Brevets

Informations sur la décision

Contenu de la décision

            DECISION DU COMMISSAIRE

 

Nouveauté: Véhicules sur coussin d'air ou aéroglisseurs utilisés comme brise-glace.

 

Le véhicule sur coussin d'air, autopropulsé ou fixé à la proue d'un navire,

sert à briser la glace en exerçant une pression sur la surface de la couche

de glace à briser, tout en refoulant l'air sous la partie avant de cette même

couche. La méthode utilisée dans la version nouvelle de la revendication 18

ne définit pas le fonctionnement normal d'un véhicule sur coussin d'air et

s'avère nouvelle. De plus, cette méthode a suffisamment été décrite dans

l'exposé pour ne pas être rejetée à cause d'une divulgation imparfaite.

 

Décision finale: révoquée.

 

            *****************

 

La demande de brevet 181,621 (Classification 114-11) de l'invention intitulée

"Brise-glace à effet de sol", déposée le 21 septembre 1973, a pour inventeurs

John D. Bennett, et autres, cédants de la compagnie Sun Oil. L'examinateur

chargé de la demande a pris une décision finale le 19 juillet 1978, celle de

s'opposer à sa brevetabilité. Lors de l'examen du rejet, la Commission d'appel

des brevets a tenu, le 13 décembre 1978, une audience où le demandeur était

représenté par M.G. Fisk.

 

La demande a trait à un dispositif brise-glace s'adaptant à des navires

classiques; et nous nous intéressons. plus particulièrement à la méthode utilisée

pour briser la couche de glace des nappes d'eau recouvertes de glace. Les

revendications relatives au dispositif n'ont pas été rejetées.

 

Dans sa décision finale, l'examinateur a rejeté les revendications 18 et 19

relatives aux méthodes parce qu'elles: 1) ne comportent pas d'éléments nouveaux

par rapport aux véhicules classiques sur coussin d'air et leur mode d'opération

qui est un fait notoire; et 2) qu'elles ont une plus vaste portée que l'exposé.

 

En prenant cette décision, l'examinateur a prétendu que les revendications

rejetées manquaient d'éléments nouveaux parce qu'elles portent uniquement sur

la structure et le fonctionnement des véhicules sur coussin d'air à jupes

souples bien connues. Il a soutenu que le simple fait de dire que le véhicule

sur coussin d'air sert de brise-glace ne fait pas oublier le manque d'originalité

de la structure et de la méthode exposées dans les revendications. Il a soutenu

également que les revendications portent sur l'utilisation d'un dispositif d'une

portée plus vaste que celle qu'envisage le demandeur dans son exposé.

 

Il a continué en disant que les revendications portent sur l'utilisation d'un

véhicule sur coussin d'air servant pie brise-glace, puisque le moyen de

propulsion est une hélice ou un éventail servant à propulser un véhicule sur

coussin d'air.

 

En réponse à la décision finale, le demandeur a annulé les revendications 18,

19 et 20 et présenté une version nouvelle de la revendication 18.

 

Le demandeur prétend que la version nouvelle de la revendication 18 a en effet

raison des objections soulevées dans la décision finale. Il explique la nature

de son invention et soutient avoir nettement exposé dans sa communication une

réalisation privilégiée d'un plus vaste concept. Il souhaite maintenant définir

dans ses revendications le monopole d'exploitation se rattachant à ce concept

plus vaste.

 

L'affaire portée d-vant la Commission est de savoir si le demandeur a

l'autorisation d'agir ainsi dans les circonstances actuelles et, dans

l'affirmative, si le mode d'opération est un fait notoire.

 

A la suite de l'audience, une déclaration sous serment a été signée par l'un

des inventeurs, M. C.M. Mason, et présentée à la Commission. Les parties 3 à 8

de cette déclaration sous serment sont pertinentes et apparaissent ci-dessous:

 

3. Le projet commun conçu à l'origine comportait l'essai dans

l'Arctique de l'ACT-100 comme véhicule de transport de matériel

de forage sur des couches de glace suffisamment résistantes pour

supporter le véhicule sans céder. Toutefois, dès avant d'effectuer

les premiers essais de fonctionnement sur la glace, on a envisagé

la possibilité qu'il se trouve des couches de glace d'une résistance

insuffisante, susceptibles de céder. Vu les problèmes éventuels

que comportent de telles crevasses et les possibilités alors

reconnues de pouvoir faire fonctionner l'ACT-100 comme un brise-glace,

le programme du projet original a été modifié pour inclure des

essais de l'ACT-100 sur des nappes d'eau recouvertes de glace, afin

d'établir s'il réussirait à fonctionner comme un brise-glace et à se

frayer un chemin à travers les glaces et, dans l'affirmative, dans

quelle épaisseur de glace il pourrait alors fonctionner.

