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                             DECISION DU COMMISSAIRE

 

Traitement médical, art. 2: Thérapie intraveineuse et hyperalimentation.

 

Les étapes à suivre pour insérer un cathéter dans un corps et déterminer son

positionnement dans un corps vivant font partie des compétences

professionnelles d'un médecin exécutant une méthode médicale ou chirurgicale.

Rejet des revendications concernant un objet non brevetable maintenu.

 

La présente décision fait suite à la requête formulée par le demandeur auprès

du Commissaire des brevets pour que celui-ci révise la décision finale de

l'examinateur concernant la demande de brevets no 394,006 (Classe 128-91),

déposée le 12 janvier 1982 et cédée à la Catheter Technology Corporation pour

une invention intitulée Méthodes et appareillage pour la thérapie intraveineuse

et l'hyperalimentation. Leroy E. Groshong et Ronald J. Brawn (décédé) en sont

les inventeurs. L'examinateur chargé du dossier a rendu sa décision finale le

17 septembre 1984, refusant d'accueillir la demande. Une audience a eu lieu le

2 octobre 1985, au cours de laquelle le demandeur était représenté par son

agent de brevets, M. Michael D. Manson.

 

La présente demande a trait à des méthodes et à un appareillage pour la

thérapie intraveineuse, IV, à court et à long termes, y compris

l'hyperalimentation. Les figures 1A et 2B, reproduites ci-dessous, montrent le

cathéter utilisé pour introduire le liquide IV.

 

     <IMG>

 

Les figures 5A et 5C montrent la manière d'insérer le cathéter dans le patient

pour la thérapie à court terme, tandis que les figures 6D et 6F montrent la

façon de placer, par voie sous-cutanée, l'extrémité distale du cathéter pour la

thérapie à long terme.

 

                              <IMG>

 

L'extrémité proximale 14 du cathéter 10 (figure 1A) est munie d'une valve

unidirectionnelle 12 et contient une substance radio-opaque 15. La valve

unidirectionnelle n'autorise l'écoulement du liquide que dans une seule

direction, à savoir de l'intérieur du cathéter 10 vers l'extérieur, du fait de

la pression du liquide IV. La tige amovible 18 est utilisée pour placer le

cathéter à l'intérieur de la veine et la substance 15 permet la détection de

l'extrémité du cathéter par radiographie, durant la mise en place. Le

régulateur de débit 21 règle le débit du liquide IV.

 

Pour mettre le cathéter en place (fig. 5A), on utilise une seringue 28 munie

d'une aiguille 30 elle-même entourée d'un manchon 34. Une fois l'aiguille

insérée dans la veine, on utilise la seringue pour prélever une quantité de

sang suffisante pour permettre une bonne introduction du cathéter. Le manchon

est poussé vers l'avant et maintenu en place pendant qu'on retire l'aiguille et

la seringue. Le cathéter est rempli avec la solution IV pour en chasser l'air

et est inséré dans la veine par l'intermédiaire du manchon; l'extrémité

proximale du cathéter est poussée à l'aide de la tige et on suit sa progression

à l'aide de la radiographie et de la substance radio-opaque (figure 5C). Le

manchon est ensuite retiré en le faisant glisser sur l'extrémité distale qui

sort du patient et le cathéter est fixé au point d'incision. L'adapteur de

réduction du débit 20 (figure 2B) et le dispositif de restriction 21 sont

ensuite fixés sur l'extrémité distale.

 

Pour la thérapie intraveineuse à long terme (fig. 6D), la région scapulaire et

la zone de sortie du cathéter, p. ex. le thorax, sont préparées pour l'incision

chirurgicale, y compris l'anesthésie locale. Un dispositif de guidage 36 est

inséré pour permettre le passage du cathéter jusqu'au point de sortie, puis le

cathéter est fixé, le dispositif de guidage est retiré, les incisions sont

fermées et une source de liquide IV est fixée à l'extrémité distale.

