DÉCISION DU COMMISSAIRE
Article 36, divulgation complète: dispositif électronique de réglage de la température
Compte tenu de l'ensemble des connaissances actuelles sur la technique, la description
des éléments divulgués est suffisamment complète pour permettre à une personne du métier
de construire la circuiterie revendiquée et de la faire fonctionner. Toutefois,
l'illustration ne rend pas exactement la description. Décision modifiée; décision
de rejet annulée.
****
La demande de brevet n o 292,964 (classe 342-19.6) déposée le 13 décembre 1977
porte sur une invention intitulée DISPOSITIF ELECTRONIQUE DE REGLAGE DE LA
TEMPERATURE, mise au point par David V. Reid. L'examinateur chargé de la demande
a rendu une décision finale le 9 juillet 1980 dans laquelle il refuse que les
démarches soient poursuivies en vue de l'obtention d'un brevet.
La Commission accuse réception de la demande d'annulation de l'audience du
22 juillet 1981 présentée par le demandeur le 18 juin 1981. La révision se fondera
sur le dossier en main.
La présente demande porte sur un dispositif électronique servant à modifier et
à régler automatiquement la température ambiante d'un édifice chaque jour de la
semaine. Le dispositif se compose principalement de minuteries, d'une mémoire
enregistrant des moments et des fonctions déterminés à l'avance, de dispositifs
de réglage de la température, d'un capteur de température et d'un comparateur.
Les signaux des horloges et ceux de la mémoire sont adaptés au moyen des
diverses composantes du dispositif et de la circuiterie; ainsi, les signaux
sont transmis à volonté par l'entremise du dispositif de réglage de la
température au comparateur qui les compare avec les signaux du capteur de
température; on obtient par la suite le signal approprié qui commande l'appareil
de chauffage ou de refroidissement, selon le cas. La figure 1 illustre le système
en question.
<IMG>
Dans sa décision finale, l'examinateur rejette la demande parce que la divulgation
est insuffisante.
Il cite une antériorité pertinente:
Brevet américain 3,929,284 30 déc. 1975 Prewarski et al.
Le brevet cité démontre que l'on utilise déjà des minuteries pour régler la
température des édifices.
L'examinateur déclare notamment dans sa décision finale:
. . .
(TRADUCTION) Divulgation insuffisante
L'unique illustration divulguée consiste simplement en un résumé, sous forme
de schéma fonctionnel, des fonctions ou des résultats désirés décrits ci-dessus.
L'illustration ne donne aucun détail relatif à l'agencement des parties ou à la
circuiterie de l'appareil même, et permettant d'exécuter les fonctions désirées
décrites ci-dessus.
La partie de la divulgation portant sur l'illustration consiste uniquement
en une énumération des résultats possibles ou des idées à mettre en pratique;
elle ne décrit nullement l'appareil qui permettrait d'obtenir ces résultats
ou servirait à mettre en pratique les idées énoncées.
La divulgation ne cite qu'un seul agencement distinct des idées émises,
en suggérant que ces idées pourraient être mises en pratique au moyen d'un
microprocesseur programmé convenablement; cet appareil pourrait être muni
d'une mémoire électronique à laquelle seraient reliées les commandes déjà
citées dont se servirait l'utilisateur, commandes qui peuvent remplir
toutes les fonctions mentionnées ci-dessus. (Voir p. 16, lignes 8 à 20 de
l'original anglais). La divulgation ne comporte aucun détail sur la
circuiterie du microprocesseur ni aucun renseignement sur le raccordement
des diverses bornes du microprocesseur et des commandes réglées par
l'utilisateur citées ci-dessus: commande de réglage de la température à
HIGH (ELEVEE), commande de réglage de la température à LOW (BASSE) (108, 66),
les quatre commandes bidirectionnelles (28, 30, 32, 34) et les commutateurs
des jours, Monday-Tuesday-Wednesday-Thursday-Friday-Saturday-Sunday
(lundi-mardi-mercredi-jeudi-vendredi-samedi-dimanche) (102) au commutateur
Saturday-Sunday (samedi-dimanche) (97) vaguement décrit, à l'horloge (14)
et à "l'adresse de la mémoire" (24) vaguement décrite.
Les diverses lignes de l'illustration suggèrent simplement que tous ces
dispositifs sont en quelque sorte reliés entre eux de façon appropriée, mais
sans préciser de quelle manière.
Il faut donc en conclure que la divulgation ne fait que transmettre l'idée
d'une invention sans divulguer les moyens de la réaliser.
...
Arguments du demandeur
Le demandeur soutient que "le raccord entre le circuit d'horloge et
l'adresse de la mémoire, et les boutons de réglage des heures (28, 30,
32, 34) est clairement illustré".
