DÉCISION DU COMMISSAIRE
Article 52 du Règlement - Épuration électrochimique d'un effluent liquide
La Commission a jugé que dans le cas de la présente demande, les électrodes de
fibres de carbone et les électrodes de toute fibre conductrice ont des propriétés
équivalentes. Elle fonde sa décision sur deux points précis. D'une part, la
divulgation démontre que l'électrode de carbone n'est pas détruite au cours du procédé
et d'autre part, l'antériorité citée prouve qu'au moment du dépôt de la demande,
il était possible de fabriquer une électrode inerte à partir d'une matière
fibreuse quelconque. La décision de rejet est annulée.
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La demande de brevet n o 245 193 (classe 204, sous-classe 89.5) déposée le 6 février 1976
s'intitule: "Epuration électrochimique d'un effluent liquide". Le demandeur a
présenté une demande de révision sana audience.
L'invention porte sur l'épuration électrolytique de l'eau. Dans la divulgation
originale, le demandeur préconise l'utilisation de fibres de carbone (et d'autres
particules de carbone) comme anode. Le demandeur désire maintenant étendre
la portée de la divulgation et des revendications de manière à englober toute
anode composée de fibres. Il s'agit donc pour la Commission de décider si
sa demande est justifiée.
L'examinateur a rejeté la demande pour les motifs suivants:
(TRADUCTION)
1. La matière nouvelle qui Figure aux pages 5 et 6 (original anglais)
ne peut être déduite du mémoire descriptif original, ce qui enfreint
les dispositions de l'article 52 du Règlement régissant les brevets.
2. Les revendications 1 et 3 à 9 ne sont pas pleinement étayées par
la divulgation en ce qui a trait aux fibres de carbone. Cette
situation va à l'encontre de l'article 25 du Règlement régissant
les brevets.
L'invention revendiquée par le demandeur porte sur un procédé d'épuration
d'eaux résiduaires renfermant des rejets de papier. Ledit procédé consiste
à faire passer les eaux résiduaires par une anode de fibres de carbone
fixée sur un diaphragme. Les composés de déchets organiques subissent
une oxydation électrochimique qui entraîne la production de gaz qui à
leur tour créent de la turbulence, ce qui a pour effet d'augmenter
le taux du transfert de masse. Une fois épurées, les eaux sont alors
rejetées dans un cours d'eau naturel. La divulgation supplémentaire
fait mention d'un réacteur qui comprend une boîte de logement, une
anode de fibres de carbone délimitée par un diaphragme ainsi qu'une
cathode située de l'autre côté du diaphragme.
1. La matière décrite à la page 5, ligne 30 et à la page 6, ligne 1
(original anglais) se voit rejetée encore une fois en dépit de la
modification apportée par le demandeur dans sa lettre du 21 janvier 1980
parce qu'elle ne peut être raisonnablement déduite du mémoire
descriptif déposé originairement.
La divulgation originale signale la présence d'une anode de
fibres de carbone à la page 8, ligne 18 (original anglais) même
si les mandataires du demandeur prétendent que ce dernier y
a fait allusion par inadvertance. Le demandeur n'envisageait
alors aucune autre substance que le carbone comme en témoignent
d'ailleurs les passages suivants: page 6, lignes 1, 8 et
15 et page 10, ligne 23. Les pages déposées le 27 novembre
1978 sont semblables et dans l'envoi du 10 septembre 1979,
le demandeur fait toujours allusion au carbone.
2. Les revendications 2 et 3 à 9 sont rejetées parce qu'elles ne
sont pas pleinement étayées par la divulgation (voir ci-dessus)
en ce qui a trait aux fibres de carbone. L'emploi de cette
matière semble indispensable, et le demandeur n'a jamais envi-
sagé de solution de rechange pour en arriver aux résultats
escomptés. Les revendications de cette portée ont été déposées
dans le cadre de la modification du 10 septembre 1979.
La demande est rejetée parce que le demandeur n'a pas retiré la
matière nouvelle. Les revendications 1 et 3 à 9 font l'objet d'un
rejet parce qu'elles ne sont pas pleinement étayées par la divulgation
et qu'en plus, elles ne peuvent être exploitées.
Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur déclare (notamment):
(TRADUCTION) Avant d'analyser les motifs de rejet de la demande,
le demandeur désire attirer l'attention sur une affirmation de
l'examinateur à l'effet que les revendications 1 et 3 à 9 sont rejetées
parce qu'elles ne peuvent être exploitées. Ladite affirmation soulève
des doutes dans l'esprit du demandeur car une révision des revendica-
tions n'appelle pas nécessairement des modifications. Le demandeur
estime que ses revendications comportent tous les éléments nécessaires
et qu'on ne peut prétendre le contraire. De plus, ces mêmes revendi-
cations ne renferment aucune description qui laisse supposer qu'elles
renferment des combinaisons inexploitables. Le demandeur désire donc
faire valoir que cette affirmation de l'examinateur s'avère inexacte.
Les revendications traitent précisément de l'épuration d'un effluent
grâce à la mise en application d'un procédé particulier. Comme le
demandeur l'a déjà expliqué dans l'introduction, il est extrêmement
difficile d'analyser rigoureusement les éléments constitutifs dudit
effluent en raison de leur complexité. Compte tenu de la situation,
le demandeur prétend qu'il suffit de préciser de quel genre d'effluent
il s'agit. Si l'examinateur exige une définition complète de l'ef-
fluent, le demandeur se voit dans l'obligation d'affirmer qu'une
exigence semblable n'est pas justifiée, et qu'il est effectivement
impossible de s'y conformer en raison de la nature même de l'effluent.
Le demandeur en vient ensuite au motif principal de rejet. L'exami-
nateur affirme que les anodes de fibres de carbone (ou même les par-
ticules de carbone comparables à celles qui ont été décrites antérieu-
rement) doivent être nécessairement décrites dans les revendications.
Le demandeur conteste le bien-fondé d'une affirmation semblable pour
les motifs exposés ci-dessous.
Dans la demande originale, L'invention est décrite sous deux angles
qui englobent tous les deux l'emploi de particules de carbone dont
la définition figure ci-dessous:
(TRADUCTION) "Au sens du présent mémoire descriptif, l'expression
"particules de carbone" comprend les fibres de carbone, les copeaux
de carbone, les fines de carbone ainsi que tout autre type de carbone
dont la forme présente une surface étendue par rapport au volume du
carbone."
Il est important de reconnaître que cette définition englobe le
rapport physique en vertu duquel les particules de carbone ont une
surface étendue par rapport au volume du carbone. Le demandeur
désire aborder un autre point. Après avoir présenté l'invention
sous deux angles assortis d'une définition terminologique appropriée,
le demandeur a fourni une description sur la meilleure façon de
réaliser l'invention, comme le stipule la Loi sur les brevets. Dans
sa divulgation, le demandeur n'affirme rien qui laisse supposer qu'il
restreint son droit de revendication au carbone ou aux fibres de
carbone. La divulgation porte sur l'utilisation pratique d'une
anode dont la surface est étendue par rapport à son volume, et la
matière préconisée est le carbone. Un spécialiste en la matière
reconnaîtrait certainement qu'une électrode de carbone fabriquée
à partir de fibres ou de toute autre substance dont la surface est
étendue par rapport à son volume a des propriétés équivalentes à
celles d'une électrode fabriquée à partir de quelque fibre con-
ductrice. Il va sans dire qu'il est souhaitable d'utiliser des
fibres de carbone, et c'est la raison pour laquelle elles sont
décrites comme étant une matière de prédilection. Toutefois,
l'aspect restrictif des revendications devrait toucher uniquement
les antériorités et les limitations inhérentes à la divulgation.
Le demandeur allègue qu'en ce qui concerne la présente demande, la
seule restriction imposée par la divulgation est la suivante: la
surface de l'électrode doit être étendue par rapport à son volume,
et c'est un utilisant une électrode de fibres qu'on y arrive. La
portée des revendications 1 et 3 à 9 est effectivement restreinte
à une électrode de fibres, et le demandeur soutient que cette
restriction respecte largement les limites imposées par la divul-
gation indépendamment de l'absence de description spécifique d'autres
matières.
