DECISION DU COMMISSAIRE
JUXTAPOSITION: pare-soleil et dispositif de commande de porte de garage
L'installation de l'émetteur dans le cadre du pare-soleil donne une combinaison
dont tous les éléments contribuent à produire un résultat unitaire.
Décision finale annulée, revendications modifiées accueillies favorablement.
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La demande de brevet no 308,760, (classe 347), déposée le 4 août 1978, porte sur
une invention intitulée "Pare-soleil et dispositif de commande de porte de garage";
elle a été mise su point par M. Konrad H. Marcus qui a cédé ses droits à la
Prince Corporation. L'examinateur chargé de l'étude de la demande a rendu une
décision finale le 6 mars 1981 dans laquelle il refuse que les démarches soient
poursuivies en vue de l'obtention d'un brevet. La Commission d'appel des brevets
a révisé la décision de rejet; à cet effet, elle a tenu une audience le 10 février 1982
à laquelle M. E. O'Connor représentait le demandeur. L'inventeur, M. Marcus, de même
que M. Haneveld, agent de brevet des Etats-Unis, et Mlle K, Corth de la Prince Corporation
y assistaient également.
La présente demande porte sur un pare-soleil d'automobile logeant l'émetteur d'un
dispositif de commande de porte de garage déclenché par le poste de radio. Les
figures 2 et 3 illustrent cet agencement.
<IMG>
Le pare-soleil (14), fait de polypropylène (34), loge un miroir (42), des lampes (50)
et un émetteur (18).
Les revendications ont été rejetées lors de la décision finale parce qu'elles
avaient trait à une juxtaposition.
Dans sa décision finale, l'examinateur déclare (notamment):
(TRADUCTION) Les revendications portent sur l'installation d'un émetteur
dans un pare-soleil. Chaque élément remplit sa fonction indépendamment
des autres; les éléments ne collaborent pas entre eux de façon à produire
un résultat unitaire qui ne soit pas la somme des résultats obtenus par
chacun des éléments. Le pare-soleil remplit sa fonction avec ou sans
émetteur. Il en est de même pour l'émetteur qui remplit sa fonction,
qu'il soit installé ou non sur le pare-soleil. Il va sans dire que
le pare-soleil offre un emplacement commode pour y installer l'émetteur;
toutefois, les deux éléments fonctionnent indépendamment l'un de l'autre.
Le résultat ne donne pas lieu à une nouvelle fonction.
Cet agencement se compare à un crayon dont l'une des extrémités est munie
d'une gomme à effacer. Celui qui s'en sert trouve commode d'avoir les deux
éléments réunis ensemble; il n'est toutefois pas question d'une utilisation
conjuguée. L'ensemble se compare également à un pistolet renfermant un sifflet.
La combinaison de ces deux éléments peut s'avérer commode pour l'utilisateur;
or, les deux éléments peuvent remplir indépendamment l'un de l'autre des
fonctions différentes. (Voir Lester c. Le Commissaire des brevets, Cour de
l'Echiquier 1946).
Le demandeur déclare que le pare-soleil et l'émetteur réunis produisent un
résultat unitaire qui est plus que la somme des résultats obtenus par chacun
des éléments. L'examinateur .soutient qu'il n'y a pas de résultat unitaire
mais bien deux résultats distincts. Le pare-soleil produit des résultats
bien différents de celui obtenu de l'émetteur.
Le demandeur affirme que l'émetteur et le pare-soleil (ainsi que l'interrupteur
et les autres pièces) sont montés de manière à permettre l'accès facile de
l'émetteur. L'examinateur prétend que le fait qu'un objet soit facile d'accès
n'implique pas nécessairement l'obtention d'un résultat unitaire. Dans
l'exemple classique de la juxtaposition, celui de la gomme à effacer fixée
â l'une des extrémités d'un crayon, c'est le souci de la commodité
et de la facilité d'utilisation qui dicte cet agencement. Il ne s'agit
toutefois pas d'une invention brevetable.
