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       DECISION DU COMMISSAIRE

 

Redélivrance: Aucune inadvertance - caisse de bière

 

Compte tenu de la preuve, le commissaire en est venu à la conclusion que lors

de la présentation de la demande originale, le demandeur n'avait pas eu l'inten-

tion de revendiquer les particularités qui font l'objet de la présente demande

de redélivrance.

 

Rejet: Confirmé

 

*****************************

 

La demande de brevet 273056 (classe 216-157) a été déposée le 3 mars 1977, et

l'invention revendiquée s'intitule "Boîtes de carton". L'inventeur, Ernest J.

Dewhurst, a cédé ses dr-its à The Paul Moore Company Limited. L'examinateur

responsable de l'étude de la demande a rendu une décision finale le 2 mai 1978,

dans laquelle il refuse au demandeur le droit de poursuivre les démarches pour

l'obtention d'un brevet. La Commission d'appel des brevets a tenu une audience

le 1er novembre 1978. Me D. Watson, C.R, ainsi que M. Andrew Jarzyna représen-

taient alors le demandeur. J'en suis venu à la conclusion qu'il fallait rejeter

la demande après l'avoir étudiée, avoir discuté du rejet avec les membres de

la Commission, et fait l'écoute des enregistrement de l'audience.

 

La demande porte sur la redélivrance du brevet 940884 accordé le 29 janvier 1974

pour une découpe de carton utilisée comme cloison intérieure des caisses de bière.

La découpe comprend deux morceaux, soit le panneau de la poignée et un panneau

agissant à titre de séparation entre les bouteilles. La poignée est habituelle-

ment encastrée dans la boîte, mais il est possible de la sortir pour le transport.

Dans le brevet original, les revendications se limitent à un dispositif d'assem-

blage dans lequel le panneau de la poignée est rattaché au panneau séparateur au

moyen d'une paire de panneaux de raccordement que l'on peut détacher par la suite

du panneau de la poignée. Ces panneaux de raccordement représentent le noeud de

la question.

 

La figure 1 de la demande illustre       <IMG>

la découpe.

 

Le panneau séparateur (1, 2) paraît au bas de l'illustration tandis que le

panneau de la poignée se trouve dans le haut. Les deux panneaux de raccordement

(7) sont séparés par une patte (14) que l'on replie sur le panneau de la poignée

pour le renforcer. Les pattes 16 se replient de la mime manière, et servent-elles

aussi de renfort, tandis que les prolongements 25-26-20 visent à consolider les

éléments de la poignée. Pendant. le montage de la boîte, le panneau de la poignée

est détaché du panneau de raccordement à la ligne de séparation (11) de manière

à extirper la poignée pour la faire sortir de la boîte, et la détacher du panneau

séparateur.

 

Dans sa demande de redélivrance, le demandeur désire étendre la portée des reven-

dications et, à cette fin, rectifier l'expression "panneaux de raccordement" en

la remplaçant par "au moins un panneau de raccordement" (revendication 7). En

d'autres termes, il désire parer à l'éventualité suivante: la patte 14 n'est pas

utilisée comme renfort du panneau de la poignée, et n'est pas découpée le long

des lignes 13; au contraire, elle est intégrée aux panneaux de renforcement de

sorte que le panneau 7 n'est plus constitué que d'une seule pièce allongée d'un

bout à l'autre de la découpe. Les nouvelles revendications portent sur deux

genres de découpes: l'une où la patte 14 est utilisée comme renfort de la poignée,

et l'autre où la patte 14 est absente, laissant ainsi place à un seul panneau de

raccordement posé le long de la découpe.

 

L'examinateur a rejeté la demande de redélivrance parce qu'elle n'était pas

conforme aux dispositions de l'article 50 de la Loi sur les brevets.

 

I1 a déclaré en premier lieu que le brevet original n'est pas défectueux, du

moins en ce qui a trait à la protection accordée, car celle-ci couvre bien

l'objet de la première demande (brevet original.)

