DECISION DU COMMISSAIRE
Sulfuration de l'huile de lard, produit-par-le-procédé, composition per se. Des
revendications visant un produit-par-le-procédé et une composition per se ont été
présentées et acceptées pendant la procédure de conflit; elles semblent définir plus
adéquatement l'invention. Aucune objection n'a été soulevée. Décision de rejet
annulée.
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La présente décision fait suite à la requête présentée par le demandeur au Commissaire
des brevets pour qu'il révise la décision finale rendue par l'examinateur relativement
à la demande no 134,156 (classe 253-86). La demande déposée le 8 février 1972 par la
Sun Research and Development Company s'intitule: PROCEDE DE SULFURATION DE L'HUILE
DE LARD ET D'UNE OLEFINE ET DU PRODUIT OBTENU. L'invention a été mise au point par
M. Alexander D. Recchuite. L'examinateur chargé de l'examen de la demande a rendu une
décision finale de rejet le 19 novembre 1982.
La demande porte sur un procédé et une composition consistant à mélanger de la tri-
glycéride dans une proportion de 90 à 50 parties par volume, mais de préférence dans
une proportion de 88 à 70 parties par volume, à une oléfine dans une proportion de
10 à 50 parties par volume ou de 12 à 30 parties par volume selon le cas, en ajoutant
du soufre ou du chlorure de soufre, puis en injectant un gaz dans le mélange sulfuré
en vue d'en extraire l'hydrogène sulfuré.
Dans sa décision finale, l'examinateur a rejeté certaines revendications parce
qu'elles étaient vagues, présentaient des répétitions et n'étaient pas suffisamment
étayées par la divulgation. Il affirme entre autres ce qui suit:
(TRADUCTION)
Les revendications 41, 43 à 4 6, 47 à 51 et 52 à 57 sont de
nouveau rejetées. Les revendications 1 à 40 sont acceptables.
Une même demande ne peut pas réunir des revendications de
produits per se et des revendications de produits-par-le-procédé.
Le chapitre 8.04.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets
décrit les exigences relatives à la revendication d'un produit qui
ne relève pas de l'article 47. de la Loi sur les brevets, soit la
définition du produit et sa revendication sous la meilleure forme
(ou structure), si elle est connue, conformément à l'article 36
de la Loi sur les brevets. La revendication 18 de la présente
demande définit une composition per se en fonction de ses éléments
spécifiques, tout comme les revendications 30, 39 et 40. Les re-
vendications 42 et 52 à 57, visant des produits-par-le-procédé,
définissent toutes le même produit; elles sont donc superflues ou
alors, ce sont des revendications de produits visant un mélange
différent, non défini, ayant une autre portée. Les revendications
ci-haut mentionnées visant un procédé sont vagues. Comme la
demande comporte les deux types de revendications, il est impossible
d'établir quelle est la composition nouvelle dont le demandeur
revendique la propriété ou le privilège exclusif.
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Les revendications 43 à 46 et 47 à 51 sont rejetées parce que la
divulgation ne les étaye pas suffisamment et parce qu'elles ne se
rapportent pas à l'objet d'invention décrit dans le mémoire
descriptif. Ce dernier ne comporte aucun exposé ni aucune divul-
gation pas plus que la description d'une expérience indiquant tout
particulièrement qu'un acide gras libre est essential à l'invention
en cause. La divulgation ne fait état d'aucune correspondance entre
un acide gras libre et l'utilité du procédé et de la composition.
Tout d'abord, comme nous le remarquons au dernier paragraphe de la
page 3 de la divulgation originale anglaise, la présence d'un acide
gras libre dans l'huile de lard n'est qu'accessoire et indésirable
compte tenu de la solubilité de la substance. Deuxièmement, comme
la divulgation l'indique, il est possible de préparer la présente
composition sans avoir recours aux éléments contenant un acide gras
libre. Le demandeur n'a pas envisagé une composition contenant à
dessein un acide gras libre comme ingrédient essentiel, pas plus qu'il
n'a pensé à expliquer la fonction de cet ingrédient. Le demandeur n'a
tout simplement jamais inventé une composition comme celle décrite à
la revendication 47 et suivantes, composition qu'il a présentée bien
après avoir déposé sa demande. Enfin, les revendications mentionnées
ci-dessus portent sur un objet d'invention complètement différent de
celui décrit dans le mémoire descriptif original et n'ayant aucun
rapport avec ce dernier. Les revendications ci-haut mentionnées
doivent être retirées.
...
Le demandeur a déclaré en partie ce qui suit lorsqu'il a voulu faire
accepter ses revendications:
...
L'examinateur affirme dans sa décision finale que les revendications
de produit per se et les revendications de produits-par-le-procédé
ne peuvent être réunies dans une même demande; il a fait ressortir
certaines revendications per se définissant une composition en
fonction de ses éléments spécifiques ainsi que des revendications
définissant le produit en fonction de son procédé de fabrication.
Dans le cas de la revendication de produit-par-le-procédé, soit la
revendication 42, le demandeur précise à l'intention de l'examinateur
que cette revendication 42 a d'abord fait l'objet du conflit portant
en marge la note C9. C'est l'examinateur qui a présenté ce type de
revendication et le demandeur souhaite attirer l'attention du Bureau
des brevets sur le fait que la revendication 18, tout comme les
revendications 30, 39 et 40, avaient été déposées à cette époque.
Le demandeur est d'avis que toute revendication présentée dans le
cadre d'un conflit doit être une revendication acceptable s'il veut
avoir gain de cause.
...
