DECISION DU COMMISSAIRE
Articles 2. et 28. (3) de la Loi, évidence : EXPLORATION SISMIQUE
La division des largeurs de bandes de fréquences provenant d'ondes porteuses
en vue d'améliorer le rapport signal/bruit constitue un objet d'invention
brevetable aux termes des dispositions des articles 2. et 28. (3) de la
Loi sur les brevets. Les revendications de la présente demande comportent
des caractéristiques inventives différentes de celles des antériorités citées.
La décision de rejet est annulée.
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La demande de brevet 305,977 (classe 349-16), déposée le 22 juin 1978, s'in-
titule : "METHODE D'EXPLORATION SISMIQUE". Les inventeurs, Pierre Gros,
Jean Millouet et Philippe Staron, ont cédé leurs droits à la Société
Nationale Elf Aquitaine (Production). L'examinateur responsable de l'étude
de la demande a rendu une décision finale de rejet le 3 décembre 1982.
La Commission d'appel des brevets qui a examiné la décision de rejet a tenu
une audience le 31 octobre 1983, à laquelle le demandeur était représenté
par l'agent de brevets, M. Sher, aidé de l'agent de brevets francophone,
D. Lévy et de l'inventeur, P. Staron.
La présente demande relève du domaine de l'exploration sismique et porte
plus particulièrement sur l'émission dans la formation explorée d'ondes
sonores vibratoires qui sont divisées en diverses bandes de fréquences con-
sécutives, chacune ayant une largeur de bande différente. Les signaux réfléchis
provenant des couches souterraines de la formation sont traités de façon
à produire des sismogrammes finals.
Dans sa décision finale, l'examinateur rejette la demande parce qu'elle
ne vise pas, selon lui, un objet brevetable au sens articles 2. et 28. (3)
de la Loi sur les brevets. Il cite également, à titre d'antériorité, le
brevet américain 3,929,144 délivré le 13 décembre 1966 à Lee et al. Au
moment où il a rendu sa première décision, le 6 janvier 1982, et a rejeté
les revendications de la présente pour des raisons d'évidence, l'examinateur
a cité le brevet Lee et al., en plus d'un autre brevet, sans toutefois préciser
la raison pour laquelle le brevet Lee et al. était cité. En rendant sa
décision finale, l'examinateur a souligné que le brevet Lee et al. constituait
une antériorité au sujet de laquelle on avait présenté une nouvelle demande.
La Commission doit donc décider si la demande vise un objet d'invention
brevetable aux termes des articles 2. et 28. (3) de la Loi et si les revendications
peuvent donner lieu à la délivrance d'un brevet compte tenu des antériorités
citées. La revendication 1 se lit comme suit :
(TRADUCTION)
Une méthode d'exploration sismique d'un milieu comportant les étapes
suivantes :
a) la détermination du spectre de fréquences qu'il faut transmettre
au milieu à explorer, suivant certaines caractéristiques dudit milieu,
b) la division dudit spectre de fréquences en diverses bandes de
largeur différente les unes par rapport aux autres, mais se suivant
sans interruption,
c) la transmission vers le milieu, par l'intermédiaire d'au moins
une source émettrice et à partir d'au moins un point d'émission, de
signaux acoustiques vibratoires de longue durée émis les uns après
les autres et ayant chacun un contenu fréquentiel qui correspond à
celui de l'une des bandes de fréquences,
d) la réception, dans au moins un récepteur, des signaux provenant
desdits points d'émission et réfléchis par les réflecteurs du milieu
à explorer,
e) la formation d'un signal traité pour chacune des bandes de
fréquences en traitant le signal reçu correspondant à ladite bande
de fréquence au moyen d'une référence du signal émis,
f) la production d'un sismogramme final à partir desdits signaux
traités pour lesquels on obtient, pour chacune desdites bandes de fréquences,
un rapport signal/bruit amélioré, ce qui permet également d'améliorer
le rapport signal/bruit du sismogramme.
Au cours de l'audience, M. Sher a souligné que, grâce à la méthode d'exploration
sismique préconisée par le demandeur, les ondes sonores sont divisées en
diverses largeurs de bandes de fréquences, chacune ayant une largeur de
bande différente. Il a fait état de diagrammes démontrant que les différentes
largeurs de bandes se propagent dans la formation les unes après les autres,
sans jamais se chevaucher. Il a ajouté, toujours en se fondant sur les
diagrammes, que chaque largeur de bande était transmise et reçue séparément.
Il a mentionné qu'on combinait par la suite les résultats obtenus après
chacune des réceptions. M. Staron a expliqué qu'en envoyant diverses bandes
de largeur différente, on obtient un renforcement des fréquences qui doivent
être absorbées par les différentes couches du sol à explorer, ce qui donne
lieu à une amélioration des résultats obtenus, comme le décrit la présente
demande. M. Sher a précisé que la revendication expose les diverses étapes
permettant de diviser une onde en différentes largeurs de bande et de les
transmettre séparément; il a ajouté que la présente demande renferme des
éléments différents de ceux que contient l'affaire Schlumberger c. le commissaire
des brevets (1981), 56 C.P.R. 204 et que la demande porte sur un objet brevetable
aux termes des articles 2. et 28. (3) de la Loi sur les brevets.
En ce qui a trait au caractère brevetable de l'objet d'invention, il convient
d'abord de mentionner la décision rendue par le juge Pratt relativement
à l'affaire Schlumberger mentionnée ci-haut :
(TRADUCTION)
Dans la démarche visant à déterminer si la demande divulgue une invention
brevetable, il faut d'abord établir, à partir de la demande, ce qui
a été découvert.
et
(TRADUCTION)
Je suis d'avis que le fait d'utiliser ou d'avoir à utiliser un ordinateur
pour mettre en oeuvre une découverte ne modifie en rien la nature de
cette découverte.