 

En s'appuyant sur la décision rendue dans l'affaire Curl-Master v Atlas Brush

S.C.C., 52 C.P.R., 51, M. Watson a soutenu que pour qu'un brevet soit redélivré,

il n'est pas nécessaire que le brevet original soit défectueux au sens d'invalide,

ou qu'il ne présente pas d'élément brevetable par rapport à l'antériorité. Il

est fort possible qu'il soit défectueux parce que la protection accordée en vertu

du brevet ne correspond pas à ce que le breveté avait le droit de revendiquer à

titre d'invention, sous réserve toutefois que l'erreur a été commise par inad-

vertance, accident ou méprise; j'éclaircirai ce point plus loin. Je dois dire

d'ailleurs que j'abonde dans le même sens que M. Watson. Voici un extrait du

jugement Curlmaster (p. 54) cité par M. Watson:

 

Le présent appel (Curlmaster) repose sur la question

suivante: en ce qui a trait au brevet 554826, la

divulgation de l'invention de Marchessault est-elle si

insuffisante au point d'entraîner l'invalidation du

brevet parce qu'il ne comporte aucun élément brevetable?

Le brevet ne pourrait-il pas être jugé défectueux en

raison d'une description incomplète de l'inventon du

demandeur. Il serait alors possible de le rectifier au

moyen d'une revendication à condition toutefois que

l'erreur a été commise par inadvertance ou accident. (nous

soulignons)

 

Par la suite, l'examinateur a démontré que les nouvelles revendications 7 et 8

(il s'agit des revendications visant à étendre la protection dans le but de

couvrir "au moins un panneau de raccordement") ne sont pas étayées par la di-

vulgation. Elles ne sont donc pas conformes aux dispositions du règlement 25.

Il a déclaré en outre que la divulgation et les illustrations ne révèlent rien

d'autre qu'un panneau sur lequel on trouve une patte (14) de renfort. Dans sa

réplique, M. Watson laisse entendre qu'il dispose de tous les arguments nécessaires

pour réfuter les objections de l'examinateur. Il soutient que dans le brevet,

les revendications 1 et 4 ainsi que l'énoncé général des objectifs visés par

l'invention ne mentionnent nullement la présence de la patte de renfort (14). Par

conséquent, la patte ne peut donc pas représenter un élément matériel de l'in-

vention. Le demandeur parle de la patte de renfort (14) avec précision, unique-

ment dans les autres revendications. Il prétend également que dans l'objet de

l'invention (voir texte au bas de la page 1 ainsi que les trois premières lignes

de la page 2) le demandeur ne traite nullement des panneaux de raccordement. Il

faut poursuivre jusqu'aux réalisations concrètes de l'invention avant de prendre

connaissance des nombreux panneaux de raccordement et des pattes de renfort.

Ces arguments n'ont plus beaucoup de poids lorsqu'à l'analyse des revendications

1 et 4, nous constatons que le demandeur fait de nombreuses allusions à une

"paire de panneaux de raccordement" ou à "des panneaux" et ce, toujours au pluriel.

Le nombre pluriel élimine nécessairement toute éventualité d'un seul panneau de

raccordement allongé ainsi que la possibilité de reprendre la phraséologie de la

revendication 7 pour la redélivrance d'un brevet qui porte sur "un panneau de

raccordement intégré aux... panneaux principaux". Qui plus est, la présence de

deux panneaux de raccordement ainsi que celle d'une patte de renfort (14) est

révélée par toutes les illustrations du panneau en question, et ce, à la fois

dans le brevet original et dans la présente demande.

 

Le demandeur attache beaucoup d'importance à la décision rendue par la Cour

Suprême du Canda dans l'affaire Curlmaster v Atlas Brush (1968) 25 C.P.R. 51.

Le tribunal a effectivement reconnu que l'agent des brevets ne s'est pas rendu

compte que les revendications étaient assorties d'une restriction qui n'avait aucun

rapport avec la question. Je crois cependant qu'il n'y aurait pas lieu de citer

le cas Curlmaster à titre de précédent car les circonstances qui ont amené les

juges à prendre une décision semblable sont tout-à-fait inhabituelles. Dans le

brevet original de Curlmaster, les illustrations laissaient voir les réalisations

de l'invention revendiquée dans la demande de redélivrance où l'objet revendiqué

comme invention principale avait déjà été intégré dans certaines revendications

du brevet original à titre d'élément accessoire de ce qui, au départ, était

réputé être l'invention principale et devint l'objet accessoire de la demande de

redélivrance. D'ailleurs lorsqu'il a discuté d'un jugement antérieur rendu dans

l'affaire Northern Electric v Photosound (1936) D.L.R. 637 et 1936 S.C.R. 649, le

