Brevets

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                   DECISION DU COMMISSAIRE

 

  Evidence: Tracteur minu d'une transmission hydrostatique

 

  La transmission hydrostatique a déjà été utilisée dans le cas de véhicules à

  chenilles dont la manoeuvre est restreinte à la marche arrière et à la marche

  avant. Les avantages que comporte son utilisation sur un tracteur à quatre roues

  moto-directrices et à benne glissante n'ont pas été démontrés de façon précise.

 

  Décision finele: Annulée

 

                        ***********************************

 

  La présente décision porte sur une demande de révision par le Commissaire des

  brevets, des décisions finales de l'examinateur, l'une du 13 mai 1977 et portant

  sur la demande no 224,388 (classe 180-3), et l'autre du 2 février 1977 portant sur

  la demande 224,390 (classe 180-3). Les demandes, déposées le 11 avril 1975 au

  nom de Clark Equipment Company, s'intitulent "Tracteur muni d'une transmission

  hydrostatique". La Commission d'appel des brevets a tenu une audience le 27

  septembre 1978 à laquelle MM. D. McKenzie, J. Bauer, l'inventeur, et M. E. Ruf,

  l'avocat du demandeur aux États-Unis, ont assisté.

 

  Il s'agit de demandes divisionnaires subordonnées à la demande 126,196 qui a

  donné naissance au brevet no 979,371, daté du 9 décembre 1975. Les demandeurs ont

  déjà déposé deux autres demandes divisionnaires, soit les demandes 224,387 et

  224,389 pour lesquelles les brevets no 985,179 et 985,641 ont été accordés respec-

  tivement.

 

  Les demandes présentées portent sur un chouleur compact, à chargement antérieur,

  du genre tracteur sur pneux, muni de chaque côté du véhicule, de paires de roues

  menées. Indépendamment des roues de l'autre côté du véhicule, les roues d'un

  côté sont actionnées au moyen d'une transmission hydrostatique. La figure 1 de

  la demande illustre ce genre de véhicule.

 

                              <IMG>

 

  Dans ses décisions finales, l'examinateur a rejeté les revendications alléguant

  l'absence d'éléments brevetables par rapport aux brevets suivants:

 

  Canada    747,216               29 nov.1966              Melroe et al

 

 Etats-Unis 2,941,609             21 juin 1960              Bowers et al

 

 Etats-Unis 3,024,858             13  mars 1962             Davis et al

 

 Etats-Unis 3,161,245             15 déc. 1964               Thoma

 

Etats-Unis 3,416,623              17 déc. 1968               Boone

 

   Le brevet Melroe, dont le demandeur est le détenteur, porte sur le véhicule

   utilisé dans les présentes demandes, exception faite de la transmission où l'on

   a employé un embrayage à courroie yen V.

 

   Les brevets Thoma et Bowers mentionnent tous deux l'utilisation d'une transmission

   hydrostatique pour des véhicules à chenilles. L'antériorité Boone porte sur

   l'utilisation d'une transmission hydrostatique dans le cas de tracteurs d'avions.

   Le véhicule sur roues dont parle Adams est muni d'un pignon à chaîne associé à

   un entraînement par courroie en V.

 

   Dans sa décision finale (demande 224,388) l'examinateur déclare notamment:

 

La référence principale, soit le brevet Melroe, porte sur

   un véhicule à quatre roues moto-directrices, muni de chaque

   côté de roues actionnées indépendamment l'une de l'autre;

   entre les paires de roues, l'espacement transversal est plus

   grand que l'espacement longitudinal. Ce véhicule est muni de

   deux réservoirs d'huile.

 

   Dans chacun des brevets suivants, soit Bowers, Davis, Thoma et

   Boone, l'on parle d'une transmission hydrostatique indépendante

   de chaque côté du véhicule.

 

   Que le demandeur ait recours à une transmission hydrostatique

   pour son véhicule ou celui du brevet Melroe nous apparaît évi-

   dent. Pour qu'une invention devienne brevetable, il ne suffit

   pas d'utiliser un élément dont l'utilisation n'a pas été res-

   treinte à un véhicule particulier. Lorsqu'il s'agit d'un progrès

   technique comme la réalisation d'un nouveau genre de transmission,

   ce progrès n'est pas pour autant digne d'un brevet du fait que la

   transmission peut être utilisée dans divers genres de véhicules.