Le demandeur déclare que le pare-soleil constitue l'emplacement idéal pour
y fixer l'émetteur puisqu'il n'est pas entouré de pièces de métal ni d'autres
objets semblables qui pourraient nuire à la transmission d'un signal.
L'examinateur affirme que même si le pare-soleil constitue un bon endroit
où loger l'émetteur, ce dernier fonctionnerait aussi bien au même endroit
s'il était fixé au moyen d'un dispositif de fixation autre que le
pare-soleil. Le rôle de l'émetteur n'est nullement relié à celui du pare-soleil.
Dans sa réponse â la décision finale, le demandeur déclare (notamment):
(TRADUCTION) La décision rendue dans le cas présent montre à quel point
la démarcation entre ce qui constitue une combinaison brevetable et ce qu'est
une juxtaposition non brevetable est floue. Il semble toutefois juste
d'affirmer qu'un test valable consisterait à vérifier si les composantes
connues, une fois réunies, coopèrent de façon à produire un résultat
qui soit une amélioration, comparativement à la simple juxtaposition de
composantes connues qui remplissent leur propre fonction, indépendamment
des autres composantes.
Par conséquent, il s'agit de savoir, en ce qui a trait à la combinaison
revendiquée dans la présente demande, s'il existe ou non un lien fonctionnel
entre les composantes connues qui donne lieu à une amélioration. L'examinateur
soutient qu'un tel rapport n'existe pas tandis que le demandeur affirme le
contraire pour les motifs déjà énoncés.
Il convient toutefois de réviser ces motifs tels qu'ils ont été
présentés par le demandeur.
L'invention revendiquée par le demandeur peut se comparer à l'agencement
connu divulgué par celui-ci au deuxième paragraphe de la page 1 (original
anglais) de la divulgation, soit un pare-soleil auquel est fixé à l'aide
d'une pince un émetteur à piles, actionné à la main, servant à ouvrir
une porte de garage.
Comme on le mentionne dans la divulgation, cette installation présente
des inconvénients. Les piles alourdissent sensiblement l'émetteur qui, une
fois fixé au pare-soleil, exerce une trop forte pression sur le raccord
par frottement qui sert à maintenir le pare-soleil en position relevée.
Dans le montage qu'il revendique, le demandeur place l'émetteur dans
le pare-soleil et le relie à la source d'énergie du véhicule au moyen d'un
interrupteur placé dans le pare-soleil, ce qui donne un résultat que
les antériorités citées ne pouvaient fournir du fait que le pare-soleil n'a
plus à supporter le poids des piles; il en découle un autre avantage: le
raccord par frottement, reliant le pare-soleil â son support, peut maintenir
le pare-soleil dans la position choisie; il serait difficile d'obtenir
ce résultat si un émetteur muni de piles était fixé à l'aide d'une pince
su même pare-soleil.
De plus, le pare-soleil en position relevée cache l'émetteur, et comme
l'émetteur qui fait l'objet de l'invention revendiquée est léger, le pare-
soleil n'aura pas tendance à retomber, exposant alors l'émetteur à la
convoitise illégitime.
Ces améliorations justifient à elles seules l'acceptation des revendications
examinées au cours de l'instruction de la présente demande. Les agencements connu
ne présentent pas ces résultats, on les obtient uniquement par la combinaison
de l'émetteur placé dans le pare-soleil et relié par l'entremise de ce dernier
à la source d'énergie de l'automobile.
