DECISION DU COMMISSAIRE
ÉVIDENCE : Plaque d'assemblage
Une demande de brevet pour une plaque d'assemblage permettant de construire un dô-
me a été rejetée en raison de deux brevets antérieurs. Les revendications portant
sur des parois inclinées agissant comme des butées pour maintenir l'élément d'os-
sature dans la bonne position angulaire par rapport à la plaque ont été considé-
rées acceptables, les autres revendications ont été refusées. Décision définiti-
ve : modifiée.
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La demande de brevet n o 394 837 a été déposée le 25 janvier 1982 pour une inven-
tion nommée Junction Plate. L'inventeur est M. David O. Hamel, membre de la firme
East-West Design Inc. Le 7 décembre 1983, l'examinateur de la demande a pris la
décision définitive de refuser le brevet. Une audience a été tenue le 17 avril -
1985. Le demandeur y était représenté par son agent de brevet, M. Joan VanZant,
et par M. Ulrich Sieloff, un associé de l'inventeur.
L'objet de la demande est une plaque d'assemblage pour la construction de dômes et
constitué d'une plaque métallique circulaire emboutie en une seule opération. Les
figures 1 et 3 ci-dessous illustrent l'invention.
<IMGS>
Plusieurs cannelures (7) ayant des parois inclinées (10,11) sont dimensionnées de
façon à serrer fermement les éléments d'ossature (4) lorsque le boulon (5) est
serré.
Dans la décision définitive, l'examinateur a rejeté la demande en considération
des brevets suivants:
États-Unis : 3 270 478 6 septembre 1966 Attwood
3 844 664 29 octobre 1974 Hogan
Le brevet Hogan porte sur une plaque d'assemblage pour une "structure icosaèdre".
Il s'agit d'une plaque circulaire, flexible et plate comportant une ouverture de
forme triangulaire et 5 sections identiques rayonnant à partir du centre de la
plaque. Les figures 1 et 4 ci-dessous illustrent cette invention.
<IMGS>
L'ouverture de forme triangulaire 9 et la flexibilité de la plaque permettent aux
sections percées des trous 14 et 13 de se déplacer jusqu'à ce que ces trous s'ali-
gnent (figure 4). Chacune des sections (3 à 7) comporte une gorge entourée d'une
arête sur 3 côtés (10) servant à loger les éléments d'ossature qui y sont mainte-
nus par des boulons passant par les trous dans chaque creux.
Le brevet Attwood décrit une plaque d'assemblage permettant de fixer des éléments
d'ossature pour la construction de bâtiments. Cette plaque est illustrée à la fi-
gure 7.
<IMG>
Des saillies circulaires forgées (25F, 25G) pénètrent dans des creux pratiqués
dans les éléments d'ossature métallique, qui sont fixés en place par un boulon en
passant par le trou 25D.
La décision définitive se lisait comme suit (en partie):
...
Le dispositif faisant l'objet de la demande ne peut être breveté en raison
des brevets Hogan et Attwood. La seule différence entre le dispositif fai-
sant l'objet de la demande et le dispositif de Hogan consiste en la manière
dont les cannelures sont faites. Hogan fabrique ses cannelures en ajoutant
une gorge entourée de trois arêtes où sont installés et fixés les éléments
d'ossature. De son côté, le demandeur obtient ses cannelures par emboutis-
sage direct de la plaque de métal. Il y a là une différence, mais elle
n'est pas brevetable. L'état actuel de la technique d'emboutissage des mé-
taux peut enseigner comment emboutir un tel dispositif. De toute façon, le
dispositif inventé par Attwood comporte une structure similaire obtenue
dans une plaque légèrement différente.
Les arguments du demandeur en ce qui concerne l'applicabilité de l'inven-
tion Hogan ne sont pas convaincants. Nous admettons que le dispositif de
Hogan n'est pas aussi résistant que la plaque du demandeur, mais il ne
s'agit là que d'un choix. De plus, l'emboutissage de la plaque dans la
forme désirée telle que le demandeur le propose par opposition à la présen-
ce de traits le long desquels la plaque peut être pliée facilement n'est
également que question de choix. La présence d'un ou de deux trous de
fixation n'est pas pertinente et ne constitue pas une différence brevet-
able.
