DECISION DU COMMISSAIRE
Caractère brevetable des ensembles formant une agrégation - Agents d'exploration radio-
isotopiques
Le demandeur a découvert que les phospholipides peuvent très bien véhiculer les radio-
isotopes du technétium que l'on utilise pour effectuer la radio-analyse du foie.
Etant donné que le mélange dont on se sert n'a qu'une demi-vie, if faut donc le pré-
parer just avant de s'en servir et il est impossible de se le procurer préparé à
l'avance. Par conséquent, le demandeur désire revendiquer un ensemble comprenant les
ingrédients distincts, lesdits ingrédients devant être mélangés juste au moment de
servir. On a affirmé que, compte tenu des circonstances, les revendications ne doiv-
ent pas être rejetées en invoquant l'agrégation, ou parce qu'elles portent sur un
ensemble d'ingrédients. Toutefois, la demande a été renvoyée à l'examinateur afin
qu'il puisse décider si l'article 41 de la Loi s'applique étant donné que les ingré-
dients on été revendiqués sans restriction quant au procédé.
*****************************
La demande n 241,628 (classe 167-48) a été déposée le 12 décembre 1975, et porte sur
une invention intitulée "Shpères phosplolipideques marquées servant à la visualisation
des organes". MM. Abram Petkau et Stanley D. Pleskach en sont les coinventeurs.
L'examinateur a rendu une décision finale le 8 mai 1979 dans laquelle il rejette un
nombre de revendications. Le demandeur a d'abord exigé la tenue d'une audience puis,
il s'est ravisé et a retiré cette demande.
L'invention porte sur l'utilisation d'un phospholipide comme véhicule d'agents d'explo-
ration radio-isotopiques. Les phospholipides se sont avérés d'excellents véhicules
pouvant servir à faire passer dans l'organisme des patients les radio-isotopes qui
permettent d'effectuer la radio-analyse de divers organes comme le foie. L'examina-
tour a accepté dix-neuf revendications portant sur un procédé de mélange des radio-
isotopes et des phospholipides, et sur les mélanges qui en résultaient. Toutefois, il
a rejeté les huit dernières revendications, soit les revendications 20 à 27, dans
lesquelles le demandeur revendiquait un groupe ou un ensemble constitué des ingrédients
distincts servant à la réalisation du procédé et à la préparation de la combinaison
de phospholipides et de radio-isotopes. A son avis, les dernières revendications
portaient sur une simple agrégation d'ingrédients qui ne réagissent entre eux qu'à
partir du moment où on les sorts de leur contenant pour l'utiliser dans le procédé.
Les revendications 20 à 27 portent uniquement sur un radio-isotope particulier de
l'élément technétium. Comme cet élément a une demi-vie de court durée, il importe
de la préparer tout juste avant de l'utiliser. La revendication 20 porte sur un
ensemble constitué des divers ingrédients qui servent à préparer la substance
injectable au moment où l'on en a besoin. Cette substance ne peut être vendu
préparée à l'avance parce qu'elle serait trop altérée avant même d'être injectée.
La revendication 20 se lit comme suit:
* Traduction
20. Une combinaison produisant des agents d'exploration
médicaux marqués comprenant le radio-isotope de court durée
Tc99m qui se compose:
(1) d'un générateur de radio-isotopes Mo-99 donnant un anion de
pertechnétate Tc(99m)0 4 soluble,
(2) d'un agent réducteur concentré donnant, à partir du Tc(99m)0 4
le Tc99m sous forme contionique polyvalente, ladite forme
cationique polyvalente de Tc99m formant un complexe lié
solidement lorsque mis en présence d'un phospholipide du
type cité au sous-alinéa (4),
(3) d'un réactif tampon pour la solution de Tc99m sous forme
cationique polyvalente,
(4) de la dispersion colloïdale acqueuse d'une substance
phospholipidique de dimension granulométrique prédéterminée
afin que la substance une fois injectée puisse circonscrire
un organe choisi,
(5) du matériel nécessaire pour former un ensemble qui contienne
séparément, justqu'à ce qu'elles soient utilisées, une
quantité déterminée de chacune des composantes (2), (3) et
(4) tout au moins.*
(Tc est le symboly du radioélément technétium).
L'examinateur a rejeté les revendications qui avaient été refusées parce qu'elles
portaient, à son avis, sur une simply juxtaposition de parties et constituaient
alors une agrégation plutôt que la combinaison d'éléments actifs.
Au file des années, on a multiplié les définitions des termes
"combinaison" et "agrégation"utilisés dans le domaine des brevets.
En voice quelques exemples:
Combinaison .. arrangement de parties ayant un rapport entre elles
en vue d'en arriver à un résultat simple et unique
(British United Shoe V.A. Fussell & Sons (1908)
25 R.P.C. 631 (original anglais)*
lorsque d'anciens touts mis en présence les uns des
autres réagissent entre eux et produisent un résultat
nouveau ou amélioré, il existe alors un objet d'inven-
tion brevetable étant donné l'idée de relation
efficace issue de l'arrangement des touts (British
Celanese v. Courtaulds (1935) 52 R.P.C. 171 à 193
(original anglais))*
Agrégation - on reconnaît de façon générale que le simple fait de
disposer côte à cite d'anciens touts pour que chacun
d'eux remplisse sa propre fonction indépendamment
des autres ne fussit pas à en faire une combinaison
brevetable (British Celanese, décision citée ci-
dessous) *
chaque tout agit indépendamment...aucun résultat
commun (Lester v. Commissaire des brevets (1946) C.R.R.
6, 3 (original anglais))*
la simple juxtaposition de parties ne suffit pas à
rendra un ensemble brevetable. Les éléments doivent
se combiner poux donner un résultat unitaire. Si l'un
des éléments de la disposition produit un résultat
qui lui est propre, sans que la combinaison des élé-
ments ne produise aussi un résultat, alors il n'existe
aucun objet d'invention (Domtar Ltd v, MacMillan
Bloedel Packaging Ltd. (1977) C.P.R. 33, 182 à 189
(original anglais))*
* Traduction
Comme exemples d'agrégation, nous pouvons citer le cas bien connue du jouet
pistolet-sifflet (Lester, décision citée ci-dessus) et le cas plus récent du
contenant rectangulaire pour les bouteilles de bière (Domtar, décision citée
ci-dessus) où les éléments agissent indépendamment les uns des autres.*
Dans tous les cas, une invention doit, pour être brevetable, satisfaire aux
exigences pr.alables suivantes: elle doit être utile, nouvelle et faire appel
à l'ingéiosité.*
En se fondant sur ce qui précède, nous devons examiner l'objet d'invention des
revendications 20 à 27 et déterminer si l'insemble relève de l'une ou de l'autre
des grandes catégories citées, soit la combinaison et l'agrégation.*
Les revendications donnent une description générale d'un ensemble formé de
trois composantes (ou plus) séparées les unes des autres et mélangées seulement
au moment de leur utilisation. On peut espérer réaliser cette disposition en
plaçant chacune des composantes dans des éprouvettes ou des bouteilles munies
de bouchons et dont l'une servirait à fiare le mélange des composantes pour
préparer l'agent d'exploration; une autre possibilité consisterait à déposer
les composantes individuellement dans un récipient à compartiments où elles
pourraient être conservées jusqu'à ce qu'illes soient mélangées en les trasvidant
d'un compartiment à un autre ou en brisant les cloisons entre les compartiments.
