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    DECISION DU COMMISSAIRE

 

Absence de caractère inventif: aménagement d'un complexe domiciliaire

 

Compte tenu de l'antériorité citée, on a jugé que le fait d'utiliser un bâtiment

à d'autres fins que celles pour lesquelles il avait été construit ne comportait

aucun caractère inventif. Une telle modification de l'utilisation d'un bâtiment

ne correspond ni à un procédé, ni à une technique relevant de l'article 2 de la

Loi sur les brevets. Le rejet de la demande est confirmée.

 

     ****

 

La présente décision vise la demande présentée au Commissaire des brevets par le

demandeur afin que soit révisée la décision finale rendue par l'examinateur au

sujet de la demande nÀ 310,519 (Classe 20-7). L'invention s'intitule METHODE ET

DISPOSITIF D'AMENAGEMENT D'UN COMPLEXE DOMICILIAIRE. Son inventeur, M. Léon Blachura,

a cédé ses droits à la North Oakland Development Corporation. L'examinateur

responsable de l'étude de la demande a rendu une décision finale le 14 novembre 1980,

dans laquelle il refuse au demandeur le droit de poursuivre les démarches en vue

de l'obtention d'un brevet.

 

L'invention vise une méthode permettant d'aménager un complexe domiciliaire composé

de maisons préfabriquées en érigeant sur place un bâtiment servant d'usine où ces

maisons sont fabriquées jusqu'à ce que l'aménagement du terrain soit terminé,

après quoi le bâtiment est intégré au complexe nouvellement aménagé et peut

servir, par exemple, de centre commercial. La méthode comprend également le

creusage des fondations de chacune des maisons, de même que leur transport

et leur installation sur leurs fondations respectives. La figure 1 ci-dessous

illustre cette méthode:

 

     <IMG>

 

Dans sa décision finale, l'examinateur refuse l'unique revendication de la demande

soutenant que cette revendication n'entre pas dans le cadre des dispositions

de l'article 2 de la Loi sur les brevets et qu'elle ne renferme aucun caractère

brevetable en regard de l'antériorité suivante:

 

Allemagne, brevet

 

2,309,509            6 septembre 1973         Anyos et al

 

La publication Anyos et al divulgue une méthode d'aménagement d'un terrain

consistant à utiliser un grand bâtiment pour la fabrication d'habitations

entièrement ou partiellement préfabriquées et à fournir un moyen de transport

pour installer ces habitations aux emplacements prévus, c'est-à-dire sur les

fondations déjà creusées. La figure 15 ci-dessous illustre cette méthode:

 

                         <IMG>

 

Dans sa décision finale, l'examinateur a déclaré (notamment):

(TRADUCTION) La publication allemande invoquée comme antériorité illustre

à la figure 15 un terrain en amours d'aménagement. On y voit une usine (88)

dans laquelle sont construites les maisons du futur complexe domiciliaire.

Les maisons sont transportées par camion jusqu`à leur emplacement respectif,

déchargées au moyen d'une grue, puis posées sur leurs fondations. Etant

donné que le brevet a recours à un bâtiment temporaire pour abriter l'usine,

il semble peu probable qu'un tel bâtiment puisse être facilement transformé

en un centre civique ou servir à toute autre fin communautaire une fois

l'aménagement du complexe terminé. La seule différence entre l'antériorité

citée et la revendication du demandeur réside dans le caractère temporaire

du bâtiment abritant l'usine et cette différence, semble-t-il, est purement

facultative. Ainsi, tout architecte compétent est en mesure de transformer

un bâtiment en vue de l'adapter à une autre utilisation; on a vu, par

exemple, des écoles transformées en usines et, sans doute, des usines

ont-elles été transformées en écoles. Cependant, on ne saurait parler

d'invention dans ces cas; il s'agit tout simplement d'une utilisation

judicieuse des ressources disponibles.

 

Nous avons étudié les arguments du demandeur en rapport avec le brevet

allemand, toutefois ceux-ci ne se sont pas révélés convaincants. En effet,

le principe consistant à prévoir la construction d'un bâtiment dans

l'intention de le transformer par la suite pour l'utiliser à d'autres fins

n'est pas nouveau; nombre de propriétaires l'ont déjà fait. Par exemple,

bon nombre de parents de familles nombreuses ont construit des habitations

comptant quatre ou cinq chambres à coucher dans l'intention de transformer

ultérieurement l'une de ces chambres en salle d'étude ou en atelier. Ceci

ne peut être considéré comme une invention.

 

La revendication du demandeur est également rejetée en raison de sa

non-conformité aux dispositions de l'article 2 de la Loi sur les brevets.

En l'occurence, ce sont les dispositions énoncées à l'alinéa 12.03.01 (e),

chapitre 12 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets qui s'appliquent ici.

En effet, la revendication rejetée entre dans la catégorie d'une matière

visant un schéma, un plan ou des méthodes commerciales ou d'autres méthodes

semblables, lesquels ne sont pas brevetables aux termes de l'article 2 de

la Loi.

