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                           DECISION DU COMMISSAIRE

 

ALINEA 28(1)a): TELEVISEURS

 

La demande déposée le 5 juillet 1953 comportait huit revendications (8 à 16)

presque identiques aux revendications du brevet canadien 577,734, qui avait été

dépose le 3 septembre 1954 et expirait en 1976. Aucune disposition de la Loi sur

les brevets ne stipule qu,une demande doit être refusée lorsque deux demandes sont

en instance et que l,une d,elles fait l,objet d,un brevet qui expire pendant que

l'autre demeure en instance.

 

Annulation de la décision finale.

 

                          ******************

 

La présente décision a trait à la demande présentée au commissaire des

brevets pour qu'il révise la décision finale rendue à l'égard de la

demande no 650 290 (classe 350-67) cédée à Radio Corporation of

America. La demande, qui a été disposée le 3 juillet 1953 par les

inventeurs Dalton Harold Pritchard et Alfred Christian Schroeder,

porte le titre suivant: DÉTECTEURS SYNCHRONES POUR TELEVISEURS.

L'examinateur a rendu une décision finale de rejet de la demande.

 

Ladite demande vise les améliorations apportées aux détecteurs

synchrones utilisés dans les télécouleurs. Dans le cadre de

poursuites longues et compliquées, le demandeur a abordé l'objet des

revendications 8 à 16 qui font partie de la demande datée du 17

octobre 1961. En mai 1964, l'examinateur chargé de la demande a

rejeté ces revendications, vu l'existence du brevet canadien 577 734

concédé à Farr, le 16 juin 1959. Les revendications 8 à 16 étaient

identiques ou presque aux revendications du brevet. A ce moment-là,

le demandeur a souligné que le brevet de Farr et sa propre demande

étaient en coînstance devant le Bureau des brevets et que, selon la

décision rendue dans l'affaire Fry 1 C.P.R. 135, les revendications

devaient être brevetées. L'examinateur n'a pas fait d'autres

observations au sujet de l'affaire Fry, et l'instruction de la demande

a traîné en longueur en raison des procédures de conflit qui se sont

terminés en 1982. Le brevet de Farr a expiré en 1976. L'examinateur

actuellement chargé de la demande a rejeté les revendications 8 à

16, à cause du brevet de Farr. Par conséquent, l'examinateur estime

donc que l'objet des huit revendications du demandeur sont du domaine

public depuis 1976 et ne peuvent plus faire l'objet d'un brevet.

  En réponse à la décision finale de l'examinateur, le demandeur soutient que ses

 revendications devraient être acceptées pour les raisons suivantes:

 

  ...

 

 Le brevet de Farr a été délivé à la suite d'une demande, déposée le 3

 septembre 1954, qui mentionnait le 4 septembre 1953 comme date de

 priorité pour les Etats-Unis. La demande à l'étude a été déposée le 3

 juillet 1953 et mentionnait le 25 juillet 1952 comme date de priorité

 pour les Etats-Unis. La date des dépôt et la date de priorité de la

 demande de Farr sont toutes deux ultérieures à la date de dépôt de la

 présente demande au Bureau canadien des brevets. Il n'y a donc aucune

 raison pour que le brevet de Farr ait un effet destructif sur la présente

 demande.

 

 ...

 

 L'examinateur a rejeté les revendications 8 à 16 pour les raisons

 suivantes: le brevet de Farr ayant expiré le 16 juin 1976, l'objet des

 recendications rejetées fait désormais partie du domaine public. Il

 poursuit ainsi: "Ma décision émane d'un principe bien connu en droit

 des brevets selon lequel le public ne peut pas être privé du droit d'u-

 tiliser une invention passée au domaine public, donc qui lui appartient

 déjà, car il n'existe et ne devrait exister aucune raison pour appuyer

 un tel monopole." La décision de l'examinateur n'est fondée sur aucun

 précédent; d'ailleurs, il n'en existe aucun.

 

 La loi qui traite de l'octroi des brevets est la Loi sur les brevets.

 Elle définit très clairement les circonstances qui entourent l'octroi

 d'un brevet et renseigne le commissaire sur les personnes à qui il doit

 accorder un brevet (articles 28 et 29). Le commissaire peut refuser un

 brevet s'il "s'est assuré que le demandeur n'est pas fondé en droit à

 obtenir la concession d'un brevet 2 . (Article 42).