Cette dernière méthode ne constitue qu'une supposition; toutefois, en la trans-
posant dans la réalité, elle suffirait à rendre la revendication conforme aux
exigence.*
Le demandeur ne divulgue pas un nouvel appareil servant à conserver séparément
les composantes jusqu'au moment de les utiliser.Il est évident qu'une invention
de ce genre ne fait pas l'objet de la présente demande.*
En outre, on constate que chaque composante de l'ensemble est connue, mais aucune
n'est revendiquée séparément.*
Il semble que la méthode de préparation des particules de phospholipides iden-
tifiées comme étant radioactives et de la substance que l'on en obtient soit
acceptable, et l'utilisation de cette substance à des fins de traitement médical
comporte un aspect inventif quoiqu'il ne soit pas brevetable.*
Compte tenu des affirmations précédents, nous sommes d'avis que l'agencement des
composantes défini dans les revendications 20 à 27 (trois entités distinctes ou
plus dont l'agencement correspond à leur disposition dans un ensemble) n'est pas
acceptable.*
Il existe aucune communication ou relation efficace entre les composantes.
Celles-ci sont simplement placées les unes à côte des autres; chacune garde ses
caractéristiques propres, reste indépendante des autres et n'agit aucunement sur
les autres composantes qui n'ont pas d'effet non plus sur elle. Leur rapport ne
consiste pas en un résultat ou en un produit, mais provient plutôt du fait qu'il
s'agit de matières premières. Sans doute, le produit qui l'on obtient en
utilisant l'ensemble peut être une combinaison brevetable parce que le produit
phospholipidique identifié constitue un résultat unitaire qui ne consiste pas
simplement en la somme des composantes, puisqu'il s'agit du résultat de leur
interaction. L'ensemble revendiqué dans la présente demande pourrait très bien
se comparer à un ensumble destiné à un nouvel appareil, soit l'assemblage de
pièces ou de composantes accompagné de directives sur la façon dont les pièces
s'agencent entre elles; il va sans dire que ce genre d'ensemble n'es pas
brevetable.*
Dans Sa réponse à la décision finale, le demandeur déclare:
Dans sa décision finale, l'examinateur renvoie à la jurisprudence relative à
des agrégations et à des combinaisons brevetables. Nous estimons que les
* Traduction
citations choisies par l'examinateur quant au combinasisons s'appliquent aux
présentes revendications. Par exemple, l'une des citations tirée de l'affaire
British United Shoe v. A. Fussel & Sons (1908) 25 R.P.C. 631 (original anglais)
se lit comme suit: "... arrangment de parties ayant un rapport entre elles de
de manière à en arriver à un résultat simple et unique..." La combinaison
revendiquée comporte un "arrangement" de composantes créant un "rapport entre
elles" et qui, une réunies, donnent un "résultat unique"; ainsi, on a respecté
en tous points la définition. La combinaison donne lieu à un résultat, servant
à une seule fin, et non pas à plusieurs résultats distincts, comme la réunion
d'un crayon et d'une gomme.*
De plus, nous somme d'avis que, après examen, les citations relatives à une
agrégation ne s'appliqent pas aux présentes revendications. Mentionnons entre
autres la définition tirée de la décision rendue dans l'affaire British Celanese
v. Courtaulds (1935) 52 R.P.C. 171 (original anglais) et dans laquelle on
déclare que " on reconnaît de façon générale que le simple fait de disposer côte
à côte d'anciens touts pour que chacun d'eux remplisse sa propre fonction
indépendamment des autres ne suffit pas à en faire une combinaison brevetable".*
Il est clair, à la lumière de l'ensemble du présent mémoire descriptif, que la
combinaison des composantes revendiquées ne résulte pas du simple fait de
disposer côte à côte d'anciens touts de manière qu'ils remplissent, lorsqu'on
les utilise, leur propre fonction indépendamment des autres. Assurément, les
composantes ne "remplissent"aucune fonction jusqu'à ce que l'utilisateur s'en
serve, mais à ce moment-là, la fonction consiste en une combinaison donnant
lieu à un résultat nouveau comportant un aspect inventif.*
Voice une autre citation relative à une agrégation tirée de l'affaire Domtar
Ltd v. McMillan Bloedell Packaging Ltd. (1977) C.P.R. 33, 182 à 189 (original
anglais) dans laquelle l'examinateur déclare que "la simple juxtaposition de
parties ne suffit pas à rendre un ensemble brevetable. Les éléments doivent
se combiner pour donner un résultat unitaire. Si l'un des éléments de la
disposition produit un résultat qui lui est propre, sans que la combinaison des
élénents ne produise aussi un résultat, alors il n'existe aucun objet d'inven-
tio." Une fois de plus, cette citation ne s'applique pas à la présente inven-
tion telle qu'elle est présentée dans les revendications 20 à 27, puisque
lorsque les composantes sont utilisées, les éléments se combinent pour produire
un résultat unitaire. Nous pouvons citer encore une fois un exemple typique
d'agrégation, soit celui d'un crayon et d'un gomme.*
Les arguments présentée par le demandeur selon lesquels les revendications
relatives à "l'ensemble" représentent une combinaison brevetable sont les
suivants:
Les revendications relatives à la combinaison décrivent des composantes
adaptées de manière à donner un résultat brevetable lorsqu'elles sont utilisées.