 

4. Ce premier essai a été effectué en novembre 1971 par moi-même

et par les autres membres du personnel de Sun, avec la participation

du personnel des ingénieurs de l'Arctique. Au cours de cet essai,

le véhicule a été amené au bord d'une couche de glace, alors qu'il

fonctionnait sur coussin d'air. On a découvert que, lorsque la

jupe avant de l'ACT-100 se trouvait au-dessus de la partie avant de

la couche de glace, l'air refoulé sous le véhicule déplaçait l'eau

sous la couche de glace et créait ainsi un espace d'air entre la

couche de glace et, à mesure que l'ACT-100 avancait, passaient sous

le véhicule par la jupe souple à l'arrière. On a découvert ainsi que

le véhicule, en se déplaçant, brisait la couche de galce sur son

passage et laissait derrière lui des fragments détachés.

 

5. J'étais à bord de l'ACT-100 lors du premier essai. Du compartiment

d'observation avant de l'ACT-100 permettant une observation visuelle

sous la partie avant de la couche de glace vers laquelle s'avançait

l'ACT-100, j'ai pu observer directement le phénomène de formation d'un

espace d'air sous la glace, et la cassure de la couche de glace au-dessus

de cet espace d'air. Autant que je sache et que je me souvienne, ce

phénomène m'a été révélé à la suite de ma propre observation visuelle,

et c'était la première fois qu'il était observé et communiqué.

 

6. A partir de cette observation, j'ai conclu qu'un véhicule sur

coussin d'air non autopropulsé comme l'ACT-100 était capable de briser

la glace et de s'y frayer un chemin de la façon indiquée. Autant que je

sache, c'était la première fois qu'il était démontré la possibilité

qu'un véhicule sur coussin d'air ouvre un chenal à la navigation à

travers les glaces et la première fois que quelqu'un concevait ou

observait la fragmentation d'une couche de glace par refoulement d'air

sous la partie avant de la couche formant ainsi un espace vide au-dessous

et entraînant par le fait même la couche de glace ne reposant plus sur

l'eau à se briser.

 

7. Après avoir observé l'easai décrit ci-dessus, M. Bennett et moi-même

avons imaginé, au cours d'une conversation, appliquer la même méthode à

un brise-glace autopropulsé. Il nous paraissait évident, à ce moment-là,

que tout navire autopropulsé fonctionnerait comme un brise-glace s'il

était pourvu d'une enceinte à parois souples, et d'un éventail, ou d'un

objet analogue, pour pressuriser l'air à l'intérieur de cette enceinte.

Nous nous sommes rendus compte que l'enceinte pourrait être poussée vers

l'avant par le véhicule autopropulsé de façon que la partie inférieure de

l'enceinte soit partiellement en contact avec la glace et partiellement

en contact avec l'eau touchant la glace. Le ventilateur pourrait alors

refouler l'air vers le bas de l'enceinte, pendant qu'une pression serait

exercée par le poids du véhicule sur la surface de la couche de glace.

Cela aurait pour effet de refouler l'air sous la partie avant de la

couche de glace et de casser la glace de façon analogue à ce qui s'était

produit au cours de l'essai de l'ACT-100. Nous nous sommes rendus compte que

des fragments de glace l'enceinte vers ce qui restait de la couche de

glace, les fragments de glace passeraient par la jupe souple à l'arrière.

 

8. Il est apparu évident à M. Bennett et à moi-même que la navire

susceptible de mettre cette méthode en pratique pourrait être soit

un navire sur coussin d'air (ACV) comme le type connu sous le nom

commercial d'"Hovercraft" soit un navire classique muni d'une coque

flottante dans l'eau. A l'époque, toutefois, nous songions à utiliser

de préférence un navire à coque classique, muni d'une enceinte à l'avant,

et nous pensions que ce navire conviendrait mieux aux rigueurs de

l'Arctique qu'un navire sur coussin d'air. Nous étions, toutefois,

certains qu'un navire sur coussin d'air autopropulsé pourrait mettre

en pratique cette méthode, vu l'essai réussi de l'ACT-100 exposé à

l'alinéa 4 ci-dessus.

 

Compte tenu de ce qui précède, il apparaît manifeste que les inventeurs se sont

rendus compte du vaste concept que présente la cassure de la glace avec un

véhicule sur coussin d'air autopropulsé ou non autopropulsé. Nous n'avons

donc pas de motif d'être en désaccord avec ce qui est exposé dans la déclaration

sous serment et nous considérons que le vaste concept de l'invention était du

moins connu avant que cette demande ne soit déposée.

