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            DECISION DU COMMISSAIRE

 

Suffisance de la divulgation; article 2; évidence : la divulgation modifiée est

suffisante pour permettre à une personne du métier de mettre l'invention en

pratique. Aucune conclusion n'est tirée relativement au caractère brevetable

de l'invention, étant donné que le rejet a été invoqué seulement au moment

de rendre la décision finale. Les antériorités citées ne sont pas

pertinentes soit parce que l'objet d'invention ou les dates indiquées ne

conviennent pas. Décision de rejet annulée.

 

                  **********

 

La présente décision porte sur une demande de révision par le commissaire des

brevets de la décision finale rendue par l'examinateur relativement à la

demande n o 239 565 (classe 354-42). Ladite demande déposée le 13 novembre 1975

vise une invention intitulée : SYSTEME BANCAIRE AUTOMATIQUE, mise au point par

Mm. Donald E. Kinker et Herbert Morello. L'examinateur chargé de l'examen de

la demande a rendu une décision finale de rejet.

 

Dans le cadre de la révision de la présente demande, la Commission d'appel des

brevets a tenu une audience à laquelle M. A. Davidson représentait le

demandeur et à laquelle assistait également l'agent du Bureau, M. R. Faggetter.

 

La demande porte sur un guichet de banque (illustré à la figure 1 ci-dessous),

à l'extérieur d'un établissement bancaire, que le client fait fonctionner lui-

même. Le guichet I se compose d'une fente (2) destinée à recevoir une carte

d'identification codée, du même genre que les cartes conventionnelles, et d'un

clavier (4) servant à introduire les données nécessaires pour effectuer la

transaction bancaire désirée en suivant les directives apparaissant à l'écran (5).

Le guichet comporte également une fente de dépôt (6) et un dispositif d'alimentation-

tiroir-caisse (7). Le client peut s'il le désire obtenir un reçu qu'il prend à la

fente (10). Tous les éléments électroniques et le mécanisme de commande destinés

au fonctionnement automatique du guichet sont vraisemblablement réunis dans le

logement (12).

<IMG>

 

Dans sa décision finale, l'examinateur a rejeté la demande parce qu'elle

ne décrit pas suffisamment l'étape inventive et ne porte pas sur un objet

d'invention brevetable aux termes des dispositions de l'article 2 de la

Loi sur les brevets. Sa décision de rejet se fonde également sur l'évidence

de la demande par rapport à l'une des antériorités citées.

 

Dans sa décision de rejet fondée sur l'article 36.(1) de la Loi, l'examinateur

déclare entre autres ce qui suit:

 

 ...

 

(TRADUCTION)

 

La mention des numéros de brevets américains dans la divulgation ne

vient pas contrecarrer l'opposition selon laquelle les revendications 1 à 9

sont rejetées en vertu de l'article 25 du Règlement régissant les brevets

parce qu'elles ne sont pas entièrement étayées par la divulgation.

 

Malgré les modifications apportées par les demandeurs, le mémoire descriptif

n'est pas suffisant. La description est insuffisante du fait que l'étape

inventive de la nouvelle structure issue de la combinaison n'est ni décrite

dans la divulgation ni illustrée. Une illustration détaillée s'avérerait

insuffisante, même pour une personne du métier.

 

Nous souhaiterions que les demandeurs fournissent la preuve qu'une étape

inventive a été franchie et qu'ils la divulguent de façon complète, comme

le stipulent les dispositions de l'article 36.(1) de la Loi sur les brevets,

ce qui n'a pas été fait. Le mémoire descriptif est de nouveau rejeté en vertu

de l'article 36.(1) de la Loi sur les brevets.

 En réponse à la décision finale, le demandeur déclare (notamment) :

 

      (TRADUCTION)

 

      L'article 36.(1) de la Loi sur les brevets du Canada stipule qu'une

      divulgation doit être "complète, claire et concise"; or, l'article 35 USC 112

      de la loi américaine sur les brevets comporte les mêmes dispositions,

      exprimées essentiellement de la même manière.

 

      Nous nous conformons toujours à la loi américaine en référant

      par numéro aux brevets cités à titre d'antériorités; la divulgation

      est alors complète, claire et concise, exempte de longs mémoires

      descriptifs qui ne font que reprendre en détail l'objet déjà connu

      décrit dans les antériorités citées et dans les brevets correspondants.

 

      En outre, de l'objet décrit dans les brevets cités à titre d'antériorités,

      les demandeurs ont tiré les termes généraux servant à désigner des

      composantes et des éléments connus, par exemple (TRADUCTION) "distributeur

      d'argent liquide et tiroir-caisse", "carte codée", etc.

