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                 DECISION DU COMMISSAIRE

 

Conflit de demandes - revendications non étayées - antériorité - Composé à

base de silicone

 

En se prévalant des dispositions de l'article 11, le demandeur prend connaissance

d'une demande de brevet présentée au Canada, et dans laquelle sont revendiqués

des composés qui n'ont pas été divulgués dans sa propre demande. Il s'efforce

alors d'ajouter des revendications englobant lesdits composés afin de provoquer

un conflit dans le cadre duquel il espère citer des antériorités afin de prouver

que la demande présentée par l'autre partie n'est pas recevable. Les procédures

a suivre dans le cas d'un conflit visent à décider de la priorité, et ne doivent

pas servir à des fins d'opposition à la délivrance du brevet. L'antériorité devrait

être citée en vertu de l'article 15 du Règlement. De plus, une nouvelle revendica-

tion présentée lors de l'audience se heurte à un brevet antérieur du demandeur, et

constitue un empêchement légal prévu à l'article 28.(1)b).

 

Rejet: Confirmé.

 

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La demande de brevet 272178 (classe 400-89) a été déposée le 21 février 1977, et

l'invention revendiquée s'intitule "Composé de silicone à l'épreuve de l'huile".

Les inventeurs Patrick J. Adams et al ont cédé leurs droits à SWS Silicones Corpo-

ration. L'examinateur responsable de l'étude de la demande a rendu une décision

finale le 3 mai 1979 dans laquelle il refuse au demandeur le droit de poursuivre les

démarches pour l'obtention d'un brevet. Lors de la révision du rejet, la Commis-

sion d'appel des brevets a tenu une audience le 10 octobre 1979. MM. M. Martin

Marcus, l'agent de brevets canadien, et Marion Ford de SWS Silicones représentaient

alors le demandeur.

 

Les circonstances qui ont donné lieu au rejet de la présente demande sont excep-

tionnelles. Le 29 novembre 1977, le demandeur présente de nouvelles revendica-

tions 13 à 17 qu'il intègre à la demande Adams dans le but de provoquer un conflit

avec une autre demande, celle de Ben Alfred Bluestein dont le dépôt a été fait par

The General Electric Company. Après s'être prévalu des dispositions de l'article

11 de la Loi sur les brevets, Adams prend connaissance des faits suivants: au

Canada, il existe une demande présentée par Bluestein. Cette dernière correspond

au brevet français 2256226 délivré le 25 juillet 1975, et dont on retrouve l'équi-

valent en Grande-Bretagne sous le même nom de Bluestein, soit le no 1,487,853

daté du 5 octobre 1977. Les deux brevets Bluestein sont apparentés à la demande

428010 déposée aux États-Unis le 26 décembre 1973, soit un peu plus de trois ans

avant la date de dépôt au Canada et la demande Adams. Cette demande a donné

naissance au brevet américain no 4,138,387 délivré le 6 février 1979.

 

Les revendications (13 à 17) présentées ultérieurement ont fait l'objet d'un rejet

de la part de l'examinateur parce qu'elles ne sont pas étayées par la divulgation

Adams. De plus, la revendication 13 est soumise à un double rejet; elle se heurte

à un brevet canadien antérieur, délivré le 16 janvier 1973 au nom de Adams, et

portant le no 919,339.

 

Il n'est pas nécessaire de poursuivre l'analyse de la revendication 13 en dossier

car dans sa réponse à la décision finale, datée du 17 juillet 1979, Adams déclare

alors à la page 4, lignes 17 et 18 (de la version anglaise):

 

Le demandeur est disposé à annuler la revendication 13 et

par conséquent, il n'en appelle pas de la décision finale

de rejet de la revendication 13 rendue par l'examinateur.

