DÉCISION DU COMMISSAIRE
Objet non brevetable, art 2 : L'objet de l'invention, le système
d'ascenseur permettant de diriger les cabines en fonction des appels
reçus, est brevetable. Rejet annulé.
La présente décision fait suites à la requête formulée par le demandeur
auprès du Commissaire des brevets pour que celui-ci révise la décision
finale de l'examinateur concernant la demande de brevet n o 347 700
(Classe 364-17), déposée le 14 mars 1980 et cédée à la Westinghouse
Electric Corp. pour une invention intitulée SYSTEME D'ASCENSEUR. A.F.
Mandel, L.M. Capuano, P.R. Otto et K.M. Eichler en sont les
inventeurs. L'examinateur chargé du dossier a rendu sa décision
finale le 20 juillet 1982, refusant d'accueillir la demande.
La demande a trait à un système d'ascenseur illustré dans la figure 1
reproduite ci-dessous. Le contrôleur du système 72 traite et transmet
les signaux au dispositif 64 pour afficher aux différents postes le
nombre et l'origine des appels en provenance d'un hall pour monter ou
descendre. La RAM 80 emmagasine les appels pour monter et descendre
et la ROM 78 comporte un dispositif de recherche concernant ces
appels. Le contrôleur 72 traite les signaux reçus de ces deux unités
pour mettre à jour le dispositif d'affichage à mesure que les appels
sont reçus et traités.
<IMG>
L'examinateur a rejeté la demande et les revendications parce qu'elles
n'ont pas trait à l'objet brevetable en vertu de l'article 2 de la
Loi. Il a invoqué le brevet canadien nÀ 1 108 781 délivré le
8 septembre 1981 à Mandel et autres pour montrer que les éléments
d'équipement de la présente demande sont les mêmes que ceux qui sont
décrits dans le brevet. En alléguant que les programmes étaient
différents, il dit, en partie ce qui suit :
La seule différence entre le brevet invoqué et la
présente demande est le programme, objet non brevetable
qui ne comporte aucun délai. La "situation Fry" n'existe
pas, parce que (1) les revendications de la présente
demande diffèrent de celles qui sont énoncées dans le
brevet invoqué; (2) dans les deux cas, le demandeur est
le même et il y a un inventeur commun; (3) la présente
demande porte sur un objet non brevetable en vertu de
l'article 2 de la Loi sur les brevets.
. . .
... L'examinateur est bien au courant de l'opinion de la
Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Diamond v.
Diehr (209 USPQ 1, 1981). Toutefois, l'examinateur n'est
pas en position d'appliquer la loi américaine sur les
brevets pour accueillir la présente demande canadienne,
mais il doit suivre la pratique actuelle du Bureau
canadien qui consiste à rejeter la présente demande,
comme il est exposé dans les motifs de rejet. En vertu
de la pratique actuelle du Bureau des brevets canadiens,
pour qu'une revendication soit brevetable, son objet doit
comporter les trois composantes d'utilité, de nouveauté
et de conception originale. Programmer un microproces-
seur antérieur en vue de faire fonctionner d'une nouvelle
manière l'équipement d'ascenseur connu
est d'une compétence attendue de la part d'un
programmeur et cela n'exige aucune conception originale.
. . .
...La différence d'objet entre l'état de la technique et
la présente demande réside dans le programme machine qui
est non brevetable en vertu de l'article 2 de la Loi sur
les brevets, et la présente demande est donc rejetée.
Compte tenu de l'état de la technique ou du brevet du
demandeur, la divulgation de la présente demande est
appropriée et le rejet en vertu de l'article 36(1) est
annulé.
. . .
Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur estime que son
système d'ascenseur fonctionne d'une façon jusque-là inconnue et
soutient, en partie, ce qui suit :
...Dans des lettres précédentes, l'examinateur a attiré
l'attention du demandeur sur un renvoi à l'affaire Mandel
et autres et il se fond~ sur ce renvoi dans une très large
mesure pour rejeter la présente demande. (Le renvoi à
l'affaire Mandel et autres ne s'applique pas aux
revendications de la présente demande à cause de sa date
de délivrance ultérieure.)
L'examinateur est donc prise au piège. Ou le renvoi est
pertinent et stable ou il ne l'est pas. Si c'est un
renvoi valide, le demandeur aimerait que le rejet des
revendications soit effectué à la lumière du renvoi à
l'affaire Mandel et autres. Si le renvoi n'est pas
valide, il devrait être retiré.