          ...

 

      En outre, l'honorable juge Thorson, président de la Cour de l'Echiquier

      en mai 1947, a fait remarquer lors de l'examen de l'affaire Mineral Separation

      North American Corporation c. Noranda Mines Limitée que la divulgation d'une

      demande doit décrire deux choses : l'invention ainsi que son exploitation

      telles que les a conçues l'inventeur. Les demandeurs ont divulgué leur

      invention comme étant une combinaison nouvelle de moyens anciens et ils

      ont démontré qu'il s'agissait d'une amélioration comparativement aux

      antériorités citées. L'examinateur a mis en doute la suffisance de la

      divulgation et les demandeurs renvoient à cet effet aux remarques du

      juge Thorson accompagnant sa décision relative à l'affaire Mineral Separation

      (ci-dessus) et selon lesquelles un mémoire descriptif est conforme aux

      dispositions de la Loi lorsqu'une personne versée dans le domaine et disposée

      à comprendre le mémoire descriptif qu'elle lit à la lumière de ses propres

      connaissances peut, sans erreur, construire et mettre en pratique l'invention

      divulguée. Les demandeurs sont convaincus qu'un spécialiste dans le

      domaine des systèmes bancaires automatiques connaît bien les éléments

      qui ont été tirés des antériorités citées et qui ont été combinés pour

      donner la présente invention, et qu'après en avoir pris connaissance,

      le spécialiste reconnaîtrait rapidement les avantages qu'offre la présente

      invention par rapport aux systèmes bancaires automatiques décrits dans

      les antériorités citées.

 

         ...

 

Dans sa décision de rejet fondée sur l'article 2 de la Loi sur les brevets, l'exa-

minateur déclare entre autres ce qui suit :

 

      ...

 

      (TRADUCTION)

      Les éléments essentiels à la réalisation du concept décrit globalement dans

      la déclaration présentée ci-haut par les demandeurs sont les suivants  :

      un clavier, un ordinateur et un écran cathodique; or, ces composantes

      ne présentent rien de nouveau ou d'inconnu, comme en témoignent les

      antériorités citées. Par conséquent, faute de preuve à l'appui présentée

      dans la divulgation ou dans les illustrations et démontrant le contraire

      relativement à ce "dispositif d'affichage programmable", il faut en conclure

      que la nouveauté de l'invention alléguée par les demandeurs doit avoir trait

      au fonctionnement de l'ordinateur et à son programme concomitant.

 

     La reprogrammation d'un ordinateur ne constitue pas un objet d'invention

     brevetable aux termes des dispositions de l'article 2 de la Loi sur les

     brevets. Nous attirons l'attention des demandeurs sur la décision

     du commissaire dont nous pouvons prendre connaissance dans la Gazette

     du Bureau des brevets du 1er août 1978 et qui se lit comme suit :

     "les revendications concernant un ordinateur programmé d'une manière

     nouvelle, formulées de quelque manière que ce soit, et dans lesquelles

     seul le programme ou l'algorithme constitue la nouveauté, ne visent

     pas un objet brevetable aux termes des dispositions de l'article 2 de

     la Loi sur les brevets."

 

     ...

 

En réponse à la décision de rejet rendue en vertu de l'article 2 de la Loi, le

demandeur déclare (notamment) :

 

      ...

 

     (TRADUCTION)

 

     La revendication 1 ne prévoit pas et n'est pas censée prévoir le recours

     à la programmation informatique. Il s`agit là d'un élément ancien et bien

     connu dans le domaine de l'utilisation d'ordinateurs reliés à divers

     équipements et systèmes, etc. aussi bien que dans le domaine des systèmes

     bancaires automatiques.

 

     Le nouveau concept revendiqué par les demandeurs fait du client le programmeur.

     C'est lui qui programme l'opération qui doit s'effectuer. Il a un choix à

     faire à chaque étape du fonctionnement du guichet de banque éloigné. Il

     choisit la marche à suivre à partir des directives et des autres renseignements

     inscrits sur l'écran unique où sont regroupées toutes les directives, données,

     etc.

 

     En lisant les messages qui apparaissent sur l'écran unique, le client est

     en mesure d'effectuer l'opération suivante. Sur ce même écran unique, il

     peut lire les opérations déjà exécutées de sorte qu'il peut vérifier s'il

     n'a pas commis une erreur en entrant en communication avec l'ordinateur, en

     inscrivant son numéro d'identification ou le montant de la somme qu'il

     veut retirer; pendant ce temps, l'écran unique affiche le nom du client,

     que le lecteur de cartes de l'appareil a lu lorsque le client a inséré sa

     carte pour mettre en marche l'appareil et pour permettre à l'appareil de

     vérifier si le client est un détenteur et un usager autorisé de la carte.