 

Au cours de l'audience, M. Marcus a admis que les revendications 14 à 17 n'étaient

pas étayées par la divulgation elles non plus. De plus, il déclare dans sa réponse

du 17 juillet 1979 que le seul but visé par l'introduction des revendications est

de provoquer un conflit, et que ces dernières ne correspondent pas exactement à la

réalité. Voir particulièrement certains extraits de la lettre: page 2, 3e para-

graphe, page 4, lignes 11 à 16, 19 à 21 et 26 à 28 (version anglaise). Pendant

l'audience, M. Marcus a réaffirmé que les revendications au dossier ne sont pas

représentatives de ce qui se produit effectivement, et que par le fait même, elles

se heurtent à l'irrecevabilité, quel que soit le demandeur. Il déclare en outre

que l'objet visé par la présentation des revendications est de créer un conflit

dans le cadre duquel il pourrait démontrer qu'aucune des deux parties en cause n'a

le droit de revendiquer l'objet desdites revendications.

 

M. Marcus a profité de l'audience pour présenter une nouvelle revendication 13 en

remplacement des revendications actuelles 13 à 17. Il estime que la nouvelle

revendication est étayée par les deux demandes, et qu'il serait possible de justi-

fier un conflit à partir de cette dernière. Puisque l'examinateur et la Commission

n'ont pas eu l'occasion d'analyser la portée de la nouvelle revendication 13,

-ette dernière propose de renvoyer le dossier à l'examinateur pour qu'il s'acquitte

de cette tâche. M. Marcus signale toutefois que pour activer un règlement final

de la question, et en arriver à une solution rapide du conflit, il préfère que la

Commission rende sa décision sans plus tarder.

 

On a mis fin à l'audience après s'être entendus sur le point suivant: l'examinateur

et les membres de la Commission procèderont à l'analyse de la nouvelle revendication

13 et de certaines déclarations écrites remises au British Patent Office (bureau

des brevets de la Grande-Bretagne) pendant l'examen en Grande-Bretagne du brevet

Bluestein, et formuleront ensuite une recommandation à l'intention du commissaire.

La nouvelle revendication 13 se lit comme suit:

 Un procédé destiné à faire réagir un fluide renfermant

 du dimethyl-polysiloxane ayant un groupement hydroxyl

 terminal avec au moins l'un des composés suivants:

 acrylate d'éthyle, méthacrylonitrile, acrylate butylique,

 styrène, acétate de vinyle monomère, divinylbenzène, mé-

 thylméthacrylate et méthacrylate d'allyle, en présence d'un

 agent amorceur à radical libre choisi parmi les composés

 suivants: azo (isobutyronilitrile), peroxyde de benzoyle,

 butylperoctate, 1, 1-di-t-butylperozy-3, 3,5-trimethylcyclo-

 hexane, peroxyde-t-butyle.

 

 L'étude de la nouvelle revendication 13 est maintenant terminée. Nous constatons

 qu'elle se heurte à un brevet canadien antérieur, délivré le 16 janvier 1973 au

 nom de Adams, et portant le no 919,339, ce qui constitue en vertu de l'article

 28.(1)b), de la Loi sur les brevets, un empêchement légal pour l'acceptation d'une

 revendication présentée dans le cadre de la présente demande Adams déposée le

 21 février 1977. La revendication 13 dont la portée est étendue englobe d'une ma-

 nière générale, des procédés absolument identiques à ceux qui ont été décrits indi-

 viduellement dans les exemples 1 à 11 du brevet Adams. Dans la demande présentée

 par Adams, les exemples 1 à 11 sont effectivement identiques aux exemples 1 à 11

 de son propre brevet.