Ansi, il nous emble être en présence d'une véritable invention compte tenu de
l'usage qu'on veut en faire. Il s'agit de la réalisation commerciale de
l'envention et l'acheteur ne l'achtera que s'il pense s'en servir pour l'usage
auquel elle a été destinée. La combinaison en soi n'a pas d'autre utilité. Il
est vrai que chaque composante considérée individuellement a sa propre utilité
et peut servir à d'autres fini, mais personne n'achètera la combinaison en vue
d'utiliser les composantes séparément à d'autre fins. A cet effet, bien
entendu, l'examinatuer déclare que chaque composante est connue et qu'aucune
n'est revendiqués individuellement. Il est vrai que les composantes ne sont
pas revendiquées séparément et c'est là toute la question. Il existe une
relation entre les composantes lorsqu'elles sont utilisées ensemble, ce qui
* Traduction
correspond au seul usage vraisemblable auquel on peut destiner la
combinaison. On ne veut pas vendre séparément les parties ou les
composantes; or, elles ne sont pas non plus revendiquées séparément.
C'est l'ensemble de la combinaison qu'il importe de prendre en considéra-
tion.
En fait, nous ne connaissons aucune jurisprudence qui nous défende de
revendiquer un ensemble ou une combinaison telle que celle qui fait
l'objet des revendications contestées. Il n'existe, à notre connaiss-
ance, aucune règlement sur la question. Toutefois, nous pouvons nous
reporter à certaines décisions rendues par le Commissaire et nous en
inspirer.*
En ce qui a trait aux revendications révisées proposées, il importe de
mettre en évidence qu'il existe une relation séquentielle très import-
ante entre les composantes. Celles-ci sont utilisées dans l'ordre où
elles sont énumérées pour préparer les agents d'exploration conformément
à l'invention. L'anion radioactif de pertechnétate en solution est
réduit au moyen d'en agent réducteur concentré en vue d'obtenir du
technétuim radioactif sous formes cationique polyvalente, on utilise
ensuite un agent tampon, puis on ajoute enfin la substance radioactive
à la dispersion colloïdale acqueuse d'une substance phospholipidique.
Les revendications subordonnées comportent d'autres composantes qui
s'insèrent dans cette séquence. La divulgation présente clairement
cette séquence de préparation des agents d'exploration et l'on peut, à
titre d'exemple, renvoyer aux pages 11 et 12 (original anglais) où l'on
décrit la préparation d'un agent d'exploration.*
Le demandeur poursuit en analysant deux décisions rendues récemment par le
Commissaire et qui, à son avis, sont décisives en ce qui a trait à la ligne
de conduite adoptée par le Bureau concernant l'agrégation. Nous citons ses
agruments:
Comme les composantes formant la combinaison réagissent dans un certain
ordre pour donner un résultat nouveau comportant un aspect inventif, on
prétend que l'opinion de l'examinateur va a l'encontre de la lingde de
conduite du Bureau telle qu'elle est exposée dans la décision du
Commissaire relativement à la demande qui a donné lieur à la délivrance
du brevet canadien no 984,296 enregistré dans La Gazette des brevets le
13 janvier 1976, page xiii (original anglias). Les revendications
touchant cette décision et portant sur une boîte de pilules contraceptives
dont la disposition peut être adaptée suivant l'usage auquel on destine
les pilules, ont été reconnues comme étant brevetables. L'importance
de ces revendications tient au fait suivant: grâce à un mode de
fabrication spécial de la boîte et à des directives appropriées pour
s'assurer que les pilules sont prises dans le bon ordre, on peut
absorber la dose exacte de deux sortes de pilules dans l'ordre convenable.
* Traduction
On a reconnu que cette méthode constituait une nouvelle application
de la découverte faite par le demandeur, les pilules étant disposées
de manière à tirer profit de ceete découverte. Ainsi,on a admis que
le demandeur avait découvert une nouvelle méthode et que la méthode
d'application de la découverte était brevetable même se l'application
de la découverte semblait très simple un fois la découverte faite.
Ainsi, grâce à cette décision, le revendications portant sur une
boîte contenant des pilules ou des capsules disposées séparément et
renfermant deux sortes de stéroïde ont été acceptées; les composantes
ont une relation qui devient efficace lorsque la boîte est utilisée
par l'acheteur.*
Nous croyons que cette décision pourrait s'appliquer à la présente
situation. Dans le cas qui nous occupe, il existe également une
application nouvelle et pratique d'une nouvelle découverte, soit
celle d'agents d'exploration particuliers et de leur mode de
fabrication. Cependant, étant donné que l'on utilise un radio-
isotope de court durée pour marquer les agents d'exploration, ceux-
ci ne peuvent être préparés qu'au moment de servir. Ainsi, les
composantes qui servent à préparer les agents d'exploration sont
vendues ensemble ce qui constitue l'application nouvelle et pratique
de la découverte des produite et de leur mode de fabrication. En
d'autres mots, nous croyons que si les revendications révisées
proposées ne sont pas acceptées, le responsable de la décision va à
l'encontre de la ligne de conduite adoptée par le Bureau des brevets
dans le cas de la décision rendue plus haut.*
Nous nous reportons également à une autre décision rendue par le
Commissaire relativement à une demande qui a donné leur à la
délivrance du brevet canadien no 1,051,713 enregistré dans La Gazette
des brevets le 15 mai 1979, p. iv. (original anglais). La demande
porte sur un procédé et un appareil servant à la fabrication d'extrait
de café. Les revendications visant le procédé ne faisaient pas
l'objet de l'appel interjeté parce qu'il avait été reconnu que ces
revendications définissaient un objet d'invention brevetable. Les
revendications touchées portaient sur l'appareil que L'examinateur
avait rejeté parce qu'il ne s'agissait que d'une simple juxtaposition
mécaniquedes piéces conventionnelles d'un appareil pour mettre en
application un procédé donné" même se ce procédé était brevetable.