 

 Pour refuser dûment un brevet, le commissaire doit conclure que la demande

 dont il est saisi n'est pas conforme à l'une des dispositions de la Loi

 sur les brevets.

 

 Le rejet de l'examinateur n'est nullement fondé sur une des dispositions

 de la Loi. Aucun point de droit ne justifie ce rejet. Le commissaire

 ne peut donc pas s'y référer pour conclure que le demandeur "n'est pas

 fondé en droit à obtenir un brevet" pour ce qui est des revendications

 8 à 16.

 

 (...)

 

 1Commissaire des brevets c. Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft

 Vormals Meister Lucius & Bruning, (1964) R.C.S. 49, selon le

 juge Judzon à la page 57. "Un inventeur obtient son brevet aux

 termes de la Loi sur les brevets, ni plus ni moins."

 

 2Monsanto Co. c. Commissaire des brvets, (1979) 42 C.P.R. (2d)

 161, page 178. Après avoir fait mention du libellé de l'article

 42, le juge Pigeon a dit: "J'ai souligné en droit pour faire

 ressortir que ce n'est pas une question de discrétion: le

 commissaire doit justifier tout refus."

 

...

 

La Commission doit donc établir si les revendications 8 à 16 peuvent

être refusées parce que leur objet fait désormais partie du domaine

public.

 

Lorsque le brevet de Farr a été cité pour la première fois, en mai

1964, la réponse du demandeur a été satisfaisante. Nous n'avons

aucune raison de douter que si la demande avait été admissible à ce

moment-là, un brevet aurait finalement été concédé, compte tenu des

observations faites par le demandeur au sujet de l'affaire Fry. Il

faut donc établir si l'incidence pratique de la décision rendue dans

l'aire Fry se périme avec l'expiration du brevet cité et si le

brevet de Farr constitue une citation en bonne et due forme, même s'il

ne l'était pas en 1964, et s'il fournit un motif valable pour refuser

un brevet qui engoberait les revendications 8 à 16.

 

En plus des deux affaires mentionnées par le demandeur, nous aimerions

nous reporter à l'affaire Vanity Fair Silk Mills c. Commissaire aux

brevets (1939 R.C.S. 245) où il a été dit ce qui suit:

 

Il ne fait aucun doute que le commissaire aux brevets ne doit pas

refuser une demande de brevet à moins qu'il soit évident que la

demande est sans fondement.

 

Aux yeux de la Commission, il est donc clair que le commissaire doit

concéder un deuxième brevet d'une durée de 17 ans pour une invention

déjà brevetée, même s'il le fait à contrecoeur, à moins de trouver,

dans la Loi sur les brevets, des motifs qui le convaincraient que le

demandeur n'a pas le droit d'obtenir un brevet.

 

En cherchant une orientation dans la Loi sur les brevets, la

Commission a examiné plus précisément les articles 28, 43 et 63, parce

que ce sont ces articles qui régissent la nouveauté, le droit à une

concession et les brevets antérieurs concédés pour la même invention.

 

Les paragraphes 28(1), (2) et (3) stipulent diverses dispositions qui

doivent être respectées par un demandeur. Nous sommes d'avis que les

paragraphes 28(2) et (3) ne s'appliquent pas à l'examen de la présente

demande. Le paragraphe 28(1) expose les dispositions relatives à

l'accessibilité de l'invention avant le dépôt de la demande. Il fait

également mention de la date ode dépôt de la demande, sans faire

mention d'une autre date qui pourrait se situer, par exemple, pendant

la période d'instance. Dans l'article 28, rien ne pourrait être

invoqué pour justifier le refus des revendications 8 à 16 du demandeur

à la lumière du brevet de Farr qui a été délivré après la date du

dépôt de la présente demande.

 

L'article 43 traite du cas où un brevet a été concédé "avant le dépôt

d'une demande". L'article 43 ne s'applique donc pas puisque l'affaire

dont nous sommes saisis ne s'y rapporte pas.