 

Dans sa décision finale, l'examinateur refuse d'accueillir toutes les

revendications de méthode, soit les revendications 1 à 28, pour avoir trait à

un objet non brevetable et donc "... en dehors de la définition de l'invention

donnée à l'article 2 de la Loi sur les brevets". Il indique que les

revendications 29 à 32 sont acceptables. Son rejet des revendications

relatives à la méthode se lit comme suit:

 

Les revendications 1 à 25, 27 et 28 ont trait à une méthode

pour traiter les humains par thérapie et la revendication 26 a

trait à une méthode chirurgicale. Ces revendications

comprennent également les étapes ordinairement exécutées par un

médecin dans la pratique normale de sa profession.

 

Toutefois, le demandeur est d'avis que l'examinateur n'applique pas l'affaire

Tennessee Eastman c. Commissaire des brevets (1974) R.C.S. 111, à la situation

de fait de la présente demande. Le demandeur soutient, en partie, ce qui suit:

 

... il n'y a rien dans l'article 2 en ce qui concerne la

définition du mot "invention" qui fournisse des motifs de rejet

relativement à une demande de brevet pour une méthode de telle

thérapie. La définition d'"invention" donnée à l'article 2

comprend tout procédé nouveau et utile. La méthode revendiquée

est clairement un procédé nouveau et utile. L'utilité de ce

procédé est clairement divulguée dans la demande. Le demandeur

soumet que l'objet revendiqué dans les revendications 1 à 28 de

la présente demande est un objet brevetable au sens de la

définition d'"invention" donnée à l'article 2 de la Loi sur les

brevets.

 

Le demandeur fait remarquer qu'il a le droit de se voir accorder un brevet, à

moins que le Commissaire ne puisse déterminer en droit qu'aucun brevet ne

devrait être accordé, et il se reporte à l'affaire Monsanto v. The Commissioner

of Patents (1979) 42 C.P.R. (2d) 161 p. 178, et aux remarques suivantes du juge

Martland:

 

Lorsque le Commissaire est convaincu que le demandeur n'est pas

bien fondé en droit de se voir concéder un brevet, il doit

refuser d'accueillir la demande et, par courrier recommandé

addressé au demandeur ou à son agent enregistré, informer le

demandeur de ce refus et du motif invoqué.

 

J'ai insisté sur les mots en droit pour souligner que cette

question n'est pas discrétionnaire: le Commissaire doit

justifier un refus. Comme l'a dit C.J. Duff dans l'affaire

Vanity Fair Silk Mills v The Commissioner of Patents, (1938) 4

C.L.R. 657, (1939) S.C.R. 245 p. 246:

 

"Nul doute que le Commissaire des brevets ne

devrait pas refuser d'accueillir une demande

de brevet, sauf s'il est évident qu'elle est

mal fondée."

 

La Commission doit déterminer si l'objet des revendications 1 à 28 est

brevetable en vertu de l'article 2 de la Loi sur les brevets. La revendication

1 a la teneur suivante:

 

Une méthode pour réaliser la thérapie intraveineuse y compris

l'hyperalimentation comprenant les étapes: insérer l'extrémité

proximale d'un cathéter flexible muni d'une valve

unidirectionnelle adjacente à son extrémité proximale à travers

le tissu cutané d'un patient et dans une veine ayant un débit

sanguin suffisamment élever; fixer sur l'extrémité distale du

cathéter un dispositif statique interchangeable de réduction du

débit capable de limiter le débit du liquide, à partir d'une

source placée de façon à fournir une hauteur de liquide

prédéterminée, dans ledit cathéter à un débit ne dépassant pas

un débit prédéterminé par suite d'essais cliniques, fixer audit

dispositif de réduction du débit une source de solution

intraveineuse; placer ladite source à une hauteur pour fournir

ladite hauteur de liquide, et permettre à ladite solution de

s'écouler par gravité à travers ledit dispositif de réduction

du débit dans ledit cathéter et, ainsi, dans ladite veine.