Juge Martland a fait remarquer que dans cette affaire, l'inventeur était à la

fois "un physicien accompli, un technicien radio qualifié et un inventeur qui

avait l'habitude de rédiger des mémoires descriptifs, et qu'en plus, il avait

déjâ obtenu un brevet..." Par contre dans l'affaire Curlmaster, l'inventeur ne

"possédait pas les connaissances d'un ingénieur, et n'avait aucune expérience

des brevets". En ce qui a trait à la présente demande, M. Watson n'a pu fournir

une description des antécédents professionnels de M. Dewhurst, l'inventeur. Nous

savons pertinemment qu'il jouit de nombreuses années d'expérience dans la

conception de bottes de carton auprès des principaux fabricants dans ce domaine.

Depuis 1960 seulement, le gouvernement du Canada lui a accordé au moins douze

brevets, sans compter les autres brevets obtenus à l'étranger. De plus, le

demandeur The Paul Moore Company Limited, n'est pas à ses premières armes.

D'apeès la lettre envoyée par la compagnie le 12 juillet 1973 au sujet du brevet

original, nous constatons qu'elle détenait alors environ 88 brevets, et qu'elle

avait déposé des demandes en Allemagne, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et

au Canada. I1 ne faudrait pas oublier non plus M. MOffat, l'agent de brevets,

pour qui l'aspect technique et juridique des brevets n'a plus de secret. Souli-

gnons entre autres, sa participation au procès de 1960, Unipak v Crown Zellerbach

33 C.P.R. 1; la décision rendue dans ce jugement est devenue un cas d'espèce qui.

fait autorité en matière de caisses de bière. Le demandeur était alors partie

en cause (voir lettre du 12 juillet 1973, p. 4). De toute évidence, nous avons

affaire à des professionnels. I1 leur est impossible d'alléguer, comme les

néophytes, que les méandres du droit des brevets les déroutent. Quant à

l'agent de brevets, je ne crois pas qu'il soit in articulo mortis... Avant de

rendre une décision dans l'affaire Curlmaster, le tribunal a tenu compte de ces

deux facteurs pour déterminer s'il y a eu inadvertance ou pas. Lorsque nous avons

soulevé ce point lors d'une audience, M. Watson a rétorqué que tous risquent de

commettre des erreurs par inadvertance, et que même les personnes les plus quali-

fiées ne sont pas à l'abri. Selon lui, la question soulevée par la redélivrance

doit être rattachée à l'inadvertance et non à l'incompétence.

L'examinateur a attaché de l'importance à un autre document probant. I1 s'agit

d'une lettre insinuant que le demandeur ainsi que son agent n'ignoraient pas que

les revendications du brevet original étaient assorties de restrictions, et qu'en

plus, ils les auraient même délibérément introduites. Dans une lettre datée du

12 juillet 1973, le demandeur a écrit ce qui suit:

 

L'on prétend également (au cours de la poursuite intentée en Allemagne

semble-t-il) que la présente invention du demandeur pourrait être

devancée par un mémoire descriptif déposé aux Etats-Unis au nom de

Toensmeier, et portant le no 2,609,137. Les demandeurs désirent

souligner qu,ils connaissent bien Toensmeier vu qu'il a déjà été cité

à titre d'antériorité lors de l'action en contrefaçon dont le jugement

est rapporté dans 33 C.P.R. 1 à 39. Lorsque l'on confronte la reven-

dication 1 de la présente demande à l'antériorité Toensmeier, l'on

constate que cette dernière ne renferme pas la paire de panneaux de

raccordement intégrés et rattachés à l'une des parois latérales d'un

panneau désigné parmi les panneaux principaux (21, 23). Nous désirons

revenir sur le point suivant: dans la revendication 1 des demandeurs,

les panneaux de raccordement et la poignée se trouvent aussi entre

la paire de panneaux principaux une fois la boîte montée. Par conséquent,

si l'on juge que les panneaux 27 et 29 de Toensmeier constituent des

panneaux de raccordement (parce qu'une fois la caisse montée, ils sont

placés entre les panneaux principaux 21, 23) ceux-ci (27 et 29) sont

alors nettement intégrés et rattachés aux panneaux (13, 17) de ses

extrémités. (nous soulignons)