En ce qui concerne la position du Bureau dans l'interpré-
tation de l'inscription du Bureau des brevets en date du
1er août, l'argument du demandeur est bien exposé aux
pages 3 et 4 de la réponse du 12 novembre 1981. Il est
étonnant que le Bureau soit peu disposé à ajouter la
décision Diamond v. Diehr à sa série d'affaires améri-
caines étudiées avant de rendre cette décision. Même si
l'examinateur n'est pas en position d'appliquer la
décision, certes, on suppose que le Bureau canadien des
brevets devrait (à la lumière de sa décision de principe
précédente) estimer que la décision Diamond v. Diehr est
très pertinente et l'incorporer dans sa politique. Pour
les raisons susmentionnées, nous sommes d'avis que les
revendications de la présente demande sont acceptables,
que le renvoi à l'affaire Mandel et autres devrait être
retiré et que la décision Diamond v. Diehr, qui a une
importance considérable, doit être prise en compte dans
le rejet de la présente demande.
Il convient de noter les extraits suivants de la réponse du demandeur
en date du 12 novembre 1981 :
La revendication 1 concerne un système d'ascenseur par
lequel une cabine d'ascenseur est montée dans une cage
d'ascenseur, dans un système installé dans un immeuble à
plusieurs étages, et comportant un dispositif d'appel, un
dispositif de mémoire, un dispositif de commande, un
dispositif permettant d'extraire les appels du dispositif
de mémoire, un dispositif d'affichage, et en plus un
dispositif d'afffichage comportant d'autres dispositifs
visuels.
Ainsi, l'examinateur a choisi de rejeter la revendication
1 en conformité avec la position prise par le Bureau des
brevets et publiée dans la Gazette des brevets du
1er août 1978, à la page XXVI. Il semble donc que la
revendication 1 doive entrer dans une catégorie soit de
revendication de programme en soi, soit de revendication
de nouvelle méthode de programmation, soit de revendica-
tion d'ordinateur programmé d'une façon nouvelle exprimée
dans tous les modes, lorsque la nouveauté est uniquement
fondée sur le programme ou l'algorithme, pour être
rejetée par l'examinateur.
Il est évident d'après l'examen précédent de la
revendication 1 que celle-ci n'a trait à aucune des trois
catégories. Ainsi, le demandeur prétend que la reven-
dication est clairement brevetable, comme le sont les
autres revendications. Outre les affaires mentionnées
dans le numéro de la Gazette des brevets en date du 1er
août 1978, la récente affaire Diamond v. Diehr a produit
des résultats intéressants.
La Cour suprême a jugé que pour déterminer l'admissibi-
lité à la protection d'un brevet en vertu de l'article
101 du processus revendiqué par les appelants, les
revendications doivent être étudiées comme un tout. Il
ne convient pas de disséquer les revendications en
éléments anciens et nouveaux, puis d'ignorer la présence
des anciens éléments dans l'analyse. La chose est
particulièrement vraie dans une revendication de procédé,
car une nouvelle combinaison des étapes d'un procédé peut
être brevetable, même si tous les constituants de la
combinaison sont bien connus et d'usage courant avant que
la combinaison ne soit réalisée.
La nouveauté de tout élément ou étape d'un procédé et
même du procédé lui-même n'a aucun rapport avec le fait
que l'objet de la revendication entre dans les catégories
d'objets peut-être brevetables en vertu de l'article 101.
La Commission doit déterminer si la demande et les revendications ont
trait à un objet brevetable en vertu de l'article 2 de la Loi. La
revendication 1 se lit comme suit :
Un système d'ascenseur comportant :
un immeuble à plusieurs étages et plusieurs cages
d'ascenseurs,
une cabine d'ascenseur montée dans chaque cage
d'ascenseur de l'immeuble pour desservir les étages de
l'immeuble,
un dispositif d'appel permettant d'enregistrer les
appels d'ascenseur,
un dispositif de mémoire pour emmagasiner les
appels enregistrés,
un dispositif de commande qui dirige la cabine
d'ascenseur pour desservir les appels enregistrés
d'ascenseur,
un dispositif permettant d'extraire les appels
enregistrés du dispositif de mémoire lorsque la cabine
d'ascenseur dessert un appel d'ascenseur,
et un dispositif d'affichage,
le dispositif d'affichage comportant un dispositif
de préparation des signaux qui produit des signaux de
sortie en réponse aux appels enregistrés emmagasinés dans
le dispositif de mémoire,
le dispositif d'affichage comportant, en plus,
d'autres dispositifs visuels sensibles aux signaux de
sortie venant du dispositif de préparation des signaux
pour produire l'affichage visuel d'au moins certains
appels enregistrés emmagasinés dans le dispositif de
mémoire, un à la fois, selon une séquence temporelle
prédéterminée, à un premier poste d'affichage commun, de
sorte que chaque appel dans la séquence prédéterminée est
affichée au même poste que l'appel précédent dans la
séquence.