 

A l'audience, l'importance des mots "en droit" accordée dans l'affaire

Monsanto, supra, a été soulignée par M. Manson qui a formulé les

observations suivantes : l'article 2 n'exclut pas une méthode de

traitement médical mais fait état de "toute réalisation présentant le

caractère de la nouveauté et de l'utilité"; il n'y a rien dans la

jurisprudence qui restreigne les types de méthode revendiquée par le

demandeur et l'alinéa 12.03.01b) du Recueil des pratiques du Bureau

des brevets n'a aucun fondement en droit ou en vertu de la loi et

n'assure aucun fondement au Bureau des brevets pour restreindre la

portée de l'article 2. Il allègue donc que la méthode du demandeur et

les instructions particulières concernant l'introduction d'un cathéter

en vue d'alimenter un corps animal devraient être acceptées. De

l'avis de M. Manson, les revendications de méthode ne contiennent que

des étapes mécaniques qui assurent la nutrition et l'étape qui

consiste à introduire le cathéter est accessoire. Il soutient que les

étapes représentent les "moyens" pour en arriver à une "fin", et

qu'elles ne revendiquent pas la "fin". Il allègue également que même

si la Commission est portée à juger que la portée de l'article 2

peut être restreinte, tout en faisant remarquer que le demandeur n'est

pas de cette opinion, les méthodes contenues dans les revendications

du demandeur se rapportent à la réalisation d'une thérapie

intraveineuse (IV) qui comprend l'alimentation ou la nutrition

parentérale totale d'un corps animal, y compris les humains.

M. Manson affirme qu'elles n'ont pas trait à un traitement médical.

Il soutient que les étapes concernent l'introduction d'un cathéter

dans une grosse veine à des fins de nutrition, selon des instructions

particulières. Il souligne que les méthodes revendiquées par le

demandeur ne se rapportent ni au diagnostic, ni à la prévention, ni à

la guérison d'une maladie. Il affirme que le demandeur est disposé à

restreindre la portée des revendications en supprimant des premières

lignes des revendications 1, 2 et 15 les mots "...pour réaliser la

thérapie intraveineuse, y compris...", ne laissant qu'une méthode

d'hyperalimentation, c'est-à-dire la nutrition parentérale totale, qui

selon lui serait clairement en dehors de la portée d'un traitement

médical. Il allègue que le fait d'introduire une aiguille, un

cathéter ou un dispositif dans un corps humain est purement

accessoire.

 

M. Manson discute d'un passage extrait de l'affaire Tennessee Eastman, supra p.

118, et soutient qu'il a trait à l'utilisation d'une substance qui toucherait

les mécanismes organiques d'un corps humain; le passage a la teneur suivante:

 

Il est clair qu'une nouvelle substance utile dans le traitement

médical ou chirurgicl des hommes et des animaux est une

"invention". Il est également évident qu'un procédé de

fabrication d'une telle substance est aussi une "invention".

En fait, la substance peut être revendiquée comme une invention

seulement lorsqu'elle est "préparée ou produite par" un tel

procédé. Mais que dire de la méthode de traitement médical ou

chirurgical qui utilise la substance nouvelle? Peut-elle aussi

être revendiquée comme une nouvelle invention? Pour en établir

l'utilité il faut la définir dans une certaine mesure. Dans le

cas d'un médicament, les effets souhaités aussi bien que les

effets secondaires à redouter doivent être établis, de même que

la posologie convenable, les modes d'administration et les

contre-indications. Peut-on revendiquer ces données

thérapeutiques par elles-mimes comme une invention distincte

consistant en une méthode de traitement qui comporte

l'utilisation du nouveau médicament? Je ne le crois pas, et il

me semble que l'art. 41 indique sans équivoque que tel n'est

pas le cas.

 

L'article 41 a été adopté aux fins de restreindre le champ des

brevets "ouvrant des substances préparées ou produites par des

procédés chimiques et destinées à l'alimentation ou à la

médication". Le premier principe promulgué est que dans le cas

de telles inventions, "le mémoire descriptif ne doit pas

comprendre les revendications pour la substance même, excepté

lorsque la substance est préparée ou produite par les modes ou

procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués, ou

par leurs équivalents chimiques manifestes." A mon avis, cela

implique nécessairement que, pour ce qui est de semblables

substances, l'utilisation thérapeutique ne peut être

revendiquée au moyen d'une revendication de procédé

indépendamment de la substance elle-même. Autrement, cela

signifierait que bien que la substance ne puisse être

revendiquée que lorsqu'elle est préparée au moyen du procédé

breveté, son utilisation pourrait être revendiquée comme

méthode de traitement, sans égard au procédé de préparation.