 

Les alinéas 63(1)a), b) et c) traitent également de la situation

antérieure au dépôt d'une demande. En particulier, l'alinéa b) fait

mention du cas où une personne dépose une demande avant la concession

d'un brevet. Cet alinéa autorise ladite personne à saisir la Cour

fédérale de l'affaire pour que cette dernière détermine le premier

inventeur d'une invention dont la paternité est réclamée par deux

personnes différentes.

 

Le paragraphe 63(2) habilite le commissaire à refuser de concéder un

deuxième brevet pour une invention à l'égard de laquelle un brevet a

déjà été délivré au Canada. La décision rendue par la Cour de

l'Échiquier, maintenant la Cour fédérale, dans l'affaire Fry fait

l'examen de l'expression "déjà délivré".

 

Dans cette affaire, deux demandes se trouvaient en coînstance, et

l'une d'elles a fait l'objet d'un brevet. Le commissaire a refusé

l'autre demande en invoquant l'existence de ce brevet et le paragraphe

63(2). La Cour a conclu que les dispositions de cet article

s'appliquaient lorsqu'une demande de brevet était, en fait, déposée

après la délivrance d'un brevet pour la même invention. Ainsi, la

Cour donnait une interprétation à l'expression "déjà délivré" de ce

paragraphe, laquelle fait toujours partie dudit paragraphe. En

résumé, la Cour a indiqué qu'une demande devait être refusée lorsqu'un

brevet canadien avait été délivré avant le dépôt d'une demande de

brevet pour la même invention.

 

Dans l'affaire RCA v. Philco, 29 Fox Pat. C., 97, le juge Jackett a

fait certaines observations au sujet de la décision rendue dans

l'affaire Fry. Selon lui, l'expression "déjà délivré" mentionnée dans

le paragraphe 63(2) désignait le moment où le commissaire considérait

les dispositions dudit paragraphe. Dans son examen de l'affaire, la

Cour suprême n'a pas commenté ces observations. Il nous est donc

impossible d'accorder de l'importance aux observations faites par le

juge Jackett dans l'affaire RCA v. Philco. Nous sommes donc tenus

d'abonder dans le sens de l'interprétation qui se trouve dans la

décision de l'affaire Fry et qui se rapporte directement aux

dispositions du paragraphe 63(2).

 

Dans une affaire récente instruite par la Cour fédérale, Farbwerke

Hoechst c. Halocarbon, le juge Collier a indiqué dans sa décision du

25 juillet 1983 que: "(...) le brevet du plaignant étant échu, la

question devient donc abstraite." Cette observation portait cependant

sur la question de savoir s'il fallait autoriser un recours par voie

d'injonction. Même si ledit brevet est échu et appartient au domaine

public, nous devons admettre que ces observations se rapportaient à

une question précise qui, à notre avis, n'a aucun rapport avec les

dispositions du paragraphe 63(2).

 

En résumé, l'examen de l'affaire fait ressortir que les dispositions

de la Loi sur les brevets s'appliquent à un régime de premier

inventeur. Lorsque l'objet divulgué ou revendiqué dans deux demandes

en coînstance est le même et que la demande déposée en dernier fait

l'objet d'un brevet, comme dans le cas dont nous sommes saisis, nous

sommes convaincus que la Loi ne permet pas au commissaire de croire

qu'il doit refuser l'autre demande. Certes, le brevet de Farr est

échu et son objet appartient au domaine public, mais nous sommes

convaincus qu'en droit, il est impossible de priver le demandeur de

son droit à un brevet pour les revendications 8 à 16, particulièrement

si l'on tient compte des dispositions de l'alinéa 28(1)a) de la Loi.

 

Nous recommandons que le refus desdites revendications soit annulé et

que la demande soit renvoyée à un examinateur à des fins d'instruction

normale.

 

M.G.Brown                              S.D. Kot

Président intérimaire                  Membre

Commission d'appel des brevets

 

Je suis d'accord avec les conclusions et la recommandation de la

Commission d'appel des brevets. Par conséquent, j'annule le rejet des

revendications 8 à 16 et, en conformité avec la recommandation, je

renvoie la demande à l'examinateur à des fins d'instruction.

 

J.H.A. Gariépy

Commissaire des brevets

 

Fait à Hull (Québec), le 27 janvier 1984

 

Agent du demandeur:

 

Smart & Biggar

C.P. 2999, succursale D

Ottawa (Ontario)

 

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