 

La question, toutefois, de base dans. l'exposé du vaste concept reste encore à

résoudre. Nous allons maintenant envisager cette question. La version nouvelle

de la revendication 18, se lit comme suit:

 

Méthode servant à briser la couche de glace des nappes d'eau recouvertes

de glace, comportant un dispositif permettant de briser la glace, doté

de plus de moyens de propulsion intégrés et comportant une enceinte

parois souples, au sein de laquelle de l'air peut être pressurisé, et

dont la partie inférieure est en contact avec la glace et l'eau touchant

la glace; en refoulant l'air vers le bas de cette enceinte, en exerçant

une pression sur la surface de la couche de glace; en refoulant l'air sous

la partie avant de la couche de glace, il s'ensuit une cassure et une

fragmentation de la couche de glace; et en déplaçant l'enceinte vers la

couche de glace intacte, les fragments détachés passent par la ceinture

de jupes souples.

 

En supporsant pour le moment qu'une invention soit définie dans la revendication 18

ci-dessus, ce qu'il nous faut trouver dans l'exposé c'est une description de

l'invention ou, en d'autres mots, une invention détaillée qui étaye la vaste

portée du monopole d'exploitation recherché dans la revendication 18.

 

Dans son exposé, le demandeur a clairement fourni une "explication des

réalisations privilégiées" qu'il rattache à la figure 1 des dessins. Cette

figure, reproduite ci-dessous, "donne une coupe transversale verticale d'un

navire pourvu d'un brise-glace à effet de sol".

 

<IMG>

 

La revendication 15 ci-dessus définit à notre avis un domaine plus vaste que

la réalisation mais, bien entendu, ce n'est pas désastreux. La question

précise est de savoir s'il y a une description de l'invention plus détaillée

que celle qui est expliquée par la réalisation privilégiée.

 

Nous avons minutieusement examiné l'exposé et nous trouvons que, d'après

"l'historique de 1'invention" la première ligne se lit comme suit: "La présente

invention a trait à un dispositif qui se fixe sur un navire pour briser la

glace." L'un des buts de l'invention est celui-ci: "La présente invention

vise donc à présenter un dispositif amélioré destiné à briser la glace".

L'invention se résume comme suit: "La présente invention envisage entre autres

buts l'utilisation d'un dispositif permettant aux navires franchissant des

nappes d'eau recouvertes d'une couche de glace de s'y frayer un chemin. Le

dispositif comprend une plate-forme faite d'un matériau souple, se prolongeant

vers le bas, et un mécanisme permettant de refouler un gaz sous la plate-forme."

 

La description du fonctionnement du dispositif à la page 5, ligne 15 et suivantes,

se lit comme suit:

 

...Lorsque le navire affronte une couche de glace 16 (voir la

figure 1 ci-dessus), le ventilateur 22 se met en marche et

refoule l'air de la partie au-dessus du pont 20 vers la partie

sous le pont et l'enceinte de la jupe 34. La jupe, le pont

et la surface de la couche de glace et de l'eau sous le pont

constituent une enceinte au sein de laquelle l'air peut être

pressurisé. L'air étant refoulé sous le pont 20 par le

ventilateur 22, une pression s'exerce sur la surface de la

couche de glace 16. Il se produit de plus un refoulement

d'air sous la partie avant de la couche de glace 16. L'action

combinée de la pression qui s'exerce sur la surface de la couche

de glace, et de la disparition de la poussée qu'exerçait

l'eau, précisément déplacée par l'air, sur le dessous de cette

même couche 16, entraîne la cassure de la couche de glace et

le détachement du fragment. 18 de la couche de glace 16.

 

Un passage critique suit à la page 10, ligne 6 et suivantes et se lit comme suit:

 

Ce dispositif brise-glace fonctionne de façon analogue à un

véhicule classique à effet de sol. Dans les essais qui ont été

faits avec les grands véhicules à effet de sol, on a découvert

que des sections de couche de glace épaisse s'effondrent au

passage de ces véhicules. Il a été établi que la cause de

cette cassure vient de la capacité du véhicule de refouler

l'air sous le bord de la couche de glace et de placer la partie

avant de la couche de glace dans une position en parte-à-faux

produisant l'effondrement lorsque le poids du véhicule s'exerce

sur la surface supérieure de la couche de glace.

 

Nous en venons au dernier alinéa de l'exposé qui se lit comme suit:

 

Bien que les réalisations de l'invention acteulle aient été

présentées et décrites en détail, il est évident qu'il peut y

être apporté des modifications sans d'écarter de la présente

invention dans ses aspects d'une portée plus vaste. Le but

des revendications annexées est d'englober les modifications

qui touchent à l'essence et à la portée véritable de la présente

invention.