Le demandeur déclara que l'on obtanait un résultat unitaire puisque
l'appareil pouvait mettre en application le procédé inventif et il
affirma que l'appareil et le procédé constituaient des aspects
différents d'une même invention. On a reconnu que les revendications
visant l'appareil portaient sur une combinaison du fait que l'on
obtenait un résultat unitaire, le résultat unitaire étant l'extrait
de café produit plus rapidement qu'auparavant. Il a été décidé qui
tous les éléments de l'appareil permattaient d'en arriver à un
résultat unitaire.*
Comme chacun des éléments de l'appareil dont il était question dans
la demande citée semblait être une pièce conventionnelle il va sans
dire qui le résultat unitaire que l'on a fait ressortir dans la
décision ne pouvait être obtenu que lorsque l'appareil était utilisé
pour appliquer la méthode. Nous croyons être en présence d'un cas
analogue puisque, dans le cas présent, la combinaison prend tout
sa valeur lorsque les composantes sont utilisées pour préparer les
agents d'exploration juste avant de s'en servir. Cependant, de par
leur nature, les composantes sont particulièrement adaptées en vue
de produire le résultat final..*
Nous sommes d'avis que les deux décisions rendues par le Commissaire
et mentionnées plus haut justifient l'opinion du demandeur de la
présente demande selon laquelle les revendications proposées définissent
un objet d'invention brevetable et doivent être acceptées conformément
à la ligne de conduite adoptée par le Bureau des brevets et exprimée
dans les décisions citées.*
* Traduction
Le demandeur présente d'autres arguments relatifs au caractère brevetable
des revendications visant l'ensemble:
D'autres motifs justifient notre opinion selon laquelle les
revendications proposées devraient être acceptées. Le titulaire
d'un brevet a le droit de revendiquer tous les aspects de son
invention et une forme commerciale de cette invention correspond
assurément à l'un de ces aspects qui se prête à la revendication d'un
brevet. Comme nous l'avons démontré plus haut, l'aspect commercial
de la présente invention consiste en la combinaison des composantes
prêtes à être utilisées pour préparer les agents d'exploration
médicaux.*
Même se les revendications visant la préparation des agents d'explora-
tion ainsi que les produits qui en résultent ont été acceptées, il
est pratiquement impossible d'en vérifier la validité, étant donné
que l'utilisateur peut appliquer la méthode seulement avant l'explora-
tion et que les fabricants ne peuvent ne produire ne vendre les
agents d'exploration. Seuls les médecins, de qui on ne réclame
habituellement pas de dommages pour contrefaçon, pourraient porter
atteinte aux revendications visant le mode de préparation des agents
d'exploration et les produits que en résultent. Ainsi, les
présentes revendications à l'étude constituent la seule véritable
protection offerte au demandeur pour protéger la réalisation
commercial de l'invention. L'examinateur convient qu'il y a
invention et progrès technique et fait remarquer que les
revendications touchant le procédé et le produit préparé grâce au
procédé sont acceptables. Comme les revendications présentement à
l'étude revêtent un caractère fondamental pou le demandeur, nous
sommes d'avis que ces revendications doivent être acceptées faute
d'antériorité.*
Enfin, le demandeur analyse la nature contradictoire de la pratique courante
du Bureau des brevets en ce qui a trait aux revendications groupées ou
visant un ensemble, tout particulièrement dans le domaine de la chimie.
Voici son opinion à ce sujet:
A notre avis, la jurisprudence n'offre aucun précédent quant au
rejet des présentes revendications et nous ne connaissons aucun
précédent étable relativement au rejet de revendications de ce
genre au Bureau des brevets. Nous croyons que dans les domaines
techniques il arrive souvent que les revendications visant des
ensembles de touts coopétant entre eux donnent lieu à la délivrance
de brevets. Or, la présente situation es sensiblement la même.*
Nous désirons également mettre en évidence le brevet canadien no
1,012,449 de Cohen délivré le 21 juin 1977. Le brevet comporte des
revendications portant sur un ensemble servant à déterminer le
niveau d'activité de l'azotase dans le sol. Mentionnons également
le brevet canadien no 1,056,729 de Clarke et al. délivré le 19 juin
1979. Ce brevet comprend des revendications visant un contenant
ou une seringue à deux compartiments dont l'un contient du trihydrate
d'amoxycilline à l'état sec ou du sel de sodium d'amoxycilline et
le deuxième un mélange stérile d'eau et d'alcool soluble utilisé
en pharmacie. L'ensemble sert à préparer juste avant de l'utiliser
une solution d'amoxycilline qui peut être injectée au patient. Même
si la solution finale s'avère d'une utilité accrue, il est encore plus
pratique, en vue d'éviter des problèms, de préparer la solution juste
avant de l'utiliser. Le brevet comprend également des revendications
portant sur la solution finale et sur son mode de fabrication. Nous
sommes d'avis que les revendications de ce brevet ressemblent à celles
de notre demande et nous devons souligner que la procédure d'examen de
la demande qui a donné lieur à la délivrance du brevet canadian no
1,056,729 a été faite par l'examinateur responsable de la présente
demande. Alors,si les présentes revendications sont rejetées, mis à
part oute autre considération, le Bureau des brevets fait preuve d'un
manque de cohérence.*
* Traduction
Le demandeur résume ainsi ses affirmations:
En résumé, nous croyons qu'il n'existe aucun précédent, tant en ce qui a
trait à la jurisprudence qu'à la pratique du Bureau des brevets, qui
permette de rejeter des revendications comme celles qui font l'objet de la
présente discussion. De plus, nous somme d'avis que l'on ne peut prétendre
que les présentes revendications portent sur une agrégation, compte tenu
des motifs présentés, y compris les récentes décisions rendues par le
Commissaire.
Nous ne pensons pas qu'il faille accorder trop d'importance à ce qui est
présumément ou non la pratique du Bureau des brevets, ou aux motifs d'acceptation
ou de rejet des brevets. A notre avis, il faut nous en tenir à la demande êlle-
même et voir si elle est conforme à la Loi telle qu'elle est énoncée dans la
législation et telle qu'elle est interprétée par les tribunaux dans la juris-
prudence
Le cas qui nous occupe soulève une question intéressante, à savoir se un
demandeur a le droit de revendiquer des ingrédients utilisés pour préparer une
composition nouvelle et brevetable lorsque ces ingrédients sont assemblés dans
un ensemble, et lorsqu'il s'agit d'éléments anciens et connus dont font état
les antériorités. Nous serions en présence du même problème s'il s'agissait
d'une demande relevant du domaines techniqueet dans laquelle l'inventeur reven-
diquait une boîte de pièces ordinaires choisies et connues qui, une fois assem-
blé selon les directives du demandeur, donneraient un appareil nouveau et
brevetable. Dans les deux cas, nous devons nous demander si les pièces
d~inissent adéquatement l'invention, conformément à l'aricle 36, lorsqu'il s'agit
d'une invention résultant de l'agencement de ces pièces. Dans le présent cas,
il nous faut également savoir si les dispositions de l'article 41 ont été res-
pectées. Lorsque l'on a fait remarquer au demandeur, au moment de l'exament de
la présente demande de brevet, que l'alinéa 1 de l'article 41 régit la nouvelle
composition revendiquée, il a fait en sorte que les revendications concernant
la composition soient subordonnées au mode de préparation de la composition.