 

   En ce qui a trait au pignon à chaîne mentionné dans l'antériorité

   Adams, il peut être utilisé conjointement avec tout genre de

   transmission. Il s'agit plutôt d'une question de choix. Quant

   au tendeur de chaîne, son emploi est fort connu.

 

   Analysons maintenant la prétention du demandeur en vertu de

   laquelle il se produirait une certaine synergie. L'examinateur

   rejette cette affirmation car l'accroissement de la maniabilité

   constaté lorsque le véhicule prend un virage est justement une

   des particularités afférentes aux transmissions hydrostatiques:

   le rapport des vitesses auxquelles les roues opposées tournent

   varie infiniment. Autre particularité propre à ce genre de

   transmission: lorsque la commande intérieure n'a bas besoin de

   tout le pouvoir dont elle dispose, le surplus passe à la commande

   extérieure et ce, que ce soit: sur un véhicule à chenilles ou sur

   roues. La répartition uniforme du pouvoir s'explique également

   par la multiplicité de vitesses disponibles, ce dont on a parlé

   ci-dessus lorsqu'il était question des particularités afférentes aux

   transmissions hydrostatiques."

 

   Dans sa réponse à la décision finale, le demandeur déclare notamment:

 

   "La question est bine simple. Les revendications 1 et 2 traitent

   de la combinaison nouvelle d'un tracteur à quatre roues moto-

   directrives et à benne glissante, du genre chouleur à chargement

   antérieur, muni de chaque côté du véhicule, d'une transmission

   hydrostatique indépendante et variable. Bien que le terme hydro-

   statique" puisse être assorti d'autres significations, il est

   utilisé couramment (et surtout dans la présente demande) pour

   désigner ce genre de transmission indépendante et variable.

   L'examinateur a rejeté la combinaison nouvelle alléguant qu'elle

   découlait naturellement de la combinaison de son propre brevet

   (brevet du Canada no 747,216) à celui de Melroe et al où l'on

démontre le fonctionnement d'un véhicule à quatre roues

muni de commandes par embrayage (brevet du Canada no 755,913),

à celui de Adams Jr. où l'on traite d'un dispositif de pignon

à chaîne ainsi qu'aux quatre autres brevets des Etats-Unis

afférents à des véhicules à chenilles (ou sur roues) munis de

transmissions hydrostatiques indépendantes."

 

Le demandeur est le chef de file dans ce domaine; il jouit donc

d'une connaissance approfondie de tous les genres de véhicules.

Effectivement nous avons annexé une déclaration sous serment

de l'inventeur, M. J. Bauer. Celui-ci énumère quelques uns des

avantages que comporte le chouleur "BOBCAT" par rapport aux an-

tériorités citées. Il mentionne également l'imposant succès

commercial remporté par ce nouveau véhicule. Bien que les

tracteurs à roues moto-directrices et à benne glissante aient

été sur le marché depuis nombre d'années, ils ont connu une

popularité sans précédent depuis que le demandeur a pris

l'initiative de cette heureuse combinaison. Cette situation

s'explique par le fait que la combinaison a engendré une certaine

synergie inespérée en matière de rendement. Même si l'utilisation

de transmissions hydrostatiques indépendantes sur des véhicules

à chenilles plus imposants était déjà connue, ceux-ci n'ont jamais

remporté de succès commercial en raison des difficultés afférentes

à leur fonctionnement. Soulignons particulièrement l'expérience

nécessaire pour arriver à les manier ainsi que la perte de puis-

sance en résultant.

 

De toute évidence, il est souhaitable que les petits véhicules de

ce genre puissent être maniés rapidement et souvent, dans des

endroits où l'espace est restreint. Il est donc imoortant de leur

assurer un fonctionnement doux et régulier comme celui d'un véhicule

muni d'une transmission ordinaire. Malheureusement il a été impos-

sible d'obtenir le résultat escompté avec les tracteurs à roues moto-

directrices mentionnés dans les antériorités citées. Qui plus est,

l'opérateur doit pouvoir en apprendre le maniement assez rapidement.

Le rapport des vitesses auxquelles les roues opposées tournent varie

infiniment, ce qui permet au véhicule de pivoter doucement, quelle

que soit la vitesse, et d'améliorer grandement sa maniabilité.