Par ailleurs, le demandeur souligne que les parois des cannelures du dispo-
sitif Hogan ne sont pas aussi élevées que les siennes. Cela n'est encore
que question de choix. Les parois de cannelure du dispositif Hogan contri-
buent avec les boulons à fixer efficacement les éléments d'ossature et la
plaque dans l'angle désiré. Dans un cas comme dans l'autre, tout mouvement
latéral est évidemment empêché par les boulons. Quoiqu'il en soit, le dis-
positif Attwood comporte des parois latérales très élevées qui agissent de
façon assez similaires aux parois latérales du dispositif du demandeur. Le
demandeur soutient que les parois de cannelure de la plaque Attwood ne peu-
vent être efficaces parce qu'elles sont trop divergeantes; par contre, il
revendique ensuite une réalisation du fait que les parois latérales de ses
propres cannelures divergent et créent présumément l'effet décrit au bas de
la page 3 de sa lettre du 31 octobre 1983. Nous convenons que le disposi-
tif Attwood est plus compliqué et plus résistant que celui du demandeur,
mais l'enseignement du brevet Attwood est clair : il décrit une plaque com-
portant plusieurs cannelures devant recevoir des éléments d'ossature et
comportant des parois latérales divergeantes. L'angle de divergence est
hors de propos et est simplement question de choix.
En résumé, nous croyons qu'au moment où le demandeur en est arrivé à son
dispositif, l'état de la technique était tel qu'aucune invention n'était
nécessaire. L'emboutissage permet de donner à une tôle les formes les plus
inimaginables et l'utilisation de cette méthode de fabrication est simple-
ment non brevetable compte tenu des méthodes utilisées par Hogan, en parti-
culier si l'on tient compte du brevet Attwood. Ajouter des petits détails
sans importance â une technique existante n'est pas suffisante pour justi-
fier un brevet.
En réponse à la décision définitive, le demandeur a présenté des modifications à
trois pages de l'exposé de l'invention et à trois pages des revendications. Cette
réponse se lisait comme suit (en partie) :
...
La nouvelle revendication n o 1 décrit maintenant une âme de forme générale-
ment triangulaire comprise entre les arêtes supérieures des parois latéra-
les de cannelures voisines et dont le sommet se trouve au coin de la partie
centrale de forme polygonale. Du point de vue du demandeur, il est clair
que le dispositif Hogan n'a pas de structure correspondante puisqu'il n'in-
corpore pas de partie centrale de forme polygonale. Le dispositif Attwood
ne comprend pas de formes triangulaires puisqu'il n'a pas non plus de par-
tie centrale polygonale. Cette caractéristique contribue donc à distinguer
l'invention en cause des dispositifs cités.
De plus, la revendication n o 1 modifiée mentionne que les âmes sont dispo-
sées à un angle oblique par rapport à l'axe de la plaque, qu'elles fixent
l'espacement angulaire des cannelures et qu'elles donnent à la plaque une
structure rigide et relativement continue. On ne peut considérer que la
plaque Attwood, avec ses parties 25C pointant vers l'extérieur, offre les
mêmes caractéristiques puisque ces parties ne sont pas positionnées selon
un angle oblique, mais se trouvent plutôt dans un même plan.
Pour la décrire généralement, la structure de l'invention en cause est une
plaque d'assemblage unique emboutie dans un disque métallique. Il semble-
rait que le dispositif Attwood est obtenu par moulage ou par un autre pro-
cédé. A en juger par l'épaisseur de la plaque, il ne semble pas qu'elle
soit emboutie.
La nouvelle revendication n o 13 est semblable sous de nombreux aspects à la
revendication n o 8 que l'examinateur avait initialement identifiée comme
contenant un objet acceptable. Cette revendication mentionne également
qu'un trou est percé dans chacune des cannelures pour recevoir un boulon de
fixation permettant de fixer l'extrémité d'un des éléments d'ossature dans
la cannelure. La nouvelle revendication n o 13 mentionne également une âme
comprise entre les troisièmes traits de pliage de cannelures voisines,
fixant l'espacement angulaire des cannelures et donnant à la plaque une
structure rigide et essentiellement continue. En clair, le brevet Hogan ne
décrit ni ne suggère les lignes de pliage mentionnées dans la nouvelle re-
vendication n o 13. De plus, le brevet Attwood n'incorpore pas la combinai-
son des lignes de pliage mentionnée dans cette même revendication.
