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                  DECISION DU COMMISSAIRE

 

ARTICLE 2: Photocomposeuse programmable

 

L'intervention d'une personne qui agit comme opérateur en dirigeant le fonctionne-

ment d'un appareil ne prive pas en soi le procédé revendiqué de son caractère

brevetable. Les revendications visant une méthode et qui semblent engloger les é-

tapes mentales ont été modifiées par l'agent. Les revendications touchant l'appareil

n'ont soulevé aucune objection.

 

Décision de rejet: Modifiée.

 

    *****************

 

La demande de brevet no 269,230 (classe 95/sous-classe 16) déposée le 6 janvier

1977 porte sur une invention intitulée "Photocomposeuse programmable à la demande,

bon marché et fiable", mise au point par Peter Robert Ebner qui a cédé ses droits

à la Itek Corporation. L'examinateur chargé de la demande a pris une décision finale

le 15 avril 1980 dans laquelle il refuse due les démarches soient poursuivies en vue

de l'obtention d'un brevet. La Commission d'appel des brevets a révisé la décision

de rjet; à cet effet, elle a tenu une audience le 27 mai 1981 à laquelle M. R.

McFadden représentait le demandeur.

 

Les revendications controversées de la demande visent une méthode d'opération de

service du système de commande par élément d'optique d'une photocomposeuse.

 

Dans sa décision finale, l'examinateur a rejeté les revendications 15 à 24 visant

la méthode présentée parce que, selon lui, elles "portent sur une matière non

brevetable en vertu de la définition du mot invention donnée à l'article 2 de la

Loi sur les brevets". Les revendications 1 à 14 touchant l'appareil n'ont soulevé

aucune objection. L'examinateur déclare (notamment):

 

On constate dans la revendication 15 que c'est l'opérateur et

non l'appareil qui exécute les étapes c) et e) citées ci-dessus.

Par conséquent, la revendication 15 donne un résultat par

l'entremise du jugement ou du raisonnement d'une personne. Les

atures revendications visant la méthode présentée, soit les reven-

dications 16 à 24, s'appliquent de la même façon. L'argument

qu'invoque le demandeur aux pages 2 et 3 de sa lettre du 22 octobre

1979 ne réussit pas à nous convaincre que les revendications rejetées

sont indépendantes du raisonnement de l'opérateur, pas plus que la

précision apportée à la page 22 de la divulgation, selon laquelle un

opérateur non spécialisé peut exécuter ces mêmes étapes. Ce passage

divulgue simplement que l'opérateur non spécialisé peut appliquer la

méthode en question. Il ne s'agit pas d'établir les compétences

minimales requises par l'opéreteur; il s'agit plutôt de savoir si

l'opérateur doit poser un jugement ou faire un raisonnement. Il

faut évidemment étudier attentivement toutes les tapes pour pouvoir

appliquer la méthode décrite dans les revendications 15 à

24. L'opérateur doit juger au cours de ces étapes si les

images sont parfaitement nettes, nuis agir en conséquence.

 

Dans sa lettre du 19 février 1980, le demandeur déclare que

la décision de rejet des revendications 15 à 24 rendue par

l'examinateur le 19 novembre 1979 se fonde sur le paragraphe

(c) du chapitre 12.03.01 du Recueil des pratiques du Bureau

des brevets. Or, ce n'est pas le cas. On renvoie le demandeur

aux deux premières lignes du quatrième paragraphe de ladite

décision en vertu de laquelle les revendications 15 à 24 ont

été rejetées parce qu'elles dérogeaient bel et bien à la défi-

nition du mot invention donnée à l'article 2 de la Loi sur les

brevets. L'avant-dernière phrase du paragraphe n'a d'autre

but que de renseigner le demandeur et de préciser le motif du

rejet. Il est bien entendu que le Recueil n'a pas force de loi

dans les cas de rejet de revendications.

 

Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur affirme notamment:

 

L'examinateur expose en détail dans sa décision finale du 15

avril 1980 les motifs de rejet des revendications visant la

méthode présentée; il est donc inutile de les reprendre. Préci-

sons simplement qu'il considère que les étapes c) et e) de la

revendication 15 sont exécutées par l'opérateur et non par

l'appareil, et qu'ainsi la revendication 15 donne un résultat

par l'entremise du jugement ou du raisonnement d'une personne.