Pour y arriver avec les tracteurs munis de commandes par embrayage,

il fallait avoir recours à une manoeuvre délicate, le freinage

progressif. Pour faciliter le virage des véhicules à chenilles, il

faut déterminer la largeur de la voie de roulement en fonction de

celle du véhicule et d'autres facteurs afférents à la conception

technique. Si la conception de la voie de roulement n'est pas

conforme aux normes prévues pour le maniement du véhicule, il sera

très difficile de la manoeuvrer. On peut même se trouver dans

l'impossibilité de lui faire faire autre chose que la marche avant

et la marche arrière. Ce problème touche encore plus les véhicules

à quatre roues moto-directrices car la charge est répartie en quatre

points différents, dont deux de chaque côté du tracteur, et à ces

endroits bien précis, le pouvoir de direction doit être exercé

au sol.

 

Il s'agit maintenant pour la Commission de déterminer si le demandeur a réalisé

un progrès technique brevetable.

 

Nous avons porté une vive attention à la thèse pertinemment présentée à l'audience

par MM. McKenzie, Bauer et Ruf.

 

Selon l'examinateur, il semble évident que le demandeur remplace l'embrayage à

courroir en V de Melroe par la transmission hydrostatique. Pour démontrer que

la transmission hydrostatique est déjà bien connue, il a cité bon nombre d'an-

tériorités.

 

Par contre, le demandeur soutient que l'association de la transmission hydro-

statique au véhicule de Melroe engendre "une certaine synergie inespérée en

matière de rendement". M. Bauer a insisté sur le fait qu'il est possible de

manoeuvrer ce genre de véhicule avec précision et dans des endroits où l'espace

est restreint. Bien que l'embrayage à courroir en V de Melroe donne un bon

rendement, l'installation de la transmission hydrostatique en a nettement amélioré

la maniabilité.

 

L'un des problèmes soulevés par l'embrayage à courroie en V touche l'effort manuel

(de 60 à 80 livres) que doit déployer le conducteur lorsqu'il actionne les leviers

de direction et, après quelques heures de travail seulement, celui-ci se trouve

exténué. Autre faiblesse de la transmission utilisée par Melroe: sa durée de vie.

Effectivement, la durée de vie de l'embrayage correspond à 300 heures d'utilisation

tandis que celle de la transmission avec courroir en V correspond à environ 1,000

heures. Ce genre de transmission présente un autre désavantage: le plus gros

modèle communique une puissance maximale de 30 hp. La compagnie désire fabriquer

des véhicules munis de moteurs de 100 hp, ce qui dépasse de beaucoup les possibili-

tés offertes par la transmission avec courroie en V.

 

M. Bauer a conçu la combinaison de la transmission hydrostatique au véhicule de

Melroe dès 1966, mais à ce moment, le marché n'offrait aucune transmission de ce

genre pour un véhicule commercial, et dans la gamme de prix fixée par la compagnie.

Les transmissions hydrostatiques étaient alors utilisées sur les tracteurs à

chenilles, comme le démontre l'antériorité citée. L'industrie aérospatiale se

servait elle aussi d'un modèle très coûteux afin de produire, à partir d'une

source variable, et à une vitesse uniforme, de l'électricité. Cette même année,

un certain nombre de fabricants offraient eux aussi ce genre de véhicule muni

d'un embrayage à courroie en V.

 

Après avoir conclu une entente avec un fabricant pour qu'il produire une transmission

hydrostatique adaptée à ce genre de véhicule, le demandeur a constaté que cette

nouvelle transmission comportait de nombreux avantages par rapport à celle de

Melroe. L'une des caractéristiques principales de la transmission hydrostatique

touche sa durée de vie: 250,000 heures par opposition à la durée de vie de la

courroie qui n'atteint que 1,000 heures dans l'antérioriré citée. Le maniement

des leviers de direction nécessite tirés peu d'effort de la part du conducteur

qui n'a plus à éprouver de problèmes de fatigue. Une comparaison du rendement de

deux véhicules identiques a démontré que le tracteur muni de la transmission hydro-

statique accomplissait 2 à 4 fois plus de travail que celui muni de l'embrayage

à courroie en V. Qui plus est, la transmission hydrostatique a permis d'éliminer

le "freinage progressif" nécessaire aux opérations de virage. L'usure du véhicule

s'en trouve par le fait même réduite tandis que sa durée de vie augmente.

