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            DECISION DU COMMISSAIRE

 

REDELIVRANCE - LUBRIFICATION DE CABLE D'ASCENSEUR

 

Le demandeur a revendiqué deux éléments de la même invention qui ont fait

l'objet de deux demandes dont la première a donné lieu à un brevet. La

deuxième demande a été rejetée parce qu'il s'agissait d'un cas de double

brevet. Le demandeur a tenté par la suite de procéder par voie de redélivrance

afin d'abouter cet élément dans la deuxième demande. La Commission a conclu

que, compte tenu des circonstances, le demandeur avait l'intention de revendi-

quer le deuxième élément, Les mesures relatives à l'exécution de la demande

de redélivrance peuvent être prises. De plus, on peut ajouter le nom du

deuxième inventeur à la demande de redélivrance. Toutefois, la demande doit

être renvoyée à l'examinateur qui décidera si les revendications sont trop larges.

La décision de rejet est annulée et modifiée.

 

  *****************************

 

La demande de brevet 315,588 (classe 187-10) a été déposée le 31 octobre 1978

et porte sur une invention intitulée "Mécanisme d'ascenseur". L'inventeur est

Harry Berkovitz qui a cédé ses droits à la société Westinghouse Electric.

L'examinateur chargé de l'étude de la demande a pris une décision finale le 1er

août 1979 dans laquelle il refusait que les dispositions soient prises pour

l'obtention d'un brevet. La Commission d'appel des brevets a revisé la décision

de rejet, et a tenu une audience le 6 août 1980 à laquelle le demandeur était

représenté par M. E.H. Oldham.

 

L'objet de l'invention de cette demande porte sur un ascenseur du genre de ceux

utilisés dans les immeubles élevés. Les câbles sont enduits d'un lubrifiant

synthétique afin que le coefficient de frottement soit élevé entre la poulie

d'entraînement et le câble. On le lubrifie lors de sa fabrication mais le câble

peut continuer à être lubrifié au moyen d'un dispositif à mèche, pendant le

fonctionnement de l'ascenseur.

 

A l'origine, le demandeur a présenté deux demandes au Bureau des brevets. La

première demande (174,632, maintenant brevet 977,699) portait sur un mécanisine

d'ascenseur dont le câble est lubrifié pendant le fonctionnement du mécanisme

au moyen d'un lubrifiant synthétique spécial, qui lubrifie non seulement les to-

rons qui forment le câble pour diminuer l'usure mais, ce à quoi on ne s'attendait

pas, qui augmente la friction entre le câble et la poulie d'entraînement, de sorte

due le câble ne glisse pas. Tout particulièrement, il utilise à cet effet un

lubrifiant connu de marque Santotrac. L'invention était revendiquée par un seul

inventeur, M. Berkovitz.

 

La deuxième demande (174,677) portait sur un mécanisme d'ascenseur dont le câble

est lubrifié à l'avance lors de sa fabrication, avec le même lubrifiant. L'in-

vention est revendiquée par deux inventeurs, M. Berkovitz et M. Harding. Leur

 

       demande a été rejetée parce qu'elle portait sur l'invention qui a été brevetée

       et ne comportait aucun autre élément justifiant la délivrance d'un autre brevet.

       La décision de rejet a été confirmée par le Commissaire du fait que l'objet de

       l'invention dans les deux cas était le même, soit l'utilisation d'un lubrifiant

       qui, non seulement lubrifie le câble, mais augmente la friction entre le câble

       et l'arbre. L'examinateur a rejeté la demande pour un autre motif, à savoir que

       le lubrifiant Santotrac et ses propriété étaient connus et brevetés. Le Commis-

       sacre a rejeté la demande en vertu de l'article 42 de la Loi sur les brevets, rejet

       qui n'a pas donné lieu à un appel en Cour fédérale. La demande est annulée.

 

       Le demandeur a par la suite tenté de faire redélivrer le brevet qui avait été

       accordé pour y ajouter les revendications présentées dans la demande qui a été

       rejetée, soit la demande portant sur des câbles lubrifiés à l'avance. Il sou-

       haitait par la même occasion insérer le nom de M. Harding à titre de co-inventeur.

 

       Dans sa décision finale, l'examinateur a refusé la demande de redélivrance

       alléguant "qu'il était évident que l'on n'avait pas l'intention de protéger dans

       le brevet original ce qui fait l'objet des revendications de la demande de re-

       délivrance". Toutes les revendications ont été également rejetées parce qu'elles

       étaient non brevetables par rapport au brevet suivant:

 

       Etats-Unis       3,440,894   29 avril 1969     Hammann et al

 

       Il s'agit du brevet antérieur protégeant le lubrifiant synthétique connu sous

       le nom de Santotrac.