 

Compte tenu de ce qui précède, il semble que le demandeur s'en est rapporté à la

présence de deux panneaux de raccordement pour justifier son invention par

rapport à l'antériorité. Le cas échéant, la mention des deux panneaux dans les

revendications n'est certainement pas le fruit d'une inadvertance. Lors de

l'audience, lorsque nous avons interrogé M. Watson à ce sujet, il a déclaré qu'on

avait fait mention de Toensmeier en 1973, dans le but de démontrer que son

invention n'était munie d'aucun panneau de raccordement, par opposition à celle

du demandeur. I1 soutient entre autres, qu'aucune attention particulière n'a

été accordée à la paire de panneaux de raccordement, et que le demandeur s'est

tout simplement adonné à des élucubrations linguistiques comme le font souvent ses

semblables dans les mêmes circonstances. De toute manière, qu'il y ait un seul

panneau ou deux, son invention se distingue de celle de Toensmeier. Le représen-

tant du demandeur est alors intervenu pour dire que l'agent ne s'est jamais

interrogé à savoir si l'expression "une paire" pouvait avoir une signification

particulière. Je ne crois vraiment pas que les choses se soient passées ainsi.

J'estime que le demandeur a vraisemblablement justifié son invention en insistant

sur le fait que le panneau de raccordement est rattaché à la cloison plutôt

qu'aux extrémités, comme dans l'antériorité Toeensmeier.

 

Pour élucider la question, j'ai consulté une décision rendue aux Etats-Unis,

en matière de redélivrance; In re Beyers (1956) 43 CCPA 804. I1 y a lieu de

souligner que les dispositions régissant la redélivrance au Canada découlent des

dispositions semblables prévues dans la United States Patent Act. J'aimerais

également rapporter un extrait de Hunter v Carrick (1884) 10 O.A.R. 449 à 468

(décision confirmée 11 S.C.R. 300) dans laquelle le juge déclare ce qui suit sur

la délivrance:

 

Le tribunal peut être appelé à rendre jugement en fonction de

deux lois distinctes (celle des Etats-Unis et celle du Canada).

En ce qui a trait à l'objet du présent jugement, soit la portée

de la redélivrance d'un brevet à partir d'un mémoire descriptif

rectifié, conforme aux dispositions de la United States Patent

Act, ou d'un mémoire descriptif modifié ou rectifié, comme le

stipule la Loi des brevets, nous allons traiter les deux lois sur

un pied d'égalité, c'est-à-dire en fonction de leur champ de

juridiction commun. J'abonde dans le même sens que le savant

juge dont la décision fait l'objet du présent appel lorsqu'il

déclare que les jugements rendus par les tribunaux des Etats-Unis,

et dans lesquels la portée de la Loi a été précisée, établissent

une ligne de conduite que nous devrions suivre...

 

J'ai constaté également que dans Curl-Master v Atlas Brush (voir ci-dessus) p. 527

et 530, le JUge Martland a cité favorablement deux décisions rendues aux Etats-Unis

en matière de redélivrance, tandis que dans Farbwerke Hoechst v Commissioner of

Patents (1966 SCR 606 à 614) il a insisté sur les distinctions à établir lorsque

les dispositions renferment des différences matérielles. Consutons également

Van Heusen v Tooke Bros 1929 Ex. C.R. 89 à 100 ainsi que Leonard v Commissioner of

Patents 14 Ex.C.R. 351 (1914) à la p. 361. En ce qui  trait aux distinctions à

établir, je reviens à la décision Beyers (voir ci-dessus) et constate à la p. 807,

ce qui suit:

 

Dans l'affaire Dobson v Lees 137 U.S. 258, la Supreme Court

des Etats-Unis déclare ce qui suit:

 

La redélivrance constitue une rectification, et ne peut

être accordée que si les erreurs présentes dans le brevet

original ont été commises de bonne foi, c'est-à-dire sans

aucun dessein de tromper, par inadvertance, accident ou

méprise. De là, la redélivrance ne peut être accordée dans

le but d'étendre la portée des revendications formulées dans

le brevet original en y ajoutant un élément omis intention-

nellement auparavant. L'omission en question peut prendre une

des formes suivantes: consentement au rejet d'une revendica-

tion; le rejet d'une revendication en ayant recours à une

rectification que ce soit pour protéger la demande ou pour

éviter une interférence; l'acceptation d'un brevet assorti de

restrictions imposées par le Bureau des brevets, dans le but

de restreindre la portée de l'invention par rapport à ce qui

avait été décrit et revendiqué.

