RECOMMANDEE
Article 63(2)
4 mois
15 novembre 1979
M. D.S. Johnson
133 Richmond St. W.
Toronto (Ontario)
M5H 2L3
Demande n : 231875
Déposée le: 21 juillet 1975
Titre: Appareils et méthodes de pesage de wagons de
chemin de fer attelés et en mouvement
Monsieur,
J'accuse réception de votre lettre du 22 octobre 1979 ainsi que la copie
certifiée de la demande américaine n 493,218 qui indique que le requérant
a droit de priorité conventionnelle.
J'ai examiné les arguments présentés au nom du requérant, mais, pour les
raisons expliquées ci-dessous, ils ne me convainquent pas. Par conséquent,
à mois que dans les quatre mois à compter de la date de la présente, le
requérant entame une procédure pour annuler le brevet canadien antérieur no
954,148 du 3 septembre 1974, dans la mesure où il protège l'invention en
question, et qu'il la mène rapidement à bien par la suite, je rejette cette
demande en vertu de l'article 63(2) de la Loi sur les brevets. Autrement,
le requérant pourra annuler les revendications 40 et 41 dans le même laps de
temps. Le brevet canadien no 954,148 a été déposé le 20 juillet 1972, date
qui, notons-le en passant, précède de trois ans et un jour celle du dépôt
canadien par le requérant et de plus de deux ans celle de sa priorité
conventionnelle. L'examinateur l'a accepté le 14 mai 1974, avant la priorité
conventionnelle du requérant et plus d'un an avant la date de son dépôt au
Canada.
Il est certain que les revendications 40 et 41 de la présente demande traitent
de la même invention que celle qui est revendiquée dans le brevet canadien
et le requérant ne le conteste pas; il l'a reconnu à la fin de la page 4 de
sa lettre du 9 juin 1978.
Il est également évident que le 3 septembre 1974, lors de l'émission du brevet
canadien 954,148, la présente demande n'était pas en cours au Canada puisqu'on
ne l'a déposée au Bureau des brevets que le 21 juillet 1975, soit environ 10
mois après l'émission du brevet canadien. Je suis donc convaincu que cette
invention était déjà brevetée en 'vertu de la Loi canadienne sur les brevets et
que, conformément à l'article 63(2), la présente demande doit être rejetée.
Le requérant prétend, cependant, qu'il a droit à la concession de ce
qui serait un second brevet canadien pour la même invention en raison d'un
précédent juridique qui s'est produit dans l'affaire In Re Fry (1939) tel que
publié au no 135 de la Section II du Vol. 1 du Canadian Patent Reporter, et
également du fait que sa demande de convention correspondante a été déposée
le 31 juillet 1974 au E.-U., exactement un mois avant l'émission du brevet
canadien 954,148. Il soutient, avoir droit, en vertu de l'article 29, à ce
que sa demande 231,875 soit examinée comme si elle avait été déposée le 31
juillet 1975, que le brevet canadien 954,148 doit donc être réputé en coinstance
avec cette demande et que rien ne s'oppose à l'acceptation de cette dernière
étant donné que dans l'affaire précitée, on avait jugé que l'article 61(2) ne
s'étendait pas aux demandes en coinstance.
Dans le cas présent, il faut, cependant noter que les faits sont différents
de ceux de l'affaire Fry où, au même moment, les deux demandes étaient réelle-
ment en coinstance devant le Bureau canadien des brevets dont l'erreur fut de ne
pas établir de conflit en vertu de l'article 44. Le cas qui nous occupe ne
présente aucune situation semblable.