 

       Dans sa décision finale, l'examinateur a exprimé son avis en ces termes:

 

...

 

       Cette absence d'intention est d'autant plus flagrante que le

       demandeur a présenté au Bureau deux demandes distinctes comme

       suit:

 

                              (a)               (b)

       Numéro de la demande   174,632           174,677

       Date de dépôt de la          21 juin 1973            21 juin 1973

       demande   

 

       Inventeur(s)           Berkovitz         Berkovitz et Harding

 

       La demande (a) a été brevetée tandis que l'invention (b) a été

       rejetée parce qu'elle ne présentait pas d'élément brevetable

       différent par rapport à (a).

 

       Le demandeur désire ajouter les revendications rejetées des

       demandes (b) et (a) en alléguant qu'il auraît dû être avisé du

       chevauchement des revendications pendant que lesdites demandes

       étaient en instance. Il n'y a pas là motif à redélivrance.

       L'article 4 de la pétition en redélivrance s'annule automatique-

       ment étant donné qu'il établit clairement que l'on n'avait pas

       l'intention de revendiquer ces éléments dans le brevet délivré.

 

       Le demandeur allègue "qu'il avait pleinement l'intention de re-

       vendiquer la protection que confère un brevet" On attire

       l'attention du demandeur sur le fait qu'il doit faire preuve de

       son intention de revendiquer dans le brevet délivré pour que sa

       pétition de redélivrance soit acceptée. Il est impossible pour

       le demandeur de démontrer une telle intention étant donné qu'il

       a déposé deux demandes séparées, l'une revendiquée par un inventeur,

       l'autre par deux inventeurs.

 

       On remarque que le demandeur n'a pas donné suite à la décision

       relative à la divergence dans le nombre d'inventeurs. Le demandeur

       a retenu les revendications des inventeurs Berkovitz et Harding et

       désire maintenant les ajouter à un brevet détenu par un seul

       inventeur: Berkovitz. Quelle a été la participation de Harding

       dans cette invention?

 

...

 

       On prétent que le demandeur n'a divulgué aucun objet d'invention

       brevetable par rapport au brevet américain 3,440,894 délabré

       le 29 avril 1969. Ce brevet démontre l'avantage qu'il y a à

       utiliser le lubrifiant SANTOTRAC dand une commande de traction.

       Le demandeur est d'avis que son ascenseur se compare à un

       mécanisme d'entraînement par friction, bien que tout au long

       de la divulgation (voir pages 1, 5, 6 etc. de la version anglaise)

       il utilise le mot "traction" et l'expression "commande de traction"

       pour décrire un appareil. Le lubrifiant SANTOTEAC est employé

       de la même manière et dans le même but dans l'appareil de

       l'antériorité ainsi que dans l'appareil dont il est question dans

       la présente demande de redélivrance. Toutes les revendications

       sont rejetées parce qu'elles ne présentent aucun élément brevetable

       par rapport à l'antériorité citée.

 

       Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur renvoie à une réponse anté-

       rieure dans laquelle il déclare (notamment):

 

...

 

       Il est bien évident que le demandeur croyait qu'il avait mis au

       point une invention brevetable, et qu'il avait pleinement

       l'intention de revendiquer la protection conférée par le brevet.

       Son erreur a été de supposer qu'il s'agissait d'une invention

       brevetable différente en raison de son caractère inventif, et de

       là la nécessité de présenter deux demandes distinctes, comme il

       a été mentionné auparavant. Toutefois, la Commission d'aypel

       en a jugé autrement et elle a signalé que le demandeur a commis

       une erreur en supposant qu'il y avait matière à deux inventions.

       La question n'est pas d'avoir négligé de revendiquer la protection

       nécessaire parce qu'il ne croyait pas avoir réalisé une invention,

       au contraire, il a rempli une demande distincte.

 

       Dans l'affaire Northern Electric versus Photo Sound, le tribunal

       a cherché à savoir si le brevet pouvait être jugé défectueux ou

       inopérant. Dans le présent cas, il n'y a aucun doute que le

       brevet est inopérant parce que les revendications n'englobent pas

       une matière que le demandeur avait l'intention de couvrir. L'in-

       tention du demandeur peut être clairement démontrée par l'existence

 

       de la deuxième demande portant le numéro 174,677 dans

       laquelle le demandeur montre d'une façon convaincante son

       invention de revendiquer la protection que confère un brevet

       pour des matières que l'on revendique maintenant dans la

       demande de redélivrance.