La revendication 17 nous en donne un exemple. Nous ne savons pas s'il existe
d'autres moyens de préparer le produit désiré à partir des mêmes ingrédients
que les moyens dont font état les revendications présentées par le demandeur;
toutefois, lorsque celui-ci revendique les ingédients utilisés, indépendamment
de toute revendication concernant le procédé, il supprime en réalité toutes les
possibilitées de fabricationde l'agent d'exploration à partir de ces ingrédients.
Ces revendications ne respectent peut-être pas alors les dispositions de
l'alinéa 1 de l'article 41. Le demandeur n'a pas décrit préciséemnt les autres
procédés et la protection qui lui serait accordée serait plus grande que celle
que lui mériterait un produit fabriqué à partir du procédé de la revendication 1.
* Traduction
Le présent cas peut se comparer à celui qui a mis en présence le Commissaire
des brevets et Farbwerke Hoechst, 1964, S.C.R. 45 (original anglais), où le
demandeur a essayé de revendiquer sans restriction un nouveau mécidament con-
tenu dans un étui. Le juge Judson a fait remarquer à la p. 53 (original anglais):
Si la revendicaiton de brevet portant sur la nouvelle substance médicinale
n'est pas conforme aux dispositions de l'alinéa 1 de l'article 41 de la
Loi sur les brevets, la substance dilue qui en résulte ne peut être acceptée.*
et à la page 54 (original anglais):
La décision portée en appel revêt une signification pratique très importante.
Elle rend valide la forme plutôt que la substance. La revendication
visant une composition pharmaceutique et qui fait l'objet de la présente
demande n'est pas assujettie à l'alinéa 1 de l'article 41 et une personne
qui a obtenu un brevet en vertu des dispositions de cet article de la Loi
peut défendre de telles revendications contre quiconque utilise l'ingré-
dient (pharmaceutique actif) qui constitue le fondement de l'invention,
quel que soit le procédé de fabrication. De plus, cette décision peut
avoir un effet sur les demandes de licence obligatiore présentées en vertu
de l'alinéa 3 de l'article 41.*
Enfin, dans l'affaire Tennessee Eastman v. Commissaire des brevets, 1974 S.C.R.
111 à 118 (original anglais) le juge Pigeon déclare:
L'article 41 a été promulgué dans le but de restreindre la portée des
brevets "couvrant des substances préparées ou produites par des procédés
chimiques et destinées à l'alimentation ou à la médicine". Le susdit
considérant énoncé considère dans le cas d'inventions de ce genre que
"le mémoire descriptif ne doit pas comprendre les revendications pour la
substance même, excepté lorsque la substance est préparée ou produite par
les modes ou procédés de fabrication décrits en détail dans la revendica-
tion ou par leurs équivalents manifestes". A mon avis, cet énoncé implique
nécessairement qu'en ce qui a trait à ce genre de substances, on ne peut
revendiquer l'usage thérapeutique au moyen de la revendication d'un procédé
indépendamment de la substance elle-même. Le cas contraire signifierait
que, même si la substance ne peut pas être revendiquée, sauf lorsqu'elle
est préparée au moyen du procédé breveté, sont utilisation, quel que soit
son mode de préparation, pourrait être revendiquée à titre de méthode de
de traitement. En d'autres mots, si une méthode de traitement consistant
en l'administration d'un nouveau médicament pouvait être revendiquée
distinctement à titre de procédé, sans tenir compte du médicament lui-même,
l'inventeur disposerait alors d'un échappatoire for utile face à la
restriction qu'impose l'alinéa 1 de l'article 41 en présentant une telle
revendication de procédé.
On comprend aisément que les tribunaux s'enquièreent du fait que l'on puisse
controurner l'article 41 à l'aide de revendications du produit sans restriction
et sans égard au fondement même de l'objet d'invention. Dans les deux cas cités
* Traduction
plus haut, le composé chimique constitue le fondement de l'invention, et les
demandeurs ont désiré etendre le caractère brevetable à quelque chose qui se
produirait plus tard, soit, dans un cas, au procédé d'utilisation du composé,
soit, dans l'autre cas, aux mélanges contenant le composé. Toutefois, le
tribunal a constaté que cett façon de faire n'est pas réellement conforme à
l'article 41 et il a déclaré que les revendications étaient non brevetable.
Dans le présent cas, le demandeur procède de façon inverse en présentant la
Composition à partir des ingrédients qui servent à fabriquer le composé et
en revendiquant ces ingrédients sans aucune restriction quant qu procédé.
En outre, la revendication 20 pourrait protéger ces ingrédients quel que soit
l'usage auquel on les destine.
Dans un cas semblable, soit le cas In re Dow Corning, 1974 R.P.C. 235, le
Patent Appeal Tribunal (tribunal d'appel des brevets (U.K.)) a examiné les
revendications visant des groupes de substances connues et a déclaré que les
revendications étaient en réalité une forme de revendication déguisée visant
un procédé destiné au soin médical des humains et qu'il ne pouvait être accepté.
On peut même ajouter que les présentes revendications constituent une forme
déguisée de revendication d'une substance médicinale.
Toutefois, nous ne sommes pas convaincus que les revendications visant des
"groupes" ou des "ensembles" puissent toujours présenter des objections ou
qu'il s'agisse en fait d'agrégations. Dans le cas qui a fait l'objet de
la demande intitulée Organon Laboratories Ltd's Applications (1970 R.P.C. 574)
(original anglais), on conclut qu'il pourrait y avoir matière à invention dans
le fait de placer des pilules, dont les ingrédients sont connus, dans un ordre
donné sur une carte; ce nouvel ordre convenait à une méthode de traitement
découverte depuis peu, même si l'on connaissait déjà cette disposition qui aide
le patient à choisir la bonne pilule au moment opportun. L'acceptation se
fonde sur le motif suivant selon lequel il faut suivre un ordre particulier
pour utiliser les pilules conformément à une méthode de traitement découverte
depuis peu. Comme on l'a expliqué dans le cas de Dow Corning ci-dessus, la
décision rendue dans l'affaire Organon n'assure pas forcément au breveté le
monopole quant à sa découverte d'un traitement médical, étant donné que d'autres
personnes peuvent prendre les pilules dans l'ordre prescrit pourvu qu'elles
n'aient pas utilisé les cartes pour choisir leurs pilules.
* Traduction
Dans le cas de L'Oreals' Application, 1970 R.P.C. 565 (original anglais), le
demandeur a cherché à faire breveter un paquet contentant deux composantes
utilisées dans un procédé de traitement des cheveux. Il était essentiel de
conserver les composantes séparément jusqu'au moment d'effectuer le traitement.