 

Puisqu'il s'agit d'un petit véhicule, nous sommes convaincus que la transmission

hydrostatique améliore sensiblement: sa maniabilité lorsqu'il faut évoluer rapide-

ment, et dans des endroits où l'espace est restreint. I1 nous semblait normal

d'utiliser une transmission de ce genre pour les tracteurs à chenilles, mais leur

évolution se limite à un seul mouvement rectiligne, soit la marche avant ou la

marche arrière. Les avantages que comporte l'utilisation de la transmission hy-

drostatique sur le véhicule de Melroe, le tracteur à quatre roues moto-directrices

et à benne glissante ne nous apparaissaient pas évidents.

 

Autre point qui a fait l'objet de discussions: son succès commercial. Selon

M. Bauer, en 1966, avant que la compagnie ne munisse ses véhicules de transmis-

sions hydrostatiques, son chiffre d'affaires atteignait 7 millions de dollars

tandis qu'à l'échelle mondiale, on évalue les ventes dans ce domaine, à 15 millions.

I1 semble qu'actuellement, toutes les compagnies utilisent la transmission hydro-

statique. Chez Clark, on prévoit vendre pour 80 millions comparativement aux 200

à 250 millions à l'échelle mondiale. De par sa nature, l'invention n'amène pas

le consommateur à subir des pressions publicitaires indues de la part des vendeurs.

Nous en sommes donc venus à la conclusion que la transmission hydrostatique

justifie amplement le succès commercial remporté.

 

Jetons un coup d'oeil rétrospectif sur le dossier. A prime abord, il semble évident

de munir les petits véhicules de transmissions hydrostatiques, et nous comprenons

facilement comment l'examinateur en est arrivé à une conclusion semblable, Par

contre, nous avons eu la preuve du contraire après avoir pris connaissance des

points soulevés lors de l'audience, à la suite de la décision finale rendue par

l'examinateur. Auparavant, lorsque la transmission hydrostatique était utilisée

sur des véhicules à chenilles, les résultats n'étaient pas parfaits. En effet,

au moment. des opérations de virage, les forces exercées sur les chenilles les

faisaient souvent détacher de leur support. Le succès de l'invention repose

essentiellement sur le calcul minutieux de la largeur de la voie de roulement

en fonction de celle du véhicule.

 

Les nombreux avantages que comporte l'invention revendiquée ainsi que le succès

commercial remporté dès sa mise en marché sont à la base de notre décision.

 

Compte tenu des éléments de preuve présentés, la Commission en est arrivée à la

conclusion que l'invention revendiquée fait preuve de "capacité inventive".

 

Le demandeur a soulevé quelques objections en ce qui a trait aux exigences régis-

sant les demandes divisionnaires au Canada. Après analyse des trois brevets déjà

octroyés au demandeur, nous avons constaté que chacun d'eux porte sur une inven-

taon distincte. L'exigence d'une demande divisionnaire était donc justifiée.

Toutefois, nous estimons que les deux demandes à l'étude portent principalement

sur la combinaison de la transmission hydrostatique au véhicule de Melroe. I1

semble que les deux demandes sont chapeautées par une seule et même invention.

Une revendication conforme au règlement 60 permettrait de respecter les exigences

imposées en vertu de la Loi, et rendrait possible le regroupement des deux demandes

en une seule.

 

Pour conclure, nous sommes désormais convaincus que le demandeur a réalisé un

progrès technique brevetable. La Commission recommande donc que la décision

finale de rejeter les revendications, soit retirée.

 

Le président de la                        S.D. Kot

Commission d'appel des brevets            Membre

                              Commission d'appel des brevets

 

G.A. Asher

 

Après étude de la présente demande, je souscris aux recommandations de la

Commission d'appel des brevets. Par conséquent, je retire la décision finale.

La demande est par le fait même octroyée à l'examinateur pour exécution.

 

Le commissaire des brevets

                              Agent du demandeur

            George H. Riches & Associates

            67 Yonge St.

J.H.A. Gariépy                      Toronto (Ont.)

 

Datée à Hull (Qué.)

ce 1er jour de décembre 1978

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.