En d'autres mots, si une méthode de traitement consistant en

l'application d'un nouveau médicament pouvait être revendiquée

comme procédé indépendamment du médicament lui-même alors

l'inventeur, par une telles revendication de procédé, se

soustrairait avec facilité à la restriction contenue à l'art.

41(1). (Le soulignement est de nous.)

 

M. Manson estime que dans cet énoncé, le juge Pigeon exprime une

préoccupation concernant une tentative de se soustraire à l'article

41, soit en faisant breveter une méthode de traitement médical ayant

trait à une substance, soit en revendiquant une méthode de traitement

médical tout en n'ayant ni le procédé ni le produit par revendication

de procédé. M. Manson est d'avis que l'énoncé porte uniquement sur la

situation de fait en instance, et qu'il ne se rapporte ni au

dispositif du demandeur ni aux revendications de méthode.

 

M. Manson se reporte à la page 120 de l'affaire Tennessee Eastman,

supra, où le juge Pigeon mentionne qu'on ne devrait pas accorder à des

affaires de brevetabilité de traitement médical instruites en

Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle-Zélande, l'importance que

certains auteurs croient devoir leur accorder. M. Manson insiste sur

le fait que la méthode du demandeur porte sur l'utilisation d'un

dispositif et qu'elle s'adresse à des médecins, y compris les

infirmiers et infirmières s'occupant d'alimentation par liquide IV.

Il croit que les conclusions de la Commission d'appel des brevets dans

Re Application 880 719 (Brevet n o 944 693) 18 C.P.R. (2d) 114,

appuient sa prétention et il fait remarquer que dans ce cas, la

Commission a jugé que les "moyens" étaient distincts de la "fin".

L'objet se rapporte à l'utilisation de teintures fluorescentes en

chirurgie dentaire. La Commission a considéré que le processus

utilisé dans ce cas n'appliquait aucune propriété pharmaceutique pour

effectuer un traitement curatif ou préventif, et que les

revendications ne comportaient aucune étape de traitement médical ou

chirurgical. La Commission s'est aussi reportée à un passage cité par

le juge Pigeon dans Tennessee Eastman, page 121, de l'affaire Re

Schering A.G.'s Application (1971) R.P.C. 337, p. 345, et nous

remarquons ici la partie soulignée comme suit :

 

      ... bien qu'il semble, après un examen minutieux de la question,

      qu'en vertu de la présente Loi il faille exclure les brevets

      couvrant un traitement médical au sens strict, ...

 

En commentant la description de la thérapie à court et à long termes,

M. Manson juge qu'il n'y a rien dans les étapes des revendications du

demandeur qui suggère un traitement chirurgical ou médical, et il

souligne qu'il n'y a que des étapes mécaniques concernant

l'introduction du cathéter et les connexions nécessaires pour

l'alimentation par liquide IV. Il reconnaît un certain degré de

compétence à la personne qui doit placer le cathéter dans la reine,

mais il insiste sur le fait que la méthode du demandeur n'équivaut pas

à une opération médicale en ce sens qu'on tente de guérir une maladie

ou de prévenir la propagation d'un processus morbide ou d'enlever une

partie du corps.

 

En ce qui concerne la mention faite par le juge Pigeon de la partie

soulignée dans l'affaire Schering, M. Manson croit que M. Pigeon a

considéré cette phrase de la même façon qu'il s'exprimait lui-même à

la page 119 dans l'affaire Tennessee Eastman, supra, "...étant arrivé

à la conclusion que les méthodes de traitement médical ne sont pas

visées... le même raisonnement doit... s'appliquer aux méthodes de

traitement chirurgical...". M. Manson relie ces observations à la

préoccupation du juge Pigeon concernant le fait qu'un demandeur

puisse vouloir se soustraire à l'article 41. Après avoir fait

remarquer que le renvoi à l'affaire Schering était incident, M. Manson

est revenu à la proposition du demandeur visant à restreindre le

libellé des revendications 1, 2 et 15 et a déclaré que les

revendications seraient alors restreintes à l'aspect alimentation de

la demande.