La portée des revendications était suffisamment grande pour englober le cas
où les ingédients à fabriquer étaitent placés dans des flacons dinstincts
insérés dans une même botte et utilisés pour effectuer un seul traitement. Le
tribunal a rejeté les revendications en invoquant les motifs suivants:
1) la composition préparée en mélangeant le contenu des deux
flacons du paquet était bien connue, bien que le but recherché
était différent;
2) il était évident que la composition pouvait être préparée à
partir des ingrédients;
3) il était évident qu'il fallait un paquet constitué des deux
composantes nécessaires au traitement et que le composantes
devaient être gardées séparément jusqu'au moment de servir.
Le tribunal a par le même occasion fait des observations intéressantes:
Extrait de la demande présentée par L'Oréal 1970 R.P.C.
Les demandeurs cherchent, à l'aide de leur présente demande, à proteger
des revendication visant un soi-disant "paquet conentant deux composantes".
Dans ce genre de paquet, les ingédients destinés au procédé de traitement
des cheveux sont vendus au public dans des contenants distincts. Les
composantes de la réaction sont ainsi conservées séparément, mais elles
sont prêtes à être mélangées par l'utilisateur juste avant d'appliquer
le mélange dans les cheveux.*
De l'avis des demandeurs, une telle revendication offre un avantage
évident. Ce genre de traitement peut être effectué par des coiffeurs
ou même à domicile par des particuliers. Si les seules revendications
non donformes aux dispositions de la loi sont, comme on le prétend, des
revendications de procédé, et qu'elles soient déjà protégées, les
demandeurs sont vraisemblablement en présence d'une situation difficile
et certainement indésirable puisqu'ils devraient puorsuivre en
justice les clients éventuels. Or, si d'autres fabricants ne font
que vendre eux aussi des "paquets contenant deux composantes", il est
loin d'être certain, compte tenu de l'application actuelle de la
Loi, qu'une action en justice portant sur le brevet de procédé intentée
contre ces fabricants soit justifiée.*
* Traduction
Les demandeurs conviennent que si leur revendication était acceptée,
ils pourraient s'opposer à toute personne qui aurait acheté du
pharmacien, en vue de s'en servir à des fins quelconques, un
paquet renfermant deux petites bouteilles contenant les ingrédients
mentionnés. Toutefois, les demandeurs affirment qu'en pratique,
aucune mesure légale ne seriat prise dans un tel cas qu'ils
qualifient d'ailleurs d'utopique; il ajoutent que d'une manière ou
d'une autre, ils devraient avoir le droit d'intenter des poursuites.
Le motif étayant ce droit ne nous paraît pas bien défini. On ne
peut pas dire que le cas est à ce point utopique. Quelqu'un
peur fort bien désirer utiliser des substances destinées au
procédé de traitement des cheveux et ce, dans les mêmes quantités
et à d'autres fins que celles auxquelles elles sont ou pourraient
être destinées. En général, il nous semble incorrect d'empêcher
le public d'acheter ou d'utiliser des ingrédients connus en veu
de fabriquer un composé connu en quantité désirée. Quiconque
utilise le composé fabriqué à partir des ingrédients connus destiné
au traitement des cheveux contrefait le brevet de procédé des
demandeurs.*
Alors, quelles sont donc les critères qu'il convient de retenir
lorsqu'il s'agit de décider si une demande doit être rejetée
parce que l'envention revendiquée est bein évidente et qu'elle
ne comporte absolument aucun aspect inventif qui puisse ajouter
à nos connaissances? Bien entendu, il s'agit d'abord et principale-
ment d'établir l'interprétation appropriée et la protée conven-
able de la revendication; il faut remarquer que les demandeurs
désirent que l'étude de leur demande se fonde sur le fait que
leur revendication n'est pas plus limitée qu'il n'est indiqué
ci-dessus. Or, la portée de la revendication nous semble telle-
ment grande que l'invention comprend même l'emballlage dans un
sac en papier de deux petitesbouteilles contenant les ingrédients
mentionnés qui donneront un composé connu sans tenir compte
du but auquel il est destiné. Une telle invention est-elle
si évidente et manque-t-elle si manifestement d'ingéniosité
que'elle doive être rejetée, et quelles sont donc les fondements
de cette décision? L'évidence est une question de fait qui
exige de l'objectivité. On convient généralement qu'il s'agit
là d'une question qui relève d'un jury et il en a toujours été
ainsi, particulièrementdans les cas où les brevets sont jugés par
un juge et un jury. A ce titre, il est vrai qu'un jury doit
tenir compte, quand il rend sa décision, de toutes les
conconstances pertinentes. Cette obligation ne signifie pas
pour autant que l'on peut trancher la quest en considérant
des motifs qui, à titre de question de droit, ne sont pas
pertinents et auxquels il ne faut par conséquent accorder aucune
importance. lors de la prise de décision.*
Dans le présent cas, il est clair que si le jury, au moment de
désirer si l'emballage jumelé constitue une invnetion, est porté
à considérer et même appuyer l'affirmation des demandeurs selon
laquelle ils ont découvert une nouvelle méthode de traitement,
ce qui n'est ne démontré ni admis comme étant évident, compte
tenu des documents présentés au Contrôleur générale des brevets
et si, d'autre part, pour une raison ou pour une autre, il
semble qu'il n'était pas évident qu'on pouvait mélanger les deux
ingrédients que renfermait le paquet, alors il faudrait accorder
aux demandeurs le bénéfice du doute et accepter leur revendication
visant l'emballage jumelé. La raison est al suivant: on peut alors
affirmer que personne n'aurait-pensé au paquet jumelé à moin d'avoir
déjà conçu d'idée du traitement en question, et les demandeurs ont
droit à la protection intégrale pour leur invention. Il nous semble
donc que, dans le cas présent, la question fondamentale est la
suivante: a-t-on le droit de tenir compte du fait que le traitement
pour lequel l'emballage des ingrédients n'est qu'un complément, soit
nouveau et non évident, ou existe-t-il d'autres éléments démontrant
qu'il n'est pas évident qu'on peut melanger les ingrédients que
referme un mêmem paquet? S'il convient de retenir le premier argument,
ou s'il existe une indication quelconque de non-évidence, alors la
revendication doit être acceptée, amis dans le cas contraire, elle
doit rejetée.*
La conclusion qui s'impose peut fort bien alors se fonder sur la
forme et sur la protée de la revendication examinée, interprétée
à la lumière des circonstances connexes pertinentes, ce qui à
notre avis, convient parfaitement dans le présent cas. La
revendication a une telle portée qu'elle englobe même le regroupement
dans un paquet unique de deux bouteilles contenant les ingrédients
de base connus, dont on sait qu'ils peuvent être utilisés, une fois
mélangés, à d'autres fins que le traitement des cheveux humains.