Toutefois, la divulgation ne fournit aucun détail de quelque nature que ce
soit sur la circuiterie a) de l'agencement interne, b) des bornes et c)
des connexions entre les bornes de chacun de ces dispositifs ("horloge",
"adresse de la mémoire", "boutons de réglage des heures").
...
Le demandeur soutient également, souhaitant ainsi démontrer que sa divulgation
est complète, que (TRADUCTION) "les signaux provenant des boutons de réglage
des heures sont transmis aux portes respectives et commandent, selon la concordance
entre une heure précise et une heure enregistrée, l'une des portes servant à
déterminer le réglage de la température de l'édifice à un degré supérieur ou
inférieur".
Toutefois, cet extrait, qui représente bien l'ensemble de la divulgation,
ne renseigne pas sur la nature ou le genre de "signaux" émis, sur le type de
"boutons", sur la circuiterie du dispositif faisant concorder une "heure
précise" avec une "heure enregistrée" ni sur la circuiterie du dispositif
servant à déterminer un degré précis de température.
...
Résumé
La divulgation ne décrit ni le mode de construction, ni l'agencement exacts,
ni même la circuiterie proprement dite du dispositif d'une manière suffisamment
explicite qui permet de fabriquer ledit dispositif tout en atteignant le but
visé par l'invention.
La présente divulgation consiste uniquement, à notre avis, en une énumération
des résultats désirés; elle ne comporte aucun schéma de la circuiterie illustrant
la façon dont sont reliés entre eux les divers commutateurs, boutons, mémoires,
portes, microprocesseurs, etc. pour pouvoir fonctionner de la manière
souhaitée.
...
Dans sa réponse du 7 octobre 1980 à la décision finale de l'examinateur,
le demandeur exprime son désaccord de la manière suivante:
...
La description détaillée des principales réalisations
de l'invention, qui commence à la page 5, ligne 23,
pour se terminer à la page 16, ligne 7 (original
anglais), ne mentionne nullement la présence d'un
microprocesseur. Le demandeur y présente plutôt une
analyse détaillée de l'appareil illustré à la figure
1. Ce n'est qu'à la dernière page de la divulgation
(p. 16, ligne 8 et suiv. de l'original anglais) qu'il
est fait mention pour la première fois d'un micropro-
cesseur; le demandeur déclare alors: (TRADUCTION)
"Le dispositif convient tout particulièrement au
domaine des circuits intégrés où l'on peut faire
intervenir un microprocesseur". En outre, le demandeur
affirme que le dernier paragraphe porte indubitablement
sur une réalisation secondaire de l'invention.
La réalisation principale du demandeur ne comporte aucun
microprocesseur. Par conséquent, il est clair que la
décision de rejet de l'examinateur fondée sur le manque
de rensiegnements sur lies raccordements du "microprocesseur"
aux autres éléments de la réalisation principale n'est pas
justifiée. Le demandeur déclare sans prétention que
l'examinateur n'a pas saisi les particularités de la
réalisation principale et que son jugement s'en est trouvé
faussé à un point tel que sa décision de rejet ne devrait
pas être confirmée.
...
Le demandeur affirme qu'il n'est ni souhaitable ni
nécessaire d'ajouter, à la divulgation destinée à une
personne du métier et portant sur une invention traitant
d'une nouvelle combinaison d'éléments déjà connus, des
schémas fournissant des détails sur la construction
interne, les bornes ou les caractéristiques de ces élé-
ments connus. Les schémas fonctionnels illustrent bien
les rapports existant entre les éléments connus. En
effet, dans un domaine comme celui de l'électronique,
qui comporte une foule de dispositifs différents remplis-
sant diverses fonctions, les schémas fonctionnels
semblent tout désignés. Non seulement un schéma de toute
la circuiterie renfermant des éléments disponibles sur
le marché s'avérerait trop touffu, mais encore il ne
parviendrait pas à divulguer clairement le rapport qui
existe entre les éléments; or, ce rapport constitue le
fondement même des brevets d'invention revendiquant des
combinaisons.
...
Le demandeur croit que l'examinateur trouve la divulga-
tion incomplète en ce qui a trait au raccord entre le
circuit d'horloge (14), l'adresse de la mémoire (24) et
la mémoire (26) et c'est pourquoi il utilise cette
partie de la divulgation comme deuxième exemple (voir
p.8, lignes 1 à 20 de l'original anglais). Le demandeur
soutient qu'un spécialiste de l'électronique pourrait
facilement fabriquer, suivant le code utilisé pour
représenter une heure précise de la journée (22), un
décodeur ou une adresse de mémoire (24) qui donnerait
douze signaux de sortie pouvant être acheminés aux quatre
commutateurs (28, 30, 32 et 34) de la mémoire par un
conducteur (27). Il est bon de noter que toutes les
particularités de l'adresse de la mémoire (24) ne sont
pas illustrées puisqu'elles dépendent du code choisi pour
le signal 22. De plus, les fils des douze sorties de
l'adresse de la mémoire surchargeraient inutilement le
schéma de la circuiterie.