 

L'attention de M. Manson s'est portée sur la revendication 15 et les

étapes : faire une incision dans 1a peau d'un patient, disséquer le

tissu cutané pour trouver une veine et y faire une incision, placer le

cathéter dans la position souhaitée, enfiler un tube sous la peau

jusqu'à un point de sortie incisé et y faire passer le cathéter, et

fermer les incisions. M. Manson fait remarquer qu'il y a ici un degré

de compétence élevé, mais il croit que ces étapes ne sont que

mécaniques même si elles sont exécutées par un spécialiste dans le

domaine, soit l'art de la médecine.

 

Répondant à une observation selon laquelle les revendications du

demandeur pourraient être considérées comme une façon d'enseigner à la

profession médicale comment accomplir ses tâches, M. Manson soutient

que les étapes s'adressent à des techniciens dans le domaine et ne se

rapportent qu'à des procédés mécaniques qui appartiennent incidemment

au domaine de la médecine.

 

Répondant à des questions sur la méthode exposée dans la revendication 26, M.

Manson indique qu'il est prêt à supprimer la revendication, mais non les autres

revendications dans lesquelles les étapes sont exécutées de la même façon

chaque fois. M. Manson différencie les autres de l'objet traité dans l'affaire

Lawson v. The Commissioner of Patents (1970) 62 C.P.R, p. 109. Dans Lawson, il

pense que le dessin ou modèle ne pourrait être reproduit de la même façon

chaque fois et que la compétence du dessinateur contrôle le procédé.

 

En ce qui concerne l'opération qui consiste à faire une incision dans un

patient pour introduire un cathéter, M. Manson a mentionné que le terme

"opération" comporte différents degrés d'interprétation et il a affirmé, qu'en

matière de traitement médical ou chirurgical, il s'agit d'enlever quelque

chose, de guérir ou de traiter, de réaliser un objectif en traitant

médicalement le corps. Il croit que l'opération du demandeur qui consiste à

introduire le cathéter à travers le tissu cutané et dans une veine n'a rien à

voir avec le résultat du traitement et il affirme que ce n'est qu'une façon

mécanique de placer le dispositif pour introduire l'alimentation dans le corps

au moyen du dispositif: selon lui, ce n'est pas un traitement médical.

 

Penchons-nous d'abord sur l'affaire Lawson, supra. Nous ne considérons pas

l'orientation donnée par la décision de la même façon que M. Manson. D'après

nous, le tribunal a estimé qu'elle déterminait que toutes les techniques et

produits industriels nouveaux et utiles n'entraient pas dans la définition

d'invention. Dans Lawson, le juge Cattenach s'est reporté à un passage de

l'affaire Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning

v. The Commissioner of Patents (1.962) 39 C.P.R. 105 p. 124, dans lequel le

président Thorson a déclré que si une réalisation ou un produit était:

 

... nouveau et utile c'est une invention au sens de la

définition et, par conséquent, il peut être breveté en vertu de

la loi...

 

Le juge Cattenach s'est ensuite reporté à l'appel de la décision Thorson comme

suit:

 

   Lors de l'appel, la Cour suprême du Canada rejeta l'opinion du

président Thorson...

et il a conclu

 

   Il est donc clair que l'article 2d) impose des limites.

 

D'après le juge Cattenach, la méthode de division du terrain n'appartenait pas

à un secteur technique brevetable au Canada, même si au bureau des brevets des

Etats-Unis, la Commission d'appel a jugé certaines revendications acceptables.

 

Pour déterminer le type d'objet présenté par le demandeur, nous avons jugé

utile de nous reporter à la décision The Commissioner of Patents v. Farbwerke

Hoescht Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning (1964) S.C.R, p.