 

     ...

 

     Fondamentalement, l'élément principal du nouveau concept est l'affichage

     de renseignements ou de données utiles au client et provenant de diverses

     sources de l'ordinateur, sur un seul écran plutôt qu'un affichage individuel

     et à différents endroits.

 

     ...

 

     Le Recueil des pratiques du Bureau des Brevets stipule à l'article 8.02.02

     qu'"il peut y avoir invention dans une nouvelle combinaison de moyens

     connus". Les demandeurs soutiennent, pour les motifs déjà énoncés, que

     les présentes revendications 1 à 8 visent une nouvelle combinaison de

     moyens connus et que cette combinaison est utile et brevetable.

 

Il s'agit pour la Commission de savoir si la divulgation est suffisante aux

termes des dispositions de l'article 36.(1) de la Loi sur les brevets, si la

demande porte sur un objet d'invention brevetable en vertu de l'article 2

de la Loi et si les revendications sont évidentes ou non par rapport aux

antériorités citées. La revendication 1 se lit comme suit :

 

     (TRADUCTION)

 

     Un système bancaire automatique à transaction multiples dont l'appareil

     éloigné ressemblant à une chambre forte comprend un clavier manuel, une

     fente servant à introduire une carte, un lecteur de cartes, un distributeur

     d'argent, un dispositif d'alimentation et un tiroir-caisse accessible

     au client; l'appareil est mis en marche grâce à l'introduction d'une carte

     codée dans la fente réservée à cette fin et dans le lecteur de cartes; le

     distributeur d'argent et le dispositif d'alimentation sont actionnés au

     moyen de ladite carte codée et servent à acheminer audit tiroir-caisse

     une certaine somme d'argent dont le montant est déterminé à partir

     des données de transaction introduites manuellement par un client

     dont l'identité a été vérifiée, et qui est autorisé à faire un retrait

     après l'introduction de données codées dans l'appareil; les données

     codées comprennent les données inscrites sur la carte codée ainsi

     que la vérification de l'identité du client et les données de transaction

     introduites manuellement; la carte codée contient des données codées

     identifiant le client; la combinaison d'un dispositif d'affichage programmable

     comprend un écran unique et un dispositif servant à afficher un à un,

     sur l'écran unique, et ce d'une manière sélective, les messages d'un ensemble

     de directives relatives à l'une ou l'autre des transactions bancaires,

     dont le retrait de sommes d'argent; les directives relatives à une transaction

     bancaire donnée comprenant des directives à l'intention du client pour

     l'introduction manuelle de données de vérification de l'identité du

     client et de données destinées à effectuer la transaction choisie; le

     dispositif d'affichage programmable comprend également un dispositif

     servant à afficher sur l'écran unique l'ensemble de directives relatives

     à la transaction bancaire et l'identité du client inscrite sur la carte

     codée et déchiffrée par le lecteur de cartes; le dispositif d'affichage

     programmable comprend également un dispositif servant à afficher sur

     l'écran unique au moins une partie des données de transaction inscrites

     manuellement en même temps qu'une partie au moins des directives relatives

     à ladite transaction; l'affichage simultané sur l'écran unique des

     directives relatives à une transaction bancaire donnée et de certaines

     données propres à une transaction permet au client de relever et de

     corriger les erreurs commises.

 

Passons à la question relative à la suffisance de la divulgation. Nous

pouvons lire à la page 11 de la divulgation originale anglaise que l'écran

de contrôle du guichet et son générateur de caractères fonctionnent de la

même manière que ceux des antériorités citées.

 

L'agent du demandeur, M. Davidson, a soutenu lors de l'audience qu'une

personne versée dans le domaine pourrait à partir de la divulgation modifiée

raccorder un appareil à affichage unique pouvant présenter des renseignements        

provenant de trois sources différentes. Il a affirmé que l'invention consiste

à relier les différents éléments en vue d'obtenir les avantages offerts par cette

combinaison. Il étaye ses dires en invoquant le brevet américain n o 3 772 676

délivré à Conley le 13 novembre 1973, lequel a été ajouté à la page 11 (de l'original

anglais) à titre de modification, afin de démontrer que l'antériorité citée

à l'origine a donné lieu à l'octroi d'un brevet. Celui-ci vise un ordinateur

dont la mémoire emmagasinant un ensemble de directives est raccordée à

d'autres composantes dont un appareil à affichage unique récepteur de signaux

provenant de trois sources. L'agent affirme en outre que le fait de mentionner,

dans le mémoire descriptif, des brevets antérieurs précis contribue à rendre

la divulgation complète, claire et concise. Bien que le demandeur, dans

sa première divulgation, décrit sommairement la manière de raccorder les composantes

pour obtenir un système intégré, nous sommes convaincus par ses arguments

que la divulgation modifiée est suffisante pour permettre à un spécialiste de

mettre en pratique l'invention du demandeur.