Le produit visé par la revendication doit, à notre avis, être mis
à l'essai, abstraction faite de la découverte selon laquelle le
composé résultant de la combinaison des ingrédients de base convient
très bient au traitement des cheveux humains. Nous n'alléguons pas
qu'il existe une raison quelconque pour qu'un individu qui désire
utiliser le produite cyonstitué de la combinaison des ingrédients
connus, produit qui peut servir à d'autres fins utiles, n'achète
pas deux bouteilles distenctes contenant les ingrédients et ne
les emballe lui-même. Quant à savoir si la revendications aurait
pu être limitée de manière à couvrir un paquet ou un produit qui,
destiné à des usages pratiques, ne conviendrait, de par sa
composition, qu'au traitement des cheveux humains, c'est là une
tout autre question. La revendication ne comporte pas une si grande
restriction et, à notre avis, le rejet est inévitable.*
Les demandeurs revendiquent un ensemble de deux ingrédients connus
qui peuvent donner un composé connu. Comme les ingrédients et le
produit sont connus, les demandeurs n'ajoutent rien à nos
connaissances et n'ont pas apporté la considération nécessaire qui
donne lieu à la délvirance de lettres patentes dans les terms
qu'ils désirent. La revendication propsée ne vise qu'un autre
genre d'emballage jumelé bien connu. Il s'agirait d'une atteinte
injustifiée à la liberté du public que d'accorder un monpole
qui empêcherait les gens de fabriquer ou d'acheter ce genre de
produit. A notre avis, le simple fait d'ampaqueter deux ingrédients
distincts dans un même contenant et de les mélanger ensuite pour
obtenir un composé connu, ne constitue pas, à prime abord, une
invention. Il n'en serait ainsi que si la proposition comportait
un élément apparent ou réel de non-évidence que l'on pourrait
prendre en considération. Or, en se fondant sur les faits
présentés dans la présente demande, nous constatons l'absence
totale de ce genre d'élément et la personne qui a fait la
proposition relative au produit dont il est question n'apporte
rient sur le plan des connaissances; il serait donc peu avantageux
de lui accorder un monopole qui, en outre, nuirait au commerce.*
Il va de soi que le présent cas se distingue de cas L'Oréal du fait que la
composition à préparer n'était pas connue, puisque le demandeur y a ajouter des
phospholipides dans un but précis. Dans un autre cas, celui de Ciba-Geigy,
1977 R.P.C. 83 (original anglais), le demandeur désirait revendiquer une
substance connue dans un contenant comporant des directives permettant d'utiliser
la substance à une autre fin, soit pour détruire les mauvaises herbes. La
demande a été rejetée en alléguant qu'il n'y avait pas matière à invention
quant à l'emballage d'une substance connue en un paquet ou dans un contentant
convenable portant des directives la destinant à un autre usage. Voici un
extrait des pages 88 et 89 (original anglais):
On sait qu'en pulvérisant, à l'aide de composés particuliers, les
mauvaises herbes dicotylédons" on peut détruire ces dernières
sans nuire aux cultures de plantes monocotylédones. Les demandeurs
on découvert par des recherches et des expériences qui si l'on
pulvérise une surafce cultivée à l'aide d'un composé connu, il est
également possible de détruire les mauvaises herbes des monocotylédones
(l'herbe, par exemple) sans endommager les cultures monocotylédones.
Cette découverte constitue une invention quand on se fonde sur le
cas N.R.D.C. (1961) R.P.C. 1346. Elle confère aux demandeurs le
monopole de l'utilisation de c:e composé à cette fin sur des cultures
de ce genre. Toutefois, comme le composé est connu, le mompole
a peu de valeur et les recherces et les expériences effectuées par
les demandeurs sont bien peu récompensées puisqu'il est difficile
de "contrôler" l'utilisation illicite de la méthode qui a été
découverte touchant la destruction de certaines mauvaises herbes.
Mises à part les difficultés évidentes d'exercer un contrôle, il
serait injuste, du point de vue commercial, que les demandeurs
ou les preneurs de licence poursuivent des acheteurs éventuels
comme les cultivateurs et les entreprises de pulvérisation. Ils
veulent pouvoir empêcher ou dissuader les concurrents, qui fabriquent
le composé connu, de le vendre accompagné du mode d'emploi permettant
de l'appliquer conformément à la découverte des demandeurs. Or, on
peut se demander en toute bonne foi se ceet manière de procéder
est vraiment acceptable. De toute manière, ces substances sont
habituellement vendues dans un contenant afficant le mode d'emploi.*
C'est la raison pour laquelle les demandeurs cherchent à revendiquer
dans leur mémoire descriptif qui suit, que l'on retienne un des deux
exemples à l'étude: "12. Un composé tiré de la formule décrite
dans la revendication 1 placé dans un contenant qui comporte le
mode d'emploi permettant de l'utiliser pour combattre d'une manière
sélective les mauvaises herbes dans une zone où poussent du blé,
de l'orge, du seigle, de l'avoine, du riz, du maïs, du coton ou du
soya."*
L'examinateur a conclu que l'on a coutume de mettre une substance
que l'on destine à la vente dans un contenant comporatnat des
directives écrites quant à l'usage auquel on destine la substance
et que la revendication ne se bornait pas à une invention, qu'elle
manquait manifestment de portée, qu'elle était dépourvue de tout
aspect inventif ou d'un élément industriel nouveau quelconque.
Le Patents Appeal Tribunal (présidé par le juge Graham) a jugé qu'il
était impossible d'affirmer, en parlant de la revendication 12,
que les demandeurs revendiquaient plus que le contenu d'un paquet
de forme out de taille quelconque, paquet qui n'était pas modifié
et qui ne pouvait, de par sa forme ou sa composition convenir en
tous points au but auquel le contenu était destiné; le tribunal a
confirmé cette décision. Les demandeurs ont alors interjeté appel
avec permission.