 

       Par conséquent, on constate que la présente demande de redé-

       livrance est conforme à l'une des exigences de l'article 50(1)

       et à la jurisprudence du fait que le brevet est jugé inopérant

       par le demandeur a cause d'un mémoire descriptif insuffisant

       et parce qu'il a revendique moins qu'il n'avait droit de re-

       vendiquer à titre d'invention nouvelle, et que cette erreur a

       été commise par méprise en ce sens que le demandeur croyait

       que les revendications des deux demandes exigeaient des demandes

       séparées.

 

...

 

       A l'audience, M. Oldham a souligné que le demandeur croyait avoir mis au point

       deux inventions pour lesquelles il a rempli deux demandes, mais que cette erreur

       est corrigée par la redélivrance. Il a allégué qu'en rejetant la demande en

       coinstance parce que les revendications y afférentes "visent la même invention

       pour laquelle ce brevet a été délivré à l'origine", le Bureau des brevets a justi-

       fié la position du demandeur selon laquelle il avait l'intention de revendiquer

       l'objet d'invention à la date de dépôt du brevet délivré. Il est donc évident,

       en se fondant sur ce qui précède, que le demandeur a recherché la protection pour

       les revendications actuellement rejetées dès le dépôt de la demande de brevet.

       Que ces revendications aient fait partie de la demande qui a mené à l'obtention

       d'un brevet ou de la demande qui a été par la suite rejetée en raison de ce

       brevet, il n'en demeure pas moins que le demandeur avait l'intention de demander

       la protection pour cet aspect de son invention. Par conséquent, nous recomman-

       dons que la décision de rejet fondée sur l'absence d'intention soit annulée

       puisque le demandeur n'avait pas été avisé du chevauchement des revendications

       pendant que les demandes étaient en coinstance.

 

       Dans sa décision finale, l'examinateur aborde également la divergence remarquée

       en ce qui a trait aux inventeurs. Berkovitz est l'inventeur du brevet original

       tandis que maintenant l'objet d'invention comprend les revendications de la

       demande Berkovitz et Harding. L'article 33 de la Loi sur les brevets prévoit la

       situation des coinventeurs, et traite des sujets "demande" et "demandeurs". Dans

       L'affaire Farbwerke Hoechst A.G. v Commissioner of Patents 50 C.P.R. 220 à 251-2, il

       est stipulé que le mot "demande" implique demande de redélivrance et que les

       articles 44 et 44 de la Loi sur les brevets s'y appliquent. Par conséquent, nous

       n'avons aucune objection à ce que le' demandeur ajoute le nom de Harding, à titre

       de demandeur, à cette demande. Nous signalons qu'il n'est pas permis de

redélivrer un brevet pour corriger une erreur sur l'identité de la personne

d'un coinventeur. Toutefois, si une demande de redélivrance est déposée dans

les règles pour d'autres motifs que ce dernier, elle doit être considérée comme

une demande ordinaire, et les noms d'inventeurs qui ne figuraient pas auparavant

peuvent être ajoutés en vertu de l'article 33(4) de la Loi.

 

Dans la décision finale on a utilisé le brevet Hamman (SANTOTRAC) pour rejeter

les revendications. On y allègue que les avantages qui découlent de l'utilisation

du lubrifiant Santotrac dans une commande de traction sont démontrés dans le

brevet, et que le demandeur décrit son appareil en utilisant les expressions

"traction" et "Commande de traction".

 

M. Oldham affirme que le demandeur compte sur les propriétés de friction du lu-

brifiant Santotrac plutôt que sur les caractéristiques de "traction" décrites

dans le brevet. Pour étayer son affirmation il renvoie à l'article de Product

Engineering du mois d'août 1971 où l'on explique le fonctionnement du lubrifiant

Santotrac, que l'on décrit comme Étant un "lubrifiant lorsqu'il est soumis à une

pression et à une vitesse de cisaillement normales; il devient instantanément un

pseudosolide vitreux lorsque la pression à laquelle il est soumis passe de

20,000 à 40,000 lb/po2 par contact de roulement."