 

. . .

 

Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur soutient (notamment):

 

. . .

 

(TRADUCTION) L'examinateur rejette la revendication soutenant qu'il s'agit

d'une évidence et que tout architecte ou toute personne versée en la matière

est en mesure de transformer un bâtiment selon les possibilités et les besoins,

et donne comme exemple la transformation d'écoles en usines. Cependant,

le principe exposé dans la présente revendication ne se résume pas à la

simple transformation d'un bâtiment en vue de pouvoir en faire une nouvelle

utilisation, il consiste plutôt en une méthode permettant d'aménager un

complexe domiciliaire à partir d'un bâtiment central pouvant par la suite

servir à diverses fins. Le bâtiment en question est une usine servant

à la préfabrication des habitations. Selon le principe exposé ici, il ne

s'agit pas d'un bâtiment temporaire tel qu'il est divulgué dans le brevet

allemand, mais bien d'un bâtiment permanent érigé sur place, puis transformé

en vue de servir à d'autres fins après la fabrication des maisons.

 

La réalisation de ce principe exige que cette transformation soit envisagée

dès les débuts de l'aménagement du complexe de sorte que, une fois la

construction des maisons terminée, le bâtiment initial se prête à une

telle transformation.

 

I1 est évident qu'un tel principe ne peut être déduit du brevet allemand

puisque ce dernier n'envisage, ne conçoit, ni ne décrit une telle approche

du complexe domiciliaire.

 

Par conséquent, il n'importe pas seulement de déterminer si l'évidence

tient au fait de transformer un bâtiment pour l'utiliser à d'autres

fins, mais plutôt si elle tient au fait d'ériger un bâtiment en ayant,

dès le début de sa construction, l'intention d'en faire un autre

usage par la suite. Le demandeur tient à faire respectueusement

remarquer que, si l'on se fonde sur l'antériorité citée par l'examinateur,

ce principe n'est absolument pas évident.

 

Dans la revendication, on utilise l'expression (TRADUCTION) "bâtiment servant

d'usine". Le demandeur fait humblement remarquer que le terme "bâtiment" fait

allusion à un type de construction différent des abris temporaires décrits dans

le brevet allemand.

 

Le dictionnaire Webster définit le terme "bâtiment" de la façon suivante:

(TRADUCTION) "une structure permanente comprenant généralement un toit et

des murs". Le demandeur fait donc respectueusement remarquer que cette

définition du terme "bâtiment" est suffisamment claire pour établir une

distinction entre le type de construction présenté dans la demande et

celui des abris temporaires décrits dans l'antériorité citée.

 

L'expression utilisée dans la revendication correspond au principe consistant

à ériger un bâtiment permanent sur le terrain que l'on désire aménager en

un complexe domiciliaire, à utiliser ce bâtiment pour construire les maisons

du complexe, puis à l'utiliser à d'autres fins par la suite.

 

. . .

 

L'examinateur soutient également que la méthode envisagée par la demande

se résume à un schéma, un plan ou un système commercial et que, de ce

fait, elle n'est pas brevetable. Cependant, il est évident que la

présente revendication ne vise: pas une méthode commerciale, mais plutôt

un procédé bien matériel. Ce procédé consiste à aménager un secteur

d'habitations comprenant un grand bâtiment qui, après avoir servi d'usine

pour fabriquer les maisons, et utilisé à d'autres fins que pour l'habitation

lorsque l'aménagement du complexe est terminé.

 

Un tel procédé de construction permet de réaliser des produits vendables,

mais il serait inexact de prétendre qu'il s'agit d'un procédé commercial

et pour cette raison, le demandeur fait humblement remarquer que la

décision de rejet rendue par l'examinateur n'est pas fondée.

 

. . .

 

Il incombe à la Commission de déterminer si la revendication vise un progrès technique

brevetable et si elle est conforme aux dispositions énoncées à l'article 2 de la

Loi sur les brevets. La revendication 1 se lit comme suit:

 

(TRADUCTION) Une méthode permettant l'aménagement d'un complexe domiciliaire

et prévoyant à la fois: le choix d'un terrain approprié, la construction

sur ce terrain d'un bâtiment servant d'usine dans lequel il est possible

de réaliser toutes les étapes de fabrication de plusieurs maisons

simultanément et de façon progressive, le transport des maisons de l'usine

à l'emplacement prévu pour chacune d'elles et leur installation sur leurs

fondations respectives, de même que la transformation du bâtiment ayant

servi d'usine, de façon à offrir des services communautaires aux résidents

du complexe lorsque la construction et l'installation des maisons sur

leurs fondations sont terminées.

 

Dans son argumentation, le demandeur nous indique que le principe qu'il expose

consiste en une méthode permettant de construire un certain nombre de bâtiments

dont l'un peut servir d'usine de fabrication d'autres bâtiments ou à tout autre

usage. Nous voyons dans la publication Anyos et al (ci-après dénommée brevet Anyos)

qu'un bâtiment central est utilisé comme usine et que des habitations complètes

ou des éléments d'habitations y sont assemblés, puis transportés à l'emplacement

prévu. Le brevet Anyos nous amène à conclure que le principe revendiqué par le

demandeur comme étant une nouveauté n'en est pas une en réalité. En effet, le

brevet Anyos a déjà divulgué un principe consistant à ériger sur le terrain même

que l'on désire aménager un bâtiment servant d'useine de préfabrication d'autres

maisons.