Aucun changement n'a été apporté aux autres revendications de la demande.
Afin de fournir une autre preuve de la brevetabilité de l'invention, nous
aimerions attirer l'attention de l'examinateur sur un autre élément.
L'examinateur est déjà au courant de l'infraction commise dans une annonce
publicitaire parue dans le magazine "Bricolage" et visant à vendre une
plaque de structure identique à celle couverte par les revendications de la
présente demande.
Ajoutons à tout cela plusieurs cas où des tiers ont commercialisé aux
États-Unis des plaques d'assemblage presque identiques après le lancement
de la présente invention. Un de ces cas est identifié dans un affidavit
déposé relativement à une demande correspondante aux États-Unis, à l'appui
d'une "petition to make special". L'examinateur trouvera ci-joint une co-
pie de cet affidavit. Par ailleurs, la plaque d'assemblage décrite dans la
présente demande a également reçu le prix d'innovation lors du National Ho-
me Improvement Congress and Exposition. Vous trouverez ci-joint une photo-
copie d'un affidavit signé par M. David O. Hamel, l'inventeur, relativement
à ce prix.
...
La tâche de la Commission consiste à déterminer si la plaque telle que décrite
dans les revendications modifiées constitue une amélioration brevetable de la
technique. La revendication n o 1 rejetée se lisait comme suit :
Une plaque d'assemblage permettant de fixer plusieurs éléments pour former
une structure et comprenant :
une plaque concave de forme généralement tronconique correspondant généra-
lement à la forme des points d'assemblage de la structure;
plusieurs cannelures formées dans la plaque et orientées de façon à se pro-
longer radialement à partir du centre de celle-ci, chacune des cannelures
est percée d'un trou devant recevoir un boulon de fixation pour fixer l'ex-
trémité d'un des éléments d'ossature dans la cannelure;
une paire de parois latérales définissant les côtés de chacune des cannelu-
res, ces parois étant espacées d'une distance correspondant à la largeur de
l'élément devant être inséré dans la cannelure étant d'une hauteur suffi-
sante pour que les parois latérales de la cannelure contribuent avec le
boulon de fixation à maintenir efficacement la position angulaire relative
de l'élément et de la plaque; et
des âmes comprises entre les arêtes supérieures des parois latérales de
chaque paire de cannelures voisines et pouvant maintenir l'espacement angu-
laire des cannelures et donner à la plaque une structure rigide et essen-
tiellement continue.
Lors de l'audience, MM. J. Van Zant et U. Sieloff ont souligné de nombreuses dif-
férences entre les plaques du demandeur et de Hogan. Ils ont insisté sur le fait
que la plaque déposée par Hogan était conçue pour des structures de dimensions ré-
duites, principalement pour des expositions. Ils n'étaient faits que de matériaux
flexibles et légers. Ils ont ajouté qu'aucune utilisation commerciale n'avait ré-
sulté de ce brevet et qu'à leur avis, il ne s'agissait que d'un brevet sur pa-
pier. Ils ont soutenu que le dispositif Hogan ne permettait pas de réaliser une
structure aussi stable que celle obtenue grâce à la plaque rigide du demandeur.
Ils ont également fait remarquer que la plaque du brevet Hogan avait la forme d'un
cône plutôt que la forme tronconique avec partie centrale ayant une forme généra-
lement polygonale et se trouvant dans un plan perpendiculaire à l'axe de la pla-
que. De plus, ils ont soutenu que les trois arêtes entourant les cannelures sur
la plaque de Hogan ne faisaient que définir le logement de l'élément d'ossature
plutôt que de le maintenir dans la position désirée comme c'est le cas des surfa-
ces inclinées des parois latérales des cannelures de la plaque du demandeur.
La plaque d'assemblage d'Attwood comporte quatre surfaces de siège inclinées avec
des saillies circulaires permettant un blocage sur des éléments métalliques. Un
gousset incliné est prévu de part et d'autre de chaque siège. Ce siège est percé
d'une ouverture devant recevoir un boulon pour fixer l'élément d'ossature au siè-
ge. L'examinateur considère que le gousset incliné agit de la même façon que les
parois latérales inclinées du demandeur pour positionner l'élément d'ossature dans
le siège incliné.
