L'article 41(1): Le composé de la demande, dont le rôle consiste à éliminer
les parasites chez un animal, y compris les parasites niusibles et possiblement
mortel, est englobé par la définition du terme medicament an sens de l'article
41. Le rejet de la demande est affirmé.
La présente décision porte sur une demande de révision par le Commissaire
des brevets de la décision finale rendue dans le cas de la demande
n o 329 159 (classe 260-479.1). La demande déposée le 5 juin 1979 et cédée
à ROUSSEL UCLAF s'intitule ESTERS D'ACIDES CYCLOPROPANE CARBOXYLIQUES
SUBSTITUES D'ALCOOL -CYANE, LEUR PROCÉDÉ DE FABRICATION, LES COMPOSITIONS
PESTICIDES LES RENFERMANT AINSI QUE LEUR APPLICATION A TITRE DE MEDICAMENTS
A USAGE VÉTÉRINAIRE. Jacques Martel et Jean Tessier en sont les
inventeurs. L'examinatrice responsable de l'étude de la demande a rendu
une décision finale de rejet le 10 février 1982.
Dans sa décision finale l'examinatrice rejette les revendications 1 à 7 de
la demande en vertu de l'article 41(1) de la Loi qui se lit comme suit:
Lorsqu'il s'agit d'inventions couvrant des substances
préparées ou produites par les procédés chimiques et
destinées à l'alimentation ou à la médication, le
mémoire descriptif ne doit pas comprendre les
revendications pour la substance même, excepté lorsque
la substance est préparée ou produite par les modes ou
procédés de fabrication décrits en détail et
revendiqués, ou par leurs équivalents chimiques
manifestes.
Elle a souligné que les pages 8 à 10 de même que les exemples 22 et 23 du
mémoire descriptif indiquent que les compositions divulguées peuvent être
employées "à titre de médicaments vétérinaires et administrés par voie
orale ainsi qu'en mélange avec les aliments composés pour animaux".
La demanderesse reconnaît que cette affirmation est tirée de la
divulgation, et que cette dernière renferme des données qui englobent le
traitement d'animaux. La demanderesse affirme cependant avec force que ses
compositions ne devraient pas être soumises aux exigences stipulées à
l'article 41(1), soit de restreindre la demande au procédé de fabrication.
Elle fait valoir que ses composés ne sont pas utilisés principalement en
médecine vétérinaire mais surtout comme insecticides. Les termes employés
su chapitre 9.02.06 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets lui
semblent vagues. Elle a constaté l'absence du terme "invasion" dans ledit
chapitre, et déclare que cette situation s'explique du fait que
l'utilisation de composés comparables à ceux qui sont revendiqués dans la
présente demande n'a aucune incidence sur le métabolisme d'un animal.
Elle compare lesdites compositions à la saccharine et aux autres
édulcorants artificiels du genre qui ne font pas partie de la catégorie des
aliments, et elle fait valoir que les substances revendiquées ne
participent pas, elles non plus, su métabolisme du corps. La demanderesse
cite un certain nombre de causes de jurisprudence de même que des décisions
antérieures du Commissaire.
I1 incombe à la Commission de décider si les revendications 1 à 7 peuvent
être accueillies favorablement uniquement lorsqu'elles sont subordonnées à
un procédé, conformément aux exigences stipulées à l'article 41 de la Loi
sur les brevets, ou si elles peuvent être jugées recevables dans leur
teneur actuelle non restrictive.
La revendication 1 se lit comme suit:
1. Les composés de formule(I'):
<IMG>
dans laquelle n est un entier égal à 1, 2 ou 3, la configuration
de la copule acide est (1R, trans) ou (1R, cis) et celle de la
copule alcoolique est (S).
Les membres de la Commission se sont d'abord penchés sur une décision de la
Cour suprême du Canada, soit l'affaire Parka, Davis & Co. c. Fine Chemicals
of Canada Ltd. (1959) S.C.R. 219, y compris le passage cité par la
demanderesse. Nous avons lu les deux observations formulées par la
demanderesse à ce sujet, et nous nous demandons comment ce passage et ces
observations peuvent venir étayer son point de vue sur l'applicabilité de
l'article 41(1). Ledit passage ne traite que de l'applicabilité de
l'ancien article 41(3), et il y est tout simplement fait mention que si le
sens pratique d'une invention touche deux secteurs, c'est-à-dire
l'alimentation et la médication d'une part, et un secteur inapparenté à
l'alimentation et à la médication d'autre part, l'invention est soumise aux
dispositions régissant l'octroi d'une licence en vertu de l'article 41 pour
ce qui relève de l'aspect alimentaire ou médical. Il n'est écrit nulle
part dans la décision Parke, Davis rendu par la Cour suprême que la
limitation su procédé de l'article 41(1) ne doit pas s'appliquer aux
inventions du genre.
Bien au contraire, les juges n'ont formulé aucun commentaire à ce sujet.
