DÉCISION DU COMMISSAIRE
Article 2 : repérage et commande du stockage segmenté
La méthode de stockage, d'indexage et d'extraction de textes traités par des
machines de traitement de textes comme les imprimantes, dont l'agencement des
éléments écourte le temps d'accès à ces textes et réduit l'usure des pièces
électromagnétiques, contrairement aux résultats qu'offrent les systèmes
courants, est conforme aux dispositions de l'article 2.
Décision finale : annulée
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La présente demande n o 291 920 (classe 354-237), déposée le 29 novembre 1977,
vise une invention intitulée : REPERAGE ET COMMANDE DU STOCKAGE SEGMENTE.
L'inventeur, Gavin L. Douglas, a cédé ses droits à la International Business
Machines Corporation. L'examinateur chargé de l'étude de la demande a pris une
décision finale le 25 février 1981 dans laquelle il refuse que les démarches
en vue de l'obtention d'un brevet soient poursuivies.
La présente demande vise une méthode de stockage, d'indexage et d'extraction
de textes traités par des machines de traitement de textes comme les
imprimantes.
La figure 1 est reproduite ci-dessous.
<IMG>
Le processeur (1) transmet les signaux de commande par l'intermédiaire du
circuit (6) au dispositif de stockage en série segmenté (9) qui retransmet une
information d'interruption ainsi qu'une information d'état à l'aide des circuits
(7) et (8) au processeur (1). La mémoire vive (21) présente un texte stocké
pour fins de composition et de révision et sert de mémoire tampon lorsqu'il
s'agit de transférer les données au dispositif de stockage (9). Le contrôleur
de la mémoire vive (18) commande l'accès à la mémoire (21) à l'aide du circuit
(17), du bus de données (19) et du bus d'adresse (20). Grâce su contrôleur
de la mémoire à accès direct (13), le transfert des données se fait directement
entre le dispositif de stockage (9) et la mémoire (21), sans avoir à faire
intervenir le processeur (1).
Dans sa décision finale, l'examinateur rejette les revendications parce qu'elles
ne sont pas conformes à l'article 2 de la Loi sur les brevets. Il déclare
(notamment) :
(TRADUCTION) Le demandeur affirme aux lignes 24 à 28 de la page 11
de sa demande (originale) que quiconque connaît la technique de
la programmation informatique peut en arriver à une réalisation
pratique des organigrammes divulgués. Il s'agit alors de
programmer un calculateur numérique universel en vue d'avoir
accès à un dispositif de stockage en série segmenté et de
repérer les segments utilisés de ce dispositif de la manière
décrite dans les revendications. Aucun appareil nouveau n'a été
divulgué explicitement en dépit de ce que nous apprend le passage
cité plus haut. Par conséquent, les revendications qui visent
un programme en établissent le droit de préemption, justifiant
ainsi la décision de rejet rendue aux termes de l'article 2 de
la Loi sur les brevets du fait qu'il s'agit d'une matière non
brevetable.
Dans sa lettre du 14 janvier 1981, le demandeur déclare au
dernier paragraphe de la page 1 que (traduction) "le Bureau
des brevets ne prévoit pas, dans le cadre de l'opinion énoncée
dans sa décision (page xxvi, première colonne), tenir compte
de toutes les revendications éventuelles qui feraient appel,
même de façon accessoire, à un ordinateur". Le demandeur soutient
dans le cas qui nous occupe que l'ordinateur n'est pas utilisé
de façon accessoire. Nous pouvons lire à la ligne 28 de la page 11
(de l'original) qu'un ordinateur universel peut être programmé
pour fonctionner (traduction) "selon les concepts de l'invention".
Par conséquent, l'ordinateur est au coeur de la réalisation décrite
à la page 11, lignes 24 à 28 (de l'original). La décision du
Commissaire publiée dans la Gazette des brevets le 1er août 1978
est donc pertinente, compte tenu des présentes revendications.
Le demandeur poursuit au premier paragraphe de la deuxième page
de cette même lettre en affirmant que (traduction) "les
revendications visent un objet d'invention brevetable parce qu'il
est conforme à l'article 2...". Des revendications visant un
objet d'invention brevetable présupposent qu'un objet d'invention
brevetable est divulgué. Le demandeur n'a divulgué que des
organigrammes plus ou moins détaillés qui, d'après le rapport
précédent, ne sont pas brevetables. Quel est donc alors l'objet
d'invention brevetable auquel fait référence le demandeur? Le
Commissaire stipule dans la décision citée plus haut que le progrès
technique brevetable doit se concrétiser dans l'appareil lui-même,
La réalisation décrite aux lignes 24 à 28 de la page 11 (de
l'original) correspond à un calculateur numérique universel; c'est
le programme qui constitue la nouveauté et non l'appareil, ce qui
nous amène à conclure que les revendications qui décrivent cette
réalisation visent donc un objet d'invention non brevetable.
Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur déclare (notamment) ;
***
(TRADUCTION) Comme le prévoit l'invention, un repère de système
indiquant le nombre de segments et de parties de segments de tous
les supports de stockage qui ont été utilisés, est enregistré
réellement sur le support de stockage lui-même. Plusieurs parties
de ce support sont réservées uniquement à cette fin. Après chaque
opération de stockage de textes sur un tel support de stockage,
les repères utilisés le plus souvent indiquant le nombre de segments
utilisés sur le support de stockage sont enregistrés réellement
sur l'une des parties seulement du support de stockage réservé
à cette fin.
Une caractéristique propre à la présente invention a trait à
l'opération concrète d'enregistrement des repères les plus
courants sur une partie réservée du support de stockage placé
le plus près du transducteur d'enregistrement et de lecture de
stockage qui vient tout juste d'enregistrer les données à stocker
sur le support de stockage. C'est cet aspect-là qui offre
l'avantage réel d'écourter le temps d'accès à la partie réservée
du support de stockage sur laquelle sont enregistrés les repères,
et qui permet également de prolonger la durée des pièces électro-
mécaniques d'accès.
En d'autres termes, la présente invention a trait au stockage
physique d'un repère du système mis à jour sur le support de
stockage chaque fois que ce dernier reçoit des données. Cette
opération représente une amélioration par rapport aux techniques
antérieures grâce auxquelles les modifications apportées au
texte traité étaient stockées seulement dans la mémoire vive de
l'ordinateur de traitement de texte et le repère sur le support
de stockage ou la bande n'était mis à jour que périodiquement
lors d'un transfert de la mémoire vive, à la fin d'une mise à
jour globale du texte.
Cette méthode comportait un risque : le repère mis à jour contenu
dans la mémoire vive pouvait être détruit par une panne de courant
par exemple, entraînant alors la perte d'une quantité importante
d'information.
Il va sans dire que la présente méthode qui supprime le risque
de perdre éventuellement les renseignements mémorisés consiste
en une opération concrète exclusive de transfert des repères
d'une mémoire vive à un support de stockage permanent, comme
une bande magnétique, après chaque modification apportée à un
texte. Il n'est fait aucunement allusion à un algorithme
mathématique ou à un programme informatique qui constituerait
le point central de l'invention; nous déclarons simplement que
toute personne qui connaît la technique relative au stockage de
textes et la méthode pour y avoir accès serait à même d'apprécier
l'amélioration divulguée. En outre, nous affirmons qu'un
spécialiste peut utiliser tous les renseignements fournis pour
mettre en pratique l'invention. L'examinateur n'a assurément
présenté aucune objection à cette dernière allégation pas plus
qu'il n'a semblé la juger insuffisante au point d'exiger des
affidavits ou d'autres formes de preuves.
***
Nous remarquons tout particulièrement que la Loi sur les brevets
autorise le Commissaire à exercer les pouvoirs et à remplir les
devoirs conférés et imposés en vertu des dispositions de ladite loi.
En vertu de l'article 42 de la Loi, le Commissaire peut rejeter
une demande s'il est convaincu que le demandeur n'est pas fondé
en droit à obtenir la concession d'un brevet.
D'autre part, la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Vanity Fair
c. le Commissaire des brevets, (1939) S.C.R. 24, a jeté les
fondements d'un principe de base selon lequel :
(TRADUCTION) "Le Commissaire des brevets ne devrait
pas rejeter une demande de brevet à moins que de
toute évidence celle-ci ne repose sur aucun fondement
réel."
Compte tenu du fait que la méthode faisant l'objet de la présente
invention non seulement apporte des améliorations au traitement des
textes, tant su point de vue de la sécurité des textes que de la
rapidité d'accès à ces textes, mais aussi réduit l'usure des
mécanismes d'accès, le Commissaire peut difficilement conclure que
les revendications de la présente demande ne reposent sur aucun
fondement réel...
...
l1 s'agit pour la Commission de savoir si les revendications sont brevetables
aux termes de l'article 2, de la Loi sur les brevets. La revendication 1
se lit comme suit :
(TRADUCTION) Une méthode de stockage des repères informatiques
indiquant le contenu de tous les segments et des portions de
segments sur un support de stockage, méthode destinée au stockage
de textes dans un système de traitement de textes, comprenant
les étapes suivantes :
la réservation de certaines portions desdits segments pour le
stockage desdits repères sur lesdites portions réservées;
le stockage du texte initial sur ledit support et des repères
indiquant le contenu dudit support sur seulement l'une desdites
portions réservées;
le stockage des repères le plus généralement utilisés sur seulement
l'une desdites portions de segments réservées, à la fin de chaque
opération de stockage des textes modifiés sur ledit support.