En outre, la rectitude du jugement Fry est discutable. Dans cette instance,
le défendeur n'était pas représenté et l'on n'a jamais débattu le motif pour
lequel la demande Fry ne devait pas être acceptée. Dans un jugement beaucoup
plus récent, Radio Corp. of America c. Philco Corp. 1966 CPR vol. 64 1, 14 et 15,
le président de la Cour de l'Echiquier a exprimé énormément de doute concernant
l'affaire Fry:
....Selon moi, il faut lire l'article 63(2) comme s'appli-
quant à toute demande d'invention pour laquelle on a
déjà émis un brevet au moment où le commissaire doit
décider s'il y a lieu de "devoir la rejeter". Il semble
que l'intérêt public serait certainement servi si le
Commissaire était dans l'obligation d'appliquer la règle
de l'article 63(2) toutes les fois qu'il reconnaît
l'existence d'un brevet pour l'invention revendiquée de
façon à éviter chaque fois qu'il y a possibilité la
coexistence de deux brevets pour la même invention...
et
... L'article 63(2) traite d'un problème tout à fait
différent (que l'article 43), celui d'éviter, lorsqu'il
est possible, la coexistence de deux brevets pour la
même invention en vertu de la Loi sur les brevets. Ce
paragraphe interdit l'émission d'un brevet pour une
invention déjà brevetée en vertu de la loi canadienne
jusqu'à ce que le brevet antérieur ait été contesté avec
succès devant les tribunaux. Cette règle s'applique
évidemment à certains des cas qui ressortent de l'article
43 et elle était exprimée pour s'appliquer par dérogation
à cet article. Il n'y a aucune raison justifiant que l'on
doive limiter la règle énoncée à l'article 63(2) à une
demande présentée après l'émission du brevet et ce paragraphe
ne renferme pas de restriction expresse de ce genre. Le fait
que l'article 43 en comprend une et pas l'article 63(2) me
confirme qu'il n'est pas nécessaire de le sous-entendre dans
ce dernier article.
De plus, il est à noter que le requérant ne peut se prévaloir des avantages
de l'article 29(1) que si les citoyens canadiens jouissent de la récipro-
cité dans le pays de la priorité. Dans le cas présent, le dépôt de la
priorité avait eu lieu aux Etats-Unis d'Amérique. Dans des circonstances
analogues, en vertu de la loi américaine, la demande serait refusée jusqu'à
ce que le requérant puisse prouver que son invention est antérieure au 20
juillet 1972, et même dans ce cas, il serait alors en conflit avec le brevet
lorsqu'il s'agirait de déterminer qui était réellement le premier inventeur.
Vu qu'au Canada, le Bureau des brevets n'est pas habilité à ce genre de
démarche puisque l'on ne peut créer un conflit entre un brevet émis et une
demande, cela doit se faire par l'entremise du tribunal.
L'article 4B de l'accord de la Convention internationale de Londres que le
Canada a signé, garantit que la demande faite au Canada par le requérant ne
sera pas annulée par des actes accomplis entre son dépôt aux E.-U. et celui
au Canada, et il concrétise cette garantie en lui donnant la possibilité
d'annuler le brevet canadien, en vertu de l'article 63(1) c), Droit qu'au-
trement le requérant n'aurait pas eu.
Le requérant a lui-même cité un paragraphe du jugement de l'affaire R.C.A, c.
Philco, mais je n'en vois pas l'à-propos. Dans le cas présent, le Bureau a
reconnu qu'en cas de coinstance, les demandes pourraient être en contradiction;
la situation des faits n'est donc pas comparable. Le Bureau n'a pas pu laisser
passer l'éventualité d'un conflit, étant donné que la demande n'était même pas
déposée. La dernière phrase de la citation mentionne que l'article 63 permet
d'écarter un brevet antérieur au profit d'un second brevet. Cette disposition,
cependant, n'empêche pas un requérant qui se prévaut également de l'article 63
d'annuler un brevet émis. L'article 63(1)c) stipule, bien entendu, que s'il
désire lui-même obtenir un brevet, le requérant peut recourir à l'article 63
pour annuler le brevet antérieur.
J'ai, par conséquent, la certitude que l'on ne peut autoriser la délivrance
d'un second brevet pour la même invention avant d'annuler le premier.
Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.
Le Commissaire des brevets,
J.H.A. Gariépy