D'après l'exposé de l'invention, ce que le demandeur a découvert, c'est
qu'en envoyant dans certaines couches géologiques des signaux qui ont été
divisés en diverses largeurs de bandes, on peut produire des sismogrammes
dont le rapport signal/bruit est amélioré.
Dans sa décision finale, l'examinateur en arrive à la conclusion que la
découverte revendiquée par le demandeur ne porte nullement sur un objet
d'invention brevetable. Il déclare (notamment) :
(TRADUCTION)
...
Si la simple utilisation d'ondes porteuses différentes dans le but
d'en arriver à un résultat nouveau devait constituer un objet
d'invention donnant droit à la délivrance d'un brevet, s'offriraient
alors au domaine des brevets des horizons infinis - on pourrait
peut-être compter dans ce cas autant de brevets qu'il existe d'ondes
porteuses différentes.
...
La Commission est d'avis cependant que la présente demande ne décrit pas
simplement l'utilisation d'ondes porteuses différentes de celles qu'on emploie
couramment. Dans le présent cas, les diverses largeurs de bandes de fréquences
des ondes porteuses produisent un sismogramme final dont le rapport signal/bruit
est nouveau et amélioré. Cela donne, selon nous, à la méthode d'exploration
sismique décrite ici des avantages certains. La présente demande ne décrit
pas simplement, comme dans le cas de l'affaire Schlumberger, une méthode
informatique permettant de manipuler des données analytiques; elle ne consiste
pas non plus en un simple théorème mathématique. Nous estimons par conséquent
que l'objet d'invention de la présente demande qui vise à améliorer les
méthodes d'exploration sismique, ces méthodes étant elles-mêmes brevetables,
devrait pouvoir donner lieu à l'octroi d'un brevet en vertu des articles 2.
et 28. (3) de la Loi sur les brevets.
Voyons maintenant si les revendications visent un objet d'invention brevetable,
compte tenu des antériorités citées. Le brevet Lee et al. décrit un mode
de réduction des résidus provenant d'une corrélation. Les auteurs de ce
brevet divisent les signaux reçus en bandes de fréquences et règlent leur
amplitude relative. On procède à la corrélation en utilisant les signaux
reçus réglés. Selon nous, le brevet. Lee et al. ne porte pas sur la division
des bandes de fréquences décrites dans la présente demande, étant donné
que les bandes de fréquences dont traite le brevet cité sont toutes de
même largeur. On trouve à la page 9 de la divulgation originale anglaise
de la présente demande la façon exacte de déterminer les bandes de fréquences.
I1 faut, pour ce faire, tenir compte des données recueillies lors d'études
antérieures. Ce concept de division des fréquences constitue la principale
caractéristique de l'invention revendiquée ici, ce que le demandeur a soutenu
dans sa réponse écrite et soulevé au cours de l'audience.
Nous sommes d'avis en outre que le brevet Lee et al. décrit un mode d'exploration
sismique courant faisant intervenir des ondes de fréquences de balayage,
et pour lequel les données recueillies sont de nature courante. Dans le
cas du brevet cité, les données sont normalisées en fonction des caractéristiques
du milieu exploré, ces caractéristiques étant déterminées par des études
antérieures. Pour ce qui est de la présente demande, les largeurs de bandes
des signaux qui doivent être envoyés dans le milieu à explorer sont modifiées
en fonction des caractéristiques du milieu déterminées au préalable. Ainsi
les données provenant des récepteurs sont-elles améliorées.
Nous sommes convaincus de l'importance de ces différences qui ne sont pas
évidentes compte tenu des antériorités citées.
En examinant les revendications au dossier, nous nous sommes aperçus qu'au
cours de l'audience l'examinateur avait convenu que les revendications 8,
22 et 37 étaient recevables. Après avoir étudié attentivement la présente
demande, de même que les antériorités citées et les arguments présentés,
nous sommes d'avis que toutes les revendications au dossier définissent
clairement la découverte du demandeur. Nous estimons également qu'elles
comportent un caractère inventif, eu égard au brevet cité et qu'elles sont
par conséquent recevables.
Nous sommes donc convaincus que la présente demande porte sur un objet d'invention
brevetable aux termes des dispositions des articles 2. et 28. (3) de la
Loi sur les brevets et que les revendications ne doivent pas faire l'objet
d'un rejet fondé sur les antériorités citées.
La Commission recommande l'annulation du rejet de la demande fondé sur le
fait qu'elle ne comporte aucun caractère inventif et qu'elle ne vise pas
un objet d'invention brevetable aux termes des articles 2. et 28. (3) de
la Loi. La Commission recommande également que la présente demande soit
renvoyée à l'examinateur pour qu'il y donne suite.
Le Président, Le Président adjoint,
A. McDonough M.G. Brown S.D. Kot
Commission d'appel des brevets Membre
Je suis d'accord avec les conclusions et la recommandation de la Commission d'appel
des brevets. La décision finale est donc annulée et la présente demande est
renvoyée à l'examinateur pour qu'il y donne suite conformément à la recommandation
de la Commission.
Le Commissaire des brevets,
J.H.A. Gariépy
Hull (Qc)
29 août 1984
Agent du demandeur
Swabey, Mitchell, Houle, Marcoux et Sher
1001, boul. de Maisonneuve ouest
Pièce 800
Montréal (Qc)
H3A 3C8