 

Nous nous en rapportons aussi à un document débattu par M. Fisk, ayant pour

titre "Perfectionnement des brise-glace grâce à la technologie du coussin

d'air". Lorsqu'on y discute à la page 3 de ce qui s'est passé au cours de

l'hiver 1971-72, on déclare que: ".., le transporteur lourd sur coussin d'air

ACT-100 ne cessa pas de briser la couche de glace d'eau douce nouvellement

formée ..." M. Fisk nous certifie qu'il s'agit de la même machine dont il est

question à la page 6 de l'exposé; voir la citation ci-dessus. Que l'ACT-100

est aussi la machine dont il est question ci-haut dans la déclaration sous

serment des inventeurs.

 

Signalons à présent qu'il se s'agit pas de la même revendication que celle

qui a été présentée à la Commission, bien qu'elle soit en quelque sorte

analogue à la revendication soumise à l'étude de l'examinateur.

 

Nous avons attentivement examiné la portée du monopole d'exploitation de la

méthode exposée dans la revendication 18. Nous constatons que cette revendication

décrit une méthode qui est extrêmement proche de celle qui est mentionnée ci-dessus

et qui provient de la page 5 de l'exposé. Nous trouvons que la seule partie

qui soulève certaines difficultés pour nous est le terme "dispositif". Ce terme

recouvre une notion nettement plus large que le dispositif de la réalisation

privilégiée. Il existe toutefois une règle bien établie, comme on l'a dit, à

savoir qu'il n'est pas nécessaire de divulguer toutes les réalisations qui se

rattachent à la revendication pourvu que, à partir de la revendication, il y ait

normalement espoir que la personne experte dans le métier connaisse des biens

pouvant servir d'équivalents. Nous gommes donc persuadé, qu'en raison des points

soulevés ci-dessus, la revendication 18 établit les limites de la portée

du monopole d'exploitation d'une invention décrite suffisamment en détail dans

l'exposé de la présente demande. Nous proposons que la présente objection soit

retirée.

 

Envisageons maintenant la seconda objection aux revendications, c'est-à-dire

"le point où il est question du manque d'originalité eu égard aux véhicules

classiques sur coussin d'air et leur méthode de fonctionnement qui est un

fait notoire".

 

Rappelons que la revendication 18 porte sur une "méthode consistant à briser

la couche de glace des nappes d'eau recouvertes de glace ... en exerçant une

pression sur la surface de la couche de glace, en refoulant l'air sous la

partie avant de la couche de glace, d'où il s'ensuit la cassure et la fragmentation

de la couche de glace ..." Cette méthode n'est manifestement pas le mode de

fonctionnement habituel d'un véhicule sur coussin d'air.

 

On a fait valoir, à l'audience, que la chose a pu se produire accidentellement

auparavant. Nous ne croyons pas toutefois pouvoir rejeter une revendication

sur la foi d'un hasard ou d'un fait éventuel. Nous croyons devoir accepter la

déclaration sous serment ci-dessus, où il est dit que c'est la première fois

qu'un phénomène particulier comme celui de briser la glace dans la position de

porte-à-faux ait jamais été observé. Nous reconnaissons avec l'examinateur que

le mode de fonctionnement du véhicule sur coussin d'air "y compris le contrôle

de la pression du coussin" est un fait notoire. Nous trouvons toutefois que

ce n'est pas 1à la portée du monopole d'exploitation recherché dans la revendication

18 ci-dessus. Nous sommes donc persuadé que la revendication 18 ne doit pas être

refusée pour le motif qu'elle est une définition de ce qui est un fait notoire

en général. A notre avis, le domaine de la revendication est nouveau et définit

une invention décrite dans l'exposé.

 

Pour récapituler, nous proposons que les rejets de la décision finale soient

retirés dans la mesure où ils s'appliquent à la version nouvelle de la

revendication 18.

 

J.. Hughes

Président adjoint

Commission d'appel des brevets, Canada

 

J'ai étudié attentivement la procédure d'examen de la présente demande et j'ai

tenu compte des propositions de la Commission d'appel des brevets. Je suis

d'accord avec les propositions de la Commission. En conséquence, j'accepte

la revendication 18. La demande a été envoyée à l'examinateur pour que reprenne

la procédure d'examen de la demande de brevet.

 

Le commissaire des brevets

J.H.A. Gariépy

 

Fait à Hull, Québec

 

ce 1er jour de mai 1979

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.