 

Examinons maintenant la décision de rejet rendue en vertu de l'article 2 de

la Loi sur les brevets. L'agent a présenté lors de l'audience des arguments

venant appuyer sa réponse selon laquelle la présente demande ne peut être

rejetée en vertu de ces dispositions. Nous soulignons que la question

du caractière brevetable de l'objet d'invention, dont il n'a pas été fait

mention au cours de l'audience, a été soulevée pour la première fois

au moment de rendre la décision finale. C'est la raison pour laquelle nous

sommes d'avis que la Commission n'est pas justifiée de commenter la décision

de rejet étant donné que le caractère brevetable de l'invention n'a pas été

pris en considération comme le stipule le Règlement régissant les brevets.

 

Considérons maintenant la décision de rejet fondée sur les antériorités citées.

L'agent du demandeur a fait savoir lors de l'audience qu'il était en mesure de

discuter des brevets cités dans la décision du Bureau rendue avant la décision

finale. En premier lieu, il souligne qu'aucun des brevets mentionnés ne

comporte un écran unique présentant plusieurs images dans le domaine des systèmes

bancaires à guichet éloigné. Il a discuté du brevet américain Voss n o 3 845 277

émis le 29 octobre 1974, qui comporte trois écrans distincts à l'avant de

l'appareil et il a souligné qu'il ne serait pas évident pour une personne du

métier que l'appareil à écran unique revendiqué par le demandeur puisse être

conçu à partir de l'appareil sur lequel porte le brevet cité. Nous ne pouvons

qu'accepter cet argument parce que nous avons constaté, après révision, que

cette antériorité ainsi que les brevets américains n o 3 833 885 et n o 3 832 790

du 3 septembre 1974 ont été émis moins de deux ans avant la date de dépôt de la

présente demande au Canada. Nous ne poursuivrons pas plus avant l'étude

de ces trois brevets relativement aux dispositions de l'article 28 de la Loi

sur les brevets, bien que les dates d'émission des brevets américains n o 3 641 497

délivré à Constable (8 février 1972) et n o 3 760 158 émis à Whitehead et al.

(18 septembre 1973) justifieraient une étude en regard des dispositions de

cet article. Le brevet de Constable porte sur un système de distribution

d'argent mis en marche à l'aide de la carte de crédit d'un client et

d'un numéro d'identification personnel introduit manuellement dans un

appareil sans écran. Le brevet de Whitehead et al. porte sur un système de

distribution de sommes d'argent en coupures de dénominations diverses, muni

d'un écran et mis en marche au moyen d'un dispositif codé. A notre avis,

ces brevets ne suffisent pas à justifier une décision de rejet fondée sur

l'évidence de la combinaison revendiquée par le demandeur.

 

En résumé, nous sommes convaincus que la divulgation de la présente demande

est suffisante compte tenu des modifications et des arguments apportés, et

du fait que les antériorités citées ne peuvent servir à étayer le rejet

des revendications fondé sur des motifs d'évidence. Compte tenu de notre

opposition relative à la décision de rejet rendue en vertu des dispositions

de l'article 2 de la Loi, nous n'avons aucun autre commentaire à ajouter.

 

Nous recommandons l'annulation de la décision de rejet de la divulgation

et des revendications fondée sur des motifs d'insuffisance et d'évidence

respectivement, et le renvoi de la demande à l'examinateur.

 

Le Président adjoint,

M.G. Brown S.D.               Kot

Commission d'appel des brevets            Membre

 

Je suis d'accord avec les conclusions et la recommandation de la Commission

d'appel des brevets. Par conséquent, j'annule la décision finale et je

renvoie la demande à l'examinateur.

 

Le Commissaire des brevets,

 

J.H.A. Gariépy

 

Fait à Hull (Qc)

le 25e jour de novembre 1983

 

Agent du demandeur

A.E. MacRae & Co

C.P. 806, succursale B

Ottawa (Ont.)

 

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