On renvoie ensuite aux arguments présentés dans la réponse déposée
le 5 novembre 1980 et l'on en tire une déclaration, à savoir qu'il est
évident que les éléments coopèrent entre eux de façon à produire un résultat
unitaire, et que non seulement ce résultat diffère de celui que l'on pouvait
obtenir par l'entremise des antériorités citées mais également qu'il constitue
une amélioration par rapport à ces antériorités. Si ce n'était de la
combinaison du dispositif de commande sans pile, relativement léger,
placé dans le pare-soleil et relié par celui-ci à la source d'énergie
du véhicule, il serait impossible d'en arriver à une réduction du poids de
l'émetteur sur le pare-soleil et à la dissimulation du dispositif de commande
deux avantages qu'offre la présente invention. Les agencements déjà connus
divulgués par le demandeur à la page 1 de la divulgation (original anglais) ne
donnent pas les mêmes résultats, et si les mêmes résultats ne peuvent être
obtenus, alors 1a combinaison revendiquée par le demandeur est réellement
une combinaison et non pas simplement la juxtaposition d'un certain nombre
de composantes connues.
En réponse à la décision finale, le demandeur a également présenté les revendications
nos 1 à 6 pour remplacer les revendications déposées à l'origine.
Il s'agit pour la Commission de savoir si les revendications visent ou non
une agrégation. La revendication de remplacement no 1 se lit comme suit:
(TRADUCTION) Un pare-soleil de véhicule ou objet semblable se composant:
d'un support pouvant se fixer au cadre supérieur du pare-brise d'un
véhicule;
d'un pare-soleil pivotant fixé audit support, le pare-soleil étant
rabattu pour former écran et comportant un encastrement du côté faisant
face au conducteur;
d'un miroir illuminé dont le cadre est inséré dans ledit encastrement,
du miroir proprement dit fixé audit cadre et d'un système d'éclairage adjacent
audit miroir;
d'un émetteur fixé dans ledit encastrement servant à transmettre un
signal à un récepteur dans le but d'actionner un dispositif de commande
de porte de garage;
d'un raccord électrique relié à la source d'énergie du véhicule, ledit
raccord électrique étant raccordé à l'émetteur et aux lampes par l'entremise
dudit support et dudit pare-soleil, ledit émetteur étant relié audit raccord
électrique au moyen d'un interrupteur de commande conçu pour connecter
l'émetteur audit raccord électrique et à ladite source d'énergie du véhicule
de manière à actionner ledit émetteur;
ledit interrupteur comprenant un dispositif de commande fixé audit cadre.
La signification des termes juxtaposition et combinaison a fait l'objet d'une
longue discussion à l'audience. L'examinateur est d'avis que chaque élément de
l'agencement présenté par le demandeur remplit sa propre fonction indépendamment
des autres, ce qui empêche d'en arriver à un résultat unitaire. D'autre part,
le demandeur soutient que les éléments coopèrent bel et bien entre eux de façon
à produire un résultat unitaire qui non seulement diffère de celui obtenu
par l'entremise des antériorités citées mais constitue aussi une amélioration
découlant de la combinaison présentée.
La juxtaposition peut se définir comme étant un ensemble ou un agencement d'éléments
dont chacun produit son propre résultat, mais sans que cet agencement produise
un résultat unitaire (voir Smith c. Goldie (1883) 9 S.C.R. 46, et Barton c.
Radiator Specialty Co. of Canada ltd. (1965) 29 Fox Pat. C. 89 à 96). Le
simple fait de rassembler des éléments sans pour autant obtenir un résultat
commun ne peut constituer une combinaison brevetable (voir Durable Electric
Appliances Co. Ltd. c. Renfrew Electric Products Ltd. (1928) S.C.R. 8).
la simple juxtaposition de pièces diverses ne suffit pas à leur conférer un
caractère brevetable. Les éléments doivent s'unir pour produire un résultat
unitaire. Si un élément de l'agencement produit son propre résultat, sans que la
combinaison elle-même donne un résultat, alors il ne peut y avoir invention (Domtar
Ltd. c. MacMillan Bloedel Packaging Ltd. (1977) C.P.R. (2d) 33, 182 à 189).