...
Il s'agit pour la Commission de savoir si la divulgation de la demande est
conforme aux dispositions de l'article 36(1) de la Loi sur les brevets. La reven-
dication 1 se lit comme suit:
Un dispositif électronique servant à modifier et à régler,
entre deux limites déterminées, la température ambiante d'un
édifice en faisant se déclencher automatiquement l'appareil
de chauffage ou de refroidissement; ledit dispositif se com-
posant d'une horloge électronique dont le signal de sortie
s'exprime en heures, d'un dispositif d'affichage électronique
qui donne une lecture du signal de sortie, d'une mémoire qui
enregistre au moins deux moments d'une période de 24 heures,
chacun desdits moments enregistrés déterminant le choix entre
l'appareil de chauffage ou l'appareil de refroidissement et,
lorsque la température ambiante est modifiée et maintenue
grâce audit dispositif à une première ou à une deuxième valeur
de température choisie, le premier dispositif de réglage de la
température qui règle ladite première valeur de température et
qui donne un signal de sortie correspondant à ladite première
valeur de température étant mis au point et donnant un signal
de sortie correspondant à ladite deuxième valeur de tempéra-
ture, d'un sélecteur servant à choisir lequel des deux dispo-
sitifs de réglage de la température règle la température ambiante;
ledit dispositif électronique se composant d'un mécanisme servant
à adresser ladite mémoire en utilisant le signal de sortie cor-
respondant à ladite heure du jour et, une fois établie la compa-
raison entre une telle heure et l'un desdits moments enregistrés,
ledit sélecteur est actionné et il choisit. le premier ou le
deuxième disposif de réglage de la température, le choix étant
établi à l'avance pair le moment précis enregistré qui a fait
l'objet de la comparaison; enfin, ledit dispositif électronique
se composant d'un seul capteur de température qui détecte la
température ambiante et donne un signal de sortie correspondant
à cette dernière, d'un comparateur qui compare le signal de
sortie dudit capteur de température au signal de sortie du
premier ou du deuxième dispositif de réglage de la température
qui a été choisi, d'un commutateur pouvant être actionné ma-
nuellement et servant à mettre en marche l'appareil de chauffage
ou de refroidissement en vue de conserver la température ambiante
le plus près possible du degré de température choisi, ledit
comparateur donnant un signal de sortie lorsqu'il décèle une
divergence entre la température ambiante et le degré de tempéra-
ture choisi, de manière à permettre la mise en marche ou l'arrêt,
le cas échéant, de l'appareil de chauffage ou de refroidissement.
Il s'agit de savoir si une personne du métier peut concevoir l'agencement ou, en
d'autres mots, si elle peut se procurer la circuiterie et les dispositifs qui
doivent servir aux fins qui ont poussé le demandeur à présenter sa demande et à
l'accompagner de l'illustration présentée à la figure 1. L'examinateur cite un
brevet pertinent, le brevet Prewarski et al., pour démontrer que l'on utilise déjà
des minuteries pour régler la température des édifices. Le demandeur affirme que
dans le brevet Prewarski, bien qu'on fasse allusion à une minuterie, on ne prévoit
pas de dispositif permettant de comparer l'heure de la journée et le moment enre-
gistré. Il explique également que son invention comporte des signaux correspondant
à divers moments de la journée et adaptés aux signaux d'une mémoire.
Le demandeur déclare également que la divulgation s'adresse à une personne du
métier. Compte tenu de cette précision, nous sommes d'avis qu'il vaut la peine
d'examiner le brevet américain no 3,903,515 délivré le 2 septembre 1975 à Haydon
et al. et intitulé "Mode de fonctionnement d'un appareil servant à régler des
fonctions réparties dans le temps" pour connaître la situation de la technique
relativement aux dispositifs électroniques qui règlent des successions d'opérations
réparties dans le temps. En résumé, le brevet cité porte sur une méthode et un
appareil servant à régler l'exécution sélective de fonctions préétablies à des
moments fixés à l'avance. Les données relatives à ces fonctions et à ces moments
sont enregistrées dans une mémoire, puis comparées à des données fournies par des
minuteries. Si le moment précis correspond à la donnée enregistrée, alors
s'accomplit la fonction enregistrée associée au moment enregistré. Le brevet met
également en présence divers éléments servant à supprimer ou à ajouter au besoin
d'autres fonctions et d'autres moments. Les figures 1 à 6 du brevet cité illustrent
la combinaison des diverses composantes utilisées sous forme de blocs ainsi que
la circuiterie au moyen de lignes de circuit conventionnelles. Dans la divulgation
de l'invention faisant l'objet du brevet cité, on fait état d'un dispositif de
programmation muni d'un circuit d'horloge ou d'un autre dispositif pouvant fournir
des impoulsions de temps. Le brevet décrit, à la 11e colonne, lignes 31 et suivantes
(original anglais), le genre de mémoire utilisée; il s'agit d'une mémoire statique
conventionnelle, telle la mémoire à tores ou la mémoire matricielle à registre à
décalage, offrant des possibilités d'accès séquentiel ou d'accès aléatoire; on
précise qu'un certain modèle de registre conventionnel dynamique à redécalage
cyclique est préférable. On décrit également dans ce brevet le circuit du compara-
tuer illustré au moyen d'un schéma fonctionnel. Compte tenu de l'existence de ce
brevet, nous sommes d'avis que les composantes servant à mettre au point l'invention
qui fait l'objet de la présente demande auraient été connues et disponibles plus de
deux ans avant même la date de dépôt, le 13 décembre 1977, de la présente demande.