 

Dans Shepard v Corrigan 116 U.S. 593, le tribunal a

formulé une opinion semblable:

 

Lorsque dans le cas d'un brevet visant une combinaison

nouvelle, le demandeur, en raison du rejet de la demande

présentée, est contraint par le Bureau des brevets de

restreindre sa revendication en y introduisant un élément

nouveau, il n'a pas le droit d'étendre par la suite la

portée de la revendication, en laissant tomber cet élément

qui lui avait permis d'obtenir son brevet.

 

Puisque l'annulation volontaire d'une revendication dans le but

d'obtenir un brevet représente un obstacle à l'acceptation de la

même revendication présentée dans la demande de redélivrance, il

ressort manifestement que l'annulation volontaire représente

également un obstacle à l'acceptation d'une revendication qui se

distingue de celle qui a été annulée, uniquement par une portée

plus grande. Les mêmes principes ont été affirmés dans In re

White 23 F. 2e 776, 57 App. D.C. 355 ainsi que dans In re Murray

(voir ci-dessus). Le tribunal a cité favorablement certains extraits

du jugement rendu dans Ex Parte White 1928 C.D. 6:

 

Le retrait volontaire d'une revendication dans le but de

s'assurer l'obtention d'un brevet nous permet de rejeter

hors de tout doute, la présomption d'inadvertance, d'accident

ou de méprise. En renonçant ainsi à une invention, le deman-

deur ne peut espérer un nouveau brevet en interprétant les

revendications dans leur sens large, ou en présentant une

demande de redélivrance dont les revendications ont une

portée plus étendue. La même règle s'applique, que les

revendications qui font l'objet de la demande de redélivrance

ou de toute autre demande soient identiques, semblables ou plus

étendues que les revendications abandonnées.

 

Il en est de même dans In re Wadsworth et al 27 C.C.P.A.

(Patents) 735, 107 F. 2e 596, 43 USPQ 460 où le juge a

soutenu que le retrait d'une revendication d'une demande

originale pour laquelle un brevet a été accordé, revendica-

tion dans laquelle on décrit un procédé, y compris deux étapes

dans un ordre donné, empêche le demandeur d'obtenir un brevet

au moment d'une redélivrance lorsque celui-ci présente une

revendication semblable mais à portée plus grande que celle qui

avait fait l'objet d'un rejet, car la revendication, dans sa

teneur modifiée, ne précise pas dans quel ordre exécuter les

étapes.

 

Nous estimons qu'en restreignant la portée de la revendica-

tion 20 originale au moyen d'une rectification, le demandeur

a délibérément retiré la revendication dans sa teneur originale,

de manière à s'assurer l'octroi d'un brevet; ce rejet volontaire

constitue un obstacle à l'acceptation, par suite d'une demande

de redélivrance, de la revendication 20 dans sa teneur origi-

nale, et de toute autre revendication dont la seule distinction

peut être établie en fonction d'une portée plus grande. Comme

nous l'avons mentionné ci-dessus, les revendications 2 et 3

qui font l'objet de l'appel se distinguent de la revendication

20 originale uniquement par leur portée plus grande que celle

de l'originale. (nous soulignons)

 

Je crois que l'on peut également citer à juste titre, l'affaire In the Matter

of Land's Patent (1910) 27 R.P.C. 481 pour démontrer qu'un geste délibéré ne

peut être qualifié d'involontaire, même si ce geste délibéré a été posé par suite

d'une erreur d'interprétation de la Loi. Cette demande portait sur la restau-

ration d'un brevet périmé, mais j'estime toutefois que le raisonnement adopté

permet de déterminer si un geste délibéré peut être compris dans l'expression

"inadvertance, accident ou méprise", au sens de l'article 50 de la Loi sur les

brevets du Canada.