Dans une combinaison, il faut absolument que les éléments dont celle-ci se compose
collaborent entre eux pour donner un résultat unitaire. C'est de ce principe que
découlent la définition et la signification d'une combinaison au sens du droit
des brevets (voir Baldwin International Radio Co. of Canada Ltd. c. Weston
Electric Co. Inc. (1934) S.C.R. 94 à 101). Nous citons en outre un extrait de
l'affaire British United Shoe Machinery Co. Ltd. c. A. Fussell & Sons Ltd. (1908)
25 R.P.C. 631 à 657: (TRADUCTION) "... la réunion de parties reliées entre elles
de manière à obtenir (ce que l'on pourrait appeler) un résultat simple et non
complexe." Ce cas est tiré de la décision relative â la cause Baldwin c. Weston
citée ci-dessus.
Par conséquent, le résultat produit par une combinaison doit être un résultat
commun ou unitaire, c'est-à-dire que tous les éléments de la combinaison sont
agencés entre eux de manière que chaque élément contribue à produire ce résultat
(voir Riddell c. Patrick Harrison & Co. Ltd (1957) 17 Fox Pat. C. 83). La combi-
naison peut produire un résultat nouveau ou un résultat connu (TRADUCTION) "qui
soit plus commode, plus économique ou plus utile" (voir Baldwin c. Weston, ci-
dessus).
Dans l'affaire Wandscheer c. Sicard Ltd. (1948) S.C.R. 1 à 4, le juge Taschereau
déclare: (TRADUCTION) "Il va sans dire qu'une combinaison peut être l'objet
d'invention d'un brevet valable même s'il s'agit de la simple juxtaposition
d'éléments connus. Cette juxtaposition doit toutefois produire une invention
utile et pratique qui présente obligatoirement un caractère de nouveauté." Cette
combinaison doit évidemment produire un résultat unitaire.
Le demandeur est d'avis que le fait de placer l'émetteur léger, sans pile, dans
l'encastrement du cadre du pare-soleil comporte certains avantages comparativement
à l'autre disposition qui consiste à fixer l'émetteur au pare-soleil à l'aide d'une
pince. Entre autres avantages, signalons que l'émetteur léger n'empêche pas
d'utiliser normalement le pare-soleil qui ne gondolera pas pour autant, que le
risque de vol est éliminé du fait que l'émetteur est caché et enfin que ce dernier
a une puissance de sortie constante étant donné qu'il est branché à la batterie
de la voiture.
Le cadre du pare-soleil présenté pair le demandeur doit comporter un encastrement
servant à recevoir l'émetteur. Le pare-soleil est également muni d'un commutateur
qui relie le dispositif à la batterie de la voiture. Le fait de placer l'émetteur
dans l'encastrement du cadre du pare-soleil comporte certains avantages déjà
mentionnés. A notre avis, cet agencement constitue une combinaison dont tous les
éléments coopèrent entre eux de façon à produire un résultat unitaire que l'on
retrouve dans les revendications proposées nos 1 à 6. Nous avons communique avec
M. O'Connor pour lui faire part de notre conclusion et lui suggérer de présenter
ces revendications selon les règles, ce qui fut fait le 9 mars 1982, date à laquelle
les revendications proposées ont été officiellement jointes à la demande. Nous
recommandons d'accepter ces revendications compte tenu des renseignements dont nous
disposons car nous n'avons pas eu à remettre en question leur caractère inventif.
Le président adjoint de la
Commission d'appel des brevets, Canada
S.D. Kot
J.F. Hughes Membre
J'ai révisé la procédure d'examen de la présente demande et j'abonde dans le sens
de la Commission. Par conséquent, j'annule la décision finale et j'ordonne qu'on
poursuive l'examen en se fondant sur les revendications modifiées.
Le commissaire intérimaire des brevets
G.R. McLinton
Datée à Hull (Québec) Agent du demandeur
ce 6e jour d'avril 1982 Scott & Aylen
170, av. Laurier ouest
Ottawa (Ont.)
K1P 5V5