Les étapes énumérées dans la revendication large numéro 15

ressemblent à d'autres étapes semblables, bien que plus précises,

énumérées dans les autres revendications portant sur la méthode

en question; on estime donc que toute résolution adoptée par la

Commission visant la revendication 15 s'applique également aux

autres revendications ayant trait à la méthode présentée.

 

La divulgation et les dessins définissent avec précision la

véritable structure de la nouvelle photocomposeuse revendiquée

par le demandeur; nous ne voyons aucune raison d'y ajouter quoi

que ce soit.

 

Toutefois, les revendications à l'étude visent une méthode de

programmation adaptée au système de commande par élément d'optique

d'une photocomposeuse particulière. Suivent quelques remarques

touchat ces revendications. Il s'agit d'une méthode appliquée

par un employé de la société présentant la demande, au cours du

montage de la photocomposeuse, et destinée à garantir une mise

en place des éléments d'optique permettant d'obtenir une image

parfaite et, sur film photosensible, des reproductions aussi

nettes que possible. Dans la divulgation, on explique qu'il s'agit

d'une méthode directe des plus simples constituant toutefois un

progrès technique marqué; c'est pourquoi le demandeur estime que

ces revendications doivent bénéficier de la protection associée

aux revendications visant des méthodes.

 

La nouvelle photocomposeuse revendiquée est montée et les

éléments d'optique sont placés, à l'origine, aux endroits grâce

auxquels on devrait, en théorie, obtenir une image extrêmement

nette à condition que tous les éléments et toutes les lentilles

de l'ensemble soient parfaits; il est toutefois difficile, sinon

impossible, d'en arriver à cette perfection de l'image à cause

des tolérances diverses de fabrication. Ainsi, même si l'on

vendait la photocomposeuse du demandeur après l'avoir montée

en suivant des principes théoriquement exacts, on ne peut

garantir dans la pratique l'obtention des imales les plus nettes

qui soient.

 

La méthode décrite dans les revendications est appliquée

par le demandeur au cours de la fabrication de l'appareil;

il en résulte un système réglé avec précision qui n'a plus

besoin d'être modifié (ou programmé) pendant la vie utile

de l'appareil. Nous désirons souligner que la programma-

tion définie dans les revendications n'est pas effectuée

par l'acheteur, ni par l'utilisateur; il s'agit de la

méthode appliquée par le demandeur en vue de maximiser le

rendement de chaque appareil et d'éviter que les utilisa-

teurs éventuels aient â modifier le réglage de l'appareil.

 

En résumé, nous estimons que les présentes revendications

visant une méthode sont brevetables puisque les conditions

suivantes sont réunies:

 

1. La méthode définie constitue une technique utile qui

améliore un produit vendable et qui appelle la participation

de l'opérateur définie avec précision sans laquelle l'appa-

reil ne pourrait fonctionner;

 

2. La divulgation comporte suffisamment d'éléments reliés à

l'intervention humaine pour que le procédé inventif fonctionne

efficacement lorsque l'utilisateur les met en application;

 

3. la méthode répond aux exigences relatives à l'épreuve

de fonctionnement car quiconque lit le mémoire descriptif peut

l'appliquer et obtenir d'excellents résultats;

 

4. la méthode en cause constitue une technique utile distincte

des beaux-arts.

 

Il s'agit pour la Commission de savoir si les revendications 15 à 24 dérogent

à l'article 2 de la Loi sur les brevets. La revendication 15 (original anglais)

se lit comme suit:

 

Une méthode de programmation adaptée au système de commande par

élément d'optique d'une photocomposeuse particulière comportant

au moins un dispositif à lentilles placé le long d'un axe optique

permettant la formation d'images très nettes à un poste de

visualisation, une fois les étapes suivantes franchies:

 

a. présence d'au moins un dispositif à lentilles convergentes

en vue d'obtenir des images de caractère dudit poste de visuali-

sation, ce dispositif étant soutenu par au moins un chariot à

lentilles mobile pouvant glisser le long de l'axe optique et se

placer suivant la grosseur des caractères que la photocomposeuse

doit traiter;

 

b. mise en place dudit chariot à lentilles en respectant un

ensemble de codes de cadrage répartis le long dudit axe optique

aux endroits susceptibles de donner des images très nettes audit

poste de visualisation de ladite photocomposeuse, pourvu que

ledit dispositif à lentilles soit réglé suivant des distances

focales théoriquement exactes;

 

c. examen des images obtenues afin de déceler le degré d'impréci-

sion attribuable aux variations des distances focales théoriquement

exactes dudit dispositif à lentilles;

 

d. modification des codes de cadrage initiaux correspondant aux

distances focales théoriquement exactes mémorisées dans ledit

système de commande dudit dispositif à lentilles;

 

e. nouvel examen des images floues et modification au besoin des

codes de cadrage déjà modifiés jusqu'à l'obtention d'images très

nettes;

 

f. utilisation des derniers codes de cadrage modifiés convenant

à chaque grosseur de caractère en vue de placer en z ledit

chariot à lentilles pendant que la photocomposeuse effectue les

opérations suivantes.