Quant à juger si la divulgation est complète, nous croyons qu'une personne du
métier pourrait se procurer les composantes qui font l'objet de la divulgation,
soit la minuterie, le dispositif d'affichage électronique, la mémoire et les
divers capteurs de température, pour faire fonctionner le dispositif décrit
par le demandeur dans la présente demande. Comme l'examinateur n'a cité aucune
antériorité, nous sommes d'avis que, dans les circonstances qui nous intéressent,
la divulgation est complète en soi.
Bien qu'aucune antériorité n'a été invoquée relativement à l'objet d'invention
revendiqué dans la présente demande, nous croyons bon de mentionner certains
cas de jurisprudence relatifs à la concrétisation d'une idée ou d'un concept,
dans le but de faciliter l'examen de la présente demande.
Dans le cas mettant en cause Hickton's Patent Syndicate v. Patents and Machine
Improvements Company Ltd. (1909) 26. RPC, 339 à 347 (original anglais), le
juge Fletcher Moulton fait remarquer:
A mon avis, l'invention peut consister en une idée
ou en la manière de concrétiser une idée, ou encore en
la combinaison des deux.
Dans l'affaire Electrolier Manufacturing Co. Ltd. v. Dominion Manufacturers Ltd.
(1934) SCR, 436 à 442 (original anglais), le juge déclare:
C'est l'idée elle-même, bien plus que la façon de la
mettre en pratique qui donne au brevet Pahlow toute sa
valeur (Fawcett v. Homan), ci-dessus...
Dans la cause impliquant Consolboard v. Macmillan Bloedel, 19 mars 1981 (non
inscrite), p. 14 (original anglais), on déclare:
Il faut considérer l'ensemble de la divulgation ainsi que
les revendications pour établir la nature de l'invention
et son mode de fonctionnement (Noranda Mines Ltd. v.
Mineral Separation North American Corporation (1950) S.C.R.
36), car il ne s'agit pas d'être indulgent ou dur, mais
plutôt de chercher à faire ressortir un agencement juste
et réaliste tant pour le breveté que pour le public. Rien
ne justifie l'emploi de termes trop techniques ou trop subtils
lors de la formulation d'objections visant le titre ou le
mémoire descriptif ... il faut plutôt aborder le brevet "de
façon loyale avec l'intention ferme d'y voir une invention
véritablement utile."
En résumé, nous sommes convaincus, en nous fondant sur les documents dont nous
disposons, que les diverses composantes mentionnées dans la présente demande
étaient disponibles avant que celle-ci ne soit déposée. Par conséquent, nous ne
croyons pas qu'il soit juste de rejeter la présente demande en alléguant que la
divulgation est incomplète. Toutefois, nous sommes d'avis que le schéma n'illustre
pas clairement le dispositif décrit, particulièrement en ce qui a trait au circuit
unique reliant les deux dispositifs de réglage de la température au comparateur.
Par conséquent, nous recommandons que la décision finale de rejet de la
demande fondée sur le fait que la divulgation est incomplète, soit annulée
et que l'examen de la présente demande se poursuive.
Pour le président adjoint:
J.F. Hughes S.D. Kot
Commission d'appel des brevets, Canada Membre
J'ai révisé la procédure d'examen de la présente demande ainsi que les
recommandations de la Commission d'appel des brevets avec lesquelles je suis
d'accord. Par conséquent, j'annules la décision finale.
Le Commissaire des brevets,
J.H.A. Gariépy
Datée à Hull (Qué.)
ce 21e jour du mois de décembre 1981
Agent du demandeur
D.S. Johnson, C.R.
133, rue Richmond ouest
Toronto (Ont.)