Monsieur Sieloff a décrit le développement de la plaque par le demandeur. Avant
que le demandeur ne dévulgue sa plaque, il n'y avait aucune vente commerciale de
ce type d'articles. Il a soutenu que cette plaque d'assemblage a fait de la tech-
nologie des dômes, qui végétait depuis un certain temps, la méthode de construc-
tion la plus à la mode chez les bricoleurs qui veulent aménager leur arrière-
cour. Au cours de la première année d'exploitation de son arrière-cour, M.
Sieloff a vendu pour 50 000 $ de ces plaques. Sans publicité, ces ventes ont at-
teint un demi-million de dollars l'année suivante. De plus, à la fin de cette se-
conde année, onze compagnies avaient copié la plaque du demandeur, dont cinq dans
des pays autres que les États-Unis.
Selon M. Sieloff, le demandeur a conçu sa plaque pour qu'elle soit utilisée avec
des éléments de 2" X 4" (ou de 2" X 2"). En raison des variations dans le bois de
2" X 4" vendu dans tout le pays, le demandeur a choisi une largeur de cannelure
d'environ 1.5 pouce et a utilisé une paroi inclinée à l'intérieur de certaines
limites angulaires de chaque côté de la cannelure de façon que n'importe quel
2" X 4" vendu dans le pays puisse être maintenu fermement par l'action de serrage
des parois sur les côtés de l'élément à mesure que celui-ci est tiré dans son
siège par le boulon qui le traverse ainsi que la plaque.
Il peut sembler évident de prendre l'enseignement du brevet Hogan ainsi que l'âme
inclinée du brevet Attwood pour en arriver à la plaque du demandeur et nous pou-
vons comprendre de quelle façon l'examinateur a pu en arriver à cette conclusion.
Quoiqu'il en soit, les revendications faites lors de l'audience suivant la déci-
sion définitive de l'examinateur nous ont convaincus qu'il en est autrement. Con-
sidérant l'action combinée des parois latérales inclinées et du boulon, le succès
commercial de la plaque et les copies qui en ont rapidement été faites, la Commis-
sion constate que le demandeur a fait preuve d'ingéniosité et d'esprit inventif
pour en arriver à son dispositif.
L'importance des parois latérales inclinées pour serrer l'élément d'ossature a été
soulignée par M. Sieloff lors de l'audience. Non seulement ces parois peuvent-el-
les recevoir les éléments de 2 pouces avec toutes les variantes dimensionnelles
qu'on rencontre en Amérique du Nord, mais aussi empêchent-elle toute torsion due
aux latérales de compression sur la partie de l'élément qui est appuyée dans la
cannelure lorsque le boulon de fixation est serré. Nous croyons que cette carac-
térisque doit être répétée dans toute revendication visant à distinguer le dispo-
sitif faisant l'objet de la demande de toute autre plaque ayant des formes géomé-
triques semblables à ce dernier.
Nous notons que les revendications n os 2, 11 et 12 rejetées font état des parois
latérales inclinées qui maintiennent l'élément d'ossature dans sa position angu-
laire appropriée par rapport à la plaque et nous les considérons acceptables par
rapport à l'état antérieur de la technique. Nous recommandons donc le retrait du
rejet de ces revendications. Les autres revendications, c'est-à-dire les revendi-
cations n os 1, 3, 4 à 10 et 13, décrivent des caractéristiques qui ne peuvent être
considérées comme des différences brevetables par rapport à l'état antérieur de la
technique. Cela s'applique également aux revendications modifiées présentées en
réponse à la décision définitive.
En résumé, nous recommandons que le rejet des revendications n os 2, 11 et 12
soient retirées et que le refus des autres revendications soit confirmé.
M.G. Brown S.D. Kot
Président intérimaire Membre
Commission d'appel des brevets
J'approuve les conclusions et recommandations de la Commission d'appel des
brevets. Je retire donc le rejet des revendications n os 2, 11 et 12, mais je
refuse de délivrer un brevet pour les revendications n os 1, 3, 4 à 10 et 13 de
cette demande. Le demandeur a six mois pour appeler de la présente décision aux
termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
J.H.A. Gariépy
Commissaire des brevets Mandataire du demandeur
Scott & Aylen
170, avenue Laurier ouest
Signé et daté à Hull, province de Québec Ottawa (Ont.)
ce 11e jour de décembre 1985 K1P 5V5