 

L'examinateur a soulevé des objections en regard des étapes c., d, et e.

 

A l'audience, M. McFadden a déclaré que les revendications répondent parfaitement

aux exigences de l'article 2 de la Loi sur les brevets.

 

Dans sa décision finale, l'examinateur fait allusion au raisonnement et au jugement

qui, tous deux, constituent des étapes mentales. Dans le domaine des brevets,

une étape mentale correspond à une étape d'uj procédé dont l'exécution est détermi-

née ou dirigée par l'esprit humain; cette étape s'accomplit manuellement ou par

des moyens mécaniques, électriques ou chimiques. Une étape mentale basée sur le

raisonnement ou le jugement (activités purement mentales) définit un procédé dont

le résultat découle de l'intelligence et du raisonnement humains. On convient que

seule cette dernière catégorie d'étapes mentales rend un procédé non brevetable.

La simple intervention d'une personne qui agit comme opérateur en dirigeant le

fonctionnement d'un appareil ne prive pas en soi le procédé revendiqué de son

caractère brevetable.

 

Nous sommes donc convaincus que toute méthode ou toute étape d'une méthode s'ac-

complissant manuellement et exigeant qu'on se serve de ses yeux pour vérifier ou

préciser un élément comme la température, la pression, l'heure, etc., ou que l'on

utilise ses mains pour mettre en marche, arrêter ourégler un dispositif, d'une

manière donnée ou à un moment prévu, dans le but d'obtenir un résultat connu appelle

nécessairement l'intervention de l'esprit humain et, par conséquent, est considérée

comme une étape mentale. Toutefois, cette catégorie d'étapes ne se qualifie pas

d'étapes purement mentales ou d'étapes de raisonnement; elle n'appartient pas non

plus à la catégorie des étapes qu'excluent les décisions relatives aux étapes

purement mentales.

 

En résumé, un procédé comprenant une étape mentale qui fait intervenir les

facultés de perception et de discerenment est brevetable, pourqu que soient pré-

sentes toutes les autres caractéristiques nécessaires à la délivrance d'un brevet,

tant donné que le résultat de l'étape mentale est précis et prévisible,

peu importe l'habileté de son auteur. D'autre part, un procédé comprenant

une étape mentale basée sur l'intelligence et le raisonnement ne peut répondre

aux exigences reliées au fonctionnement puisque les effets découlant de ré-

actions humaines sont imprévisibles et imprécis chaque fois que les utilisa-

teurs emploient le procédé en question. Il s'agit d'établir si les étapes

entraînant l'application de gestes par des humains font appel au jugement ou

au raisonnement, ou s'il s'agit de réactions bien définies et précises, du

genre de celles qu'un appareil peut accomplir autrement.

 

A l'audience, M. McFadden a fortement insisté sur le fait que le procédé a

satisfait aux exigences relatives à l'épreuve de fonctionnement parce qu'il peut

être utilisé avec succès par quiconque connaît cette technique particulière.

Cette remarque élimine donc l'intervention du jugement et du raisonnement

humains. Il a également affirmé devant la Commission que les étapes en cause

pouvaient être effectuées mécaniquement et qu'il pouvait présenter un affidavit

au besoin.

 

Nous sommes d'avis, cependant, que les présentes revendications peuvent

englober les étapes mentales et nous en avons discuté avec M. McFadden qui a

alors modifié les revendications en conséquence.

 

Le président adjoint de la

Commission d'appel des brevets, Canada

 

J.F. Hughes

 

J'abonde dans le même sens que la Commission d'appel des brevets. Par

conséquent, j'ordonne qu'on poursuive l'examen de la demande en tenant compte

des revendications modifiées.

 

Le Commissaire des brevets,

 

J.H.A. Gariépy

 

Datée à Hull (Québec)

le 29e jour d'octobre 1981

 

Agent du demandeur

McFadden, Findham & Co.

251, rue Bank

Ottawa (Ont.)

K2P 1X3

 

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