55, dans laquelle le juge Judson a déclaré ce qui suit:

 

   A la suite des déclarations. faites dans l'affaire R.V. Patents

 

   Appeal Tribunal, Ex. p. Swift & Co., la Cour de l'Echiquier a       

déclaré que le Commissaire ne devait pas refuser d'accueillir

une demande de procéder à la concession d'un brevet, à moins de

n'être tout à fait convaincu que la matière de la demande ne

puisse être concevablement brevetée au sens de la Loi sur les

brevets.

 

   Le Commissaire ne débordait. nullement de cette définition du

cadre de ses fonctions, mais je crois que l'opinion de la Cour

de l'Echiquier expose les fonctions du Commissaire de façon trop

restrictive et ne reconnaît pas la distinction entre la loi sur

les brevets du Royaume-Uni et celle du Canada. En vertu des

articles 6, 7 et 8 de la United Kingdom Patents Act, 1949,

l'examinateur ne peut se pencher que sur l'antériorité. Dans la

pratique, il ne peut trancher la question de la valeur

inventive, et il ne le fait pas. Cette tâche est laissée au

tribunal. En outre, comme il est souligné dans la demande Re

 

   Levy & West's, les décisions du Patent Appeal Tribunal sont sans

appel, alors que dans une action subséquente, la validité du

brevet peut être mise en doute devant le tribunal le plus haut

du pays.

 

   Par contre, au Canada, le Bureau des brevets, supervisé par le

tribunal, décide de la valeur inventive, et un demandeur peut en

appeler devant la plus haute cour. En outre, dans la classe de   

produits qui nous intéresse, à savoir les médicaments et les

remèdes, l'intérêt public est fortement en jeu et le Commissaire

devrait examiner la demande avec le plus grand soin pour voir si

elle vaut l'octroi de privilèges monopolistiques et déterminer

l'importance du monopole attribué.

 

Dans le passage ci-dessus, le juge Judson signale que les demandes sont

examinées en vue d'y déceler la présence d'une valeur inventive, et il souligne

qu'il est du devoir du Commissaire de déterminer la brevetabilité de l'objet,

notamment lorsque la demande touche l'intérêt public.

 

Nous nous penchons maiontenant sur le sens du passage entier tiré de l'affaire

Schering, page 345, auquel le juge Pigeon s'est reporté avant de rejeter

l'appel dans l'affaire Tennessee Eastman:

 

   Cependant, bien qu'il semble, après un examen minutieux de la

question, qu'en vertu de la présente Loi il faille exclure les

brevets couvrant un traitement médical au sens strict, les

revendications faisant l'objet de la demande ne paraissent pas

s'intéresser dans cette interdiction et, la loi étant ce

qu'elle est aujourd'hui, il faudrait, au moins à ce stade de

notre jugement, leur permettre de suivre leur cours. Comme la

 

   Divisional Court de la Queen's Bench Division l'a clairement

établi dans Swift's Application (1962) R.C.P. 37, le Bureau et

le Patents Appeal Tribunal ne tranchent pas à ce stade la

question de la "brevetabilité effective", selon l'expression

utilisée en cette affaire-là, et sauf s'il y a, sans aucun

doute raisonnable, absence de revendication d'un mode de

fabrication ou si la demande est manifestement injustifiable,

ils ont le devoir de faire droit à la revendication. Les

demandeurs auront ensuite L'occasion en temps et lieu, le cas

échéant, de faire trancher par la High Court la question de la

"brevetabilité effective". (J'ai mis des mots en italique)

 