Selon l'interprétation des membres de la Commission, il semble que les
juges ont voulu expliquer la portée des dispositions régissant l'octroi
d'une licence; ils visent même des inventions qui pourraient fort bien ne
pas être "apparentées à des substances", ce qui les exclut par le fait même
du champ d'application de l'article 41(1). Nous aimerions citer un extrait
de cette décision, ledit extrait étant tiré des observations du Juge Rand
qui s'exprime en ce termes:
I agree with Thurlow J. that the word "medicine", as used in
Section 41 of the Act, should be interpreted broadly....
Nous y reviendrons plus tard.
Quant aux deux décisions du Commissaire publiées dans la Gazette du Bureau
des brevets et citées par la demanderesse, les membres de la Commission
doutent de leur pertinence dans ce cas-ci. Dans ces deux décisions, le
Commissaire évalue l'applicabilité de l'article 41(1) en rapport avec les
composés intermédiaires utilisés dans un procédé, c'est-à-dire les composés
qui n'ont aucune propriété médicale ni thérapeutique. D'après le contenu
de la divulgation de la présente demande, les composés possèdent
effectivement des propriétés médicales actives, et il ne fait aucun doute
qu'ils puissent servir à traiter des animaux sans autre transformation
chimique. Nous ne croyons pas que ces décisions du Commissaire servent le
point de vue de la demanderesse car elles traitent de questions
différentes. Il est vrai que dans ces décisions antérieures le Commissaire
a mentionné que la seule utilisation des produits finis était médicale, ce
qui l'a aidé à se prononcer sur la question des intermédiaires utilisés
lors de leur préparation, mais il n'a jamais affirmé que les composés
actifs n'étaient pas soumis à l'article 41(1) lorsqu'ils se prêtent à des
usages non médicaux. Il faut ajouter que dans ces deux même décisions, le
Commissaire a jugé que l'article 41 doit être interprété dans son sens
large, et que le paragraphe (1) devrait s'appliquer aux intermédiaires.
La demanderesse cite la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans
l'affaire Burton-Parsons Inc. c. Hewlett-Packard Ltd. (1976) I S.C.R. 555
pour étayer sa prétention à l'effet que tout ce qui est administré au corps
humain n'est pas nécessairement un médicament, qu'une distinction a été
établie entre les utilisations principales et secondaires d'un produit, et
que cette distinction entre en ligne de compte au moment où l'on doit
déterminer l'applicabilité du paragraphe (1). Dans l'extrait de la
décision Burton-Parsons, la Cour suprême cite l'une de ses propres
décisions, soit la décision rendue dans l'affaire Tennessee Eastman c. le
Commissaire des brevets (1974) S.C.R. 111 dans laquelle on a déclaré ce
qui suit;
Il est clair qu'une nouvelle substance utile dans le
traitement médical ou chirurgical des hommes et des
animaux est une "invention". Il est également évident
qu'un procédé de fabrication d'une telle substance est
aussi une "invention". En fait, la substance peut être
revendiquée comme une invention seulement lorsqu'elle
est "préparée ou produite par" un tel procédé.
Le jugement Burton-Parsons ne modifie en rien cette affirmation, et il y
est écrit à la page 570:
Il est évidemment assez difficile de dire exactement ce
qui constitue un médicamment et ce qui ne constitue
qu'un produit susceptible d'être utilisé à l'occasion
de traitement médicaux.
Dans l'affaire Burton-Parsons le tribunal a jugé que les crèmes à
électrodes ne sont pas du tout des médicaments tandis que dans la décision
Tenessee-Eastman, les juges ont décidé que l'utilisation d'un procédé pour
réunir des tissus du corps humain constitue un traitement médical. En
dépit de son utilisation courante sur le corps d'un patient, le tribunal a
estimé que la crème à électrodes ne jouait pas le rôle d'un médicament,
mais qu'elle contribuait simplement. au traitement. On comprend facilement
le cheminement de la pensée des juges. Ils ont conclu que la crème ne
possède aucune propriété curative connue, elle ne constitue pas un
traitement en elle-même, et son seul rôle, même en chirurgie, consiste à
améliorer le contact électrique avec la peau. On peut même l'assimiler à
la machine auprès de laquelle elle sert d'auxiliaire. Dans la présente
demande il s'agit d'une situation tout à fait différente. Nous sommes
d'avis qu'il existe une distinction importante entre l'invention d'une
crème qui entre en contact avec la surface de la peau et qui ne possède
aucune propriété curative mais seulement des propriétés électriques, et
l'invention d'un nouveau composé médical pouvant être administré dans le
corps à titre d'agent thérapeutique. Nous sommes persuadé que dans le cas
actuel, le composé est vraiment utilisé "en rapport" avec un traitement
médical lorsqu'il est administré à des animaux. L'administration du
composé représente le traitement, et son seul objet est de traiter l'animal
et d'éliminer les parasites. C'est là que se situe toute la différence
entre la présente demande et l'affaire Burton-Parsons.
Les membres de la Commission se sont penchés sur l'argument de la
demanderesse.