 

Nous sommes d'avis que l'usage que l'on choisit de faire d'un édifice repose

d'abord sur le modèle de cet édifice et ne fait intervenir aucun caractère

inventif. Il est bien connu que des piscines et des courts de tennis ont été

abrités dans des édifices comportant des murs et des plafonds assemblés en une

structure rigide ou en une structure gonflable. De plus, l'utilisation qui est

réservée à un bâtiment dépend dans une large mesure du coût de ce bâtiment.

Ainsi, dans la construction d'un bâtiment, l'option pour une structure rigide ou

une structure gonflable relève du choix d'un plan et celui-ci dépend, du moins

en partie, du coût des différents plans réalisables. Pour ce qui est de

l'observation faite par le demandeur au sujet de la définition du terme "tempo-

raire", nous ajoutons qu'une construction peut être dite temporaire même s'il

s'agit d'un bâtiment comportant un toit et des murs assemblés en une structure

rigide, par exemple les abris "temporaires" construits à Ottawa au cours de la

Deuxième Guerre mondiale et dont quelques-unes tiennent toujours.

 

Nous ne sommes pas convaincus que le demandeur ait fait preuve d'invention en

incluant à sa demande la distinction entre le caractère permanent du bâtiment

central qu'il préconise et le caractère temporaire du bâtiment dont il est

question dans le brevet Anyos; nous ne pensons pas non plus que le fait

d'utiliser un bâtiment à d'autres fins que celles pour lesquelles il avait été

construit initialement puisse être considéré comme une invention. Selon nous,

le passage d'une utilisation à une autre peut nécessiter un ordre de planifica-

tion et d'organisation, mais on ne peut dire qu'il s'agisse d'une invention.

 

En résumé, supposant pour les besoins de la discussion que l'objet de la

demande relève de l'article 2 de la Loi sur les brevets, nous estimons que la

revendication 1 ne vise aucun progrès technique brevetable en regard de

l'antériorité citée.

 

Ce qui précède nous montre qu'il importe peu de déterminer si l'objet relève ou

non de l'article 2 de la Loi sur les brevets puisque cet objet n'est pas

brevetable. La méthode dont il est question dans la demande m se l'utilisation

d'un bâtiment d'un complexe domiciliaire à différentes fins, Toutefois, nous

ferons à ce sujet certaines observations.

 

   Dans le processus visant à déterminer si la méthode revendiquée par le demandeur

constitue un schéma, un plan ou une méthode commerciale, nous croyons qu'il est

pertinent de souligner qu'une telle méthode, soit la transformation d'un bâti-

ment, en l'occurence une usine, en vue d'en faire un autre usage, est très bien

connue. Mentionnons, par exemple, des cas tels que grands magasins, usines,

garages d'avions ou de véhicules qui ont été transformés selon les besoins à des

fins commerciales ou d'habitation pour servir de locaux à bureaux, d'entrepôts,

de centres sportifs ou de chambres à coucher. Nous jugeons que l'évaluation de

la possibilité de réaliser les transformations mentionnées ci-dessus sont du

ressort d'un architecte ou d'un expert en planification. Aussi, nous estimons

que la proposition du demandeur visant la transformation d'un bâtiment à la fin

de l'aménagement d'un complexe domiciliaire pour en faire un usage différent

correspond bien à un schéma, un plan ou un système commercial. Par conséquent,

nous jugeons que la transformation proposée par le demandeur relève de la

compétence d'un architecte ou d'un expert en planification et qu'il ne s'agit

pas d'un procédé ou d'une technique visés par l'article 2 de la Loi sur les

brevets.

 

Par conséquent, nous recommandons que la revendication 1 soit refusée en raison

de l'absence de progrès technique brevetable compte tenu de l'antériorité citée.

De plus, nous recommandons que l'objet de la demande ne soit pas considéré comme

une invention aux termes de l'article 2 de la Loi.

 

Le président adjoint de la

Commission d'appel des brevets, Canada          Membre de la Commission

J.P. Hughes                                     M. Brown

 

J'abonde dans le sens de la Commission d'appel des brevets. Par conséquent,

je refuse d'accorder un brevet dans le cas de la présente demande. Conformé-

ment aux dispositions de l'article 44 de la Loi sur les brevets, le demandeur

dispose d'un délai de six (6) mois pour en appeler de ma décision.

 

Le Commissaire des brevets,

 

J.H.A. Gariépy

 

Datée à Hull (Qué.)

ce 2e jour d'avril 1982                       Agent du demandeur

                                              Smart & Biggar

                                              Box 2999, Station D

                                              Ottawa, Ont.

                                              K1P 5Y6

 

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