine
présentation de façon que les amplitudes horizontales des signaux obtenus
soient visibles. En outre, il souligne que la méthode de M. Ostrander permet
de prévoir avec plus de précision la présence de gaz dans les sous-couches
lorsque les amplitudes horizontales augmentent progressivement en fonction du
changement des angles de réflexion décrits par la trajectoire des impulsions
émises par les points sources, lesquels sont également espacés par rapport au
point central susjacent au point commun sous la surface.
M. Cameron a comparé la méthode connue de cueillette de données à celle mise
au point par M. Ostrander. Il fait remarquer, par exemple, que si l'on
regarde directement une surface de verre antireflets, on ne pourrait pas voir
une grande réflexion. Cependant, si l'on se déplace latéralement par rapport
à la surface, changeant ainsi l'angle de réflexion, la surface ressemble
davantage à un miroir et son pouvoir réfléchissant est plus grand. Il a
comparé cet effet à un phénomène optique. Il référait à la constatation de
M. Ostrander selon laquelle, en définissant une série de points sources et de
points de réception de part et d'autre d'un point de couche de façon à obtenir
différents angles d'incidence, on pouvait établir un contraste entre les
signaux et en déduire la présence de gaz dans la couche. Une partie de la
technique de M. Ostrander suppose qu'on connaisse comment les signaux
réagissent dans un matériau gazeux et dans un matériau dur; par exemple, un
signal qui traverse un dépôt gazeux produira une valeur différente de celle
produite par un signal qui traverse un matériau dur.
Dans sa référence à la décision rendue dans l'affaire Schlumberger Canada
Ltd. c. Commissaire des brevets (1981) 56 C.P.R. 204, M. Cameron a souligné
que l'appelant ne tente pas de monopoliser un procédé arithmétique visant à
exécuter des calculs dans le traitement de signaux, mais plutôt de protéger
une méthode de détection de dépôts de gaz souterrains. En évaluant
l'invention revendiquée par le demandeur, nous nous sommes inspirés des
passages suivants tirés de la décision rendue dans l'affaire Schlumberger:
Pour savoir si une demande révèle une invention brevetable, il échet
d'examiner en premier lieu ce qui, d'après la demande, a été découvert.
ET
A mes yeux, le fait qu'un ordinateur est employé ou requis pour l'application
d'une découverte ne change en rien la nature de cette dernière. Ce que
la découverte selon laquelle certains calculs effectués conformément à une
certaine formule, permettraient d'extraire des information utiles de certaines
mesures. Voilà qui ne constitue pas une invention au sens de l'article 2.
Nous savons d'après les documents produits et d'après l'explication de M.
Cameron que les signaux émis par les points sources font l'objet de certains
calculs, comme c'est le cas des signaux produits par l'analyse basée sur des
points communs sous la surface dont il a fait mention. Nous déduisons, de son
explication et de la description de la façon dont l'appareil est installé pour
émettre plusieurs signaux également espacés pour chaque point d'intérêt dans
la couche, que les caractères distinctifs de la demande dé brevet sont la
série de points également espacés pour chaque CDP et les différents angles de
réflexion. A notre avis, ces caractères distinctifs produisent des résultats
que ne permettaient pas d'obtenir auparavant les méthodes dont il est fait
mention dans les références citées. Nous sommes donc convaincus que l'objet
des revendications et de la demande est brevetable en vertu de l'article 2 de
la Loi.
A l'examen des revendications, nous ne trouvons aucune définition de la façon
dont il faut établir la série de sources et de détecteurs équidistants pour
obtenir des signaux qui décrivent des angles progressifs de réflexion pour
chaque CDP. La partie a) de la revendication 1 ne fait pas mention de la
progression des angles des signaux requis pour obtenir les composantes
horizontales qui, selon le demandeur, constitue la différence principale par
rapport aux références citées.
La partie a) est simplement basée sur un réseau de sources et de détecteurs
disposés de façon telle que les points centraux de paires choisies de sources
et de détecteurs forment une série de points centraux. Comme il est indiqué
dans les arguments de la décision finale et lors de l'audience, la façon de
faire varier progressivement les angles de réflexion décrits par les
impulsions émises par les points sources également espacés fait partie de la
méthode nécessaire pour produire les signaux dont l'amplitude horizontale est
mesurée. A notre avis, la partie a) de la revendication 1 ne fait que décrire
ce qui, dans les références citées, est présenté comme étant la méthode connue
pour obtenir les valeurs des points brillants, laquelle n'a pas toujours
indiqué la présence de couches gazifières, comme le souligne d'ailleurs le
demandeur.
La partie c) de la revendication 1 semble s'appuyer sur les méthodes de
traitement automatisées utilisées pour indexer et corriger les signaux afin
d'obtenir les composantes horizontales désirées. Nous ne voyons pas comment
cette partie définit la disposition nécessaire de plusieurs points sources et
points de réception équidistants en termes qui s'appliquent aux réseaux
décrits dans les références citées. Nous sommes d'avis que la revendication 1
est indéterminée et qu'elle n'ajoute rien aux références citées.
A notre avis, aucune des autres revendications n'énonce une disposition de
sources et de détecteurs qui, selon le demandeur, différerait de celle décrite
dans les références citées. Par conséquent, aucune des revendications ne
définit la façon dont il faut disposer la structure du demandeur pour obtenir
les différents angles d'incidence qui définissent le projet de réflexion
contenant des indications sur les variations progressives d'amplitude.
Par conséquent, nous recommandons que le rejet pour des motifs de
non-brevetabilité soit retiré. Quant au rejet des revendications pour
non-caractérisation de l'invention par rapport aux références citées, nous
recommandons qu'il soit maintenu.
M.G. Brown S.D. Kot
Président intérimaire Membre
Commission d'appel des brevets
Je suis d'accord sur les constatations et les recommandations de la Commission
d'appel des brevets. Par conséquent, je confirme le rejet des revendications
1 à 12 pour non-caractérisation d'une invention par rapport aux références
citées, et je retire le rejet des revendications et de la demande, fondé sur
le motif que leur objet n'est pas régi par les dispositions de la Loi. En
vertu de quoi, je refuse l'octroi d'un brevet contenant les revendications 1 à
12. Le demandeur dispose d'un délai de six mois pour en appeler de ma
décision, en vertu des dispositions de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
J. H. A. Gariépy
Commissaire des brevets
Signé à Hull, Québec,
ce 10e jour de juin 1987
Sim & McBurney
Suite 701
330 University Avenue
Toronto, Ontario
M5G 1R7