Décision du Commissaire
Objet, art. 2 : Détection d'agents pathogènes
Une petite quantité de sang provenant d'une personne s'écoule
en continu à travers un dispositif adsorbant externe et est
retournée à cette personne. Un matériau biocompatible dans
le dispositif attire les agents pathogènes; après que le
dispositif est retiré, son contenu est testé in vitro. Les
allégations concernant la méthode sont acceptables.
Rejet annulé.
La présente décision fait suite à la requête formulée par le demandeur
auprès du Commissaire des brevets pour que celui-ci révise la décision
finale de l'examinateur concernant la demande de brevet n o 319 105
(classe 150-11), déposée le 4 janvier 1979 et cédée à la Boehringer
Mannheim G.m.b.H., pour une invention intitulée PROCÉDÉ ET DISPOSITIF
POUR LA DÉTECTION DES AGENTS PATHOGENES. F. Keller et H. Henneman en
sont les inventeurs. L'examinateur chargé du dossier a rendu sa
décision finale le 26 novembre 1982, refusant d'accueillir la
demande. Le 31 décembre 1986, au cours d'une conversation
téléphonique avec l'agent de brevets du demandeur, M. Kevin Murphy,
une entente a été conclue concernant l'examen de l'objet rejeté, et la
demande d'audition orale a été retirée.
La demande décrit une méthode et un appareil pour la détection des
agents pathogènes dans le sang. Une petite quantité de sang provenant
d'une personne s'écoule en continu, et en présence d'un agent
anticoagulant, à travers un dispositif adsorbant externe, après quoi
le sang est retourné à la personne. Le dispositif contient un
matériau biocompatible auquel viennent se fixer tous les agents
pathogènes présents dans le sang. Le dispositif est retiré et son
contenu est analysé in vitro. Le dessin reproduit ci-dessous décrit
le système. Le sang s'écoule à l'extérieur de l'organisme à travers
le tube 14, passe à travers le matériau adsorbant 5 dans le dispositif
2 pour aboutir dans le tube 15. Les bouchons 8 et 9 permettent de
retirer facilement le dispositif.
<IMG>
L'examinateur a rejeté les revendications se rapportant à la méthode.
Il a prétendu qu'en incorporant la circulation extracorporelle du sang
de l'organisme humain dans le procédé diagnostique, le corps humain
fait partie intégrante du procédé. Il a indiqué que les
revendications relatives au dispositif étaient acceptables.
Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur signale que les
étapes essentielles de l'invention se déroulent à l'extérieur de
l'organisme et qu'il n'est pas question d'un organisme humain dans les
revendications relatives à la méthode. Il fait valoir, en partie, ce
qui suit :
On ne voit pas pourquoi la méthode faisant l'objet de la
demande devrait être considérée comme étant différente des
autres méthodes diagnostiques réalisées in vitro. Dans les
autres méthodes diagnostiques, un échantillon de liquide
organique, comme le sang ou l'urine, est prélevé de
l'organisme à l'aide, par exemple, d'une lancette, et le test
est réalisé sur le liquide qui est ensuite éliminé. Dans le
cas présent, le liquide, en l'occurrence le sang, est prélevé
de l'organisme, mais plutôt que d'être "éliminé" après le
test, il est retourné dans l'organisme; cependant, cette
distinction n'est pas du tout essentielle à la nature du
procédé diagnostique qui, essentiellement, est un procédé in
vitro. Chose certaine, la fixation sélective de l'agent
pathogène pour le séparer du sang, et l'étape de détection
elle-même, sont réalisées in vitro à l'extérieur de
l'organisme.
...
Il est sans importance que l'activité ou le procédé réalisé
sur le liquide organique se fasse de manière continue ou
discontinue ou que le liquide soit par la suite retourné dans
l'organisme. Ce qu'il faut noter dans le processus faisant
l'objet de la demande, c'est que les étapes essentielles de
l'invention, à savoir l'élimination des pathogènes présents
dans le sang et leur détection, n'ont lieu ni dans
l'organisme ni à la surface de l'organisme, mais plutôt à
l'extérieur de l'organisme et loin de ce dernier.
La Commission doit donc déterminer si les revendications 1 à 32 et 54
à 62, portant sur le procédé, sont brevetables au sens de l'article 2
de la Loi sur les brevets. La revendication 1 se lit comme suit :
Un procédé pour la détection des agents pathogènes dans le
sang en présence d'un agent anticoagulant, dans lequel
l'agent pathogène est séparé du sang par la circulation
extracorporelle du sang dans un matériau biocompatible qui
est efficace pour lier sélectivement l'agent pathogène, après
quoi on procède à la détection in vitro de l'agent pathogène.
Dans la demande, noue notons qu'une caractéristique de la méthode du
demandeur est qu'une petite quantité du volume total de sang de la
personne est mise en circulation à l'extérieur de l'organisme, et que
cette quantité est retirée de l'organisme et retournée dans ce dernier
de manière continue. Le demandeur signale certaines carences dans les
systèmes utilisés antérieurement pour la détection des agents
pathogènes à des fins diagnostiques, les principales carences
signalées étant un écoulement intermittent du liquide et la présence
d'antibiotiques dans le sang des personnes chez qui on recherche des
agents pathogènes. Dans sa réponse du 30 septembre 1981, le demandeur
parle de l'importance de la petite quantité de sang dans les termes
suivants :
... la petite quantité de sang dans la colonne n'est pas une
caractéristique insignifiante du dispositif en question,
étant donné que le petit volume de sang empêche la chute de
la tension artérielle, la thrombocytopénie, la perte
d'immunoglobulines, l'adsorption des médicaments administrés
et, en même temps, elle réduit de façon importante
l'hémolyse.