 

 La Commission estime qu'elle possède maintenant tous les éléments nécessaires au

 règlement de la question. En ce qui a trait à la présente demande, la nouvelle

 revendication 13 est grevée d'un empêchement légal, ce qui motive un rejet. De

 plus, il nous est impossible d'abonder dans le même sens que le demandeur lorsqu'il

 déclare qu'on devrait lui permettre de poursuivre les démarches malgré la présence

 d'une revendication irrecevable, de manière à créer un conflit avec Bluestein, et

 l'empêcher ainsi de se voir délivrer un brevet. L'objet des procédures en cas de

 conflit est de décider de la priorité entre deux demandes recevables. Elles ne

 doivent pas créer l'occasion de contester la délivrance à une autre partie, d'un

 brevet à partir de revendications que le demandeur juge non recevables. Le deman-

 deur s'efforce d'introduire un genre de procédures d'opposition dans la Loi cana-

 dienne, c'est-à-dire une manière de procéder qui a cours en Grande-Bretagne mais

 que l'on ne retrouve pas dans notre contexte législatif canadien. Si les objections

 formulées par le demandeur en ce qui a trait à la demande Bluestein étaient fondées,

 la protestation contre l'octroi de la demande devrait se faire en vertu de l'article

 15 du Règlement, conformément aux règles de pratique du Canada.

 

 D'ailleurs nous pouvons lire dans Texas Development v Schlumberger 49 CPR 225 à 223:

 

... j'estime que dans son ensemble, l'article 45 prévoit

 une interruption des procédures courantes (cheminement d'une

demande de brevet) uniquement dans le but de

désigner, parmi les deux demandeurs, l'inventeur

(quelquefois dénommé premier inventeur) d'une

invention revendiquée dans le cadre de deux demandes

distinctes en instance au Bureau des brevets. Cette

interruption du déroulement normal d'une demande

constitue un recours extraordinaire, et j'estime qu'il

doit servir uniquement à trancher le litige pour le-

quel il a été prévu ... (nous soulignons).

 

Il ne fait aucun doute que le conflit des demandes ne peut être utilisé aux finx

actuellement proposées par le demandeur.

 

Bien qu'elles ne constituent pas un élément primordial, nous aimerions également

discuter des déclarations écrites de MM. White et Bluestein, remises par le

demandeur. Celle de M. While explique que l'invention décrite et revendiquée

dans les divulgations Bluestein. Ce dernier traite de la préparation d'une dis-

persion stable d'un organo-polysiloxanique-polyoléfine en deux phases, essentielle-

ment exempte de polysiloxane greffé. Adams traite de la fabrication d'un organo-

polysiloxane durcissable et à l'épreuve de l'huile, à partir de la polymérisation

par greffe d'un mélange de monoméres non saturés à fonctions nitrile et ester,

avec un organopolysiloxane, suivies d'une cyclisation à température élevée (voir:

version anglaise page 6, lignes 16 à 22; page 6a, lignes 7 à 14; page 7, lignes

17 à 19, etc). Ce dernier préconise la polymérisation par greffe contrairement à

Bluestein.

 

Au cours de l'audience, M. Marcus a déclaré qu'en présence d'une confirmation de

la situation de conflit de la part de la Commission, il avait l'intention de citer

les antériorités à l'étape prévue à l'article 45(4) de la Loi, afin de démontrer

que les revendications en question "ne sont brevetables pour aucune des parties".

Il lui est naturellement loisible de citer ces antériorités en vertu de l'article

15 du Règlement, sans avoir à créer de situation de conflit, et nous l'incitons

d'ailleurs à agir ainsi. Il y aurait lieu de procéder rapidement afin d'éviter des

délais dans l'étude de la demande Bluestein.

 

en guise de conclusion, la Commission recommande le rejet des revendications 13

à 17 et de la nouvelle revendication 13.

 

Le président de la

Commission d'appel des brevets, Canada

 

 G.A. Asher

  Après analyse du dossier de la présente demande, je dois refuser les revendica-

  tions 13 à 17 ainsi que la nouvelle revendication 13, pour les motifs énoncés par

  la Commission d'appel des brevets. Lesdites revendications doivent être retranchées

  dans un délai de six mois à compter de la date de la présente décision.

 

  Le Commissaire des brevets,

 

  J.H.A. Gariépy

 

  Datée à Hull (Québec)

  ce 31e jour de décembre 1979

 

  Agent du demandeur

 

Marcus & Associates

  C.P. 8721

  Ottawa (Ont.)

  K1G 3J1

 

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