 

   Dans l'affaire Curlmaster, l'agent de brevets a commis l'erreur de rédiger une

   demande qui n'embrassait pas l'invention du demandeur. Et dans Burton Parsons

   v Hewlett Packard (1976) S.C.R. 555 à 568, la Cour suprême du Canada a naturel-

   lement rejeté la prétention selon laquelle l'erreur ne pouvait être attribuée à

   l'inadvertance ou à la méprise, parce qu'elle avait été commise par un agent et

   non par le demandeur:

 

   Quant à la prétention selon laquelle il n'y a pas eu "erreur"

   malgré l'inadvertance ou la méprise, parce qu'elle a été commise

   par les agents de brevets, et non pas par l'inventeur, je ne vois

   pas pourquoi la Loi aurait une portée si restreinte. Lorsque les

   demandes portent sur une prolongation de délai, un redressement

   par suite d'un manquement, et des points semblables, aucun tri-

   bunal ne prendrait en considération une objection imputant un

   retard au représentant du demandeur et non à son demandeur.

 

   Et vice versa, le demandeur ne peut désavouer les gestes posés par son repré-

   sentant même si les mesures prises l'ont été délibérément. Dans Benday Inc. v

   Vulcan Equipment 32 C.P.R. (2e) (brevet) p. 3, la Cour fédérale a confirmé la

   décision rendue dans Scherin v Paletta (1966) 57 D.L.R. (2e) 532 à 534, en ces

   termes:

 

Lorsqu'un mandat confie à un agent le soin de ses affaires

   en lui déléguant tous les pouvoirs pour en assurer la direction

   à sa place, il est responsable envers les tierces personnes, de

   tous les gestes posés par son mandataire dans le cours ordinaire

   des affaires, ou relevant de la portée apparente de l'autorité

   de l'agent.

 

   Lors de l'audience, le demandeur a fourni un modèle de boîte fabriquée par un

   concurrent (Domtar Packaging Ltd) afin d'illustrer le genre de panneau de raccor-

   dement qui fait l'objet de la revendication actuelle. Bien entendu, l'on a

   professé, du moins devant les tribunaux des Etats-Unis, que l'inadvertance,

   l'accident et la méprise ne peuvent exister lorsque le demandeur fournit une

   description détaillée de ses revendications, et désire étendre, par l'entremise

   d'une demande de redélivrance, la portée de ses revendications originales, après

   avoir pris connaissance d'un dispositif mis de l'avant par un concurrent. (voir

   Whichita Visible Gasoline Pump Co. v Clear Vision Pump Co. 19F (2e) 435, 438,

   C.C.A. 8 (1927) ainsi que Roos v McMillan 64 F 2e 568). Un comportement semblable

   a certainement contribué à éveiller des soupçons de la part des tribunaux, d'au-

   tant plus que le breveté n'a présenté une demande de redélivrance, et constaté

   son "erreur" qu'après avoir pris connaissance du travail accompli par un concur-

   rent. En d'autres termes, sa demande vise à englober une amélioration ou une

découverte réalisée par autrui. Lors de l'audience, M. Watson a admis qu'il

est possible que l'arrivée de la boîte du concurrent soit à l'origine de la

revision qui a donné lieu à la demande de redélivrance; il a soutenu toutefois

que cette remarque ne revêt pas une importance particulière puisque le demandeur

revendique la même invention que celle formulée dans le brevet original. Je

n'ai pas besoin d'insister sur ce point sauf que je doute fort que le demandeur

ait eu à l'origine, l'intention de revendiquer l'objet de la demande actuelle.

 

Il s'agit donc de déterminer si la présente demande renferme les conditions

préalables à l'obtention d'une redélivrance pour l'un des motifs suivants:

inadvertance, accident ou méprise. Compte tenu de la preuve, j'en suis venu à

la conclusion qu'il y a absence d'inadvertance, d'accident et de méprise. Par

conséquent, je dois rejeter la demande en vertu de l'article 42 de la Loi sur les

brevets. Le demandeur a six mois pour interjeter appel de la présente décision

conformément aux dispositions de l'article 44 de la Loi.

 

Le Commissaire des brevets,

 

J.H.A. Gariépy

 

Daté à Hull (Qué.)

ce 4e jour de janvier 1979.

 

Agent du demandeur

 

Moffat, Butler & Graham

C.P. 2088, Terminus D

Ottawa (Ont.)

K1P 5W3

 

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