Nous remarquons qui l'examinateur a indiqué qu'il n'y a pas de
"situation Fry". Il est convaincu que les revendications du demandeur
diffèrent des revendications relatives au brevet invoqué et que la
communication du demandeur est appropriée. Nous acceptons ses
observations.
Nous passons au rejet de l'examinateur fondé sur le fait que la
demande et les revendications ont uniquement trait à un programme. Le
demandeur s'est reporté à la dlécision de la Cour suprême des
États-Unis dans l'affaire Diamand v. Diehr (209 USPQ 1, 1981) et aux
observations à cet égard selon lesquelles la combinaison présentée
dans la demande et les revendications doivent être étudiées comme un
tout. Nous convenons avec le demandeur que ces documents contiennent
des passages informatifs. Dans l'étude de l'objet de la présente
demande, nous nous inspirons également de la décision Schlumberger
Canada Ltd. v. The Commissioner of Patents (1981) 56 C.P.R. 204. Le
juge Pratte imprime une direction concernant les objets rattachés à
l'ordinateur dans les extraits suivants :
Pour savoir si une demande révèle une invention
brevetable, il échet d'examiner en premier lieu ce qui,
d'après la demande, a été découvert.
et
~ mes yeux, le fait qu'un ordinateur est employé ou
requis pour l'application d'une découverte ne change en
rien la nature de cette dernière. Ce que l'appelante
revendique à titre d'invention en l'espèce, n'est que la
découverte selon laquelle certains calculs effectués
conformément à certaines formules, permettraient
d'extraire des informations utiles de certaines mesures.
Voilà qui ne constitue pas une invention su sens de
l'article 2.
L'examen de la découverte nous apprend que la demande se rapporte aux
éléments d'un système d'ascenseur comportant un dispositif permettant
de mémoriser les appels enregistrés, un dispositif permettant de
diriger les cabines d'ascenseur en fonction des appels reçus, un
certain dispositif d'affichage des signaux permettant d'afficher les
appels pour monter ou descendre en provenance d'un hall, un à la
fois, et un dispositif de sortie de signaux sensible aux appels
enregistrés, et ces éléments forment la combinaison de l'invention du
demandeur. Ses revendications représentent la combinaison, qui n'est
pas l'objet du mémoire descriptif de l'affaire Mandel et autres,
reconnue par l'examinateur. Bien que certains éléments du système
d'ascenseur du demandeur puissent être identiques ou semblables à ceux
qui figurent dans le brevet de Mandel et autres, nous estimons que
l'opération prévue dans la combinaison du demandeur est différente de
celle qui a été obtenue dans le brevet invoqué. La découverte dans la
combinaison du demandeur est qu'un mode différent de service
d'ascenseur peut être obtenu par rapport à ce qui était connu
auparavant.
Même si l'on présume que tous les éléments du système du demandeur
étaient auparavant bien connus et d'usage courant, la combinaison
particulière que réalise le nouveau mode d'opération doit être prise
en considération, comme doivent l'être les résultats obtenus. Nous
voyons ici que le résultat obtenu par le groupement particulier
d'éléments du demandeur n'entre pas dans les possibilités prévues par
le brevet invoqué. De plus, nous soulignons que l'examinateur juge
que l'un des éléments, le dispositif d'affichage utilisé par le
demandeur, ne réalise pas la même opération, étant donné qu'il
reconnaît que les revendications du demandeur sont différentes. A
notre avis, les signaux fournis aux dispositifs d'affichage et
l'opération obtenue diffèrent de ce qui est produit par le système de
commande du brevet Mandel et autres.
L'examinateur soutient que le programme, qui, d'après nous, fournit
les différents signaux de l'opération, est non brevetable en vertu de
l'article 2. Nous croyons que la combinaison particulière du
demandeur, y compris, de fait, certains éléments connus et un élément
fournissant des signaux de fonctionnement différents de la technique
invoquée, ainsi que les résultats obtenus par la combinaison,
appartient au domaine d'un système d'ascenseur amélioré. Nous croyons
que le demandeur a divulgué plus qu'un simple programme machine.
En résumé, compte tenu de l'orientation donnée par l'affaire
Schlumberger, supra, nous sommes persuadé que l'objet de la demande
est acceptable en vertu de l'article 2. Par conséquent, nous
recommandons que le rejet de la demande et des revendications,
signifié pour avoir trait à un objet non brevetable, soit annulé.
M.G. Brown
Président intérimaire S.D. Kot
Commission d'appel des brevets Membre
Je souscris aux conclusions et à la recommandation de la Commission
d'appel des brevets. Par conséquent, j'annule le rejet de la demande
et la renvoie à l'examinateur pour qu'il en reprenne l'examen en
conformité avec la recommandation.
J.H.A. Gariépy
Commissaire des brevets
Fait à Hull (Québec),
le 18 août 1986.