M. Manson a considéré que la partie soulignée dans Schering était un

commentaire incident du juge Pigeon plutôt qu'une déclaration se rapportant aux

faits. Nous ne partageons pas entièrement cette opinion. Nous considérons que

l'accent mis sur la déclaration est conforme à la conclusion du juge Pigeon en

page 119 selon laquelle les méthodes de traitement médical ne sont pas visées

par l'article 2. De plus, nous croyons que d'autres points dans l'affaire

Schering se rapportent à la question dont nous sommes saisis. D'une part, le

tribunal d'appel en Grande-Bretagne a conclu "... qu'en vertu de la présente

Loi il faille exclure les brevets couvrant un traitement médical su sens

strict". D'autre part, ni l'Appeal Tribunal ni le Patent Office du Royaume

Uni n'ont déterminé "la brevetabilité effective". I1 est dit que la High Court

décide de telles questions. Si l'on compare ces observations dans Schering à

l'orientation donnée par le juge Judson ((1964) R.C.S.), on s'aperçoit que les

fonctions du Commissiare consistent à examiner une demande et à déterminer si

l'on doit concéder un brevet. Lorsque l'objet se rapporte à un traitement

médical, nous croyons qu'en soulignant la partie de la décision Schering, le

juge Pigeon indique qu'un traitement médical n'est pas brevetable.

 

De plus, nous sommes persuadés que le renvoi du juge Pigeon à la partie

soulignée est plus qu'une affirmation incidente, d'autant plus qu'elle n'était

pas mise en lumière à la page 345 comme l'a fait le juge Pigeon.

 

Nous ne voyons nulle part dans les remarques faites par le juge Pigeon dans

Tennessee Eastman, supra, que les conclusions de la Cour de l'Echiquier, 8

C.P.R. (2) 202, devraient être négligées, et nous nous reportons au

raisonnement du juge Kerr dans le passage suivant:

 

   La méthode fait essentiellement partie du domaine professionnel

du traitement chirurgical et médical du corps humain, même si à

l'occasion elle peut être appliquée par des gens qui n'oeuvrent

pas dans ce domaine. En conséquence, je conclus que, dans

l'état actuel de la Loi sur les brevets du Canada et de

l'étendue de ce qui est sujet à un brevet, comme l'indique la

jurisprudence que j'ai citée et qui fait autorité, la méthode ne

constitue pas une réalisation, un procédé su perfectionnement

d'une réalisation ou d'un procédé au sens du paragraphe d) de

l'article 2 de la Loi sur les brevets. (Le soulignement est de

nous).

 

Même si l'on présume que la méthode du demandeur pourrait être exécutée par une

autre personne qu'un médecin, nous sommes d'avis que d'après l'orientation

donnée par le juge Kerr, une méthode qui appartient au domaine professionnel du

traitement médical n'est pas brevetable en vertu de l'article 2.

 

Dans Schlumbergr Canada Ltd. v. The Commissioner of Patents (1981) 56 C.P.R.

204, l'article 2 de la Loi a été étudié lors de l'examen d'un programme

informatique, et le juge Pratte s'est exprimé en ces termes:

 

   En ce qui concerne les opérations et processus mentaux, il est

manifeste qu'ils n'ont rien à voir avec les procédés dont fait

état la définition d'invention à l'article 2.

 

Les affaires précédentes devant l.es tribunaux canadiens ont indiqué qu'il faut

donner un sens restrictif au libellé de l'article 2. Elles font également

jurisprudence et nous croyons qu'elles fournissent suffisamment de motifs, en

droit, pour satisfaire aux exigences de l'affaire Monsanto, supra, sur laquelle

s'appuie M. Manson.

 

Dans chacune des revendications rejetées, la première étape consiste à

introduire un instrument à travers le tissu cutané et à l'intérieur

d'une veine. Dans la description des types de thérapie par liquide

IV, notre attention est attirée sur le rôle du médecin qui, dans

chaque type de thérapie, choisit la veine, par exemple, veine

céphalique, sous-claviaire, jugulaire interne, jugulaire externe,

basilique ou cubitale médiane. Un anesthésique local est injecté

autour de la région touchée et la région est préparée

chirurgicalement. Notre attention est attirée dais le premier exemple

sur l'importance de la seringue et de l'aiguille pour empêcher que de

l'air ne passe dans le liquide, et sur le manchon entourant l'aiguille

afin d'offrir au cathéter un passage vers la veine. Encore une fois,

dans le deuxième exemple, la seringue est très importante car elle est

utilisée pour aspirer l'air et prévenir l'aéroembolisme qui se produit

lorsqu'un cathéter est placé dans une veine sans être rempli de

liquide IV. D'après nous, la description de ce procédé en elle-même

représente des étapes exécutées au cours d'un traitement médical. De

plus, la compétence nécessaire pour déterminer l'avancement du

cathéter à l'intérieur d'une veine jusqu'à l'endroit désiré, par

exemple, dans la veine cave supérieure, en utilisant la substance

radio-opaque et l'appareil de radiographie, nous persuade facilement

qu'il s'agit d'un niveau de compétence professionnel équivalant à

celui qui est exercé dans les traitements médicaux et chirurgicaux.