 

   Il semble que dans cette technique les mots "friction" et "traction" soient utilisés

comme synonymes. On peut lire dans le brevet américain 2,440,894 (SANTOTRAC) colonne

1, ligne 28 que le mot "traction" est défini largement comme étant une friction

adhésive d'un corps sur une surface sur laquelle il se déplace"; on peut également

lire à la ligne 35 ... "qu'une commande de traction peut comprendre, dans une forme

simple, deux rouleaux cylindriques parallèles en contact tangentiel, un rouleau

étant l'élément d'entrée et l'autre, l'élément de sortie. Le couple d'une telle

commande de traction est directement proportionnel à la pression de contact entre

les rouleaux et le coefficient de traction des surfaces des rouleaux. On préfère

l'expression "coefficient de traction" à "coefficient de friction" lorsque l'on

désire indiquer qu'il s'agit du roulement" (Nous soulignons). D'après le manuel

Elevators de Fred H. Annett, édition McGraw-Hill Book Company - troisième édition

1960, le mot "traction" est utilisé sans équivoque dans le domaine des ascenseurs.

ON emploie le mot tout au long de la divulgation de la demande.

 

On peut lire page 8, ligne 13 .., de la demande originale (en anglais) que

"... des lubrifiants synthétiques convenables sont disponibles sur le marché;

la société Monsanto Chemical Company fabrique des lubrifiants de viscosité

différente, et les vend sous le nom de commerce SANTOTRAC.

 

Les lubrifiants synthétiques SANTOTRAC ont été vendus pour être utilisés dans le

but d'augmenter le coefficient de traction entre deux éléments roulants qui sont

entraînés par roulement..." On peut lire à la ligne 21 ... ".., toutefois, ces

emplois sont tout à fait différents de l'usage auquel sont destinés le câble métal-

lique de levage de lubrification et la poulie d'entraînement d'un ascenseur d'autant

plus qu'ils ne laissent entrevoir les avantages inattendus qu'offre la combinaison

nouvelle et améliorée divulguée dans la présente demande..." Nous remarquons

toutefois, qu'à la page 7, ligne a0 ... de la divulgation (version anglaise), la

déclaration suivante "... Même si l'invention ne nécessite pas l'emploi d'un

lubrifiant synthétique spécifique, nous avons constaté qu'un lubrifiant synthétique

à l'hydrocarbure comprenant de l'isopropylcyclohexane donne la gamme indiquée du

coefficient de friction..." (nous soulignons)

 

De l'avis des experts, la pression qui s'exerce entre les câbles de levage et la

poulie d'entraînement d'un ascenseur est de 200 lb/po2, Dans l'article de Product

Engineering sur le lubrifiant Santotrac, il s'agit de pression variant entre

20,000 et 400,000 lb/po2. Comme nous l'avons constaté à la page 7 de la divul-

gation du demandeur (version anglaise), l'emploi d'un lubrifiant synthétique à

l'hydrocarbure comprenant de l'isopropylcyclohexane assure le coefficient de

friction nécessaire dans le cas des. commandes d'entraînement d'un ascenseur.

Comme l'amélioration de la traction. de l'ascenseur est attribuable à l'isopropyl-

cyclohexane, ce dernier doit alors être présent dans toutes les revendications.

Les revendications 1 à 14 de la présente demande ne mentinnent qu'un "lubrifiant

synthétique"; ce n'est que dans les revendications 15 à 18 que l'on parle de

l'isopropulcyclohexane. Comme le seul lubrifiant efficace divulgué est un hydro-

carbure synthétique comprenant de l'isopropylcyclohexane, il doit être mentionné

clans toute revendication jugée acceptable. Cependant, la décision ne traitait

pas de cette question, de sorte que nous recommandons que la demande soit

représentée à l'examinateur qui étudiera ce point.

 

En guise de conclusion nous recommandons que la décision de rejet pour absence

d'intention de revendiquer soit annulée. En outre la décision de rejet touchant

les revendications 15 à 18 devrait également être annulée. De plus, nous

recommandons que la demande soit représentée à l'examinateur pour qu'il étudie

les revendications 1 à 14.

 

Le président de la

Commission d'appel des brevets, Canada

 

G.A. Asher                    S.D. Kot

                        Membre

 

Après étude minutieuse de la présente demande et de la recommandation formulée

par la Commission d'appel des brevets, j'annule la décision de rejet de la

demande et des revendications 15 à 18. La demande devra être soumise à l'exami-

nateur qui jugera si les autres revendications sont trop larges.

 

Le Commissaire des brevets,

 

J.H.A. Gariépy

 

Datée à Hull, Québec

cc 6e jour de novembre 1980

 

Agent du demandeur

 

McConnell & Fox

C.P. 510

Hamilton (Ont.)

 

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