Nous relevons à la page 11 de la divulgation (originale), lignes 24 à 28,
la déclaration suivante :
(TRADUCTION) Grâce également à ces organigrammes, quiconque connaît
la technique de la programmation informatique pourra programmer un
calculateur numérique universel en vue d'avoir accès à un dispositif
de stockage en série segmenté et de repérer les segments utilisés
de ce dispositif conformément aux concepts de la présente invention.
En se reportant à cette déclaration, l'examinateur formule sa décision finale
en ces termes :
(TRADUCTION)
- quiconque connaît la technique de la programmation informatique peut
en arriver à une réalisation pratique des organigrammes divulgués.
- Aucun appareil nouveau n'a été explicitement divulgué.
- Par conséquent, l'ordinateur constitue le point central de la
réalisation décrite aux lignes 24 à 28 de la page 11 de l'original.
- L'appareil décrit aux lignes 24 à 28 de la page 11 de l'original est
un calculateur numérique universel. La nouveauté de la réalisation
réside dans le programme et non dans l'appareil même.
Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur mentionne divers cas de la
jurisprudence américaine et renvoie à la décision rendue relativement à l'affaire
Schlumberger Canada Ltd c. le Commissaire des brevets 56 CPR (2d) 204 (1981).
Afin d'établir quel genre d'objet d'invention de demandeur divulgue, revoyons
le commentaire du juge Pratte concernant l'affaire Schlumberger citée ci-dessus :
(TRADUCTION) Dans la démarche visant à déterminer si la demande divulgue
une invention brevetable, il faut d'abord établir, à partir de la
demande, ce qui a été découvert.
et
(TRADUCTION) Je suis d'avis que le fait d'utiliser ou d'avoir à utiliser
un ordinateur pour mettre à exécution une découverte ne modifie pas
la nature de cette découverte.
Le demandeur expose son raisonnement en mettant l'accent sur le fait que sa
méthode exige que l'information soit implantée d'une manière particulière,
ce qui a pour effets réels d'accroître la sécurité des textes, d'augmenter
la vitesse d'accès à ces derniers et de prolonger la durée de l'ordinateur.
Il déclare également qu'il décrit dans sa demande la manière de stocker concrè-
terrent le texte à traiter de sorte que le repère ou l'index correspondant
au texte stocké soit continuellement mis à jour, ce qui évite de perdre éventuellement
cette donnée lors d'une panne par exemple. Le demandeur décrit comment l'agencement
qu'il revendique écourte le temps d'accès au texte et réduit l'usure des pièces
électromagnétiques, comparativement à l'agencement des systèmes actuels, grâce
à une opération concrète, soit l'enregistrement du texte en question sur une
partie réservée du support qui se trouve physiquement plus près du transducteur
d'enregistrement et de lecture de stockage au moment du stockage du texte.
Le demandeur s'oppose à l'analyse des lignes 24 à 28 de la page 11 de la
demande originale faite par l'examinateur. Il soutient que cette partie
de la divulgation vise le matériel de traitement de texte; le demandeur
y souligne simplement qu'un spécialiste de l'informatique pourrait tirer
du concept inventif un programme informatique dont il pourrait se servir
avec un calculateur universel. Nous sommes d'accord avec le demandeur sur
ce point.
La divulgation nous apprend que la découverte du demandeur vise une méthode
de stockage de repères servant au stockage de textes dans le cadre d'un
système de traitement de textes. Il décrit les étapes du transfert des
repères sur un support de stockage permanent après chaque modification
apportée au texte afin de pouvoir conserver les données. Il affirme que
grâce à l'implantation des données, s'a méthode accélère l'accès aux textes
lorsqu'il s'agit de mettre l'enregistrement à jour. Nous sommes convaincus
que la méthode divulguée vise quelque chose de plus que des opérations
arithmétiques, qu'un simple principe scientifique ou qu'un théorème abstrait.
Nous sommes d'avis que la divulgation de la présente demande est conforme
aux dispositions de l'article 2 de la Loi sur les brevets et, par conséquent,
nous n'étayons pas la décision de rejet des revendications fondée sur le
caractère non brevetable de l'objet d'invention.
En résumé, nous recommandons d'annuler la décision finale de rejet.
Le président, Le président adjoint,
A. McDonough M.G. Brown S.D. Kot
Commission d'appel des brevets Membre
Je suis d'accord avec les conclusions et la recommandation de la Commission
d'appel des brevets. Par conséquent, j'annule la décision finale et je
renvoie la demande à l'examinateur pour qu'il en poursuive l'étude en tenant
compte de mon avis.
Le Commissaire des brevets,
J.H.A. Gariépy
Daté à Hull (Qc)
le 2e jour d'octobre 1984
Agent du demandeur
Alexander Kerr
IBM Canada Ltée
Service 24/908
3500 av. Steeles est
Markham (Ont.)
L3R 2Z1