* Traduction
Nous avons été surpris dès le début de la discussion que l'on
propose que le simple fait de mettre par écrit ce qui a été
découvert constituait une invention, ce qui signifie que la
substance connue peut servir à détruire d'une manière sélective
les mauvaises herbes dans la zone de culture décrite. Cependant,
il est évident que si la revendication peut être étayée de sorte
que les concurrents qui fabriquent la substance ne puissent, sans
licence ou sans se rendre coupables de contrefaçon, vendre la
substance dans des contentants portant les directives dont il est
question, on pourra alors résoudre en grande partie le problème
de contrôle. Aprs avoir étudié les cas de L'Oréal (1970)
R.P.C. 565, d'Organon (1970) R.P.C. 574 et de Dow Corning (1974)
R.P.C. 235, et après -voir cité un passage illustrant l'opinion
de Lord Roche présentée dans l'affaire Mullard (1936) R.P.C. 323
accompagné d'un commentaire avec lequel nous ommes d'accord,
le juge Graham a résumé sa décision comme suit:
"Si l'on applique les principes qui ressortent de ces
cas..., il semble presque impossible d'affirmer que,
par l'entremise de la revendication (revendicatio 12)...,
les demandeurs (dans l'affaire Ciba-Geigy)**) ne
revendiquent qu'un paquet d'une forme ou d'une taille
quelconque qui ne sera nullement modifié par des
directives supplémentaires quelles qu'elles soient,
ledit paquet contenant une substance bien connue que
l'on sait ancienne... Ils n'ont, selon les termes
employés ni modifié ne amélioré en aucune façon le
paquet pour qu'il ait une forme et un composition
particulières qui conviennent au but auquel est
destinée la substance. En réalité, les demandeurs
ne font que revendiquer d'anciennes substances".*
Nous sommes entièrement d'accord avec la décision rendue par le
Patents Appeal Tribunal. Nous ne pouvons concevoir que l'on
puisse affirmer, en toute connaissance de cause, que la
revendication 12 comporte un aspect inventif ou un élément
industriel nouveau quelconque. L'invention consiste en la
découverte d'un nouvel usage de la substance connu qui peut
servir à détruire d'une manière sélective les mauvaises herbes
sans pour autant endommager les cultures citées. A notre
avis, le fait d'emballer la substance connue dans un emballage
ou un contentant pratique accompagné du mode d'emploi convenant
à la zone décrite et de l'utiliser aux fins énoncées plus haut,
ne constitue pas une invention. Il n'existe aucune relations
entre le contenant, son contenu et les directives qui
l'accompagnent. Le simple fait d'afficher des directives
sur le contenant n'en fait pas forcément un produit industriel
nouveau. La simple présentation de directives écrites ou
imprimées de la manière habituelle sur un contenant n'a rien
de nouveau.*
La Court of Customs and Patent Appeals des Etats-Unis a explicité la question
par la décision qu'ellle a rendue dans l'affaire In re Venzici 189 U.S.P.Q. 149
(1976). Le demandeur désirait revendiquer un ensemble de pièces reliées les
unes aux autres et servant à épisser les câbles. Normalement, l'invention
devait être lancée sur le marché comme un ensemble dont les pièces devraient
être assemblées, sur les lieux mêmes du travail. Le U.S. Patent Office
(Bureau des brevets des Etats-Unis) a rejeté les revendications du fait qu'elles
ne définissaient pas adéquatement l'invention que l'on considérait être
l'épissure elle-même. Le tribunal a déclaré que les revendications n'étaient
pas indéfinies:
* Traduction
Nous ne croyons pas que les mots employés (produit industriel)
doivent être interprétés à la lettre. Si l'on affirme que
l'expression "élément industriel quelconque" n'englobe pas les
groupes ou "ensembles" de pièces reliées les unes aux autres,
nous en arrivons comme conséquence pratique non seulement à
exclure de la protection que confère le brevet les inventions
"d'ensembles" qui peuvent être revendiquées à titre d'ensembles
définitifs (par exemple, un dispositif de raccordement d'épissure),
mais aussi un grand nombre d'inventions comme les blocs de
construction, les ensembles de construction, les jeux, etc.,
qui ne peuvent être revendiqués à titre d'ensembles définitifs.
Nous ne croyons pas que le Congrès avait l'intention de refuser
la protection que confère un brevet à certaines inventions
simplement parce qu'il s'agissait de groupes ou d'ensembles
de pièces reliées entre elles. Par conséquent, nous déclarons
qu'in groupe ou un "ensemble" de pièces reliées entre elles
constitue un "produit industriel", tel que cette expression est
utilisée à l'article 101.*
Nous sommes donc convaincus qu'il est raisonnable aux points de vue légal et
judiciaire d'accepter dans certains cas des revendications visant des inventions
en pièces détachées ou des "ensemble". Il y aurait matière à acceptation
dans le cas où la vouveauté inventive correspondrait à la fabrication de l'ensemble
(comme c'est le cas dans l'affaire Organon). Il en irait de même si l'invention
était normalement mise sur le marché en pièces détachées ou s'il s'agissait là
du seul moyen de mettre l'invention sur le marché, invention qui n'aruait pas été
assemblée auparavant (à d'autres fins). L'ingéniosité et la nouveauté sont deux
facteurs essentiels. On n'accepterait pas le simple groupement d'ingrédients
que l'on sait servir à d'autres fins (voir L'Oreals). On n'accepterait pas non
plus les revendications visant une substance ancienne, emballée et accompagnée
de directives visant un nouvel usage. Ul en serait de même si d'autres dispositions
de la Loi sur les brevets n'étaient pas respectées. La revendication doit être
conforme à l'article 36 et porter sur l'invention elle-même.
Dans le présent cas, il semble que les revendications rejetées comportent
un élément de nouveauté et d'ingénionsité, et nous ne croyons pas que la décision
de rejet doive se fonder sur les motifs invoqués dans la décision finale. Nous
sommes convaincus, compte tenu des cas cités, que les ensembles ne consistent pas
nécessairement en des agrégations est que les revendications des demandeurs visent
un agrégation. Nous sommes d'avis toutefois qu'il faut tenir compte des
exigences de l'article 41.
Le président,
G.A. Asher
Commission d'appel des brevets, Canada
J'ai examiné la recommandation de la Commission d'appel des brevets et j'annule
la décision de rejet en me basant sur les motifs invoqués. Je renvoie donc
la demande à l'examinateur qui l'étudiera afin de voir si l'article 41 s'applique
ou si d'autres objections peuvent être présentées.
Le Commissaire des brevets,
J.H.A. Gariépy
Commissaire des brevets
Datée à Hull (Québec)
ce 13e jour de janvier 1981
Agent du demandeur
Scott & Aylen
170, av. Laurier ouest
Ottawa, Ontario
K1P 5V5