De plus, le demandeur croit pouvoir affirmer que l'examinateur
soumet les structures et méthodes revendiquées à des normes propres
aux demandes relevant du domaine de la chimie alors que sa demande
n'est pas strictement rattachée à la chimie. Dans le cas de
l'examen d'une demande portant sur la chimie, l'usage admis veut
qu'une revendication décrive les produits de base qui une fois
combinés engendrent un produit fini, à défaut de quoi la revendica-
tion n'est pas conforme. Dans la présente demande la situation est
différente car les revendications relèvent de la mécanique plutôt
que de la chimie. Le demandeur traite de l'incidence d'une surface
étendue par rapport à son volume dans le contexte d'une anode
utilisée au cours d'un procédé d'épuration d'eaux résiduaires.
Bien que certaines des opérations puissent être chimiques de par
leur nature, l'anode ne participe pas aux réactions chimiques au
sens d'une revendication relevant de la chimie. L'anode est simple-
ment utilisée dans un cadre électrochimique en ce sens qu'elle
engendre une décomposition d'éléments susceptibles de se fusionner
chimiquement par la sorte. Pour les motifs énoncés ci-dessus, le
demandeur estime que l'examinateur a erré dans sa façon d'aborder
la révision des revendications.
En guise de conclusion, le demandeur allègue que les revendications
1 et 3 à 9 sont conformes dans leur teneur actuelle. Il estime qu'il
ne devrait pas être tenu de restreindre ses revendications à la
meilleure façon de réaliser l'invention, et qu'il devrait avoir le
droit de présenter des revendications dont la portée est assez
étendue pour englober tous les équivalents dont l'existence n'a pas
été démontrée dans les antériorités. Compte tenu du fait que
l'examinateur n'a pu invoquer une seule antériorité comme motif de
rejet, le demandeur allègue que toutes les revendications, y compris
la revendication 2 qui a été accueillie favorablement par l'examina-
teur, sont conformes. Les démarches devraient donc se poursuivre
en vue de l'obtention d'un brevet.
Il incombe à la Commission de décider si la demande modifiée par la réponse à la
décision finale est passible de rejet en vertu de l'article 52 du Règlement.
L'article 52 du Règlement se lit comme suit:
Il est interdit de modifier une divulgation pour inclure une
matière non indiquée dans les dessins ou qui ne peut être
raisonnablement déduite du mémoire descriptif déposé originairement,
il est en outre interdit d'apporter aux dessins une modification
comportant une matière non décrite dans la divulgation.
L'article 52 appelle certaines questions. Dans quelles circonstances la déduction
raisonnable doit-elle être faite et, le cas échéant, par qui? Il existe une
réponse bien précise: le spécialiste en la matière, au moment du dépôt de la
demande.
Analysons maintenant la demande dans sa teneur modifiée afin d'évaluer la
matière nouvelle (original anglais, pages 5 et 6) intégrée au paragraphe suivant:
(TRADUCTION) L'un des aspects de l'invention porte sur un procédé
d'épuration électrochimique d'eaux résiduaires au moment de leur
expulsion des usines de pâtes et papier. Les eaux résiduaires
entraînent une consommation biochimique et chimique en oxygène
inadmissible, elles ont une couleur et un niveau de toxicité
inacceptables. Le procédé comprend certaines étapes dont le
passage des eaux résiduaires dans un réacteur électrochimique
muni d'une anode de fibres et d'une cathode. L'anode de fibres
a une surface étendue par rapport à son volume et offre un
potentiel d'oxygénation surabondant. Une continuité électrolytique
est assurée entre l'anode et la cathode. L'anode est soumise à
un potentiel électrique à peu près constant, et ce potentiel
est différent de celui auquel est soumise la cathode. Il s'ensuit
donc une oxydation électrochimique partielle des composés présents
dans le cours d'eau au moment où ils se trouvent dans l'entourage
de l'anode, et cette dernière est le siège de la production de gaz.
Ces gaz créent de la turbulence et occasionnent de l'agitation
dans les couches limites de manière à entraîner une rupture desdites
couches ainsi qu'un accroissement des taux du transfert de
masse près de l'anode. La qualité des eaux résiduaires s'en trouve
alors améliorée en prévision de leur déversement dans des cours
d'eau naturels.
La matière qui fait l'objet du litige est soulignée.
D'après ce que l'on peut déduire, la décision de rejet rendue par l'examinateur
repose sur le fait que la divulgation originale est restreinte à diverses
anodes de carbone sous forme de copeaux, fines, particules ou fibres.