Le demandeur fait valoir que sa méthode faisant appel à l'écoulement
continu du sang nous permet d'obtenir des échantillons d'agents
pathogènes qui sont répartis aléatoirement dans tout l'organisme de la
personne, tandis que dans les échantillons intermittents, les agents
pathogènes peuvent être absente, ou leur présence peut être masquée
par la présence d'antibiotiques. Il signale que sa méthode permet de
retourner le sang dans l'organisme après qu'il a circulé dans le
dispositif d'échantillonnage, tandis que les échantillons
intermittents ne sont pas retournés dans l'organisme. Le demandeur
note que son procédé d'échantillonnage en continu permet
l'échantillonnage d'une grande partie du volume total de sang. Il
indique que son dispositif d'échantillonnage est retiré du circuit en
circulation continue et que les tests sont réalisés ailleurs in vitro.
Nous sommes persuadés qu'en la présente instance, l'étape qui consiste
à adsorber certains éléments à l'extérieur n'équivaut pas au
traitement du sang d'une personne, ni au traitement d'un organisme
humain, étant donné qu'aucune étape de traitement de sang n'a été
introduite et que le sang est simplement retourné à l'organisme. Nous
notons, par exemple, que lorsqu'un patient est traité par hémodialyse
en raison d'insuffisance rénale, le dispositif du demandeur est conçu
pour être connecté au raccord artériel du système de tube du dialyseur
en aval de la pompe à sang.
La méthode du demandeur n'ajoute aucune substance au sang qui est
retourné à l'organisme. Ce sang se trouve à circuler de nouveau avec
le sang présent dans l'organisme, et tous les agents pathogènes
présents dans l'organisme sont interceptés dans l'écoulement. Le
retrait continu du sang fournit ainsi un large échantillonnage
d'agents pathogènes qui est effectué au moyen du dispositif adsorbant
conçu pour les prélever.
Dans l'affaire Swift & Co's Application (New Zealand) (1961) R.P.C.
147, on s'est longuement penché sur la question de savoir si une
méthode consistant à injecter une enzyme dans un organisme animal,
avant d'abattre l'animal, pour faire circuler l'enzyme dans le système
circulatoire de l'animal et attendrir la viande par l'action de
l'enzyme, était un procédé de fabrication. Le tribunal a examiné le
résultat ultime du procédé, soit la production à des fins commerciales
d'une carcasse ayant un viande attendrie. Le tribunal a remarqué que
le procédé aurait pu avoir un effet sur le métabolisme de l'animal,
mais il n'a pas estimé que le procédé équivalait à un procédé médical.
Dans la présente instance, le demandeur utilise le système
circulatoire d'une personne pour produire une petite quantité de sang
et reprendre effectivement la même quantité. Rien n'est ajouté au
sang, bien que certains éléments peuvent en être retirés. Si nous
nous penchons sur l'utilisation finale du procédé du demandeur,qui
consiste à déceler les agents pathogènes dans le sang, nous voyons
qu'aucun traitement du sang n'est envisagé ni effectué. De plus, on
n'obtient ni lésion ni altération du métabolisme de l'organisme.
A notre avis, le dispositif décrit par le demandeur se rapporte à une
méthode de diagnostic et non à une méthode de traitement médical.
Nous avons donc la conviction que la méthode exposée dans la demande
se rapporte à un objet brevetable. En conséquence, nous ne pouvons
maintenir le rejet par l'examinateur en raison du fait que
l'incorporation de la fonction de l'organisme humain rend les
revendications 1 à 32 et 54 à 62 non brevetables.
Toutefois, nous ne sommes pas aussi certains que les revendications de
méthode rejetées incorporent toutes les étapes décrites dans la
demande, revendications qui, selon les allégations du demandeur dans
ses réponses, constituent la méthode de l'invention. Par exemple, les
revendications n'indiquent pas qu'une quantité limitée de sang par
rapport au volume total de sang dans l'organisme est mise en
circulation de manière externe en présence d'un anticoagulant dans un
circuit extracorporel et qu'elle est retournée dans l'organisme, ni
que la circulation extracorporelle est reliée à un dispositif amovible
contenant un matériau biocompatible adsorbant de telle sorte que le
dispositif peut être retiré pour la détection in vitro à des fins
diagnostiques des agents pathogènes qui peuvent avoir adhéré à ce
matériau.
Nous recommandons le rejet des revendications de méthode 1 à 32 et 54
à 62, signifié pour avoir trait à un objet non brevetable, soit
annulé, et que la demande soit renvoyée à l'examinateur pour que
l'examen suive son cours normal.
M.G. Brown S.D. Kot
Président intérimaire Membre
Commission d'appel des brevets
Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission
d'appel des brevets. Par conséquent, j'annule le rejet des
revendications 1 à 32 et 54 à 62, et je renvoie la demande à
l'examinateur pour que l'examen suive son cours normal.
J.H.A. Gariépy
Commissaire des brevets
Fait à Hull (Québec),
le 26 août 1987.
Swabey, Mitchell, Houle, Marcoux & Sher
111, rue Richmond ouest
Bureau 200
Toronto (Ontario)
M5H 2G4