Etant donné que c'est le Bureau des brevets qui a inséré les deux
types de revendications dans la demande par le biais de la procédure
de conflit, le demandeur est d'avis qu'il devrait pouvoir présenter
des revendications supplémentaires de produits-par-le-procédé comme
les revendications 52 à 57. Même si l'examinateur affirme que les
revendications visant la composition per se et la revendication de
produit-par-le-procédé définissent le même produit et sont de ce
fait superflues, cette affirmation n'a pas été justifiée; en outre,
comme il a déjà été mentionné, les interprétations sont nombreuses
ce qui porte le demandeur à croire qu'il a besoin des deux types de
revendications pour couvrir tous les aspects du concept inventif et
pour empêcher qu'une autre demande ne l'emporte sur la sienne.
...
L'examinateur a également rejeté dans sa décision finale les
revendications 43 à 46 et 47 à 51 parce qu'elles ne se rapportaient
pas à l'objet d'invention décrit dans le mémoire descriptif et parce
que la divulgation ne les étayait pas suffisamment. Le demandeur
conteste énergiquement cette décision de rejet. En réalité, la
divulgation du demandeur étaye parfaitement la question de l'acide
gras comme on peut le constater aux pages 3 et 4 (original anglais)
de la présente demande. On lit à la page 3 de la divulgation
originale anglaise que la composition commerciale privilégiée
par le demandeur contient vies acides gras libres dans une proportion
de 2 à 5 pour cent; cependant, on juge qu'une proportion de 12 à 20
pour cent d'acides gras libres dans les huiles de lard est également
acceptable. L'examinateur ne justifie aucunement sa déclaration
selon laquelle le demandeur n'avais pas pensé que la composition
contenant à dessein un acide gras libre servant d'ingrédient essen-
tiel pouvait être une invention; le demandeur soutient humblement
qu'il a clairement démontré que l'acide gras libre est incorporé aux
compositions utilisées.
...
En effet, le demandeur démontre clairement que les compositions qu'il
privilégie contiennent des acides gras libres dans une proportion de
2 à 5 pour cent. On se trompe gravement en rejetant la composition
que le demandeur privilégie et en affirmant que la divulgation ne
l'étaye pas suffisamment.
Il s'agit pour la Commission de savoir si le demandeur a le droit de conserver les
revendications per se et les revendications de produit-par-le-procédé visant le produit,
si les revendications sont étayées ou non par la divulgation et si les revendications
du produit-par-le-procédé sont vagues ou non.
Nous remarquons que, dans le cadre de la procédure de conflit, le Bureau a rédigé les
revendications 41 et 42 afin qu'elles définissent mieux l'invention. Le demandeur a
déclaré que l'examinateur n'a pas justifié ses dires dans la décision finale quant aux
revendications visant la composition per se et le produit-par-le-procédé qu'il juge
superflues, ajoutant même que les deux formes de revendications étaient nécessaires
pour que le concept inventif de la demande soit reconnu.
Au cours de la procédure de conflit, le Bureau a suggéré des revendications qui, à
son avis, définissaient mieux l'invention; nous n'avons aucun motif de nous y opposer
maintenant. Nous sommes d'accord avec le demandeur quant à son droit de s'approprier
ces revendications tout particulièrement parce qu'il a déposé pendant la procédure
de conflit des revendications qui ont été considérées comme étant les revendications
qui définissaient le mieux son invention et qui contribuaient à différencier son
produit de tous les autres.
Nous devons également faire remarquer que le demandeur a plus d'une fois attiré
l'attention de l'examinateur sur un brevet canadien maintenant délivré qui était alors
en coinstance. Le demandeur a insisté sur le fait que les revendications rejetées
par l'examinateur devraient être acceptées dans l'affaire Fry c. le Commissaire des
brevets. Etant donné que dans la décision finale aucun rapport n'a été établi entre
le brevet canadien et la présente demande, nous n'en ferons pas état ici. Nous
remarquons simplement que le demandeur a suggéré que l'on accepte la demande faisant
l'objet de l'affaire en même temps que toutes les revendications que comporte la
présente demande.
Nous avons révisé la divulgation et nous sommes d'accord avec le demandeur qui
affirme que la divulgation étaye les revendications rejetées et qu'il est en
droit de revendiquer ce qu'il a divulgué. Nous estimons également que l'objection
portant sur le manque de précision des revendications doit être écartée. A notre
avis, le lien de dépendance entre le produit et le procédé ne rend pas les reven-
dications vagues pour autant.
Nous remarquons que la procédure d'examen a déjà été fort longue, qu'elle a donné
lieu à un conflit résultatn en une décision favorisant le demandeur, suivie de la
décision finale en cause ici. Nous recommandons d'annuler la décision de rejet
des revendications portant sur tous les aspects qui ont fait l'objet de la
décision finale et de retourner la demande à l'examinateur qui prendra une déci-
sion à la lumière de la résolution adoptée à l'issue du conflit.
Le président de la
Commission d'appel des brevets Le président adjoint
S.D. Kot
A. McDonough M.G. Brown Membre
Je suis d'accord avec les conclusions et les recommandations de la Commission
d'appel des brevets et par conséquent j'annule la décision finale et je renvoie
la demande pour qu'elle soit examinée en regard des recommandations formulées.
Le Commissaire des brevets
J.H.A. Gariépy
Fait à Hull (Québec)
le 10e jour du mois d'août 1983
Agent du demandeur
Ridout & Maybee
Richmond-Adelaide Centre, pièce 2300
101, rue Richmond ouest
Toronto (Ontario)