L'examinateur a jugé que le demandeur n'a pas le droit d'étendre la portée
de la description originale afférente à des anodes de fibres de carbone en
retranchant le terme modifiant "carbone" bien qu'il lui soit permis de
retirer le renvoi à des anodes fabriquées à partir de particules, de fines
ou de copeaux de carbone. L'examinateur a également déclaré que le carbone
semble représenter un élément essentiel et qu'aucune solution de rechange
n'a été envisagée par le demandeur pour obtenir le résultat escompté.
D'après la réplique du demandeur, la Commission comprend qu'un spécialiste
en la matière ne pourra faire autrement qu'en arriver à la conclusion que
les électrodes de fibres de carbone et les électrodes de toute fibre
conductrice ont des propriétés équivalentes.
Pour résoudre la question, il faut analyser la divulgation en fonction du degré
d'importance du carbone tout en se mettant dans l'esprit du spécialiste en la
matière. A ce sujet, nous avons conclu que la caractéristique du procécé est
de produire un excédent d'oxygène à proximité de l'anode. Le gaz ainsi produit
oxyde ensuite un grand nombre de composés organiques y compris la lignine.
Les eaux résiduaires des usines de pâtes et papier sont par le fait même
clarifiées et détoxiquées. Il ne fait aucun doute que dans sa divulgation
originale, le demandeur ne précise pas que le carbone est détruit au cours du
procédé. Par conséquent, nous sommes en mesure d'affirmer que le carbone ne
représente pas un élément essentiel, et qu'il ne devrait pas être considéré comme
participant à la réaction à titre d'élément chimique. Pour étayer ce point de
vue, nous aimerions citer le brevet américain n 3 652 433 délivré
le 28 mars 1972. Le brevet en question s'intitule: Electrolytic Softening of Water
(adoucissement de l'eau au moyen d'un procédé électrolytique). L'on peut y lire
(original anglais, 1re colonne, ligne 18) que (TRADUCTION) "l'anode est fabriquée à
partir d'une matière inerte mais conductrice d'électricité. Il peut s'agir de platine,
tout autre métal lourd ou alliage, de carbone, de graphite, etc.". Voici un autre extra
(2e colonne, lignes 41 à 47) tiré du même brevet qui se lit comme suit:
(TRADUCTION) De la même façon, l'anode 18 comprend un disque
poreux en tissu 35 retenu par un anneau 36, et fixé dans un
espace annulaire intérieur 37. L'anode est cependant fabriquée
à partir d'une matière inerte et à l'épreuve de toute opération
électrolytique engendrée par le fonctionnement du système
préconisé. Aux fins de la présente invention, l'anode peut être
faite à partir des matières suivantes: platine, carbone, graphite,
morceau de tissu en graphite, morceau de tissu en fibre de
verre graphitée.
Dans l'esprit d'un spécialiste en la matière, l'antériorité ci-dessus
démontre hors de tout doute que dans le cadre d'un procédé électrochimique,
les électrodes inertes peuvent tris bien être fabriquées à partir de matières
fibreuses qui ne sont pas nécessairement du carbone. Nous sommes donc convaincus
qu'un spécialiste en la matière se rendrait compte qu'il est possible d'utiliser
toute anode de fibres dans le contexte du procédé revendiqué.
Nous avons maintenant la preuve que les modifications visant à restreindre
le dispositif à des anodes de fibres qui ne sont pas nécessairement des
fibres de carbone représentent des modifications valables. Nous pouvons
également affirmer que les revendications sont étayées par la divulgation
modifiée.
Par conséquent, la Commission recommande que soient acceptées les modifications.
Le Président,
G.A. Asher
Commission d'appel des brevets, Canada
Après révision du dossier de la présente demande, je me rallie aux conclusions
de la Commission d'appel des brevets. Les modifications sont par le fait même
acceptées, et la demande est renvoyée â l'examinateur.
Le Commissaire des brevets,
J.H.A. Gariépy
Hull (Qué.)
2 avril 1982
Agent du demandeur
Hirons, Rogers & Scott
C.P. 48
Toronto Dominion Bank Tower, Pièce 491
Toronto (Ont.)