...que l'article 41(1) a été rédigé dans le but de
limiter la portée juridique de tout brevet visant une
substance dont le seul usage ou l'usage principal pour
laquelle cette substance est destinée, est un usage
alimentaire ou médicinal. L'article 41(3) a par contre
été rédigé de façon à permettre à toute personne
intéressée d'acquérir immédiatement une licence pour
les produits non seulement destinés spécifiquement à
l'alimentation ou la médication mais également ceux
protégés en tant que tels pour un autre usage mais
capables d'être utilisés comme aliment ou comme
médicament. En aucun cas, le fait de permettre à un
inventeur d'obtenir des revendications de produits per
se pour des substances chimiques destinées
essentiellement à un usager non-médical mais cependant
capables d'être utilisées comme médicament ou pour la
préparation d'un médicament, ne rend sans effet
l'article 41(3) de la Loi et diminue la protection que
le législateur a voulu assurer au public dans le cas
très particulier des inventions touchant le domaine de
l'alimentation ou de la médication.
Nous ne partageons pas ce point de vue. D'une part, l'article 41(1)
n'était pas encore abrogé ni amendé lorsqu'en 1969 les paragraphes (3) et
(4) régissant la délivrance d'une licence ont été scindés de manière à
établir une distinction entre la licence couvrant les aliments et la
licence couvrant les médicaments, ce qui nous oblige à conclure que le
législateur reconnaissait l'importance du paragraphe (1). D'autre part, la
licence n'est pas accordée sur demande comme s'il s'agissait d'un droit.
Le Commissaire rend une décision que le breveté peut contester et porter en
appel. De plus, la licence n'est pas accordée sans obligation de la part
du preneur de licence; elle est soumise aux conditions stipulées, et son
détenteur doit verser une redevance. Nous sommes d'avis que cette
situation justifie l'importance du paragraphe (1). Le fait de soustraire
des composés à usages multiples aux exigences stipulées au paragraphe (1)
rendrait ce dernier à peu près inopérant puisque ce serait là un moyen
facile de contourner l'esprit de l'article 41 comme il fut mentionné dans
l'affaire Tennessee-Eastman.
Les membres de la Commission ont examiné attentivement tous les autres
arguments soulevés par l'agent de la demanderesse dans son exposé
détaillé. Nous ne sommes pas d'accord avec ce dernier quant il déclare que
le chapitre 9.02.06 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets sème la
confusion avec son expression "ou ailleurs". Cette expression constitue un
énoncé exact de la ligne de conduite du Bureau des breveta en ce sens qu'un
composé qui possède à la fois des usages médicaux et non-médicaux est
soumis à la restriction prévue au paragraphe (1). Quant aux observations
formulées au sujet du cas publié dans la Gazette officielle du 23 mai 1978,
les membres ne comprennent pas comment ce dossier peut venir étayer le
point de vue de la demanderesse. La question d'unité d'invention n'entre
pas du tout en ligne de compte dans la présente demande. Il y aurait lieu
de souligner que même si la demanderesse devait présenter des demandes
divisionnaires, toutes ces demandes seraient soumises aux dispositions
prévues au paragraphe (1) en raison de l'expression "ou ailleurs".
Les membres de la Commission ne partagent pas l'avis de la demanderesse
quant elle déclare que les composés ne sont pas des médicaments même quand
ils servent à traiter des animaux. Elle cite l'affaire Imperial Chemical
Industries Ltd. c. le Commissaire des brevets (1967) 1 Ex. C.R. 57 de même
que la Loi des aliments et drogues. Il semble que la demanderesse
interprète le terme "médicament" dans un sens trop restreint. Comme nous
l'avons déjà mentionné ci-dessus, nous considerons que les trois décisions
de la Cour suprême démontrent que l'article 41 doit être interprété sans
portée restrictive. Nous estimons, qu'un composé dont le rôle consiste à
éliminer les parasites chez un animal, y compris les parasites nuisibles et
possiblement mortels, est effectivement englobé par la définition du terme
"médicament" su sens de l'article 41, qu'il s'agisse d'un médicament
anti-infectieux ou parasiticide.
Les membres de la Commission sont donc persuadé que les revendications 1 à
7 sont régies par les dispositions de l'article 41(1), et qu'elles ne
peuvent être retenues que si la demanderesse les subordonne aux
revendications sur le procédé qui sont recevables. Il est donc recommendé
que la décision finale de rejet des revendications 1 à 7 soit confirmée.
Le Président intérimaire Membre
Commission d'appel des brevets
M.G. Brown S.D. Kot
Après revue des conclusions et de la recommandation formulées par la
Commission d'appel des brevets, je dois dire que j'abonde dans le sens de
cette dernière. Par conséquent, je me vois dans l'obligation de refuser la
délivrance d'un brevet en raison des revendications 1 à 7. Le demandeur à
six mois pour en appeler de la présente décision conformément aux
dispositions de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Le Commissaire des brevets,
J.H.A. Gariépy
Hull (Qc)
Le 15th août 1986