Notre opinion est renforcée si l'on songe aux nombreuses personnes

différentes présentant différents états physiologiques qui doivent

être évalués avant et pendant le placement du cathéter.

 

Pour accepter l'opinion du demandeur selon laquelle il ne s'agit que

d'étapes mécaniques, nous devrions considérer, par exemple, que pour

assurer l'écoulement du liquide d'un point à l'autre, faire passer un

cathéter dans une veine au moyen d'une tige, équivaut à faire passer

un boyau par un tuyau sous la chaussée; comparaison insoutenable

d'après nous. En outre, nous sommes informés qu'un tube doit être

enfilé sous la peau dans le corps d'une personne, et que les incisions

doivent être finalement fermées. Nous estimons que le niveau de

compétence exigé par la méthode du demandeur est du domaine des

compétences professionnelles d'un médecin exécutant des étapes

médicales ou chirurgicales dans le traitement d'un corps humain. Il

se peut fort bien que certaines des étapes figurant dans quelques-unes

des revendications rejetées peuvent en elles-mêmes être considérées

comme des étapes mécaniques, particulièrement pour des médecins;

toutefois, compte tenu de l'objet global, nous sommes convaincus que

le niveau de compétence nécessaire pour réaliser le type de thérapie

IV du demandeur correspond au savoir-faire que l'on retrouve dans le

domaine du traitement médical. Nous jugeons que les revendications 1

à 28 ne sont pas brevetables. Les revendications contiennent vraiment

des étapes de traitement médical portant sur l'incision d'un corps,

l'introduction d'un cathéter et le traitement clinique d'un corps, y

compris l'alimentation, alors que dans re Application 880 719, aucune

étape de traitement médical n'a été décelée.

 

Les décisions dans les affaires consultés su cours de notre examen de

l'objet du demandeur montrent une évolution importante de la

définition de l'invention brevetable en vertu de la loi canadienne sur

les brevets, et elles déterminent les décisions que doit prendre le

Commissaire selon les interprétations données par les tribunux

canadiens. Notre examen a montré les différences entre l'application

pratique de la définition d'une invention brevetable et la façon dont

la brevetabilité est déterminée au Royaume-Uni.

 

En résumé, nous estimons que les revendications de méthode du

demandeur décrivent un objet qui appartient au domaine professionnel

du traitement chirurgical et médical et qui exige la compétence

professionnelle d'un médecin lorsqu'il traite un corps humain. Nous

nous inspirons de la jurisprudence invoquée aux présentes. Nous

sommes convaincus que l'objet des revendications de méthode 1 à 28 de

la présente demande n'est pas brevetable au sens de la définition de

l'article 2 de la Loi sur les brevets, compte tenu de la

jurisprudence.

 

Nous recommandons que les revendications 1 à 28 soient rejetées pour

ne pas entrer dans la définition d'invention figurant à l'article 2.

 

M.G. Brown                          S.D. Kot

Président intérimaire                     Membre

Commission d'appel des brevets

 

Je souscris aux conclusions et aux recommandations de la Commission

d'appel des brevets. Par conséquent, je refuse de délivrer un brevet

contenant les revendications 1 à 28 de la présente demande. Le

demandeur a six mois pour en appeler de ma décision en vertu de

l'article 44 de la Loi sur les brevets.

 

J.H.A. Gariépy

Commissaire des brevets

 

Fait à Hull (Québec),

le 13 août 1986.

 

Smart & Biggar

B.P. 2 999, succursale D

Ottawa (Ontario)

K1P 5Y6

 

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